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Citations de Philippe Muray (532)


Bernanos disait que la seule vue du papier lui harassait l’âme ; Balzac ne fit de la littérature que parce qu’il était trop nul en affaires ; Céline promettait, contre une rente à vie, de ne plus jamais écrire une ligne. Un grand écrivain est quelqu’un qui chaque jour envisage, assez gaiement et courtoisement, de ne plus être écrivain.
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Les pamphlets sont l’échec de Céline, son échec à poursuivre toujours plus loin dans la négativité. Effacer les Juifs, rêver de les éliminer, c’est vouloir que jamais ne revienne, au milieu des fêtes de célébration du lien social, le nœud manquant de ce lien, présent par son manque et menaçant tout le temps le lien de se rompre. C’est aussi bien ouvrir un horizon où la littérature n’aurait plus de raison d’être.
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[…] l’Histoire est la maladie, sans guérison possible, et […] le vouloir-guérir est la névrose religieuse par excellence.
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Il y a une histoire de la clinique qui n’est pas celle qu’on a contée, une histoire universelle de la clinique croyant aux possibilités de recouvrer la santé. Plus on croit à la santé, plus on croit à l’existence d’un bacille isolable contre lequel il est possible de s’inoculer une protection. Cette croyance peut être appelée la religion elle-même, la vraie religion humaine que les religions proprement dites ne font que survoler, frôler, compromettre. Les religions n’ont rien à voir par principe avec la guérison ici-bas du genre humain ; mais il est arrivé que le genre humain ait cru qu’elles allaient l’aider à se débarrasser, ici et maintenant, de son épidémie : cette rencontre de cures s’est alors appelée pogroms, inquisitions, persécutions, procès et bûchers d’hérétiques ou d’infidèles. Il est à noter que depuis deux siècles le genre humain a cessé d’attendre quelque secours que ce soit des religions pour évacuer le bacille et connaître enfin le bonheur en commun, et qu’il s’est tourné vers des remèdes plus scientifiques.
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"Le voile sort par la porte et la vapeur entre par la fenêtre"
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[…] (celui qui relèverait toutes les occurrences du mot « dérangeant » dans les pages dites « livres » du Monde ne perdrait pas son temps) […].
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Avant Céline, comme avant chaque écrivain, le monde était une tête d’idole géante, respectée, enfumée de sacrifices et de dévotions. Avant Céline, comme d’habitude avant chaque œuvre neuve, le monde vivait en paix. La manière moderne du monde de vivre en paix, du moins jusqu’à une date récente, a été de faire la guerre tout le temps. Depuis un siècle, l’ensemble-tête de mort se manifeste sous forme plus ou moins condensée de guerre, l’ensemble est devenu la guerre elle-même.
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Le graphomane est le conservatoire d’un baratin romantique lamentable sur la littérature comme ivresse, l’écriture comme tragédie, le roman comme effusion du cœur, l’inspiration comme résurrection de l’enfance, l’enfance comme authenticité, la douleur comme vérité, le non-savoir comme savoir-faire, le spontané comme vision, lui-même comme écorché vif. Et chacune de ses pages comme besoin vital sans lequel il mourrait.
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Ce n’est que lorsque l’Histoire est close que l’on sait de quoi elle était faite : d’une succession d’erreurs (et, éventuellement, de l’art d’en jouir par l’art) ; à quoi s’oppose de manière catégorique l’utopie zéro défaut qui constitue notre projet commun de gouvernement pour les siècles à venir. Il s’agira désormais, et dans tous les domaines sans exception, d’exiger de la réalité moderne qu’elle se conforme chaque jour plus étroitement à l’idéal sur lequel elle s’est elle-même imprudemment proclamée fondée. C’est là une perspective d’où toute contradiction, toute négation, tout écart se trouvent bien entendu bannis, et où la liberté n’est pas prévue, mais dont l’attrayant moteur est la surenchère épuratrice et persécutrice à perpétuité.
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Même si elle ne sait manifestement pas lire, notre époque n’ignore pas que la littérature est son ennemie.
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Depuis que la littérature n’intéresse plus personne, tout le monde écrit. Ce phénomène ne peut être réellement compris que si on le replace à l’intérieur de la nouvelle religion universelle de l’Enfant, laquelle fait précisément rage depuis que les enfants n’existent plus. L’Enfant comme image, stéréotype sacré, est venu en compensation de l’enfant disparu. De cette religion, le graphomane, par son éloge permanent de l’enfant, se révèle comme l’un des apôtres les plus convaincus. La graphomanie est d’abord et avant tout une infantomanie.
