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Citations de Nastassja Martin (224)


J'ai compris quelque chose d'important aujourd'hui. Guérir de ce combat n'est pas seulement un geste de métamorphose autocentrée. C'est un geste politique. Mon corps est devenu un territoire où des chirurgiennes occidentales dialoguent avec des ours sibériens. Ou plutôt, tentent d'établir un dialogue. Les relations qui se tissent au sein de ce petit pays qu'est devenu mon corps sont fragiles, délicates. C'est un pays volcanique, tout peut basculer à chaque instant. Notre travail, à elle, à moi, et à ce quelque chose d'indéfinissable que l'ours a déposé au fond de mon corps, consiste désormais à "maintenir la communication".
Je dis que rester en vie face à l'ours comme face à "ce qui vient" dans ce monde-ci, c'est accepter la reprise en forme de transformation structurelle. L'unicité qui nous fascine apparaît enfin pour ce qu'elle est, un leurre. La forme se reconstruit selon un schéma qui lui est propre avec des éléments qui sont, eux, tous exogènes.
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« Je me dis qu'il vaut mieux que j'accepte mon inadéquation, que je m'arrime à mon mystère. » (p. 39)
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J'admets qu'il y a bien un sens au monde dans lequel nous vivons. Un rythme. Une orientation. D'Est en Ouest. De l'hiver au printemps. De l'aube à la nuit. De la source à la mer. De l'utérus à la lumière. [...] La rivière descend vers la mer mais les saumons la remontent pour mourir. La vie pousse à l'extérieur du ventre mais les ours redescendent sous terre pour rêver. Les oies sauvages vivent au sud mais reviennent coloniser les ciels arctiques de leur naissance. Les humains sont sortis des grottes et des bois pour construire des cités, mais certains reviennent sur leurs pas et habitent à nouveau la forêt.

Je dis qu'il y a quelque chose d'invisible, qui pousse nos vie vers l'inattendu.
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Everything is being recorded all the time, [...]. Les arbres, les animaux, les rivières, chaque partie du monde retient tout ce que l'on fait et tout ce que l'on dit, et même, parfois, ce que l'on rêve et ce que l'on pense. C'est pour ça qu'il faut faire très attention aux pensées que nous formulons, puisque le monde n'oublie rien, et que chacun des éléments qui le composent voit, entend, sait. Ce qui s'est passé, ce qui advient, ce qui se prépare. Il existe un qui-vive des êtres extérieurs aux hommes, toujours prêts à déborder leurs attentes. Aussi chaque forme-pensée que nous déposons hors de nous-même vient se mêler et s'ajouter aux anciennes histoires qui informent l'environnement, ainsi qu'aux dispositions de ceux qui le peuplent.
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L'antivie se résumait à la salle de classe, aux mathématiques et à la ville
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Voila ma libération. L'incertitude : une promesse de vie (p147)
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Si grandir c'est voir mourir ses rêves, alors grandir devient mourir. Mieux vaut snober les adultes, lorsqu'ils nous font croire que les cases sont déjà là, prêtes à être remplies.
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J’ai vu le monde trop alter de la bête ; le monde trop humain des hôpitaux. J’ai perdu ma place, je cherche un entre-deux. Un lieu où me reconstituer. Ce retrait-là doit aider l’homme à se relever. Parce qu’il faudra bien le construire, c’est bon les portes entre les mondes ; parce que renoncer ne fera jamais partie de mon lexique intérieur (p 107)
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"C'est toujours comme ça ici, rien ne se passe jamais comme on veut, ça résiste. Je pense à toutes ces fois où le coup ne part pas, où le poisson ne mord pas, où les rennes n'avancent pas, où la montoneige toussote. C'est pareil pour tout le monde. On essaie d'avoir du style mais on trébuche, on s'enfonce, on clopine, on tombe, on se relève. Ivan dit qu'il n'y a que les humains pour croire qu'ils font tout bien. Que les humains pour accorder une telle importance à l'image que les autres ont d'eux."
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Mon problème, c'est que mon problème n'appartient pas qu'à moi, que la mélancolie qui s'exprime dans mon corps vient du monde. Je crois que oui, il est possible de devenir "le vent qui souffle à travers nous" comme disait Lowry. Et qu'il est commun de ne pas en revenir, comme tant d'autres.
