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Critiques de Mireille Gagné (133)
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Le lièvre d'Amérique

Court roman assez étrange et très original, « Le lièvre d’Amérique » surprend tout d’abord par sa forme littéraire.

En effet, le récit est organisé en six parties séparées les unes des autres par une double page représentant une sorte de peinture sombre et il se termine par un épilogue.

Chaque partie est elle-même composée de quatre courts chapitres correspondant à trois temporalités différentes de Diane, le personnage principal - la temporalité J+, la J- et le passé plus lointain de Diane, alors âgée de 15 ans - ainsi que d’un quatrième temps qui correspond à des passages explicatifs sur le lièvre d’Amérique. Chacune de ces temporalités est rédigée dans un style différent. Ainsi, la temporalité J- est rédigée d’une traite, sans aucune ponctuation, correspondant pleinement à l’état d’essoufflement dans lequel se trouvait Diane avant son opération.

Ce premier roman de Mireille Gagné est en fait une dystopie pourtant bien ancrée dans notre monde réel, cherchant à réfléchir sur les cadences infernales imposées au travail dans les sociétés néolibérales, avec une déconnexion totale à la nature.

Mireille Gagné a l’art de tenir en haleine son lecteur. Néanmoins, ayant commencé par découvrir cette autrice par le biais de son second roman, « Frappabord», j’ai été quelque peu déçue à la lecture de celui-ci, que je en effet trouve moins abouti.

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Bois de fer

Me voici de retour de ma première journée de bénévolat à Étonnants Voyageurs avec dans ma besace quelques livres dont celui-ci offert par Julien Delorme. Ravie de le revoir, nous nous étions croisés sur le temps du repas.



La rencontre avec Mireille Gagné et les lycéens a été passionnante alors je n’ai pas résisté et j’ai commencé Frappabord, le dernier roman de Mireille Gagné, dans le bus. Rentrée chez moi, j’ai aussi voulu lire quelques pages du recueil de poésie et découvrir la poétesse. Et là, je me suis pris une grosse claque. Par résonance, échos d’anciens maux, je n’ai pu me détacher de ces mots. J’ai eu envie d’y ajouter les miens sans recherche particulière ; simple écho.



Ce recueil est un véritable coup de cœur. Et pas juste pour ces émotions ressenties, rassurantes : non, nous ne sommes pas seul(es). Tout le travail autour de la métaphore de l’arbre et du bois, des branches, de ses cicatrices, de ses gourmands et autres champignons et insectes est magnifique. La nature en toile de fonds, celle dans laquelle j’aime m’ancrer et respirer, espérer et me renouveler.



Vous lisez de la poésie ? Des idées reçues ? Changer de perspective en lisant ce recueil !!!



Merci

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Frappabord

Petit roman dystopique très prenant qui nous emporte dès les premières pages, suivant tour à tour le quotidien monotone d’un jeune Québécois, Théodore, en juin 2024 alors que sévit une canicule sans précédent, et celui plus extraordinaire de Thomas, universitaire dont le destin se retrouve, de 1942 à 1943, intimement lié, bien malgré lui, aux recherches d’armes bactériologiques menées conjointement par les armées canadiennes et américaines sur Grosse-ile, dans le fleuve Saint-Laurent. Dans un rythme haletant, avec une écriture précise, directe et incisive, Mireille Gagné alterne les deux époques, mêlant un troisième point de vue, celui précisément d’un frappabord, ces mouches à chevreuil, plus communément nommées taons en France. Dans une ambiance de polar, les deux époques finiront par s’entrecroiser. Le tour de force de Mireille Gagné est de parvenir à nous tenir en haleine, jusqu’au bout, en mêlant éléments historiques et éléments d’anticipation.

Une agréable découverte qui donne envie de lire son premier roman à succès Le lièvre d’Amérique.
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Frappabord

Dans ce roman, l’autrice ose donner la parole à une de ces infâmes bestioles dont le bizz-bizz continuel est comme les sirènes qui préviennent des bombardements, presque aussi dérangeant que la piqûre elle-même.



De quoi « piquer » votre curiosité ?



Ajoutons un retour à la Seconde Guerre mondiale où des laboratoires bactériologiques ont été installés sur une île du fleuve St-Laurent.



