L’explosion publique, puisque j'en ai la possibilité, est une psychanalyse de luxe dont je n'ai pas l'intention de me priver.
C'est arrivé tant de fois que la sale faucheuse attende des retours, des dernières visites avant de faire son oeuvre.
J'avais arrêté définitivement l'alcool depuis cinq ans et mes nuits de fête n'en étaient que plus sucrées. La lucidité ajoute au plaisir un goût rare et délicieux que seuls quelques repentis de l'alcool et des drogues peuvent comprendre. Elles étaient toujours aussi folles ces nuits mais le "n'importe quoi" en moins. Plus de honte de découvrir cachée sous les draps, une fin de série ramassée en sortie de boîte dont le seul charme avait été d'être floue.
- Pour celui qui veut bosser, il y a toujours du boulot. Quand tu as des enfants à nourrir, tu dois tout accepter pour qu'ils ne manquent de rien. Ils me font marrer avec leurs diplômes et le métier qui doit correspondre. Et ça manifeste, ça réclame : Au lieur de cracher sur le système, crache dans tes mains, feignasse ! C'est pas payé assez cher..Et alors ? Tu crois que j'ai eu le choix, moi . Tu crois que je les ai comptées mes heures ?
J'ai bu au début pour me donner la gaieté, la force de monter sur scène. L'alcool est une arithmétique : diviser les peines et multiplier les joies. Du moins le croit-on. En fait l'alcool multiplie tout. Il ne divise qu'une chose : celui qui en abuse. Il fait d'un être deux clones qui au fur et à mesure de la dépendance s’éloignent l'un de l'autre. Et quand celui qui est à jeun est radicalement différent de celui qui a bu, on appelle ça un alcoolique. L'alcool ne rend pas meilleur. Juste, quand on est mauvais on ne s'en aperçoit pas !
Une des solutions que je préconisais (en cas d'extrême malheur) était de ne surtout pas s'effondrer en demandant de l'aide. J'y expliquais que la principale condition de survie était justement de se pencher sur plus malheureux que soi, de compatir à la douleur d'un autre pour mieux relativiser la sienne.
- Tu sais, la vengeance ne fait de mal qu'à celui qui la nourrit. Laisse faire le temps, il se venge tout seul.
Pendant ce temps Maman travaillait à la vile. Serveuse de bistrot, ouvrière d'usine, fille de ménage chez des malpolis qui lui touchaient les fesses. Pensez donc : Dix huit ans, belle comme le jour, et un gosse de personne ça doit se coucher plus vite que ça se relève ! Bons Français, bons chrétiens et la morale en pare-feu. Quand, bien plus tard, Maman a fréquenté les voyous, les vrais, pas un ne lui a manqué de respect. Tu comprends mieux pourquoi je les aime, le sans-loi, les paumés, les différents. Et la guitare gitane autour de mon cou, elle vaut pas dix crucifix ?
... tellement couvé de précautions et d'amour ordinaire. L'amour sans les mots et sans les câlins. Celui des campagnes d'alors. On ne se disait pas "je t'aime", et Maman n'avait même pas le droit de m'embrasser. Les arrière-grands-mères prétendaient que ce n'était pas bon pour les garçons. Que ça risquait de les empêcher de devenir des hommes.
L'humour, la super Biafine des grands brûlés : Celui qui m'a fait dire, quand mon fils s'est tué en moto, qu'il imitait Coluche mieux que moi. Et pourquoi pas ? Il faut bien survivre.
La vie est un départ, la mort est un retour LAO TSEU