Citations de Olivier Truc (495)
Si ça se trouve, Kujala ne réalisait même pas qu'il piétinait son ombre et l'enfonçait dans la neige. Où elle se perdait. Pauvre type. Négliger son ombre, c'était commencer à sombrer.
La plupart du temps, nous, les spécialistes, trouvons la faille et accélérons la résolution de l’enquête. Les techniques et le matériel que nous possédons sont aujourd’hui tellement évolués que plus grand-chose ne nous échappe
Le monde marchand s’était séparé en deux : les citoyens et les SDT, les sans-domicile-ni-travail, contraints de voler et vivre d’expédients.
Les remous vifs et sombres de la mer gris anthracite semblaient interdire tout espoir au ciel de venir se reposer à la surface des flots. Les ténèbres marines faisaient front face au ciel d'un bleu limpide. Deux blocs parfaits et inébranlables. Entre ces deux mondes que rien ne pouvait unir, les montagnes couvertes de neige et d'ombres offraient à l'oeil un espoir de conciliation.
Il ne se fiait à son instinct que lorsqu'il avait tout balisé jusque dans les moindres détailq, quans il avait éliminé toutes les certitudes.qui tombaient dans son champ de connaissance. Alors il partait, tous les sens en éveil, plus chasseur que jamais.
La violence de l’explosion l’avait paralysé. Il n’osait plus bouger. Ne savait plus s’il était toujours évanoui ou conscient. Conscient de quoi ? La chaleur écrasante de Karachi, elle paraissait douce après le passage de la boule de feu. Il avait peur, maintenant. Sortir de la douleur. Il essaya de s’extraire du siège du bus, il devrait ramper, son regard s’arrêta sur un bras arraché, là, à côté, sur son chemin pour s’extraire de ce tas de ferraille jonché de sang et de chair.
Marc lui avait demandé un jour comment se débrouillait un journaliste qui n’arrivait pas à prouver ce qu’il voulait avancer. Il écrit des romans, avait lancé Jef par bravade, sans en croire un mot. Rien n’était plus éloigné de lui. Marc ne l’avait plus lâché. Tu veux dire quoi, que la fiction est un alibi pour journalistes paresseux ? Ou incompétents ? L’œil malicieux de Marc n’avait rien enlevé au trouble de Jef.
Il n’était ni poète ni romancier. La poésie, pour ce qu’il en savait, était la langue, le rythme, l’exploration, un absolu détaché des contingences morales qui lui semblait mal s’accorder à cette quête de réel qui le fascinait et suffisait à satisfaire ses aspirations. Il écarta ces pensées. Il devait se concentrer.
Elle accéléra. S’éloigner du camp de morts. Le son revint d’un coup, les cris, la douleur hurlée, les corps disloqués qui se lamentaient, tout la poursuivait maintenant, elle accéléra encore. Elle se concentra sur la route. Par où devait-elle passer maintenant ? Le café Al Murad, attentat en septembre 2009, puis le long du terminal containers Pak Pacific, attentat en février ou mars 2006. Ensuite le quartier de Jamali Goth, attentat à l’automne 2012. La géographie noire de Karachi. Le portrait en creux de sa ville où vingt millions d’habitants en étaient réduits comme elle à perdre pied dans leur cité, toute compréhension du monde dévorée par cette litanie macabre. Comment Sara pourrait-elle un jour avoir des enfants et leur raconter sa ville ? En suivant ce fil rouge sang ? Pour la première fois depuis l’explosion du parc, elle entendit le cri des enfants meurtris. Pour la première fois, elle tourna la tête vers la droite, vit les vitres maculées de sang. Les sirènes hurlèrent. Elle roulait sur un champ de mort, insensible, hallucinée. Un autre poète prit le relais. Encore un de ceux que Shaheen lui avait fait découvrir au Urdu Bazar. Elle ne se souvenait plus de son nom. Elle pensait qu’il était contemporain. Il faudrait vérifier.
« … Karachi n’est plus une ville. Mais un cri de détresse. Qui résonne. Des quatre côtés. On ne tire plus en l’air à Karachi. Les balles atteignent désormais les rêves des habitants… »
35 000 victimes d'attentats rien qu'au Pakistan depuis 2001, dix fois moins pour l'Europe, Turquie et Russie comprises. Les victimes sont traitées comme si elles n'étaient que des chiffres dans un grand jeu géopolitique.
Chacun sa memoire, chacun sa douleur, chacun ses choix.
Et si la pire des trahisons n'était pas de trahir son propre idéal.
Jef en avait oublié ce qu'il était venu chercher à Karachi. Non pas des révélations, ni la vérité, mais une histoire d'amitié qui tournait peut-être au tragique.
Il était arrivé au Pakistan avec l'image de femmes soumises à un ordre islamiste et patriarcal implacable, et il découvrait une femme d'une trempé qui l'impressionnait.
-Bien sûr que je sais. Vous êtes venus pour Shaheen, et pour votre ami le Français. Et vous êtes venu pour vous aussi, pour connaître votre place sur cette terre.
Elle roulait sur un champ de morts, insensible, halluciner. Un autre poète pris le relais. encore un de ceux que Shaheen lui avait fait découvrir au Urdu Bazar. Elle ne se souvenait plus de son nom. Elle pensait qu'il était contemporain. Il faudrait vérifier,
... Karachi n'est plus une ville. Mais un cri de détresse. Qui résonne. Des quatre côtés. On ne tire plus en l'air à Karachi. Les balles atteignent désormais les rêves des habitants...
Drôle de journaliste, qui s'evertuait à vouloir faire parler les autres mais s'avérait incapable de parler de lui-même.
En acceptant de commencer à me raconter son histoire, Richard vient pourtant d'ouvrir une brèche. Ni lui ni moi n'en pesons alors les conséquences. Ce qui est certain, c'est qu'en commençant, il fait une entorse grave à cette règle de base: S'ouvrir c'est se perdre.
- Chez les Sami, dit Klemet à Nina, on parle souvent de l’homme comme d’un loup à deux pattes.
Au-delà du lac gelé, ce n'était qu'arbres saisis par le froid, couverture cotonneuse posée sur le relief alangui. La lumière douce s'infiltrait entre les branches chargées de flocons qui se jouaient des faibles rayons du soleil, l'amplifiant à l'infini par effets de minuscules miroirs. Le ciel d'un bleu intense annonçait la disparition imminente du soleil derrière l'horizon. Par contraste, des reflets à peine rosâtres d'une délicatesse infinie voilaient les courbes de la terre.
L'aube, qu'est-ce que ça signifiait dans une région où le soleil rechignait à accompagner les humains ?