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Mon esprit part vers l’ours, revient ici, tourne, construit des liens, analyse et décortique, faits des plans de survivant sur la comète. Dedans cela doit ressembler à une prolifération incontrôlable de synapses qui envoient ou reçoivent des informations plus rapidement que jamais, le tempo est celui, éclatant, fulgurant, autonome et ingouvernable, du rêve, pourtant rien n’a jamais été plus réel ni plus actuel. Les sons que je perçois sont démultipliés, j’entends comme le fauve, je suis le fauve. Je me demande un instant si l’ours va revenir pour m’achever, ou pour que je l’achève, moi, ou bien pour que nous mourions tous les deux dans une ultime étreinte. Mais déjà je sais, je sens, que ça n’arrivera pas, qu’il est loin maintenant, qu’il trébuche dans la steppe d’altitude, que le sang perle sur son pelage.
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Daria m'avait dit, si tu rencontres un ours, dis-lui "je ne te touche pas, tu ne me touches pas non plus." Oui, certainement, mais pas là.
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Chaque jour Daria hache de la viande de renne pour moi, extrait la moelle des os, me donne des lamelles de foie cru (pour la digestion) de cœur cru (pour la guérison) de poumon (pour la respiration). Elle m’a aussi servi un verre de sang chaud (pour la force) lorsque nous avons tué le renne. Je suis plus vulnérable que je ne l’ai jamais été entre ces murs, et c’est précisément pour cela qu’aujourd’hui je vois. La sobre beauté de leurs allées et venues journalières ; la nécessité du moindre de leurs mouvements ; la discrétion dont ils font preuve entre eux et à mon égard. Je me laisse enfin porter par cette logique de vie routinière ; j’ai l’impression de découdre un à un les pas qui m’ont menée dans la gueule d’un fauve.
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Elle me scrute d’un regard qui se veut aimable et plein de bonne volonté. Mais vraiment, comment vous sentez-vous ? insiste-t-elle. Un silence, puis elle reprend. Parce que, vous savez, le visage, c’est l’identité. Je la regarde, ahurie. Les pensées s’entrechoquent dans ma tête, qui subitement surchauffe. Je lui demande si elle prodigue ce genre d’informations à tous les patients du service maxillo-facial de la Salpêtrière. Elle hausse les sourcils, déconcertée. Je voudrais lui expliquer que je collecte depuis des années des récits sur les présences multiples qui peuvent habiter un même corps pour subvertir ce concept d’identité univoque, uniforme et unidimensionnel. Je voudrais aussi lui dire tout le mal que cela peut faire, d’émettre un tel verdict lorsque, précisément, la personne qui se trouve en face de vous a perdu ce qui, tant bien que mal, reflétait une forme d’unicité, et essaie de se recomposer avec les éléments désormais alter qu’elle porte sur le visage.
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La rivière descend vers la mer mais les saumons la remontent pour mourir. La vie pousse à l'extérieur du ventre mais les ours redescendent sous terre pour rêver. Les oies sauvages vivent au sud mais reviennent coloniser les ciels arctiques de leur naissance. Les humains sont sortis des grottes et des bois pour construire des cités, mais certains reviennent sur leurs pas et habitent à nouveau la forêt.
Je dis qu'il y a quelque chose d'invisible, qui pousse nos vies vers l'inattendu.
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Le temps coule lentement. Chaque jour, des mains féminines expertes retirent le bandeau qui entoure mon crâne, nettoient les points de suture, renouent le bandeau.
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Cela fait quelques jours que nous sommes arrivés à Tvaïan, je m'applique à ne rien faire, je voudrais même essayer d'arrêter de penser. Ce matin je me dis qu'il faut surtout que je cesse de vouloir - comprendre guérir voir avoir prévoir tout de suite. Au fond des bois gelés on ne "trouve" pas de réponses : on apprend d'abord à suspendre son raisonnement, à se laisser prendre par le rythme, celui de la vie qui s'organise pour rester vivants dans une forêt en hiver. J'essaie de trouver en moi en silence aussi profond que celui des grands arbres dehors qui se tiennent immobiles et verticaux dans le froid.
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Il y a trois, Daria m'a raconté l'effondrement de l'Union soviétique. Elle m'a dit Nastia un jour lq lumière s'est éteinte et les esprits sont revenus. Et nous sommes repartis en forêt.
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Mais D’aria a quelque chose qu’Andrei n’a pas, qu’Andrei n’aura jamais : c’est une mère. Une femme qui connaît la douleur dans ses chairs, la vie et la mort, et qui plus que tout au monde aspire à protéger ceux qu’elle aime et à leur épargner la souffrance. (Page 34)
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Je crois qu’enfants nous héritons des territoires qu’il nous faudra conquérir tout au long de notre vie. Petite, je voulais vivre parce qu’il y avait les fauves, les chevaux et l’appel de la forêt ; les grandes étendues, les hautes montagnes et la mer déchaînée ; les acrobates, les funambules et les conteurs d’histoires. L’antivie se résumait à la salle de classe, aux mathématiques et à la ville.
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