Et lorsque les insectes risquent aussi d’être porteurs de virus mortels, l’histoire tourne au cauchemar.



Vous aurez compris qu’il s’agit d’un roman dystopique, savoureux mélange d’écologie et d’imaginaire, mais rien de lourd, car porté par une belle écriture.
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Le lièvre d'Amérique

"Le lièvre d'Amérique" est un roman très court mais tout à fait suffisant pour nous embarquer et nous faire réfléchir sur la dépendance au travail, sur son absurdité et les conséquences désastreuses sur l'être humain. Combien de burn out, de dépressions liées au travail ?

Ce n'est cependant pas un essai, loin de là. Ce roman s'apparente plus à une fable.

4 temps alternent :

- 1 sur le lièvre d'Amérique et sa "carte d'identité", ses caractéristiques,

- 1 sur Diana à 15 ans lorsqu'elle est nature et proche de la nature,

- 1 durant laquelle elle est adulte et travaille toujours plus pour être la meilleure, pour être performante, elle en devient un robot

- 1 après l'opération qui lui fait retrouver sa part animal.

Le style est particulier et intéressant. À certain moment la ponctuation disparaît mais cela a bien sûr du sens, le "je" qui caractérise l'identité disparaît également comme un robot qui n'a plus sa part d'humanité, tout se bouscule, les mots s'enchaînent.

C'est un livre qui fait réfléchir . Laissons la part d'animalité qui sommeille en nous se développer et rapprochons-nous de la nature... cessons de vouloir toujours plus et d'alimenter ce système capitaliste.

Un retour à la nature semble indispensable, urgent.

Il y a un petit lexique à la fin sur le vocabulaire maritime il aurait été utile qu'il y en ait également un sur certains termes québécois car il a fallu que j'aille les chercher sur internet. Mais ceci n'entache en rien le plaisir que j'ai eu à lire ce petit roman.
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Frappabord

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai une relation avec les insectes volants assez peu amicale, surtout avec ceux qui se régalent de nos peaux, de notre sang, la nuit de préférence lorsque l’on est sans défense.

Quel choix pertinent donc de la part de Mireille Gagné que d’en faire le sujet de son roman pour piquer et gratter là où ça fait mal.

Elle nous donne à entendre trois voix, celle d’un jeune homme de nos jours, dans un Montréal écrasé par la chaleur et où la violence gagne du terrain, celle d’un homme pendant la deuxième guerre mondiale, à qui l’on confie une mission aussi insensée que dangereuse, et enfin, celle d’une femelle frappabord.

Mireille Gagné questionne notre relation au dérèglement climatique, l’aveuglement des hommes, leurs bêtise, quand il s’agit de se servir de la nature, de l’exploiter sans logique plutôt que de la respecter.

Un excellent deuxième roman dont je me suis régalée autant que du premier.
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Frappabord

Une mouche sensuelle, des personnages en colère et un environnement en danger. Seule la mouche est heureuse, joyeuse.

L'écriture a une saveur didactique.

J'aurais aimé que les personnages soient plus développés et décrits dans plus de dimensions. Ils sont attachants mais la mouche les connait mieux. Les lecteurs voient peu d'eux.

Le sujet est captivant et la trame, bien menée.
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Frappabord

Une lecture drôle et triste a la fois ce Frappabord. Deuxième roman de Mireille Gagné, il se déroule sur trois époque avec trois personnages. Dont le plus attachant est certainement une mouche!

Frappabord désigne en fait ce qu'ont appelle, au Québec, un taon a cheval. Dans ma région, je n'ai jamais entendu parler de frappabord. C'est peut être totalement fictif ou un mot originaire d'une autre région. Mais peu importe, ce roman réunira donc un de ces buveurs de sang et et deux hommes de différentes époques mais qui ont des liens important.

Bien sur c'est la couverture avec ses couleurs flamboyantes qui m'ont attirées. Et une fois ouverte, le lecteur plonge dans l'histoire d'une famille bouleversée par la guerre, et d'étrange expérimentation virale sur nos amis les mouches. Tout du long ont est intrigués, fascinés et amusés par ces histoires et la vie de cette mouche qui nous regarde d'un oeil presque sexuelle! J'ai beaucoup aimée Frappabord et vous le recommande fermement!

