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Citations de Mohamed Mbougar Sarr (1043)


Mes parents me manquaient mais je craignais de les appeler ; le temps passait ; et, autant j'étais triste de ne pas les entendre me raconter ce qui arrivait dans leur vie, autant m'effrayait l'idée qu'ils me le disent, car je savais au fond ce qui arrivait vraiment dans leur vie. C'était ce qui arrivait dans toute vie : ils se rapprochaient de la mort. Je ne les appelais pas et j'en souffrais ; je les appelais et j'en souffrais aussi, peut-être même davantage.
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Je n'avais jamais su faire la fête longtemps. Les joies collectives, les célébrations de masse, les grandes ferveurs jaculatoires finissaient très souvent par m'ensevelir sous une mélancolie sans recours.
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A travers les médias, les honnêtes citoyens hésitaient. Ils voulaient la paix, mais la paix nourrissait-elle ? Ne valait-il pas mieux une crise d'où pouvait jaillir plus de dignité et de justice sociale, qu'une paix factice, qui maintenait les plus démunis dans leur condition ? Pris dans ce dilemme tragique, le peuple s'interrogeait. Ce qu'il fallait faire, c'était délibérer avec son oreiller.
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Je quitte Amsterdam. Malgré ce que j’y ai appris, j’ignore toujours si je connais mieux Elimane ou si son mystère s’est épaissi. Je pourrais convoquer ici le paradoxe de toute quête de connaissance : plus on découvre un fragment du monde, mieux nous apparaît l’immensité de l’inconnu et de notre ignorance...
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l'écart entre nous s'était creusé. il ne se mesurait plus en minutes, mais en mondes.
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Et ce peuple alors, uni quelques minutes avant par la faim, se divisait, se disloquait, de désagrégeait à cause de cette même faim. On se poussait ; et dans cette masse d'où l'intelligence s'était provisoirement retirée, les costumes se battaient contre les haillons, les directeurs d'entreprise contre les humbles gens, les patrons contre les chômeurs. La lutte des classes est le moteur de l'Histoire. La faim est le moteur de la lutte des classes. (P. 25)
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Notre préoccupation profonde concerne le passé ; et tout en allant vers l'avenir, vers ce qu'on devient, c'est du passé, du mystère de ce qu'on fut, qu'on se soucie. Cela n'a rien à voir avec une nostalgie funèbre. C'est simplement qu'entre ces deux questions qui cachent une angoisse de la même nature : "que vais-je faire ?" et "qu'ai-je fait ?", c'est cette dernière qui est la plus grave : elle ferme toute possibilité d'une correction, d'une nouvelle chance. Dans "qu'ai-je fait ?" sonne aussi le glas du "c'est fait pour l'éternité". C'est la question de l'honnête homme qui commet un crime dans un accès de fureur, et qui, après l'acte, redevenu lucide, se tient la tête : "qu'ai-je fait ?" Cet homme sait ce qu'il a fait. Mais son angoisse, son horreur viennent surtout de ce qu'il sait aussi qu'il ne peut défaire, réparer ce qu'il a fait. C'est parce qu'il lui donne la conscience tragique de l'indéfectible, de l'irréparable, que le passé est ce qui inquiète le plus l'homme. La peur de demain porte toujours, même infime, même quand on sait qu'il peut être déçu et le sera probablement, l'espoir des possibles, du faisable, de l'ouvert, du miracle. Celle du passé ne porte rien que le poids de sa propre inquiétude. Et même le remords ou les repentirs ne suffisent pas à modifier le caractère irrévocable du passé ; bien au contraire : ils le confirment même dans son éternité. On ne regrette pas seulement ce qui a été ; on regrette aussi et surtout ce qui sera à jamais.
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[...] j'ignore d'ailleurs pourquoi ça semble si important pour elle, mais bon, ça la regarde, j'ai arrêté de me demander pourquoi les choses sont importantes pour les gens ou les choses, elles le sont, c'est tout, chacun vit avec ce qui le touche au cœur et ça peut sembler incompréhensible aux autres mais ce n'est pas à eux de décider de ce qui est important ou non, personne n'est personne d'autre, chacun est chacun, chacun, tout en semblant semblable aux autres, n'est d'abord et toujours que lui-même, personne n'est dans le coeur des autres ou dans leur tête, et tant mieux d'ailleurs, surtout pour la tête, je crois que c'est là que le pire arrive, ce qui se passe dans la tête est un chaos, dans la mienne en tout cas, et j'imagine que dans les autres têtes les choses ne sont pas mieux ordonnées même si tout le monde fait semblant d'être parfaitement équilibré et sain d'esprit, ça me fait rire car je sais, moi je sais, il suffit que je les regarde et tout le fouillis de leur tête redescend dans leur regard et une fois là rien ne peut demeurer caché, l'oeil est indiscret, il ne faut rien espérer y cacher [...]
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Qu’est-ce au juste une rumeur ? L’illusion d’un secret collectif. Elle est une toilette publique que tout le monde utilise, mais dont chacun croit être le seul à connaître l’emplacement. Il n’y a aucun secret au cœur de la rumeur ; il n’y a que des hommes qui seraient malheureux s’ils ne pensaient pas en détenir un, ou détenir une vérité rare dont ils auraient le privilège.
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Le hasard n'est qu'un destin qu'on ignore, un destin écrit à l'encre invisible.
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C'était l'époque où les filles se draguaient aux quatrains ,mémorisés ou composés .
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Les fanatiques exaltés sont les moins à craindre: leur propre bêtise, dont ils n'ont pas conscience, suffit à les condamner; elle les réduit à la triste et tragique dimension d'histrions. Mais les fanatiques froids, dont l'exaltation folle ne se traduit qu'à travers ce calme épouvantable et cette précision clinique qu'ils mettent dans tous leurs gestes, voilà des hommes que la raison autant que le coeur doit craindre.
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- J'ai toujours condamné ceux et celles qui se laissaient aller à la facilité de cette maxime : les peuples ont les dirigeants qu'ils méritent. Ou sa variante : les peuples ont des dirigeants à leur image. Ça m'a toujours semblé être d'un mépris facile pour les peuples et d'une complaisance impardonnable pour certains dirigeants égoïstes et cruels. " Les crimes de ceux qui mènent ne sont pas la faute de ceux qui sont menés ", a écrit Hugo quelque part, je ne me rappelle plus où. Mais je commence à penser que les gens qui font de dirigeants médiocres le reflet de leurs peuples n'ont pas tort. Je regarde nos compatriotes et je me pose la question : mérite-t-on vraiment mieux ? Nous sommes aussi un banc de poissons. Des sardines. Que fait-on, individuellement, collectivement, pour mériter mieux que des figures politiques immorales, involucrées ?
- Je ne connaissais pas ce mot : involucrées.
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Le hasard n'est qu'un destin qu'on ignore, un destin écrit à l'encre invisible. Une personne m'a dit ça un jour. Elle n'avait peut-être pas tort. Je vois dans notre rencontre une manifestation de la vie. Et c'est toujours elle qu'il faut suivre : la vie et ses imprévisibles voies.
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J'ai commencé à entendre, à intervalles réguliers, mais jamais au même moment, Béatrice soupirer et Musimbwa feuler, et jen déduisis que les préliminaires étaient lancés, puis je n'ai plus entendu que Béatrice geindre, et ses chairs (ses puissantes cuisses en l'occurrence) étouffer Musimbwa, qui réussissait toutefois, de temps en temps, à sortir la tête de l'étau pour remplir ses poumons d'air avant de replonger dans l'inconnu, vers les réserves liquides de Béatrice qu'il gamahuchait gourmandement, et tout cela était bien clair dans mes oreilles, sous mes yeux: leurs deux corps qui s'échauffaient, leurs respirations de plus en plus courtes et brutales, la fine sueur et les cristaux de sel sur leur peau, oui, je voyais tout cela sans le vouloir, alors j'ai dit qu'il fallait lutter, que je devais me ressaisir et penser à des choses qui m'absorberaient tellement que j'échapperais aux bruits en provenance de la chambre, résolution qui sembla avoir provoqué mes amis, car à en peine avais-je commence à chercher un sujet où jaurais pu enfouir mon esprit que Béatrice commença à gémir et Musimbwa à haleter et le lit à grincer et les chairs à s'entrechoquer en faisant le bruit de deux babouches qu'on frappe l'une contre l'autre...
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Sur le chemin du livre essentiel, la tentation de se taire et parfois aussi vaine que celle de parler. Un cénobitisme vide, pour la même raison, tue aussi sûrement qu'un bavardage énergique : tous deux croient faire dépendre l'essentiel d'une pose qu'on prend devant le langage ou le monde, quand il provient d'une soumission à une langue de l'interstice. Pour provoquer le séisme intérieur, il faut trouver la faille, et la travailler.

