Avec Patrick Weill, directeur de recherche au CNRS. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages de référence, dont La France et ses étrangers (Folio), Qu'est-ce qu'un Français ? (Grasset) et le sens de la République (Grasset).
La laïcité, qui permet aux croyants et non croyants, la liberté de conscience et l'égalité des droits, est au coeur de l'identité républicaine. Mais la majorité des Français ne sont pas à même de la définir. Ils ne sont pas capables d'expliquer à leurs enfants, à leurs amis, à leurs collègues, comment elle vit en droit et en pratique. Patrick Weil, dans son ouvrage, de la Laïcité, offre pour tous publics, une définition et une explication fondées sur le droit et sur l'histoire. Son appropriation par le plus grand nombre des citoyens est le premier instrument de sa défense efficace et légitime.
Avec le soutien de la Région Centre Val de Loire et en partenariat avec la Maison de Bégon et la ville de Blois
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Grave péril pour la nation ou, au contraire, chance pour la France ? L'immigration continue d'agiter l'Hexagone, du haut en bas de sa hiérarchie sociale, de la gauche à la droite de son échiquier politique. Il y a quinze ans de cela, chacun avait son avis, fondé bien sûr, sur une matière dont on répétait - à tort - qu'elle ne relève pas de la connaissance mais de l'opinion. Comment départager alors des positions contraires, souvent violemment défendues ?
Une seule certitude réunissait les adversaires : la France a une immigration, mais pas de politique pour la gérer. Des textes épars, des pratiques gouvernementales de circonstance, des administrations incompétentes. Rien qui puisse ressembler à une stratégie cohérente et continue.
Briand, devenu garde des Sceaux, use de ces articles pour faire condamner en 1909 un cardinal, plusieurs évêques et des dizaines de curés, qui avaient appelé en chaire à désobéir aux lois, menacé des enfants de les priver de première communion s’ils étudiaient l’histoire de France dans certains livres.
Car il est un point sur lequel le récit de la bonne mort laïcisée,qui enjoint l’individu d’aborder consciemment et calmement le terme de son existence, correspond au modèle idéal promu dans la rhétorique catholique. Pour le catholique parfait, la mort est vécue sans appréhension.
Selon Guillaume Cuchet, la « bonne mort »catholique « suppose au minimum la réception des derniers sacrements, accompagnée si possible d’une indulgence plénière et des prières de l’Église. En amont, elle se prépare conformément à l’enseignement d’une longue tradition. Pour les meilleurs, elle se désire ».
La mort met à l’épreuve la solidité de la foi du mourant.Pour ceux chez qui elle est insuffisamment affermie, l’administration des rituels permet de s’en remettre à l’espérance chrétienne et d’expier le manque de foi.
19 mai 1944. William Bullitt à Charles de Gaulle : “La bataille de la résurrection de la France arrive et j’y cherche ma place active (…). J’ai 53 ans (…). Accordez-moi, mon Général, l’honneur suprême de ces jours de sacrifice (…). Permettez-moi de m’enrôler comme soldat de la France.”
25 mai 1944. Charles de Gaulle à William Bullitt : “Venez donc ! bon et cher ami américain. Nos rangs vous sont ouverts. Vous rentrerez avec nous dans Paris mutilé. Ensemble, nous y verrons vos drapeaux étoilés mêlés à nos tricolores. Veuillez croire, mon cher Ambassadeur, à mes sentiments dévoués.”
Ce ralliement venait à point nommé, alors que de Gaulle affrontait Roosevelt qui voulait l’écarter du pouvoir et des opérations militaires après le débarquement. Bullitt lui apportait brusquement la légitimité de l’un des Américains les plus connus en France.

