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Citations de Nastassja Martin (224)


J’ai compris une chose : le monde s’effondre simultanément de partout, malgré les apparences. Ce qu’il y a à Tvaïan, c’est qu’on vit consciemment dans ses ruines.
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Quand on a vraiment mal à l'hôpital, et qu'on veut quelque chose pour calmer la douleur, il faut dire 9. Même plutôt 9,5. Il faut entrer dans l'échelle, dans sa logique; il faut intégrer la norme et faire mine de l'accepter pour obtenir gain de cause.
À bien y repenser, l'inadéquation de l'échelle est contenue dans son application même : il y a quelque chose de surréaliste à devoir en passer par une mesure si rationnelle et codifiée pour se voir administrer une drogue qui, dans le meilleur des cas, va vous envoyer dans des nimbes ingouvernables.
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Ce livre témoigne d’une folie intellectuelle et d’un voyage impossible dont j’ai conçu le désir un jour d’hiver comme tant d’autres à Fort Yukon. Ce livre est une réponse. Une réponse à Dacho, à son père et à moi-même, aux âmes sauvages que j’ai écrites et qui n’étaient qu’un début, le début d’autre chose auquel je ne m’attendais pas.

Préface, p. 13-14
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Je dis qu'il y a quelque chose d'invisible, qui pousse nos vie vers l'inattendu.
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J’écris depuis des années autour des confins, de la marge, de la liminarité, de la zone frontière, de l’entre-deux-mondes ; à propos de cet endroit très spécial où il est possible de rencontrer une puissance autre, où l’on prend le risque de s’altérer, d’où il est difficile de revenir. Je me suis toujours dit qu’il ne fallait pas se prendre au piège de la fascination.
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Les jours s'étirent dans le froid, les nuits n'en finissent pas. L'air est givré, figé. Il est temps de partir, mais on tait l'imminence de ce départ. C'est comme ça en forêt ; on ne part jamais petit à petit, on ne se prépare pas, on fait comme si rien n'allait jamais changer jusqu'à ce que tout bascule d'un coup. C'est précisément cela, le qui-vive. Profiter de l'immobilité du corps jusqu'à ce qu'il faille bondir, toujours lorsqu'on s'y attend le moins. Il ne faut jamais parler du moment où l'on se séparera ; du moment où rien ne sera plus pareil. On vit ainsi consciemment dans l'illusion de l'éternité, parce qu'on sait pertinemment qu'en un instant tout ce que l'on a toujours connu se délitera, se recomposera, ici ou ailleurs, se métamorphosera et deviendra ce quelque chose insaisissable dont on ne pourra plus rien assumer. Cette potentialité terrifie tout le monde. Parce qu'elle est connue de tous en forêt et parce qu'on l'attend toujours au détour du chemin, on s'accorde silencieusement pour la taire. p.140
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Daria est une guerrière, une vraie. À Tvaïan, la vieille idée selon laquelle les hommes chassent et les femmes cuisinent est un leurre absolu, une jolie fiction d’Occidentaux qui peuvent dès lors être fiers de l’évolution de leur société et du dépassement des présumés rôles genrés. Ici, tout le monde sait tout faire. Chasser, pêcher, cuisiner, laver, poser des pièges, chercher de l’eau, cueillir des baies, couper du bois, faire du feu. Pour vivre en forêt au quotidien, l’impératif est la fluidité des rôles ; le mouvement incessant des uns et des autres, leur nomadisme journalier implique qu’il faut pouvoir tout faire à tout moment car la survie concrète dépend des capacités partagées lorsqu’un membre de la famille s’absente.
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Je crois qu’enfants nous héritons des territoires qu’il nous faudra conquérir tout au long de notre vie. Petite, je voulais vivre parce qu’il y avait les fauves, les chevaux et l’appel de la forêt ; les grandes étendues, les hautes montagnes et la mer déchaînée ; les acrobates, les funambules et les conteurs d’histoires. L’antivie se résumait à la salle de classe, aux mathématiques et à la ville. Heureusement, à l’aube de l’âge adulte, j’ai rencontré l’anthropologie. Cette discipline a constitué pour moi une porte de sortie et la possibilité d’un avenir, un espace où m’exprimer dans ce monde, un espace où devenir moi-même. Je n’ai simplement pas mesuré la portée de ce choix, et encore moins les implications qu’allait entraîner mon travail sur l’animisme. À mon insu, chacune des phrases que j’ai écrites sur les relations entre humains et non-humains en Alaska m’a préparée à cette rencontre avec l’ours, l’a, en quelque sorte, préfigurée
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"Parfois, certains animaux font des cadeaux aux humains. Lorsqu'ils se sont bien comportés, lorsqu'ils ont bien écouté tout au long de leur vie, lorsqu'ils n'ont pas nourri trop de mauvaises pensées". Elle baisse les yeux, soupire doucement , relève la tête sourit encore : Toi, tu es le cadeau que les ours nous ont fait en te laissant la vie sauve.