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Frappabord

Je n'ai pas du tout apprécié ce roman (documentaire ?). Sachant qu'il n'y avait que 200 petites pages, je suis allé jusqu'au bout, mais inutilement. Au niveau du style, on dirait un résumé de texte avec des phrases courtes, neutres. Aucune intrigue, aucun suspense : en une seule page, tout est dit. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il y a autant de bonnes critiques : est-ce parce qu'elles sont faites par des gens des environs de Montmagny qui aiment voir parler de leur région dans un roman ?
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Frappabord

Eté 2024, les températures sont caniculaires à Montréal, les esprits s’échauffent, les frappabords, mouches piqueuses, pullulent dans toute la ville et ne cessent de s’en prendre à tous.

1942, tous les moyens sont bons pour gagner la guerre, même les plus vils.

Roman dont la première force est l’écriture. Une langue qui s’enroule, qui se love en circonvolutions, une langue qui bute, hachée, brutale.

Roman dystopique dont l’originalité tient à un nous et un vous inhabituel.

Roman écologique où l’animal prend la parole.

Roman qui fait froid dans le dos, plutôt par crainte de l’homme que de l’insecte, certains faits ont une base historique.



Autrice à suivre

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Frappabord

Un petit roman sans ambition.

Le thème de l'histoire est original, mais le roman manque cruellement de punch.

De plus, l'alternance entre les histoires de 1942 à 2028 (incidence des évènements de 1942 sur la période 2028) est totalement irréaliste !

Bilan, je n'ai pas du tout accroché !
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Frappabord

Le récit se déroule au Québec, il s’organise autour de quatre personnages principaux dont les destins vont se croiser. Il y a une Frappabord, mouche dévoreuse piqueuse de la famille des tabanidés, qu’en France on nomme habituellement ‘’taon’’. Il y a Theodore, ouvrier solitaire, harcelé par des hordes de ces fameuse mouches piqueuses, qui s’occupe de son grand père Emeril. Enfin il y a Thomas, entomologiste, recruté en 1942, par les militaires pour développer des armes bactériologiques.

Le roman prend pour cible, l’irresponsabilité totale de l’espèce humaine prête à toutes les manipulations sur la nature et le vivant pour asseoir sa domination. L’orgueil absolu de l’homme qui conduit à de multiples changements irréversibles dont nous commençons à sentir les résultats: violence généralisée, dérèglement climatique, pandémies…

L’histoire mêle habilement diverses époques et de nombreuses terreurs humaines (insectes, dévoration, délitement, maladie…) pour dénoncer la catastrophe écologique en marche.

Un livre étonnant qui interpelle par son originalité et son propos.

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Frappabord

Il propose un équilibre parfait entre le passé et le présent, et inclut même d’habiles petits chapitres qui présentent le point de vue de l’insecte honni. L’intrigue est plutôt limpide et se laisse dévorer d’une traite.
Lien : https://lactualite.com/cultu..
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Frappabord

Frappabord, c’est une espèce de taon. Une espèce qui n’hésite pas à arracher un bout de peau de sa victime pour se repaitre de son sang. Frappabord, c’est aussi le premier personnage de cette histoire singulière, qui prolifère et mord à qui mieux mieux dans un Montréal surchauffé par un été caniculaire.



Sa victime, c’est Théodore, le deuxième personnage du roman de Mireille Gagné. Ouvrier, il hésite à récupérer son grand père maltraité dans son Ehpad.



De son côté, au mitant de la deuxième guerre mondiale, Thomas, entomologiste, est réquisitionné avec d’autres scientifiques afin de donner naissance à des armes bactériologiques dans un camp de recherche sur Grosse-Ile, au milieu du Saint-Laurent.



Se basant sur une histoire similaire et véridique, l’autrice nous fait ressentir à travers ces trois êtres, de manière habilement charnelle, toute la toxicité des initiatives humaines tendant à manipuler le vivant, et nous livre également une magnifique histoire de transmission. Bravo !
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Frappabord

Je pense qu’il y a une forme de snobisme à chérir les écrivains Québécois. Ils sont étrangers mais pas trop, puisqu’ils emploient la langue de Molière. Mais cet engouement est justifié. Il y a chez les auteurs francophones une fraîcheur, un détachement, une originalité que nos littérateurs hexagonaux ont perdue. J’ai récemment retrouvé ces qualités chez Kevin Lambert et Éric Chacour. Mireille Gagné, avec un peu moins de panache, ne fait pas exception.

