AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Philippe Muray (532)


Duras morte et canonisée. « Dire ». « Écrire », « Détruire ». Duras, c’était l’incarnation de l’intransitif. La personnalisation de la perte d’objet. Dans tous les sens du terme. Elle est crevée, maintenant, calanchée dans son ridicule enflé, dans sa bêtise de cyclope et sa prose de femme qui plaît aux femmes. Morte avec ses œuvres, son effroyable et ultime compagnon, son lyrisme en loques, son minimalisme grandiloquent, sa vanité étalée, sa collection de stéréotypes imbéciles (le corps de l’écrivain, l’écriture, l’écriture c’est moi), ses menaces (même morte, je peux encore écrire). Il paraît qu’il n’y a personne comme elle pour dire la douleur des femmes. Comme un appendice aux obsèques de l’affreux Mitterrand, dont elle était d’ailleurs l’amie, la mort célébrée de la Duras est encore une épreuve que le ciel nous envoie. Il y aurait des tas de belles choses à vomir sur la logique qui a conduit cette femme, excellent écrivain relativement classique dans les commencements, à devenir cette espèce de prophétesse monstrueuse, cette folle didactique, prêcheuse, prédicatrice, cette prêtresse du monde disjoncté, cette conseilleuse millénariste, cette moissonneuse-trieuse du bon et du mauvais. Qu’est-ce qu’elle enseignait comme doctrine, cette gargouille ? Quelle pastorale ? Quel évangile ? Qu’est-ce qu’elle professait ? Quelle incertitude devenue dogme ? Quelle lacune lyrique muée en doctrine ?
Commenter  J’apprécie          30
Mort de Mitterrand: "Soir. La Bête est crevée, et toutes les télés moulinent en boucle leurs honteux hommages à cette parfaite ordure. Qu’est-ce que c’est bon, quand même, de savoir que les métastases ont eu raison du vampire ! Je revois la mort de Pompidou, pourtant soudaine, brutalement révélée aux Français, mais accompagnée de l’indifférence immense de Paris, d’un Paris où il y avait encore quelques habitants, et des réserves de mépris pour les gouvernants. Je me souviens du grand silence des rues en pleine nuit. Je revois la solitude profonde de ce quai de Béthune splendide, aux alentours duquel on était allés se promener, avec quelques amis, dès qu’on a connu la nouvelle. Je retrouve dans ma mémoire ce grand immeuble paquebot comme je le voyais alors (et, du même coup, je me souvenais du portrait de Proust par Jacques-Émile Blanche tel que je l’apercevais, quelques années encore plus tôt, vers 66 ou 67, en rentrant à l’Arsenal avec Claire : il était au rez-de-chaussée du même immeuble, le portrait, il étincelait dans une pièce en rotonde illuminée de l’appartement de sa petite-nièce). Je repense à la mort de de Gaulle, un peu avant. La ferveur apparente de la nation « unanime » cachait le ricanement de toute une jeunesse (la mienne) pour qui de Gaulle ne signifiait rien (et qui, fût-ce cinq minutes, ne songeait pas à discuter de cette mort). Aujourd’hui, la ferveur aplatie des médias, celle des néo-Français de tous les âges, particulièrement les jeunes, ceux qui n’ont connu que Mitterrand comme on ne cesse de le répéter, ceux dont les parents ont, semble-t-il, tous débouché le champagne en mai 81, la ferveur de ces larves de jeunes, comme celle de leurs aînés, ne cache aucune ambivalence, aucune impertinence, rien. Il n’y a pas d’autre à ce consensus, pas d’antagoniste (il n’y a plus de marginalité). Le respect ne s’adosse plus à aucun irrespect. L’unification de l’opinion, de même que celle du monde, peuvent se mesurer à ce genre d’observation. L’unification, dans les sociétés arrêtées de la fin du siècle, est tout ce qui avance encore. Qui donne l’impression d’avancer. Le progrès, par lui-même, était déjà odieux, mais le progrès n’existe plus. L’unification est sa parodie détestable.
Commenter  J’apprécie          40
Où tu disparais dans la masse (par absorption) ou tu disparais dans la singularité (par exclusion) ?
Commenter  J’apprécie          00
Puisque le monde ne demande plus à être interprété ni changer, il faut l’outrager.
Commenter  J’apprécie          00
Au fond, les manifestations en ce moment, des émeutes de jeunes, sont un peu la fin, la conclusion du processus décrit par Ricard. La génération des
« princes du matin » dit enfin la vérité à ses enfants: vos études ne valent rien, vos diplômes c'est de la roupie , vous ne valez rien vous-même. Vous n'êtes que des créations de notre démagogie.
Commenter  J’apprécie          00
Considération ambigu sur Florence Rey et Audrey Maupin, coupable du meurtre de 4 personnes (dans 3 policiers):
C'est beau comme la mise à sac de Los Angeles par les Noirs. Beau comme un piège généralisé. Beau comme un foyer d'incendie allumé par des émeutiers.
Commenter  J’apprécie          00
Seul le désaccord absolu avec la société actuelle permet de la décrire tout en donnant la sensation au lecteur qui la découvre.

