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Citations de Mohamed Mbougar Sarr (1042)


Elle travaillait dans le milieu de la nuit. Je n'ai jamais su en quelle qualité d'ailleurs, et cela faisait longtemps que je n'avais plus envie de savoir, car cette ignorance était le lit de bien des fantasmes. Je la rêvais éclatante dans l'univers interlope et sordide, effrayant et séduisant, des libertins de la bourgeoisie dakaroise qui se livraient, au milieu de flots d'alcool, d'argent, d'urine et de merde, à d'inimaginables pratiques, inconnues de Sade lui-même, et qui avaient pour moi l'attrait monstrueux et puissant de l'étrangeté.
Cela faisait quatre ans que nous nous fréquentions. Je l'avais rencontrée à l'époque où, ayant abandonné mes rêves héroïques de réforme de l'université, je passais mes nuits à faire le tour des bars et des bordels, pour vivre la poésie au lieu de la lire et de la commenter.
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-Le Badamier barbare ne fut pas lu. Sanza était ressorti meurtri de cette expérience, non point parce que le lectorat l'avait ignoré-de ce point de vue Sanza était même comblé, qui croyait qu'un poème qui avait plus de cent vingt lecteurs était suspect-, mais parce qu'il ne croyait plus au verbe poétique.
Rien ne peut être dit. (...) Il cherchait désormais la vérité dans son premier amour, la pure abstraction des mathématiques, qu'il enseignait au lycée. Il n'écrivait plus que des critiques , souvent pour exécuter avec savoir et goût et cruauté nombre d'impostures littéraires. Son modèle critique est Etiemble.
(p. 61)
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Les grandes oeuvres appauvrissent et doivent toujours appauvrir. Elles ôtent de nous le superflu. De leur lecture, on sort toujours dénué: enrichi, mais enrichi par soustraction. (p. 47)
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La peur, la froide peur : c'est en elle et en elle seule, que se retrouvent ceux qui résistent et ceux qui se soumettent à un régime tyrannique. Il n'y naturellement ni héros, ni salauds et le courage n'a alors pas plus de sens, ni de valeur, que la lâcheté. Il n'y a d'abord que des gens qui ont peur et qui, ensuite, dont quelque chose de cette peur : ils volent avec les ailes qu'elle leur donne aux talons où demeurent au sol, désespérément perdus, les pieds entravés(P. 46)
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Toute l'histoire de la littérature n'est-elle pas l'histoire d'un grand plagiat ? Qu'eût été Montaigne sans Plutarque ? La Fontaine sans Esope ? Molière sans Plaute ? Corneille sans Guillén de Castro ? C'est peut-être le mot "plagiat" qui constitue le vrai problème. Sans doute les choses se seraient-elles déroulées autrement si, à la place, on avait employé le vocable plus littéraire ... d'innutrition.