(p. 120)
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Une pirogue droguée et perdue en pleine mer, suivant dans la nuit le tango que chantaient des sirènes insaisissables. Voilà ce qu'était ma triste vie : une vie d'Ulysse défoncée, mais une Ulysse sans retour, une Ulysse pour qui Ithaque est, ne peut être que la mer, et le chant des sirènes, et les ruses, et les larmes sous la pluie, et Cyclope, et la mer encore, la mer a jamais.

(p. 318)
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(...) à un certain degré d'alchimie, l'amour physique devient un tragique serment. Deux corps se parlent, s'entendent, se reconnaissent, puis, sans le vouloir, sans même s'en rendre compte, ils se jurent fidélité en silence. Mais parce que rien n'est injuste comme l'amour, il arrive qu'un seul des corps fasse cet inviolable serment. Bien sûr, la rupture se produit un jour; et alors le corps engagé se retrouve seul avec le poids de sa parole donnée à un souvenir. Il hérite d'un serment encombrant comme un cadavre, mais aucun ami ne peut l'aider à s'en débarrasser en pleine nuit. Il erre de corps en corps avec ce fardeau sans jamais trouver la paix et, bientôt désespère d'y jamais parvenir. Ses partenaires n'existent plus qu'en comparaison avec l'idéal disparu.
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Ce que je poursuis, c’est l’intensité d’un rêve, le feu d’une illusion, la passion du possible.  
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J'ai atteint le stade terminal de l'immigration: je ne crois plus simplement à la possibilité du retour: je me suis convaincu de son imminence et persuadé de regagner le temps passé loin des miens. Ces tragiques espérances me font vivre autant qu'elles me tuent: j'affecte de croire que je rentrerai bientôt chez moi, que tout y sera inchangé et que je pourrai "rattraper". Le retour qu'on rêve est un roman parfait - un mauvais roman donc.
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