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N’importe quelle personne illettrée d’il y a deux décennies était plus proche du trouble infini dont naît toute littérature, donc toute liberté, qu’un auditeur cultivé depuis par l’infatigable Pivot (et c’est bien entendu pour l’éloigner à jamais de la littérature qu’on l’a cultivé).
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Nul n’avait encore eu l’occasion de découvrir l’air d’infernal sérieux avec lequel la consultante de conseil en stratégie, le vice-président de start-up, la chargée de communication, le sociologue des mutations urbaines, le responsable des emplois et compétences, la thérapeute spécialisée en réinvestissement libidinal et l’agent de citoyenneté flanqué de son agente de vigilance, tous deux en suivi psychiatrique, se déplacent sur leurs trottinettes ; tandis que tintinnabulent leurs piercings, que gazouillent leurs portables, que protubèrent leurs implants en titane, et que la plupart se demandent avec anxiété si, à la faveur des trente-cinq heures, ils vont choisir l’option sport ou l’option enfants.
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Depuis qu’ils sont incapables de jouer avec la beauté, l’harmonie, la vérité et le mensonge, les arts se sont découverts une mission. Comme toutes les espèces qui, se sachant menacées, ne peuvent plus rien inventer d’autre que l’accélération de leur disparition, les artistes contemporains adhèrent à l’humanitarisme, qui est l’ennemi mortel de chaque art séparé. Pour que les arts séparés rentrent dans la sphère de l’humanitarisme, il faut qu’ils perdent leur spécificité. La meilleure manière de leur faire perdre cette spécificité est de les noyer tous ensemble dans la soupe de la Culture. […] La Culture ne retire rien aux arts qu’elle absorbe, sauf une chose, une seule, leur qualité d’empêchement ; et leur virtuosité critique ; et leur capacité conflictuelle ; autant dire leur sexe. […]
En tant que destin mondial de l’absence des arts, la Culture est l’expérience essentielle de l’histoire contemporaine.
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[…] Mitterrand n’était rien d’autre que le cheval de Troie à l’intérieur duquel était montée la génération de 1968, qui n’avait fait sa « révolution » que pour prendre le pouvoir au nom de valeurs plus destructrices que celles qu’elle disait avoir abattues alors qu’elles n’étaient déjà plus que des épouvantails.
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Le nom de Céline appartient à la littérature, c’est-à-dire à l’histoire de la liberté. Parvenir à l’en expulser afin de le confondre tout entier avec l’histoire de l’antisémitisme, et ne plus le rendre inoubliable que par là, est le travail particulier de notre époque, tant il est vrai que celle-ci, désormais, veut ignorer que l’Histoire était cette somme d’erreurs considérables qui s’appelle la vie, et se berce de l’illusion que l’on peut supprimer l’erreur sans supprimer la vie. Et, en fin de compte, ce n’est pas seulement Céline qui sera liquidé, mais aussi, de proche en proche, toute la littérature, et jusqu’au souvenir même de la liberté.
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Le graphomane est à l’écrivain ce que les Droits de l’homme sont à l’Histoire. De même qu’après le temps historique, commencent les aventures des Droits de l’homme comme substitut de l’Histoire réelle, de même après la littérature commence la graphomanie : sa vie, ses pompes, ses œuvres ; soit l’existence étrange d’une imitation de la littérature qui a perdu en chemin la vérité littéraire.
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C’est à l’intensité du « oui » que l’on peut dire que se mesure la pertinence de tous les « non » que l’on est amené aussi à prononcer.
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L’un de ces prédicateurs approximatifs, sans doute égaré parce qu’il avait mon style dans l’œil comme on a le soleil, m’a traité de « conservateur ». Le diable en rit encore. Que pourrait-on vouloir conserver d’un monde qui est maintenant bien au-delà de toute décomposition ? Si j’ai jamais souhaité « conserver » quoi que ce soit, ce n’est que l’esprit critique, ainsi qu’un minimum de rationalité.
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Je n’ai pas détesté, non plus, d’être né « mâle » ou « catholique ». Je n’ai rien rejeté de ces données parce que, au temps où je les découvrais comme propriétés objectives de ma personne, elles étaient en train de devenir, justement, ce qu’il pouvait se trouver de plus méprisé et de moins défendable.
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