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Citations de Pablo Casacuberta (47)


Dehors, l'orage redoubla soudain et une nouvelle rafale de vent et des gouttes grosses comme des grains de raisin frappèrent la fenêtre.
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Car ce qu'en réalité je désirais, quoique sans le moindre espoir, était cette sorte de contact, de communion, que je venais de recevoir avec ce baiser, même si ce n'était qu'une bénédiction inattendue et éphémère ! Pour de tels instants, si brefs soient-ils, cela valait la peine de traverser des déserts, des chemins de ronces, et d'affronter l'adversité des choses. Tout le reste, cet interminable mirage auquel j'offrais depuis des années des sacrifices en tout genre, n'était rien, un murmure sans véritable voix ni objet.
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Dehors, la pluie redoubla tout à coup. Des gouttes virulentes frappaient la vitre de la fenêtre comme des doigts impatients et une branche agitée par le vent s'inclinait jusqu'à frôler de ses feuilles une lucarne au verre biseauté, en une abominable révérence. Je constatai qu'une congrégation de nuages noirs envahissait le cadre de la fenêtre, comme pour manifester en toute hâte, de la façon la plus imagée, le ton plombé et sombre de leur présage.
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La matinée était grise et froide, mais je me sentais serein et je marchais d'un pas ferme. Ah, comme c'était bon d'être vivant, de sentir la pluie dégouliner sur mon visage et le gravier crisser sous mes pieds. Il y avait un monde là dehors, qui attendait que l'on prenne contact avec sa somptueuse trame. Je n'avais plus qu'à me détacher de la noria, faire un pas de côté et reconnaître combien mes efforts avaient été futiles jusqu'à ce jour.
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Je descendis d'une centaine de pas une petite butte et trouvai enfin la rivière.
Elle ne faisait que quelques mètres de large, mais paraissait cacher une profondeur irrégulière, à certains endroits considérable car l'eau formait des tourbillons et coulait agitée et discontinue. Sur les deux berges, le feuillage et les racines de palétuviers entraient dans la rivière pour la traverser, donnant à la rive une allure sauvage qui contrastait avec l'aspect aride du chemin d'accès à la propriété. J'étais intrigué que Manzini ne m'ait pas recommandé plus chaudement la promenade vers cette rivière. L'endroit était pourtant idyllique, propice à la réflexion et à la méditation. Le murmure de l'eau, la présence du martin-pêcheur — dont je pus enfin repérer la silhouette sur une branche basse — et le bourdonnement de deux libellules qui se poursuivaient dans les broussailles rendaient ces parages incomparables, peuplés de troncs tordus, de feuillages et de plantes qui grimpaient sur les escarpements. C'était saturé d'odeurs, vibrant de vie. Je m'efforçai de ne pas perdre de vue l'oiseau qui sautait de branche en branche comme si les lieux lui appartenaient et que je devais lui demander la permission de l'observer. Si j'avais connu sa langue, je n'aurais pas hésité à le faire.
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Ces murailles vont bientôt trembler ! Les pierres des catapultes, la poix bouillante et l'huile vont s'abattre sur elles ! Nous allons subir le siège féroce de Scipion et nos pauvres occupations quotidiennes devront passer au second plan ! Remettez à plus tard les noces et les deuils, le cœur devra différer ses urgences et courir derrière la faim et la guerre !
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Mais je n'en fis rien, notamment parce que cette description, à première vue si sommaire et concrète, n'aurait pas rendu justice à ma maladie la plus intime et authentique, à la souffrance prolongée qui m'avait cloué au lit, même le jour où la Fondation Brenner faisait entrer le cercueil de mon père à la Rotonde des Hommes Illustres, c'est-à-dire la douleur aiguë et incessante qui me forait la poitrine, cette sensation d'être en train de mourir à petit feu, comme si m'était retiré soir et matin un dé à coudre de ma substance vitale, une dose minimale mais constante, qui finissait par entraîner une perte considérable, comparable à une amputation.
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IL est clair que le journal de mon père me laissa, comme le lecteur peut le supposer, beaucoup plus que cette nouvelle disposition à la lecture. Accueillir ses mots en silence comme s'ils étaient prononcés à l'oreille, me dedommageait tardivement de tous les contes dont sa tristesse d'homme seul m'avait privé dans mon enfance, ainsi que de sa présence près de mon lit. Je compris aussi que, malgré son silence à leur sujet, il avait eu des parents non exempts de cruauté. Et qu'inventer et cimenter ensuite avec des faits, le professeur Brener, ce personnage que j'avais craint et recherché toute ma vie, avait été sa façon particulière de surmonter les privations de son enfance. Son journal me révéla aussi une multitude de secrets que je ne reproduirais pas ici.
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Nous étions juste coupables de ne pas savoir vivre, à peu près comme tout le monde.
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Je pensais aussitôt que les pères et les fils ne se réunissent presque jamais dans l’herbe, ou au bord d’une rivière, et qu’ils échangent rarement des idées sur la vie. Passée la première jeunesse, pères et fils, plus simplement, perdent peu à peu le contact, et finissent par ne plus se voir qu’à Noël où à leur jour de fête.
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Je m’efforçai de ne pas perdre de vue l’oiseau qui sautait de branche en branche comme si les lieux lui appartenaient et que je devais lui demander la permission de l’observer.
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Par ailleurs, elle était une personne qui éprouvait encore de la tendresse pour ses rêves inaccomplis.
