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Critiques de Philippe Pujol (38)
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La fabrique du monstre

Jusqu'à présent, les quartiers Nord de Marseille n'évoquaient en moi que les annonces sporadiques de morts par règlement de compte que j'entendais sur France Info.



Le récit journalistique de Philippe Pujol m'a été recommandé par mon libraire et je ne regrette pas d'avoir suivi - une fois de plus - son avis. Même s'il me faut admettre que la lecture en a été éprouvante. C'est pourquoi je l'ai lu en faisant des pauses, histoire de ne pas me saborder complètement le moral. Je ne regrette pourtant pas car aussi perturbant soit-il, ce documentaire est également éclairant sur les dysfonctionnements structurels d'une société en difficulté. Car ce qui est valable à Marseille, avec des caractéristiques intrinsèques, se retrouve dans d'autres cités confrontés aux problèmes sociaux, économiques, sécuritaires et politiques.



D'origine corse, l'auteur a grandi à Marseille, a passé de nombreuses années aux faits divers de son journal et a côtoyé pour ses enquêtes petits dealers, malfrats, caïds, leurs familles et certains membres d'une caste politicienne singulière. Il connaît et maîtrise donc son sujet, ce qui se ressent à chaque chapitre.

Il ne se contente pas de dénoncer les problèmes évidents de délinquance. Sans juger ni légitimer, il donne le contexte, cite des cas individuels. Il y a de quoi être plombé devant ces gamins qui vendent (et consomment) un shit mélangé à de l'huile de vidange, devant des petiots de moins de dix ans partir à la quête aux cafards dans leur immeuble pour les revendre 5 centimes la bestiole, devant la détresse et le désespoir d'une mère dont son fils puis son mari ont été troués de balles et qui doit désormais se débrouiller entre sa tristesse et les autres gamins à élever et à empêcher de s'embrancher vers le même destin.

Il y a aussi ces éducateurs qui font ce qu'ils peuvent pour aider et faire sortir cette jeunesse déliquescente de son apathie résignée à n'être rien sinon de la chair à caïds.



Dans une seconde partie, Philippe Pujol aborde la "gestion" politique de Marseille avec Gaudin et compagnie. Clientélisme, passe-droits, corruptions, alliances contre nature en terme de politique, etc, les élus de la ville - maires, députés, sénateurs, conseillers, etc - ne reculent devant pas grand chose pour assoir leur pouvoir. Quitte à s'entendre avec des bandes plus ou moins mafieuses pour toujours plus de crédits. Quant à la gestion de l'argent public, c'est une aberration systémique. Sans être marseillaise ni du Sud, nombre de noms de famille de politiciens paraissent dans les médias généralement accolés à des accusations de corruption, malversations, abus de fonds publics, ... Marseille n'est pas la seule ville à souffrir de ce genre de méfaits, mais tels que décrits par le journaliste, on ressort avec le sentiment que tous se cristallisent pour que le système ne changent surtout pas! Et pendant ce temps, les fossés d'inégalités se creusent toujours plus.



Bref un récit peut réjouissant et qui ne s'achève pas puisque délinquance et jeux politico-financiers ne s'arrêtent jamais. Mais que je recommande pour appréhender une partie de notre société et de ses dérives.

Néanmoins même à travers des histoires personnelles sordides, éhontées ou malheureuses, l'auteur fait part de la puissance des Marseillais à se parler et à rendre, en dépit de tout ce noir, sa beauté à la cité phocéenne.
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La fabrique du monstre

Une plongée hypnotique au cœur des entrailles d’un Marseille pourri. Je dirais, moi qui suis marseillaise des quartiers nord, marseillais à l’âme sensible s’abstenir. L’enquête de Pujol qui a duré 10 ans est un monument du genre, elle offre un portrait complet et compréhensible d’un système nauséabond. J’en sors lessivée, déprimée mais avec le minuscule espoir que ce livre fera peut-être bouger les lignes.

