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Citations de Olivier Rolin (348)


Je relis, avec d’autres livres relatant ces événements, Histoire d’un crime. Des œuvres en prose de Hugo, c’est à mes yeux, une des plus magistrales. Quand il se débarrasse de l’emphase, quand la colère et le mépris le font aller au plus court, au plus direct, c’est Tacite. Il ne fait pas bon se trouver sur le chemin de sa plume, elle tue. Et ce n’est pas tout : il réussit à faire, du récit presque heure par heure de ce combat dont on connait l’issue, quelque chose comme un thriller.
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C'est sans plaisir mauvais que je rapporte ces choses désolantes : contrairement à certains, la décrépitude russe ne me réjouit pas, et je ne pense pas que nous ayons lieu de nous en réjouir. Ce qui m'étonne, c'est qu'un pouvoir fort, nationaliste, qui a disposé pendant des années de la rente pétrolière et gazière, laisse son pays s'enfoncer dans une telle déréliction.Dans ces régions de l'Extrême-Orient, le contraste avec le modernisme de la Chine voisine est frappant : il faut reconnaître que la dictature chinoise, au moins, est efficace.
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C'est une constante du paysage russe que cette présence sous-jacente, d'ailleurs le plus souvent effacée, des camps et des fosses communes : il est peut-être lassant de le répéter, mais cela est juste aussi, et il ne faut pas compter sur les autorités pour le faire. Et ce n'est pas seulement une question de justice : il me semble qu'on ne comprend pas la Russie si on ignore cette inscription de la Terreur dans le paysage -urbain, industriel, mais même naturel. Beaucoup de Russes ne seraient pas d'accord avec ce que je dis, mais je crois qu'ils ont tort, que rien de bon pour eux ne se lève de leur volonté d'oubli.
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Mais en Russie les passions comptent, et par exemple le patriotisme, voire le nationalisme qui n'est pas la même chose, en dépit de ce qu'on pense volontiers chez nous. Cela fait longtemps que j'ai compris (cru comprendre) que la Russie est pour nous le pays de l’inconséquence : tel dont le grand-père a été tué par Staline affiche cependant son portrait dans un coin de son appartement, et ceux que désespère la situation actuelle votent quand même pour Poutine.
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Le même Philippe Faure raconte l'enterrement d'un des leurs, début 1853 : « Nous partons de Gray's Inn Lane par une pluie affreuse ; les rues sont boueuses, défoncées ; nous cheminons dans la fange. Les Anglais […] sifflent, rient, huent en reconnaissant les Français et leur drapeau rouge. Plus nous avançons dans les quartiers misérables, aux maisons crasseuses, à la population jaunie, terne, hâve, appauvrie de sang, aux traits grimacés par la souffrance, et plus les sentiments hostiles se manifestent outrageusement. » La lente procession funèbre dans la boue, derrière un drapeau rouge trempé de pluie, sous les quolibets : quelle belle, quelle sinistre scène ! Et le pauvre Faure de s'étonner naïvement : « C'est pour eux, pour tous les prolétaires, que nous sommes proscrits... et ils nous insultent ! »
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Du début jusqu'à la fin de sa carrière devant les tribunaux, en France comme en Angleterre, il aura toujours cette impassibilité apparente, cette intransigeance aussi, d'autant plus impressionnante qu'elle est manifestée avec une courtoisie glacée. Son usage de la langue étonne et dérange les bourgeois : un ouvrier, à plus forte raison un ouvrier de dix-sept ans, ça doit avoir un parlé mal peigné, incorrect - grossier ou servile, peu importe. Et là, ce morveux qui répond insolemment mais en français châtié, à un président de cour d'assises...
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Voilà donc Barthélemy en taule, une fois de plus, et cette fois il a bien des chances de n'en sortir que pour "danser la danse où il n'y a pas de plancher", comme les taulards appellent la potence, selon le Victor Hugo du Dernier jour d'un condamné. Enfin, ce n'est pas tout à fait sûr encore, s'il avait un bon avocat et l'envie de sauver sa peau, il pourrait plaider qu'il n'a pas voulu tuer ni Moore ni Collard (lequel n'a pas survécu à sa blessure). Mais il se mure dans le silence. Il a trente-deux ans, c'est la quatrième fois qu'il va se retrouver devant une cour d'assises ou un conseil de guerre, il a déjà passé dix ans au bagne ou en prison.