Seront désaliénés Nègres et Blancs qui auront refusé de se laisser enfermer dans la Tour substantialisée du Passé. [...] Je suis un homme et c'est tout le passé du monde que j'ai à reprendre. Je ne suis pas seulement responsable de la révolte de Saint-Domingue. [...] En aucune façon, je ne dois tirer du passé des peuples de couleur ma vocation originelle. En aucune façon je ne dois m'attacher à faire revivre une civilisation nègre injustement méconnue. Je ne me fais l'homme d'aucun passé. Je ne veux pas chanter le passé aux dépens de mon présent et de mon avenir. [...] N'ai-je donc pas sur cette terre autre chose à faire qu'à venger les Noirs du XVII ème siècle? [...] Je n'ai pas le droit, moi homme de couleur, de souhaiter la cristallisation chez le Blanc d'une culpabilité envers le passé de ma race. Je n'ai pas le droit, moi homme de couleur, de me préoccuper des moyens qui me permettraient de piétiner la fierté de l'ancien maître. Je n'ai ni le droit ni le devoir d'exiger réparation pour mes ancêtres domestiqués. [...] Vais-je demander à l'homme blanc d'aujourd'hui d'être responsable des négriers du XVII ème siècle? [...] Je ne suis pas esclave de l'Esclavage qui déshumanisa mes pères. - Frantz Fanon, 1952.

« Ce qui fait l'identité de la France, ce ne sont pas ses paysages qui peuvent être très différents entre eux […], c'est la construction, par des générations de Français, d'une histoire sociale et politique commune qui donne des références particulières et a façonné notre identité. Et ce qui fait que certains Français se sentent en "insécurité" en voyant emménager près de chez eux des compatriotes de couleur, c'est que leur référent historique ne les a jamais inclus. La France, dans sa tête, ce n'est pas la Guadeloupe et cela a été encore moins l'Algérie, le Mali ou le Vietnam. Or, cela l'a été et nous devons nous le représenter ainsi.
Ce dont parfois nous souffrons, ce n'est donc pas d'insécurité culturelle, mais d'insécurité historique.
Cette insécurité d'ordre historique est d'abord liée à une difficulté à nous approprier toute notre histoire, à la regarder en face, pour que certains de nos compatriotes ne nous paraissent plus étrangers mais qu'avec eux nous fassions "histoire commune". » (p. 160)
« Après les attentats de janvier, les actions du gouvernement ont très vite perdu tout sens. Comment pouvait-on invoquer sans cesse la laïcité et mettre à l'ordre du jour l'ouverture des magasins le dimanche, sans donner une priorité absolue à l'ouverture des bibliothèques, le lieu de l'esprit de la République et de la laïcité ? Au lieu de concevoir la laïcité comme un régime d'ordre, de contrôle et de punition, il faut la penser d'abord dans sa fonction libératrice, proposer qu'il y ait partout, dans toutes les villes, ouverts presque 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, des refuges républicains, des lieux physiques où se retrouver pour apprendre, pour pratiquer la libre communication de l'information et des idées, pour construire sa liberté de conscience. » (p. 145)
Si les entreprises ne voulaient pas trop des Algériens dans les années 1960, c'est qu'elles les pensaient contestataires, révoltés, influencés par les idées françaises des Lumières, et elles avaient raison. Les Algériens étaient formés aux concepts universels, qui étaient aussi ceux de la République française, et les entreprises craignaient plus que tout la contestation et la syndicalisation. À l'époque, la question de la religion n'était pas un problème, les entreprises préféraient les croyants et les pratiquants aux syndicalistes et aux contestataires de l'ordre établi.
L'immigration est juste un fait historique. Nous sommes le plus vieux pays d'immigration d'Europe. Parmi les immigrés qui sont venus en France, il y a beaucoup de gens courageux, qui ont traversé les frontières, travaillé dur, vécu des vies difficiles, et nous ont souvent apporté leur savoir-faire et leur talent mais il y avait et il y a aussi des idiots, des voleur et des fainéants. Les immigrés ne sont pas des saints, ce sont des gens comme les autres.
L'abolition de l'esclavage et la décolonisation marquent certes une rupture et une fin, matérialisées par des décrets, des traités et des déclarations d'indépendance. Mais on ne saurait cependant en conclure à la fin des inégalités et des hiérarchies que ces deux phénomènes historiques ont mises en oeuvre.