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"Je dis qu'il y a quelque chose d'invisible, qui pousse nos vies vers l'inattendu." p124
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Nastassja Martin
Pour continuer à vivre, il ne faut pas penser aux mauvaises choses. Il n'y a que l'amour qu'il faille rappeler à nous.
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C'est ma mélancolie intérieure, que même l'expédition la plus lointaine n'a pu guérir.
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Les humains ont cette curieuse manie de s'accrocher à la souffrance des autres telles des huîtres à leurs rochers.
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C'est tout cela à la fois, mais ce ne sont pas les raisons de l'oubli ; ce ne sont que des circonstances. Les raisons, elles, appartiennent au temps du rêve et ne se laissent saisir que fugacement, la nuit, dans le noir le plus profond.
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J'ai perdu ma place, je cherche un entre-deux. Un lieu où me reconstituer. Ce retrait-là doit aider l'âme à se relever. Parce qu’il faudra bien les construire, ces ponts et portes entre les mondes; parce que renoncer ne fera jamais partie de mon lexique intérieur.
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Le constat est le suivant : on ne voit rien, mais on apprend par accident que, premièrement, le sol est tapissé de pièges et que, deuxièmement, la menace s'applique à tout être qui ne sait pas "où il met les pieds", comme moi cette nuit-là. On ne voit rein, mais pourtant tout est là, et c'est l'attention qui n'est pas éduquée à chercher ce qui est caché, non ce qui se donne à voir d'emblée au regard. "C'est la guerre" signifie qu'une tension infuse le milieu en entier et que c'est elle qui noue les relations entre les êtres. Tous s'évitent, se cherchent, se poursuivent, se fuient. Tous doivent se positionner judicieusement pour échapper à l'autre ou l'attraper, élaborer des tactiques, des manoeuvres, des ruses, et toujours avancer masqués. Cette invisibilité des animaux est en elle-même le signe de ce qui existe, là sous le paysage. La dissimulation des animaux est donc la première clé pour recontacter un univers où ces derniers ne sont justement pas construits à l'image de ce que les hommes attendent d'eux, puisqu'ils les fuient, puisqu'ils sont maîtres de leur propre trajectoire, puisque les hommes n'ont de cesse de tenter de les intercepter. L'invisibilité, la dissimulation, le fait que tous se dérobent au regard et, in fine, leur absence sont les prémisses absolument nécessaires à toute relation incarnée dans le subarctique alaskien, à la possibilité de la chasse, puisque, justement, les animaux "ne se donnent pas" immédiatement aux hommes, mais se dérobent. C'est bien parce qu'ils se dérobent qu'on les traque ; parce qu'ils ne sont pas là qu'on les cherche.
C'est aussi cette opacité qui sauve les indigènes de la stabilité que voudraient leur imposer les Occidentaux, en ségréguant chacun des collectifs dans sa propre espèce pour qu'aucune des deux parties ne craigne plus l'autre, pour que les animaux s'offrent au regard des hommes en toute confiance, comme des domestiqués plutôt que comme des sauvages. De manière très poétique, les animaux migrateurs sont ceux-là mêmes qui protègent les hommes du subarctique : l'obscurité dont ils s'entourent les garde à la fois des menaces de leurs prédateurs, humains et non humains, mais elle garde aussi les Gwich'in de ces autres hommes qui tentent de les assimiler ; ceci, en les attirant dans leur sillage, sur leurs traces, jusqu'au plus profond de la forêt.
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Papa dit qu’il faut pas trop rêver. Tu en penses quoi toi ? Je réfléchis. Je crois qu’il ne faut pas fuir l’inaccompli qui gît au fond de nous, qu’il faut s’y confronter. Je ne sais pas comment traduire cela avec des mots simples, alors je dis : Vassilina, si grandir c’est voir mourir ses rêves, alors grandir devient mourir. Mieux vaut snober les adultes, lorsqu’ils nous font croire que les cases sont là, prêtes à être remplies. (Page 99)
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6. « Qu'est-ce que tu fais ici à la fin ? Pourquoi tu ne vis pas à Manach', à Drakoon ou à Tvaïan avec les autres, plutôt que de rester tout seul ici ? Appa a détourné le regard de la rivière, ce beau regard enfoui derrière des rides millénaires, et l'a posé sur moi. J'attends, a-t-il dit. Tu attends quoi ? J'attends la fin. La tienne ? La nôtre, à tous. Tu sais ce qu'ils font à la mine ? a-t-il encore dit. Oui, je sais. Eh bien alors tu as déjà compris. J'attends la catastrophe, parce que quand elle viendra, je veux pouvoir la regarder bien en face, droit dans les yeux. Je serai là où tout commencera, et où tout finira. En attendant, je rêve. » (p. 269)
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Vivre en forêt c'est un peu ça : être un vivant parmi tant d'autres, osciller avec eux.
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Les gens font que ça, penser à ce que pensent les autres.
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