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"Relecture : se demandant pourquoi lire les classiques ?"
Italo Calvino notait d'emblée, avec ironie : "Les classiques sont ces livres dont on entend toujours dire : "je suis en train de le relire…" et jamais " Je suis en train de le lire…
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Or un style, c'est aussi ce qui isole : ce qui sépare de la langue usuelle, plate, je l'ai déjà dit ; mais aussi ce qui sépare des autres styles. Ce qui fait qu'un écrivain vrai est irréductible aux autres, incomparable avec les autres, qu'on ne peut le confondre avec nul autre. Un style c'est un exil, une sécession, une retraite volontaire hors de la langue commune, et hors aussi des usages que recueille et exalte la tradition littéraire.
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Ce que j'admire et recherche dans les mots, c'est une puissance d'évocation, une force presque matérielle; L'"expression juste", c'est celle qui fait voir et toucher les choses : c'est "ça", là.
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J'aime voir le livre comme une frondaison de phrases à travers quoi joue le vent, je sens, je crois que quelque chose de la beauté d'un livre se laisse deviner dans l'image des phrases-feuilles libres et liées, trémulantes, bruissantes
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Tramer de la beauté avec les mots, en revanche, est proprement l'objet de la littérature. Seulement on ne sait pas du tout en quoi consiste cette "beauté" verbale. On cherche à tâtons, obstinément, quelque chose qu'on ne connaît pas, ou plutôt : quelque chose qu'on a souvent éprouvé, lecteur (et alors cela donne envie d'interrompre sa lecture pour se lever et tourner en rond en répétant, en ressassant la phrase qui vous a balancé comme une décharge électrique), mais que pour autant on ne sait pas définir.
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Et sans doute n'étaient-ce pas seulement les rues qui semblaient "puantes et malsaines" à Haussmann, mais aussi leurs noms: une rue hausmannienne, ça porte un nom de Préfet, ou de victoire, ça ne s'appelle pas rue du Grand Hurleur, que fit disparaître le boulevard de Sebastopol, ou rue des Frondeurs, où Vautrin, sous l'apparence de Carlos Herrera, donne rendez-vous à Esther la Torpille au début de Splendeurs et misères... Que les rues ne soient plus un poème mais une proclamation officielle, un ordre du jour, tel était le programme d'Haussmann.
(page 101)
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Je me souviens de cela cependant que le train roule en tonnerre sur le pont, et je m'étonne du nombre d'êtres différents qu'avec le temps abrite cette enveloppe informe qu'on appelle "moi" : ce jeune fanatique ignorant et crédule au point d'ajouter foi aux galéjades de La Chine en construction, le vieil écrivain sceptique qui est son dernier avatar éprouve à le contempler de loin la surprise qui le saisirait si lui revenaient, étranges mais incontestables, des souvenirs d'une vie de coccinelle ou d'escargot, ou aussi bien de loup, car il croit se rappeler une certaine férocité dont il a peut-être parfois le regret.
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Et pour une autre raison encore ce forcement des passes du Tage a quelque chose à voir avec ma petite histoire personnelle : le fort sous lequel était stationnée la corvette que Cournet va amariner, c'est la citadelle de Cascais dans laquelle j'ai résidé deux mois, y écrivant, sans plus désormais de porte-plume ni de stylo, ni d'encre, une partie de mon livre Extérieur monde - bien ignorant, là encore, de ce qui s'était passé sous ses murailles, et que la fantaisie de l'écriture m'y ferait revenir un jour.