Ça démarre très fort dans les cités du nord peuplées de mains noires - ces minots sans cervelle (au sens propre) qui coupent le shit avec de l’huile de vidange et du valium pour vaches et… le fument – de dealers, de gros voyous, d’ados tueurs, d’ados tués, de mères éplorées, de pères déboussolés. Pour beaucoup de jeunes la meilleure perspective c’est les Baumettes (la prison de Marseille), la pire le cimetière. Dans tous les cas, illettrés ou analphabètes, un véritable échec de l’école de la République.

Quand on termine de cette première partie on pense avoir fait le plus gros. Que Nenni ! le meilleur est toujours pour la fin. On rentre dans la partie la plus noire de l’affaire, le politique. Un voyou c’est un voyou, on sait tous ce que c’est ! Mais un politique-racaille c’est plus compliqué à comprendre. A Marseille, droite et gauche ne veulent définitivement, résolument, absolument rien dire ! Et Pujol fait le constat que les marseillais dégoutés et devenus politiquement apathiques votent de moins en moins et ça fait l’affaire des mêmes : les politiques qui arrosent de subvention leurs protégés (associations de foot, écoles privées, fondations diverses…) qui eux vont voter pour leur protecteur. La boucle est bouclée, on fait sa soupe entre amis, on se protège, on s'achète à coup de subventions et on augmente les impôts locaux ! Sans oublier les entreprises du BTP qui se servent sur la bête à coup de travaux plus ou moins foireux qu’il faut refaire chaque année « Marseille est un gruyère » dit Pujol tant il y a des chantiers partout. Sans oublier les relations entre anciens tolards devenus patrons de très chic restaurants et toujours en excellentes relations avec la pègre et la politique. Sans oublier les affaires qui minent la politique dont les plus emblématiques concernent Sylvie Andrieux (PS ) mais « nièce spirituelle » de Gaudin (UMP), Jean Noël Guérini exclu du PS pour détournement de fonds publics et soutenu aux élections municipales par la droite .Sans oublier les liens familiaux comme ceux, par exemple, entre Samia Ghali (PS) et Nora Préziosi (UMP) laquelle a perdu deux neveux dans des règlements de compte. Sur le trône de ce royaume, le maire Jean-Claude Gaudin dont l’entrisme et l’expérience politique autorisent toutes les dérives pour se maintenir au pouvoir. Au fond, le ciel n’est pas si bleu que ça à Marseille. Le meilleur Pujol nous le réserve dans les derniers chapitres, ceux consacrés au FN et là on croit être revenu au temps de Rivarol, l’extrême-droite marseillaise s’enracine dans des partis fascistes et dans l’OAS (organisation armée secrète pour l’Algérie Française). Même Guy Tessier placé par Gaudin à la tête de la communauté urbaine est issu d’un mouvement néofasciste à croix celtique le Parti des Forces Nouvelles scission d’Ordre Nouveau. Bref, ce que nous disent ces 315 pages c’est que Marseille est dévorée par la corruption, un communautarisme entretenu et... ce n’est pas demain que ça va changer. Il parait que vivre libre, il faut vivre les yeux ouverts, voilà les miens le sont !

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Mon cousin le fasciste

Le cousin de Philippe Pujol est un facho. Pas un petit, effacé, discret qui râle en cinquième ligne derrière sa télévision, non ! C'est un vrai, dur, froid, violent, militant, fondateur de l'Oeuvre française. le poing levé revendiquant fièrement son fiel haineux.



De la repoussante crasse brutalité des crânes rasés jusqu'à la gourdasse acceptation des masses bêlantes fascinés par les Zemour et Dieudonné, pyromanes décomplexés… Un panorama de la normalisation des idées rances.
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La fabrique du monstre

Je vis et travaille à Marseille depuis 18 ans , autant dire que ce livre me parle!



De ce maire, caricature d'un mauvais Pagnol aux quartiers nord, des grands malfras aux petits qui mettent Marseille en tête des tirs de Kalach ( pour une fois que Marseille est en tête...) , des écoles délabrées où les rats traversent les cours aux logements insalubres qui s'écroulent, de la petite corruption à la grande, d'arrangements en distorsions , le tableau dressé est minutieux.