De quoi le Frappabord est-il le nom ? D’un spécimen de taon redoutable qui mord ses proies sans ménagement. Pendant la seconde guerre mondiale, des militaires inconscients ont l’idée de l’utiliser pour transmettre un virus létal. Le cauchemar devient réalité quand survient une énième manifestation du dérèglement climatique.

Pour raconter son histoire, Mireille Gagné s’est placée dans la peau des chercheurs, du petit fils de la première victime avérée et, trouvaille géniale, d’un frappabord malin et retord. C’est évidemment le témoignage de la vermine qui m’a le plus amusée. Il donne son piquant au récit (lire les chapitres intitulés « proie » et « coït » - un bonheur coupable). C’est d’ailleurs au taon que revient la responsabilité de tuer le suspense et de punir ces hommes qui n’ont toujours pas compris qu’en maltraitant la nature, ils courent à leur perte. Plus bêtes, tu meurs…

Une fable écologique qui se lit avec plaisir.

Bilan : 🌹

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Frappabord

"Je vous repère d’abord de loin, attirée par vos mouvements, mêmes infimes, et surtout par la chaleur et le dioxyde de carbone que vous dégagez. Je m’avance précautionneusement et hume votre odeur. Vous possédez tous des effluves différents. J’avoue préférer celui des mâles, un peu plus acidulé et épicé, terreux parfois, mais toujours enivrant."



2024, Canada, Théodore, fatigué, usé, par un travail répétitif, une chaleur exceptionnelle, épuisante, se traine pour aller travailler. Il passe des nuits à se battre contre les taons à cheval, des mouches à chevreuil, qui envahissent son appartement par le moindre interstice. Après la mort de ses parents, il est seul à s’occuper de son grand-père, qui vit dans un institut, ça lui retourne l’estomac de le voir attaché et si maigre.



"Délicatement, je dépose ma bouche sur votre peau suave, telle une langue chaude, initiant juste assez de succion pour en goûter la saveur. Une pulsion indescriptible m’envahit. J’entrouvre ma bouche et perce votre tégument de mon stylet en forme de couteau. La plaie ainsi ouverte laisse échapper les fluides corporels. Je suce et avale avec délectation votre sang, fabuleuses proies. Chaud. Sucré. Précieux. Vital. Je suis hématophage."



1942, afin de contribuer à l’effort de guerre, Thomas, chercheur dans une université de Montréal, est réquisitionné par l’armée canadienne, pour travailler en tant qu’entomologiste dans un laboratoire. Il se retrouve sur Grosse-Île, au beau milieu du Saint-Laurent, ils sont trente scientifiques : douze en provenance des États-Unis, quatorze d'Angleterre et quatre du Canada. Le programme de guerre bactériologique déployé sur l’île était une collaboration entre ces trois pays. Pourquoi à cet endroit ? interdiction de discuter entre collègues ou avec le personnel de l’armée et les employés de l’île. "If you ever speak, people could die."



A l’ouest, dix spécialistes de l’anthrax s’activaient sur le projet N, un peu plus au nord, quinze virologistes travaillaient sur le projet R (pour Rinderpest), et à l’est, pour le projet F (pour Fly), collaboraient, un virologiste, un pathologiste, deux épidémiologistes et Thomas, spécialisé dans l’étude des insectes.



"Pour nous, les conditions idéales étaient réunies, ce qui nous permettait de nous multiplier abondamment. Vous auriez probablement ressenti de la nausée en nous voyant surgir sur les berges du Saint-Laurent : une nuée de frappabords, en une seule main sombre et vorace, caressant les herbes hautes au lever du soleil.

La plupart de mes congénères s’étaient réfugiés dans les champs où vous laissez paître le bétail. Je m’acharnais jour et nuit sur ces pauvres bêtes sans défense. J’adorais particulièrement leurs oreilles tendres. J’avais la possibilité de les savourer tout en observant leurs yeux désespérés. Cela les rendait complètement folles, et moi, fébrile."



2024, Les températures atteignent des sommets encore inégalés à ce jour au Québec…quarante degrés Celsius. L’énervement est à son comble, des cas de violence à Montmagny, des bagarres, la prolifération d’insectes. Des biologistes cherchent à expliquer l’importante éclosion de mouches à chevreuil dans la région.