Tome V
Commenter  J’apprécie          10
La victime est devenue ultra rentable Si le spectacle en fait une consommation intensive, c'est qu’elle rapporte. La victime est le sacré du spectacle. On l’engraisse, on la fête, on l'exhibe, on l'écoute, on écoute qu'elle. En ce sens, la télé est une société primitive renversée et presque si terrifiante que les sociétés Aztèques.

tome V
Commenter  J’apprécie          00
Dans un bistrot, une femme peut se sentir "violée par procuration", "harcelée sexuellement", "menacée dans sa dignité de femme", parce qu'un type, ailleurs, à une autre table (et pourquoi pas dans un autre établissement, dans une autre ville, à l'autre bout de la planète?), lit Playboy.
Commenter  J’apprécie          00
6 septembre 1997.
Aux obsèques de Diana, j'ai vu la reine, flingue de l'opinion publique pointé sur elle, obligée de s'incliner sur le passage du cercueil de son ex-belle-fille (un peu comme les sans-culottes, si je ne me trompe, ont contraint Louis XVI à trinquer avec eux). J'ai vu tous les /hommes/ (les hommes ?) de la famille royale (Charles, Philip, les enfants de Diana et de Charles), à la suite du sinistre, du diabolique frère de la défunte, forcés de suivre le convoi, pris par surprise et obligés de marcher, entre deux haies de badauds, alors que rien de semblable n'avait été prévu par le protocole, dans une atmosphère sourde de lynchage à blanc qui rappelait, deux siècles plus tard, le retour forcé de Louis XVI à Paris, le 6 octobre 1789. C'est surtout l'air égaré du prince Philip qui m'a ému. Lui qui, dans toute sa vie, n'a probablement pas déambulé une heure à travers les rues de Londres, lui dont la stupide existence a toujours consisté à chasser le faisan, il était là, avançant comme un vaincu derrière le char de triomphe de Diana, entamant le chemin de croix de la monarchie anglaise.
Les Britanniques ont tapé sur la famille royale à coups de larmes. Ils les ont guillotinés avec le couperet de la compassion. La couronne est noyée dans un torrent de sanglots. C'est la Terreur du Coeur. Et des bouquets de fleurs. Et des cartes à jouer avec la Reine de Coeur.
"Les gens se sentaient coupables s'ils ne manifestaient pas leur tristesse, raconte un journaliste du Guardian. La semaine dernière, ceux qui jugeaient la réaction à la mort de Diana excessive tâtaient le terrain avant de se lancer dans une conversation pour savoir s'ils avaient à faire à un /croyant/ ou à un /apostat/." C'est moi qui souligne.
Diana, pour les Anglais, c'est la bonne monarchie, la monarchie à visage de conne.

