Citations de Nathalie Azoulai (287)
On ne quitte jamais impunément ce qu'on a aimé.
Encore faut-il que le public le connaisse, votre iambe grec !
Non, non, ça n'a aucune importance, ce que je veux, c'est qu'au fond de mon français palpitent toutes les langues antérieures, toutes les autres musiques, qu'il soit une synthèse parfaite, une langue pleine et unique. Si moi, je les entends, c'est qu'elles y sont. Et le public les entendra.
Il revient sur cette éducation stricte et silencieuse, ces heures solitaires dont Nicolas n'a pas idée, cette nature sans fleurs. Il évite cette fois le mot clôture, parle d'une fermeture qui favorise des états de langue qu'on ne rencontre pas dans la comédie.
Des états de langue ? Vous parlez comme un chimiste.
Oui, c'est exactement cela, il me semble que la tragédie place la langue sous l'action d'une chaleur intense, capable d'en transformer la nature.
Il connaît toutes les espèces, nomme les charmes, les ormes, les trembles. Il détaille ce qui les distingue, explique les propriétés, les étymologies. Jean pourrait l'écouter des heures. L'orme a la même racine que l'aulne, dit-il, ou, c'est en bois de hêtre qu'on a fait la traverse de la croix du Christ.
Et c'est tout ? s'étonne Jean.
Oui, l'arbre est moins remarquable que le nom qu'il porte.
Tant mieux, pense Jean, rassuré à l'idée que les noms puissent être plus grands que les choses.
La grammaire a des usages auxquels vous devez strictement vous conformer.
Certainement, monsieur, répond Jean qui aime se sentir corseté, éprouver dans sa chair et dans sa bouche la puissance des liens imposés.
A travers la fenêtre du carrosse qui l'emmène à Paris, Jean comprend qu'on peut traverser l'espace comme les sentiments vous traversent : les paysages familiers se retirent tandis que les nouveaux s'approchent, en masse. Ses souvenirs se mêlent à ses espoirs...
...Jean éprouve d'autres sensations lorsqu'il compose ; parfois, entre les paquets de vers galants qui lui viennent ensemble, la mécanique ralentit et laisse arriver un alexandrin plus singulier, plus libre, tête nue dans le vent.
"Mon âme loin de vous languira solitaire".
Il déclame son vers en boucle, enchanté et surpris, comme s'il était écrit pas un autre. De ces surgissements, il ne parle jamais...
C'est tout le contraire, c'est parce que le français est vivant qu'il dépose au pied du latin toutes ces possibilités. Ne l'oubliez jamais. Prenez au latin ce que bon vous semble, ne soyez jamais pétrifié, puisez, servez-vous.
Jean trouve l'expression cruelle. Comment une langue peut-elle mourir ? [...] Il tempère sa frayeur, ne constate aucun trouble chez les autres enfants, espère que les mots comme les âmes sont capables d'immortalité.
On dit qu'il faut un an pour se remettre d'un chagrin d'amour. On dit aussi des tas d'autres choses dont la banalité finit par émousser la vérité.
La qualité cinématographique de la photographie contribue au style Mad Men : cadrages au cordeau, compositions picturales dans des gammes chromatiques étudiées pour jouer sur des camaïeux, gammes de couleurs restreintes.
C'est ce qu'il aime dans la langue française et que les autres n'ont pas, ce lit de voyelles rocailleuses que les hiatus révèlent dans les vers comme l'été dans le fond des rivières. ... Il aime cette espèce de froideur qui la glace et la fait entrer dans une mer gelée sans trembler. Il comprend en la regardant que s'il compose des vers c'est certes pour être le plus grand poète de France, mais aussi pour capter cela, le son d'une conscience qui s'exprime à haute voix. Pleine, libre, parfois glaçante.
Et son héroïne sera grecque.
Les Grecques sont mieux reliées aux dieux, sans compter qu'elles disposent du Minotaure, de l'espace fou du labyrinthe où les âmes se perdent et s'entortillent à leurs démons.
Chaque être est une foule
Un matin, il décide qu'aller voir la mer le distraira. Il galope longtemps, le regard fixé sur l'horizon.
C'est un drapé bleu et vert qui se soulève de part en part, une nappe qu'on a dressé sur les confins pour que les hommes circulent, voyagent, se rapprochent, s'éloignent, ou se perdent.
Un jour Bérénice, elle aussi, ne se souviendra du visage de Titus qu'en s'obligeant à y penser
Il déteste le temps parce qu'il use l'amour et le chagrin de l'amour
On dit qu'il faut un an pour se remettre d'un chagrin d'amour. On dit aussi des tas d'autres choses dont la banalité finit par émousser la vérité.
Entre le roi et lui, les rôles sont répartis. A lui les ombres et les chimères, au roi les soldats, les chevaux, les canons.
On dit le pain est changé au corps de notre Seigneur, se défend Jean. Votre tragédie n'est pas une eucharistie. Vous ne respectez pas la grammaire.