Citations de Panaït Istrati (341)
S’il tue, c’est parce que la cruauté de ses ennemis l’y oblige.
Le haïdouc, c’est l’homme né bon, et seule la bonté nous distingue de l’animalité : elle est l’unique distinction de la vie humaine.
En gagnant la forêt et en se mettant hors la loi, tout vrai haïdouc reste bon, point rancuneux, indulgent à l’erreur. Il n’oublie pas que ce qui fait la grandeur d’un chef, c’est surtout la compréhension. Sans quoi les gospodars (Note de bas de page : Les seigneurs) sauraient commander, eux aussi. Il n’oublie pas non plus qu’il est un révolté généreux : pour lui, le meurtre et le pillage ne sont pas un but.
Le haïdouc n’est pas un bandit.
Tout homme doit être haïdouc pour que le monde devienne meilleur. »
– Attends d’être marié pour parler. La femme, c’est une sale affaire…
– Pourquoi tu t’es marié, alors ?
– Parce que c’est comme ça que ça se fait. Faut passer par là. Plus tard seulement, on s’aperçoit qu’il faut travailler pour deux, pour quatre, pour dix. Alors on boit pour oublier et on cogne pour se venger.
Je ne connais rien qui égale ce supplice, je ne connais rien de plus sanglant, ni la faim, ni la prison, ni la blessure féroce. Seul le tourment que donne l’amour charnel contrarié peut se mesurer avec ce déchirement des pauvres en-trailles humaines.
Aux ennuis que l’homme se crée de ses propres mains, le diable même ne peut rien.
Multiples sont les ressources que la vie offre à notre amour, et inflexible le courage que le désir engendre.
Quand, dans une amitié, il n’y a qu’un des amis qui paie, l’estime s’en va… et l’amitié avec.
J’apprenais que sur toute la terre des hommes s’entre-tuaient ou se suicidaient à force de misères ou de pas-sions. Et j’apprenais surtout que je ne connaissais pas ma langue ! Il y avait un tas de mots que j’ignorais totalement, faute de les avoir jamais entendu prononcer ou vus dans mes livres d’école.
On nomme la prison, prison ; celui qui y est enfermé sait qu’on lui a enlevé sa liberté.
Créature fragile, toute vibrante d’émotivité, tout assoiffée de vie, l’enfant est encore livré aux brutes humaines, ignorantes et crevant d’égoïsme, qui lui cassent les reins dès qu’il tombe en leur pouvoir.
Tout enfant est un révolutionnaire. Par lui, les lois de la création se renouvellent et foulent aux pieds tout ce que l’homme mûr a édifié contre elles : morale, préjugés, calculs, in-térêts mesquins.
Les langues du quartier exigent qu’un garçon soit soumis, sage, qu’il reste tranquille là où il a été placé et qu’il ne coure pas d’une place à l’autre. Il doit supporter la barbarie de son maître et devenir à son tour maître barbare. C’est cela, l’opinion du quartier, et elle va jusqu’à prétendre que la gifle du maître fait engraisser la joue du domestique.
Il ne faut pas la chercher uniquement dans l’amour d’une mère pour sa progéniture et dans la passion de cette dernière pour la liberté. Il y avait encore cette terreur qui fait de nous les esclaves de l’opinion, et qu’on nomme « les langues du quartier ».
Que je voulusse apprendre le grec, cela était tout aussi vrai que j’aimerais aujourd’hui apprendre toutes les langues de la terre, mais quant à accorder quelque priorité à une nation, au détriment ou à l’humiliation de telle autre, je ne me suis rendu coupable à aucun moment de ma vie, pas même dans l’enfance, de pareille mesquinerie : je suis venu au monde cosmopolite.
Il n’y a point de fantômes ! La bougie s’éteint par manque d’air. Tâche d’entretenir les soupiraux qui, n’étant que des trous dans le sol, se bouchent facilement. Quant au verre « couvert de buée », on ne t’en demande que pendant les grandes chaleurs, lorsqu’il y a de la glace.
Je faisais mes premiers pas dans l’arène où la lutte est ardue pour le pauvre. J’avais le coeur gros, car je sentais que les belles années de ma libre enfance avaient pris fin. Finie cette enfance qui fut joyeuse, malgré tout le sang que j’ai vu couler autour de moi, malgré les larmes et la rude peine de ma mère. Maintenant, je voulais gagner ma vie, ne plus être à sa charge, et, si possible, venir de temps en temps « verser mon pécule dans son tablier ».
L’enfant qui se sent chez un parent devient effronté et se gâte. Il n’y a que chez les étrangers que l’on apprenne à devenir homme. Mais il ne faut pas entrer au service de quelque mesquin. Cherche un maître opulent. Et sers-le avec foi ! Ne t’habitue surtout pas à chaparder, c’est chose fort nuisible dans le commerce et qui porte malchance. Si tu as envie d’une friandise, va droit à ton maître, regarde-le ouvertement dans les yeux et dis-lui : « Mon-sieur Pierre, j’aimerais bien manger un craquelin aujourd’hui ! » S’il te donne un sou, achète et mange ; sinon, patiente !
On a beau être le persécuté de tous les vents, la vie de famille s’accroche au contrebandier comme la mousse à l’arbre.
Le loup ne visite pas la bergerie qu’une seule fois.
La pauvreté et l’amour ne font jamais bon ménage.
Quand on est tenancier sur la grand-route, comme moi, on en voit de toutes les couleurs, et on dort la nuit avec un œil ouvert.