(p.129)
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Au dessert, l'ambiance se détendit et Béatrice mit de la musique. Ritualités, spiritualités : on s'offrit d'abord aux secousses galvaniques de la nuit à peine nubile, verte comme une jeune mangue. Puis tout s'adoucit ; la lune mûrit, prête à tomber du ciel. Nous pendions aux bras d'heures cotonneuses, vestibules de somptueux rêves qu'on ne faisait qu'à condition de restés éveillés.
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La vie n’est rien d’autre que le trait d’union du mot peut-être.
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Rien de beau ne s'écrit sans mélancolie. On peut la jouer, la travestir, la prolonger en tragédie absolue ou la transmuer en infinie comédie. Tout est permis dans les variations et combinaisons qu'offre la création littéraire. On soulève une trappe de tristesse, et la littérature fait remonter un grand rire du trou. Vous entrez dans un livre comme dans un lac de douleur noir et glacé. Mais au fond de celui-ci, vous surprenez soudain l'air joyeux d'une fête: tango de cachalots, zouks d'hippocampes, twerks de tortues, moonwalks de céphalopodes géants. Au commencement est la mélancolie, la mélancolie d'être un homme; l'âme qui saura la regarder jusqu'à son fond et la faire résonner en chacun, cette âme seule sera l'âme d'un artiste - d'un écrivain.
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Les grandes œuvres appauvrissent et doivent toujours appauvrir. Elles ôtent de nous le superflu.
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Ensuite venaient leurs lecteurs occidentaux (osons le mot : blancs), parmi lesquels beaucoup les lisaient comme on fait charité, aimant qu’ils les divertissent ou leur parlent du vaste monde avec cette fameuse truculence naturelle des Africains, les Africains qui ont le rythme dans la plume, les Africains qui ont l’art de conter comme au clair de lune, les Africains qui ne compliquent pas les choses, les Africains qui savent encore toucher au cœur par des histoires émouvantes, les Africains qui n’ont toujours pas cédé au fat nombrilisme où s’embourbent tant d’auteurs français, ah, les merveilleux Africains dont on aime les œuvres et les personnalités colorées et les grands rires remplis de grandes dents et d’espoir
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que s'était-il passé en moi pour que je m'intéresse au sort d'un homosexuel inconnu sorti de sa tombe? Je n'étais pas sûr de le savoir vraiment. Je ne pouvais pas utiliser l'argument de la violence que les homosexuels subissaient, puisque je ne la découvrais pas : cette violence, je l'avais moi-même parfois exercée, verbalement, symboliquement? Il y a peu, j'étais comme la plupart des Sénégalais: j'avais horreur des homosexuels, ils me faisaient un peu honte. Ils me répugnaient pour tout dire. [...] mais j'étais sûr d'une chose : quand bien même les homosexuels me répugnaient encore, il m'était impossible de nier comme j'aurais pu le faire - et je l'ai fait - dans le passé, ils étaient des hommes. ils l'étaient. Ils appartenaient de plein droit à l'humanité pour une raison simple : ils faisaient partie de l'histoire de la violence humaine. J'ai toujours pensé que l'humanité d'un homme ne fait plus de doute dès lors qu'il entre dans le cercle de la violence, soit comme bourreau soit comme victime, comme traqueur ou comme traqué, comme tueur ou comme proie."[...] Ce sont de purs hommes parce qu'à n'importe quel moment la bêtise humaine peut les tuer..."
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...une voix ...vous révèle , ou vous rappelle, que la volonté ne suffit pas, que le talent ne suffit pas, que l'ambition ne suffit pas, qu'avoir une belle plume ne suffit pas, qu'avoir beaucoup lu ne suffit pas, qu'être célèbre ne suffit pas, que posséder une vaste culture ne suffit pas, qu'être sage ne suffit pas, que l'engagement ne suffit pas, que la patience ne suffit pas, que s'enivrer de vie pure ne suffit pas, que s'écarter de la vie ne suffit pas, que croire en ses rêves ne suffit pas... que même avoir des choses à dire ne suffit pas, non plus que ne suffit le travail acharné; et la voix dit encore que tout cela peut être, et est souvent une condition, un avantage, un attribut, une force, certes, mais la voix ajoute aussitôt qu'essentiellement aucune de ces qualités ne suffit jamais lorsqu'il est question de littérature , puisque écrire exige toujours autre chose, autre chose, autre chose.

(p.62)
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Un poète qui use d’archaïsmes par afféterie se repère vite : c’est comme les femmes au lit, on voit tout de suite quand elles simulent (je crois). 
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Les grandes œuvres appauvrissent et doivent toujours appauvrir. Elles ôtent de nous le superflu. De leur lecture, on sort toujours dénué : enrichi, mais enrichi par soustraction. 
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Croiser un silencieux, un vrai silencieux, interroge toujours le sens - la nécessité - de sa propre parole, dont on se demande soudain si elle n'est pas un emmerdant babil, de la boue de langage.
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Est-ce que les choses ont changé aujourd’hui ? Est-ce qu’on parle de littérature, de valeur esthétique, ou est-ce qu’on parle des gens, de leur bronzage, de leur voix, de leur âge, de leurs cheveux, de leur chien, des poils de leur chatte, de la décoration de leur maison, de la couleur de leur veste ? Est-ce qu’on parle de l’écriture ou de l’identité, du style ou des écrans médiatiques qui dispensent d’en avoir un, de la création littéraire ou du sensationnalisme de la personnalité ?
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J'aimais l'aimer, j'aimais aimer, amare amabam, je m'aimais l'aimer, je l'aimais me regardant l'aimer. Vertigineuse mise en abîme d'une existence soudain réduite à une seule de ses dimensions. Ce n'était pas un appauvrissement, mais une concentration de mon être, tout entier dévoué à une seule chose. M'eût-on demandé à ce moment-là ce que je faisais dans la vie que j'aurais répondu avec une modestie fière et tragique: je ne suis qu'amoureux. Je vivais déjà scellé; et un corps scellé est une servitude aveugle.
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un hasard n’est jamais qu’un destin qu’on ignore
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Le hasard n'est qu'un destin qu'on ignore, un destin dont l'écriture est invisible
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le temps est assassin ? oui. il crève en nous l'illusion que nos blessures sont uniques. elles ne le sont pas. aucune blessure n'est unique. rien d'humain est unique. tout devient affreusement commun avec le temps.
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