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« La sombre construction sociale, poursuit-il, est ainsi faite que, grâce au dénûment matériel, grâce à l’obscurité morale, ce malheureux être qui contenait une intelligence, ferme à coup sûr, grande peut-être, commença par le bagne en France et finit par le gibet en Angleterre. » (« Grâce au dénûment matériel » ? On aurait plutôt écrit « à cause du dénûment matériel », mais qui est-on pour corriger le génie, le prodigieux artisan de la langue que fut Hugo, à travers qui parlait, selon Paul Valéry, « une divinité du Langage qu’illumine la toute-puissance de l’Ensemble des Mots » ?) Ce sont ces quelques lignes qui ont excité ma curiosité au point de me déterminer à entreprendre l’enquête qu’on vient de lire, et qui peut être considérée comme une note en bas de page du chapitre intitulé « La Charybde du faubourg Saint-Antoine et la Scylla du faubourg du Temple ». Les livres servent à en susciter d’autres, et si inférieure et chétive que soit leur descendance, peu importe : le mouvement de l’imagination, de l’écriture, de la lecture, se poursuit, qui est la vie même, la vraie vie, a dit un autre.
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Londres est alors la capitale des réfugiés politiques de toutes nationalités, non pas que le gouvernement britannique sympathise le moins du monde avec leurs diverses causes, mais en raison du libéralisme des lois anglaises, qui rend impensables les expulsions que pratiquent Belges ou Suisses. Mais c’est une chose d’y être à l’abri des autocrates européens, et une autre d’y survivre. « Le Prince-Président a bien tort d’envoyer à grands frais les républicains en Afrique et à Cayenne, lit-on dans le Times : qu’il se contente donc de les jeter sur nos côtes et, nos brouillards aidant, la misère dans laquelle nous les laissons croupir et s’étioler l’aura bientôt débarrassé d’eux. » Les choses ne doivent pas être très différentes dans les autres communautés d’exilés, Allemands, Italiens, Polonais, Hongrois, chassés par la victoire de la contre-révolution européenne après le « printemps des peuples » de 1848, si l’on en juge par la situation de celui qui deviendra le plus célèbre d’entre eux, Karl Marx : en 1852, au moment où Cournet arrive à Londres, il vit avec sa femme Jenny et quatre enfants dans trente mètres carrés à Soho, au 28 Dean Street. L’une de ces enfants, Franziska, va mourir cette année-là, et Jenny raconte qu’elle ne dut qu’à la compassion d’un voisin exilé français, qui lui fit don de deux livres, de pouvoir acheter son cercueil.
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Des centaines de bateaux de toute taille se croisent sur le fleuve, forment le long des berges, accostés par essaims énormes, des rues d’eau sombre où grouillent barques et allèges sous des futaies de mâts et de vergues. « La Tamise, a écrit assez joliment Custine, ressemble à une forêt inondée. » Sur chaque rive, des chantiers navals, des entrepôts, des docks hérissés de grues où le travail ne s’arrête jamais, Surrey, Howland, St. Katharine, West India, East India Docks, chargeant et déchargeant toutes les richesses de la terre. Cette ville dont approchent les exilés inquiets, ce n’est pas quelque chose comme Paris en plus grand, c’est une ville-monstre, la capitale du monde d’alors. « Les docks des Indes orientales sont quelque chose d’énorme, de gigantesque, de fabuleux qui dépasse la proportion humaine, écrit Théophile Gautier qui lui y allait en touriste. C’est une œuvre de cyclopes et de titans. » Et pour accroître encore l’angoisse des nouveaux arrivants, à mesure qu’ils approchent du London Bridge, le paysage se peint de noir. Le bateau s’enfonce sous un dôme de fumée crachée par des milliers de cheminées qui hérissent l’horizon comme les obélisques d’une ville infernale. La suie se mêle au brouillard, le « charbon de terre », comme on disait alors, imprègne tout, barbouille tout. Il n’est pas un voyageur, volontaire ou involontaire, à qui cette noirceur ne serre le cœur. « Rien de noir comme cette ville de boue et de fumée », pour le docteur Lacambre. Gautier s’étonne du « deuil général des édifices, dont les plus anciens ont littéralement l’air d’avoir été peints avec du cirage ». Et Hugo : « Londres est lugubre et hideux. C’est une immense ville noire. » Pour Flora Tristan, « on s’imagine errer dans la nécropole du monde ». Et Vallès, plus tard : « L’eau de la Tamise est couleur de fange, et le ciel est couleur de tombe. » Il n’y a pas que les étrangers, qu’on peut toujours suspecter d’une certaine anglophobie (Hugo, par exemple), que frappent ces ténèbres dont s’enveloppe Londres. C’est la couleur majeure de la ville des romans de Dickens. Début de Bleak House : « La fumée tombe des cheminées en un crachin noir et mou contenant des flocons de suie grands comme des flocons de neige adultes. » Et la jeune Esther Summerson, débarquant de sa campagne à Londres, trouve les rues si obscurcies de fumée qu’elle croit qu’un grand incendie a éclaté quelque part. So, gentlemen, welcome to London !