"J’ai goûté toutes vos peaux, vos sangs, vos sueurs, hommes, femmes, enfants, malades, stressés, propres, sales. J’ai digéré toutes vos chairs dans l’objectif ultime de me reproduire un jour.

En même temps, cette attente remplissait chacune de mes cellules d’une délicieuse béatitude préorgasmique. J’avais appris de mes ancêtres que la patience se cultive ; on appelle cela la chasse.

Une envie si profonde s’est alors emparée de moi. J’ai craqué. Succombé. Abdiqué. Abandonné toute retenue."



Frappabord de Mireille Gagné, un livre très intéressant, sur un épisode de l’histoire que je ne connaissais pas, une fiction, inspirée de faits historiques. Une leçon aussi pour le futur de notre planète. Le titre m’a attiré, ayant déjà croisé ces insectes dans "À la lisière du monde". Moi, qui prend les jambes à mon cou, au moindre bruissement d’ailes, c’est effrayant. Coucou les Canadiens, je vous aime, mais gardez-les chez vous, je vous assure qu’on a ce qu’il faut. Merci.



"Il n’existe pas de mot assez puissant pour décrire l’agacement, l’emportement, la tristesse, l’énervement, l’exaspération, l’impatience, la frustration, l’indignation, l’impuissance, la résignation, l’irritabilité, la susceptibilité, la fureur, l’amertume, la dureté, l’affolement, l’agitation, l’embrasement, la violence, la furie, la rage dévastatrice qui m’habite depuis ce jour-là. Quand je pense à toi et à ton espèce.

Je vous méprise. Je vous déteste. Je vous abhorre. Je vous exècre. Je vous aversionne. Je n’ai jamais vu des individus aussi malveillants envers eux-mêmes et les autres.

J’avais confiance que la canicule persisterait. Vous aviez suffisamment perturbé le climat pour permettre la poursuite de ce cycle. Je laissais leur destin entre les mains de la nature, sachant au plus profond de moi que j’avais parfaitement accompli ma mission. Je t’avais transmis bien plus qu’une simple morsure. Notre rage devenue tienne."



Un récit bien écrit et qui se lit très vite, une découverte pour moi.







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Frappabord

La vengeance de la nature



Mireille Gagné revient avec un thriller écologique qui, à partir de recherches menées en 1942 par l'armée, va déboucher sur les mutations d'insectes. Durant l'été caniculaire de 2024, l'un des derniers témoins, va pousser son petit-fils dans une quête de vérité. Flippant!



Avant d'entrer de plain-pied dans ce roman, une petite définition, celle de Frappe-à-bord ou frappabord. Il s'agit, au Québec, du nom générique donné à diverses variétés de mouches piqueuses. Surnommées également taon à cheval, mouche à cheval, mouche noire ou mouche à chevreuil, on dit qu’elles frappent d’abord leur victime avant d’arracher une parcelle de peau pour se nourrir de sang. [Genre Chrysops; famille des tabanidés.]

C'est l'un de ces spécimens qui raconte dans le chapitre initial comment il se délecte des peaux douces et du sang de ses proies.

Sa victime s'appelle cette fois Théodore. Il est éreinté par son travail à la chaîne et par la canicule qui plombe l'Amérique du Nord et notamment Montréal et sa région. Le jeune homme a laissé un trou dans sa moustiquaire et ne peut que constater les dégâts. À la douloureuse piqûre succède une rougeur et des démangeaisons.

Le lecteur suit ensuite les pas de Thomas en 1942, au moment où il est réquisitionné par l'armée. L'entomologiste est conduit sur la Grosse-Île du Saint-Laurent où, aux côtés de dizaines autres scientifiques, il participe à un programme de recherches secret. Ou plus exactement, comme il le découvrira plus tard, à l'un des trois programmes lancés conjointement par les armées américaines, britanniques et canadiennes.

Tout d'abord, le projet N (pour Anthrax, ou maladie du charbon en français) doit «produire par semaine cent-vingt kilos d’anthrax destinés à fabriquer mille-cinq-cents bombes». Puis vient le projet R (pour Rinderpest), qui «développe un vaccin contre la peste bovine afin de le produire en quantité suffisante en cas d'attaque allemande sur le bétail des Alliés.» Et enfin le projet F (pour Fly), celui de Thomas, chargé de «développer des méthodes de propagation d'épidémies à l’aide d'insectes (...) Les savants avaient pour objectif de les introduire dans les organismes de différents insectes afin que ceux-ci deviennent des vecteurs de transmission de ces agents pathogènes.»