pp. 336-337
Commenter  J’apprécie          110
L'absence de talent, ce douloureux problème, lié à celui de l'alphabétisation hâtive d'individus de toute façon plus doués pour la basse police et la dénonciation que pour la littérature, ou même pour le simple commentaire de textes, a favorisé l'apparition d'un nouveau genre d'ouvrages : l'opuscule sans qualités. On sait que sur le berceau des moins doués se penchent toujours les mauvaises fées de l'envie, de la jalousie et de la haine impuissante. Mais l'époque de l'égalitisme donne des pouvoirs exorbitants à ces malheureux, leur haine n'est plus du tout impuissante et si leur absence de talent est le seul message de fond de leurs œuvres, ils existent également dans le but d'imposer silence à tout ce qui ne récite pas les sourates désastreuses du nouvel ordre imposé. C'est ainsi qu'après le triste Lindenberg, qui s'attaquait à tout ce qui montrait un peu d'art ou de brio, un autre incompétent nommé Thomas Florian vient d'essayer de nuire au seul Baudrillard dans une plaquette où apparaissent quelques autres noms, à commencer par le mien ; mais c'est un honneur d'être pris dans la même rafle indigente que le grand Baudrillard.
Commenter  J’apprécie          40
18 octobre 1995.
Nanouk et moi on attend Delaroche au Lucernaire. On dîne. Au petit étal de bouquiniste qui se trouve devant l'entrée du restaurant, j'achète un recueil d'articles de Ionesco, "Antidotes". Des choses qui datent des années 60-70. Ionesco y écrivait dans la perspective du triomphe planétaire de l'URSS, et ses cris de détresse, de ce point de vue, pourraient paraître complètement démodés. Sauf si on pense que les agents du collectivisme sont toujours en place (surtout en Occident), et plus que jamais actifs, propageant plus que jamais le conformisme totalitaire, jouant plus ardemment que jamais sur la corde sensible, mais sous des masques nouveaux, dans des domaines apparemment dispersés, indépendants les uns des autres (féminisme, hystérie anti-tabac, droits des animaux, droits des prétendues minorités opprimées, droits des enfants, droits des homos, droits des sidaïques, etc). Dans "Jugement à Moscou", Boukovsky écrit même que si la nomenklatura socialiste européenne est si pressée de "construire l'Europe", cette camisole de force comme il la définit, c'est qu'elle sait qu'elle ne pourra rester éternellement au pouvoir qu'en devenant "une bureaucratie centralisée non élue qu'il sera pratiquement impossible de déloger." Nous vivons, annonce-t-il, "une seconde guerre froide, avec une nouvelle race d'utopistes coercitifs qui s'efforcent de modifier notre culture, de contrôler notre comportement et, à la fin des fins, nos pensées." En 1975, Ionesco écrivait : " L'homme est un être asocial qui ne peut vivre qu'en société, mais qui, dans la société, ne peut vivre qu'asocialement." Et aussi : "Si toutes les sociétés sont mauvaises, c'est parce que le quotient individuel empêche qu'elles soient parfaites et s'oppose à l'utopie. Ceci est à la fois bon et mauvais. C'est plutôt bon, encourageant."

p. 536
Commenter  J’apprécie          130
30 janvier 1995. [Le journal]
Un Journal ne devrait même pas être diffusable sous le manteau, même pas avouable, fût-ce à une seule personne. Le Journal, c'est l'art de l'inavouable. Posséder cet art de l'inavouable, c'est démontrer qu'on connaît exactement les limites de ce que peut supporter la société pestilentielle ; c'est donc connaître la société et c'est l'essentiel. Il faut avoir beaucoup à dissimuler pour avoir quelque chose d'intéressant à montrer. La valeur d'une oeuvre publique devrait pouvoir se mesurer à tout ce qu'elle suppose d'enfoui sous elle, de planqué, de clandestin. Le publié se jugerait alors à la quantité d'impubliable. Trois cents pages au grand jour, trois mille sous le boisseau, c'est la bonne proportion dans les temps d'abjection. La mise en scène de l'impubliable sans masque : c'est le Journal intime.
(...)
Mon Journal n'aurait jamais pu voir le jour sans la résistance, sans l'opposition, sans la haine, sans la malveillance, sans les embûches ou l'indifférence de nombreuses personnes et institutions. Mes ressentiments les plus ardents vont d'abord aux centres, groupes, lobbies, clubs, sectes et autres mafias culturelles qui n'ont financé aucun de mes déplacements et à qui je ne me suis jamais adressé. A X, Y, Z qui ne m'ont apporté aucune aide. A Machin, Truc, Chose, et tous mes autres brillants collègues ou amis qui ne m'ont fourni d'inestimables indications ou renseignements que lorsqu'ils n'en étaient eux-mêmes pas conscients. A Untel et Unetelle qui ne m'ont apporté ni soutien moral, ni assistance matérielle. A tous ceux, enfin, passés, présents, à venir, morts ou encore vivants, dont l'absence d'encouragements m'a stimulé, et auraient tout fait, s'ils en avaient eu les moyens, pour m'empêcher de devenir réalité. Mais "ultima necat", la dernière tue, et elle seule. D'eux tous, de la dissuasion qu'ils ont incarnée, consciemment ou non, j'ai reçu l'énergie d'aller jusqu'au bout.

