Ce roman, c’est avant tout l’histoire d’un binôme. D’un côté, Bertram Wooster, aristocrate égocentrique aux attitudes dignes d’un enfant gâté et incapable de résoudre seul les moindres soucis qu’il peut rencontrer. De l’autre, Jeeves, majordome so « british » et totalement imperturbable face aux caprices de son maître.
Le roman nous propose ici une intrigue tournant autour de la séparation momentanée du fameux binôme pour une raison totalement absurde : Bertie adore jouer du banjo mais ses voisins n’apprécient guère ses talents musicaux et le lui font savoir. En somme, pour eux, c’est lui ou son banjo (et si possible, lui sans son banjo). Le problème, c’est que Jeeves n’en pense pas moins et se montre, lui aussi, peu compréhensif face à cette passion assourdissante. Forcé de quitter Londres pour vivre sa passion et de se séparer de son fidèle majordome, Bertie part prendre ses quartiers en pleine campagne chez l’un de ses amis, le baron Chuffnell… nouvel employeur de Jeeves.
On aime ainsi la franchise du majordome qui n’hésite pas à démissionner pour protéger son ouïe de cette musique irritante. On aime aussi la réaction indignée de Bertie qui n’arrivera jamais à comprendre qu’on puisse lui reprocher ses goûts musicaux. Mais rassurez-vous, le binôme, même séparé, ne parvient jamais vraiment à se quitter, Bertie ayant régulièrement besoin des conseils de Jeeves et Jeeves s’étant finalement attaché à ce célibataire endurci.
Mais ce qui est surtout appréciable et assez drôle dans ce roman, c’est son côté vaudevillesque. Une vraie pièce de théâtre avec des personnages haut en couleur. On passe de situations complètement absurdes à des quiproquos que Courteline ou Feydeau n’auraient pas reniés. Le tout parce que Bertie refuse de se retrouver fiancé à son ex dont le père est prêt à tout pour sauver l’honneur de sa famille.
Aussi pour éviter cette union honnie, on le voit se grimer avec du cirage en musicien noir pour échapper aux griffes de son futur beau-père provoquant sur son passage l’effroi de plusieurs personnages croyant voir en lui l’incarnation d’un diable sorti de l’Enfer. Quand je vous dirai qu’un autre personnage se retrouvera dans la même situation que lui et que l’obsession des deux acolytes sera de trouver en pleine nuit un morceau de beurre ou un peu d’essence pour se « démaquiller », vous comprendrez que vous avez à faire à une histoire complètement déjantée.
Je vous recommande notamment deux scènes :
- celle du face à face, en pleine nuit, entre Bertie et son nouveau serviteur, Brinkley, qui, on doit l’avouer, n’a semble-t-il pas toute sa tête.
Scène dont on se demande si elle n’a pas inspiré Stephen King pour Shining (en version moins gore tout de même et plus drôle) ;
- la scène du petit-déjeuner chez le baron Chuffnell avec l’arrivée imprévue du père de Pauline qui fait écho avec quelques décennies d’avance à des numéros d’anthologie dignes de Louis de Funès tant le personnage de George Stoker est d’une mauvaise foi sans nom et d’un opportunisme qui frise le ridicule mais ravit le lecteur.
Au final, un roman très agréable à lire et qui annonce une saga représentative de ce dont sont capables nos voisins britanniques en matière de comique.
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