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La recherche de ces traces qui sont, avec la littérature, ce qui reste d’une ville disparue, est une activité d’essence mélancolique, mais qui ne va cependant pas sans une excitation d’autant plus grande qu’elles sont minuscules.
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Paris, au milieu du dix-neuvième siècle, n’est pas la plus grande ville du monde ni la plus peuplée, avec son million d’habitants. Ce n’est pas la plus moderne, ce n’est pas celle de l’éclairage au gaz, ni des chemins de fer, ni des parcs urbains : tout ça, c’est Londres. Pour le Balzac de La Fille aux yeux d’or, c’est « la tête du globe, un cerveau qui crève de génie et conduit la civilisation humaine », « un sublime vaisseau chargé d’intelligence ». Si l’on en juge par les photos que Marville prit avant et pendant le grand ratiboisage haussmannien, c’est aussi, et plus prosaïquement, la ville des débits de boissons : incroyable le nombre d’écriteaux annonçant vins en bouteilles, commerce de vins, vins au litre, vins & liqueurs, vins en gros, vins en gros et en détail, et autres appels à la soif blasonnant en grandes lettres peintes les murs noirs de rues que creuse un caniveau central, où tombereaux brancards en l’air et fiacres attelés à de patients chevaux stationnent sur les pavés rebondis qui font au pied des maisons un maillage de lumière et d’ombre (quelquefois, sur une photo, une de la rue des Gravilliers par exemple, le temps de pose a fait d’un fiacre un fantôme, qui est comme le passé venant nous visiter en songe). Mais Paris, au milieu du dix-neuvième siècle, c’est surtout la capitale des insurrections et des barricades. Les barricades sont vraiment une spécialité parisienne. Dans aucune autre capitale d’Europe on ne dépave la rue pour attendre stoïquement, derrière ce rempart de fortune, les fusils du gouvernement. « Les 4 054 barricades des “Trois Glorieuses” comptaient 8 125 000 pavés », selon un texte cité par Walter Benjamin. Combien de dizaines de millions de pavés déchaussés et entassés fiévreusement, joyeusement, en travers des rues parisiennes, depuis les trois journées de juillet 1830 et leurs 4 054 barricades qui en finirent avec la monarchie absolue ? Il y a eu (au moins) le soulèvement de juin 1832 à l’occasion des obsèques du général Lamarque, qui est celui où meurt Gavroche, celui d’avril 1834 qui finit par le massacre de la rue Transnonain que lithographia Daumier, la tentative d’insurrection blanquiste de mai 1839, la révolution de février 1848 qui bazarda une fois pour toutes la royauté, fût-elle bourgeoise, les journées de Juin de la même année, et enfin les trois jours de la résistance au coup d’État du prince-président Louis Napoléon Bonaparte, les 3, 4 et 5 décembre 1851, qu’illustre, notamment, l’hallucinante tournée nocturne dans le quartier des Halles racontée par Hugo dans Histoire d’un crime. (Lorsque nous dépavions les rues du Quartier latin en mai 1968, nous avions sans doute une vague conscience de cette histoire dont nous étions le dernier balbutiement, mais bien imprécise et ignorante – je parle pour moi. Les « autorités », comme on dit – quel mot ! – en avaient sans doute une connaissance plus exacte, ou au moins plus fonctionnelle, puisqu’elles firent bientôt disparaître sous le goudron les pavés qui rappelaient encore un peu les rues du dangereux Paris d’antan.)
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