Si le frappabord est bien le rapport entre les expériences de 1942 et les insectes particulièrement virulents de 2024, un second point commun va surgir, le grand-père de Théodore. À l'époque, il vivait sur la Grande-Île et s'inquiétait des recherches menées là.

Particulièrement agité, le vieil homme est aujourd'hui attaché sur son lit dans le pensionnat où il vit. Des conditions de vie qui vont choquer son petit-fils. Aussi décide-t-il de libérer l'aïeul et de fuir avec lui.

Dans leur fuite, ils retrouveront la Grande-Île et les frappabords pour un final en apothéose.

Ce qui fait froid dans le dos à la lecture de ce thriller écologique, c'est qu'il se base sur des faits réels. Comme l'explique Mireille Gagné, «des recherches biologiques sur la peste bovine et l’anthrax ont réellement eu lieu à Grosse-Île, au Canada, entre 1942 et 1956. Des manipulations expérimentales ont également été réalisées par l'armée américaine à Fort Detrick, aux États-Unis, pour utiliser les insectes comme vecteurs potentiels de contamination.» À partir de là, l'autrice du lièvre d'Amérique a tissé ce livre au suspense haletant. De 1942 à 2028, on suit les apprentis sorciers qui, sous l'effet du réchauffement climatique, réveillent les vieux démons.

Frappabord est certes un roman d'anticipation, mais si proche d'aujourd'hui que les pessimistes se diront qu'il est déjà trop tard et que les optimistes y liront l'urgence d'agir.

NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu’ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.






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Frappabord

Dès les premières lignes, on est fascinés. La menace écologique se terre depuis des décennies, et elle est de surcroît racontée du point de vue de l’espèce qu’on a cherché à transformer. Troublant !
Lien : https://www.journaldequebec...
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Frappabord

Mireille Gagné nous fait vivre l’angoisse avec ses Frappabords pour nous mettre, une nouvelle fois et quel plaisir, face à la réalité du monde environnant, celui qui pâtit des actes humains, de l’homme qui n’hésite pas à souiller la terre.



Les frappabords sont des mouches piqueuses.

L’autrice donne la parole à l’une d’entre elle, dans un langage très sulfureux, elle exalte de plaisir lorsqu’elle pénètre l’épiderme de Théodore. Ce dernier est un homme reclus chez lui, dont la routine métro-boulot-dodo est son mantra subit. Nous sommes en 2024, il vit dans un monde où la chaleur assomme et dans lequel la violence est omniprésentes, les médias s’en délectent. Écho au monde d’aujourd’hui.



Les chapitres du Frappabord et de Théodore alternent avec ceux dédiés à Thomas. Ils se déroulent entre 1942 et 1956, Thomas est convoqué du côté du fleuve Saint-Laurent, sur une île militaire où sa mission est de créer une nouvelle arme bactériologique. Apogée de la bêtise humaine ?



Ces trois personnes, même s’ils vivent à des époques différentes, vont se croiser d’une certaine manière pour servir un discours écologique fort et nécessaire.

Ce que j’aime chez Mireille Gagné, c’est qu’elle dose justement ses propos avec finesse, elle dénonce habillement, nous questionne. Tout en dénonçant, en toile de fond elle crée une histoire âpre mais qui devient douce, celle qui lie Théodore et son grand-père, comme un dernier espoir qui subsiste ?

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Frappabord

Quand l’apparition, en masse, d’une mouche devient le révélateur de la tragédie que nous vivons, de toutes nos destructrices manipulations. En donnant la parole à une mouche, en revenant sur la première tentative, durant la seconde guerre mondiale, de l’utiliser à des fins militaires, Mireille Gagné décrit la colère d’un Canada caniculaire. Derrière cette construction délicieusement rythmée, Frappabord offre le plaisir d’un récit qui jamais ne se commente et se contente, si on peut dire, de l’invraisemblable de cet empoisonnement collectif pour dessiner, en creux, une réflexion sur ce que nous acceptons.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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