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J’ai toujours parlé comme ça, en moi-même. Seulement en moi-même. On ne se plante pas au milieu d’une cour d’école pour expliquer en hurlant la chimie des émotions ou l’empreinte de la mère sur les poussins qui viennent de briser leur coquille. On est trop occupé à se protéger des coups, à ne pas paraître ridicule, à passer inaperçu. On parle alors tout bêtement de ce qui intéresse les autres. C’est peut-être la première conversation que j’aie comme ça, avec ma voix intérieure.
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Je me rendis compte qu'Ernesto s'avançait déjà vers ce monde terrible qui l'attendait au coin de la rue, la redoutable adolescence. Un de ces quatre matins il allait arriver devant ce vide, découvrir qu'il ne pourrait plus être le même pour faire le bonheur des autres, mais qu'il devait être comme les autres...
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Je cédai sur la cravate, car je dus bien finir par accepter que la vie professionnelle exigeait, entre autres choses, de démontrer que l'on était capable de se sacrifier, comme disait maman. La cravate était seulement le signe le plus visible de cette disposition à mourir pour l'entreprise. Bien sûr, ma mère ne le formula pas ainsi, se limitant à remuer ses lèvres pour dire autre chose tandis que j'imprimais cette tournure à ses mots. J'aimais me servir de leur rumeur pour structurer ma pensée. Non que ma mère ne fut pas un être raisonnable et susceptible de faire des associations pertinentes, mais elle dédaignait les lectures de référence, ma petite passion, et par conséquent ses pensées se dépliaient en l'air sans l'appui d'un exemple, d'une donnée permettant d'épingler tant bien que mal ces fragments isolés et insaisissables.
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Quel courage y-a-t-il à se lancer dans la bataille amoureuse s'il n'y a pas un peu d'incertitude ? Pensez à l'ennui épouvantable que serait l'effeuillement d'une marguerite si tous les pétales qu'on arrache signifiaient invariablement "elle m'aime" !
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Brusquement je pensai à cette main caressante que j'avais passée un peu plus tôt sur la page du journal, cette très brève illusion de contact que j'avais ressentie avec l'écriture de mon père, et je me rendis compte pour la première fois que quelque part dans mon âme il me manquait, que son ombre tant redoutée avait été mon seul foyer depuis l'âge de sept ans, et bien que ce fût souvent un foyer inhospitalier et humiliant, c'était malgré tout le lieu où il m'avait été donné de vivre.
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Ce sourire mélancolique chez une femme, pensai-je, attire les hommes comme une chimère. Cette pauvre imitation du bonheur fait naître chez celui qui en est le témoin le dessein, presque toujours infructueux, de rendre un jour celle qui sourit ainsi réellement heureuse.
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Ce froncement de sourcils, si aigu et si féminin, qui accompagnait son interrogation, me permit de constater une fois de plus que c'était une jolie fille. Mais tout de suite je pensai que cette expression "jolie fille", aurait plutôt été celle du professeur. Je rencontrais souvent dans mon discours intérieur des vestiges de sa personnalité, des traces que je tentais d'acculer dans un coin et de cribler de balles comme s'il s'agissait de rats de terrain vague, car chacune de ces découvertes ranimait en moi l'ancestrale indignation que son influence m'inspirait.
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- Brener, Brener!Quelle autre chose, quel que soit notre regard, vaut pour nous, pauvres humains, plus que les sentiments? Homme intègre Intègre! Comment pourrais-je ne pas comprendre votre refus? Comment croire qu'une maison, un petit immeuble de deux étages avec terrasse et jardin et une rente à vie de plusieurs salaires mensuels, puissent peser, dans votre cœur endolori, plus que ce que pèsent vos sentiments? Que représente le besoin, que représente la pauvreté, lorsque défile devant nous, éblouissante, l'inextinguible torche de la liberté?
(..) Je pensai à la patronne de la pension, menaçant de jeter mes valises dans la rue si je ne réglais pas dans la semaine la moitié de mes dettes. Je pensai à l'odieux et cher Lucas, à son odeur rance et tenace, à mon inquiétude de voir que le froid de l'hiver ne l'avait pas emporté, je pensai a sa toux, a sa maigreur, à sa maigreur à sa pauvreté franciscaine et, en passant, à la mienne. Derrière ma liberté proclamée il y avait une chaîne d'actes circulaires et insupportables qui constituaient la logistique quotidienne de cette pauvreté que j'avais choisie en quittant le monde du professeur: laver mon linge à la main et à l'eau froide; le faire escher pendant les longues journées d'hiver dans une cour glaciale; raccommoder mes poches le plus souvent vides avec une aiguille, du fil et une vue déficiente; empiler du papier dérobé à la faculté des années plus tôt et le couper avec un rasoir au format réglementaire pour la remise des maudites thèses; faire des courses pour quelques vieillards et garder un peu de monnaie; échapper par des moyens malhonnêtes mais nécessaire à mes innombrables créanciers; acheter une fois par quinzaine ma ration d'eau de vie dans un magasin de gros, de façon à épargner 11% de son prix etc...Telle était ma vie, décrite selon mon strict emploi du temps. Le simple manque de moyens me faisait beaucoup moins souffrir que la répétition obligatoire de ces actes misérables, exécutés de forces et aux dépens de ma dignité. Se sorte que j'accueillais le discours libertaire de Manzini avec plus que de l'ironie. Il savait parfaitement que le mot "pauvreté" dès que je l'aurais entendu, se collerait à moi comme un rémora et qu'il n'aurait plus qu'à l'exalter pour que je sente de nouveau sa torturante morsure. Car, beaucoup plus que libre, j'étais pauvre, et même la déclaration d'indépendance la plus enflammée n'allait pas payer mes additions.
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