pp. 341-342.
Commenter  J’apprécie          91
6 janvier 1995.
... On parle d'"années 70", d'"années 80 ou "90", comme si ces expressions pouvaient être autre chose qu'une des traces, parmi un milliard d'autres, de la misère et de la vulgarité journalistiques.

p. 317
Commenter  J’apprécie          100
21 novembre 1994. Raczymow sur la disparition du Grand Ecrivain.
Et puis qu'est-ce qu'il dit ? Y a plus de Voltaire, de Hugo, de Zola, de Sartre. Rideau. Si c'est là sa définition du Grand Ecrivain, évidemment elle n'a rien à voir avec la mienne. Y a plus non plus de Sade, de Lautréamont, de Bloy, de Nietzsche, de Céline. Or Sade, Lautréamont, Nietzsche ou Céline n'ont jamais joué le rôle de guides spirituels, de gourous, de mages mystico-humanitaires, comme Voltaire, Hugo, Zola ou Sartre. "Y a plus de religion littéraire !" serait donc un cri du coeur plus juste (et encore, voir Bobin), et cette annonce ne me fait pas pleurer.

... La disparition de la chose littéraire n'a pas été étudiée, et je doute que Raczymow puisse y aider. Il faudrait la patience d'un Réau pour raconter ce vandalisme invisible. Ce serait aussi bien sûr une histoire de moeurs. L'accession progressive des femmes à la littérature y jouerait un rôle de premier plan. A partir du moment où les femmes se mettent massivement à écrire, ce n'est plus Balzac qui les dit, c'est elles, et Balzac tel qu'on le connaît n'a plus de raison d'être. Même chose pour les homosexuels. Même chose pour toutes les catégories professionnelles ou autres. A partir du moment où chacun a la parole, l'écrivain ne sert plus à rien. Cinéma et télévision. Egalisation des conditions. Disparition de la fonction paternelle. Influence du marxisme, pour qui ce sont les masses qui sifflent sur l'Histoire. Etc. Mais celui qui en a dit le plus encore sur cette question, c'est mon cher [François] Ricard : l'inflation contemporaine de littérature trouve sa source dans la disparition de la mission /dissuasive/ qu'exerçait la littérature sur l'écriture. Disparition de la littérature comme principe paternel d'empêchement, d'intimidation, de découragement d'écrire. Plus de passé complexant ! Plus de /mur/ d'écrivains du passé, dressé devant soi, au moment de poser le premier mot sur la feuille blanche. Tout est permis. Plus rien n'existe.

p. 271
Commenter  J’apprécie          190
Philippe Muray
Il faut faire cet effort flaubertien de s’intéresser aux médiocres. La clé des songes est chez eux, en toute clarté sous nos yeux.
Commenter  J’apprécie          00
Philippe Muray
On pourra voir s’affirmer une préoccupation globale concernant toute possibilité d’énonciation du négatif. Cette disparition me semble le phénomène le plus important de cette fin de siècle. Il s’accompagne d’une tentative sans précédent d’éradication de l’esprit critique.
Commenter  J’apprécie          00
Philippe Muray
Je m’isolerais de tous jusqu’à en perdre conscience. Je me ferai des ennemis de tout le monde.
Commenter  J’apprécie          10
Philippe Muray
La classe moyenne, c’est en effet par elle que tout pénètre, et d’abord l’idée de fête. Décrocher son code?une fête! Avoir son deug ?Une fête! Avoir 19 ans? Une fête!
Commenter  J’apprécie          00
Philippe Muray
Houellebecq : type jeune et d’une grande laideur, visage de paysan normand analphabète de l’époque Maupassant.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Philippe Muray (450)Voir plus

Quiz Voir plus

Evadons-nous avec eux !

Dénoncé comme bonapartiste il est enfermé au château d'If et attendra quatorze ans sa délivrance et sa vengeance. Elle sera terrible. Le comte de Monte-Cristo est un roman de ...

Jules Verne
Alexandre Dumas
Paul Féval
Théophile Gautier

10 questions
27 lecteurs ont répondu
Thèmes : romans policiers et polars , cinema , evadés , littérature française , histoire vraieCréer un quiz sur cet auteur

{* *}