Je ne peux que m'étonner que cette ville qui est structurellement déviante (pas la seule mais plus que les autres) avec une constance inébranlable quelque soit le parti politique dont on parle, soit regardée, étudiée, bilantée comme telle et que jamais rien ne change !



Les Italiens ont réussi ( du moins je crois ) leur opération "mani pulite" ne pourrait-on envisager et mettre en place, pour de bon, pas en faisant semblant, une opération main propre à Marseille ?



Il semble que non, audits, enquêtes, rien ne semble jamais aller très loin ...



Quels héros va-t-on nous proposer aux prochaines municipales ? Qui pourra changer quoi ? Et comment ? Je n'en ai pas la moindre idée mais je trouve que ce serait un pari audacieux et une très grande aventure que de décréter Marseille ville à reconquérir pour la République.



Marseille c'est tout ce qu'on en dit et c'est aussi tout le contraire, alors si l'on veut un portrait réaliste et détaillée de cette ville qui, malgré tout a aussi ses atouts, ce livre en offre un très bon portrait
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Alta Rocca

La "vendetta", ce code d'honneur fondé sur le tribut du sang qui déchire les sociétés claniques depuis des temps immémoriaux, fait partie intégrante de la tradition corse. Pour son premier roman, Philippe Pujol a pris pour décor la région montagneuse corse de l'Alta Rocca : en ce milieu des années 1800, la célèbre lignée des mangeurs d'ours (Manghjà Orso) est mise à mal par les guerres intestines qui déciment les clans rivaux et par la terreur semée par des bandits sans foi, ni loi. Alors que le Vatican essaie d'étendre son influence sur l'île de beauté et que les Français s'amusent de ses guerres de clans, Orso et Giovanni, les 2 derniers descendants mâles du clan aux 7 mères et aux 7 sœurs, restent les seuls à pouvoir changer le cours de l'histoire... Mais sauront-ils enfreindre la loi du silence (omerta) et mettre fin au cycle infernal des vendettas ?



Navigant entre l'histoire et la légende, cette tragédie corse aux accents de western à la "Corsica Nostra", s'inspire largement des récits rapportés par la grand-mère de l'auteur. De cette transmission orale si chère à la culture corse, Philippe Pujol a quelque part transgressé cette tradition orale par l'écriture de ce roman qui réconcilie tradition et modernité dans un savant mélange de rêve et de réalité... Bref, un exercice de style risqué auquel le lauréat du Prix d'Albert Londres 2014 s'est prêté avec cette appréciable humilité que j'ai eu l'impression de retrouver à travers ces quelques pensées d'Orso : "Les enfants ne se parlaient plus, ne se regardaient plus. Pas plus avec des adultes. Ils ne regardaient plus passer les nuages, n'observaient plus le lit d'une rivière, n'écoutaient plus le cri des animaux. Ils rechignaient à aider, s'ennuyaient même entre eux si aucun livre n'avait été apporté. Les montagnes étaient vidées de leurs gosses, ces garnements qui jadis apprenaient en arpentant les quelques saisons de leur enfance tout ce qui leur servirait pour le restant de leur vie. On déléguait ça aux livres, on en confisquait la transmission aux parents. On figeait les histoires sur du papier blanc et l'Histoire ne serait plus contestable. Ou plutôt, elle ne serait plus adaptable. La tyrannie de l'Histoire, pour Orso, s'installait par les livres. La contestation passerait par ces petites évolutions qu'espéraient réussir les bandites. Faire de sa langue l'outil du peuple pour infléchir un destin entravé dans des coutumes désuètes juste en le faisant passer sous la terrible et tranchante lame du progrès. Orso aimait à raconter le livre qu'il apprenait par cœur. L'oralité a cela de précis par rapport à l'écrit qu'elle s'adapte plus facilement à l'auditoire, pensait-il. Il décida de dire son livre à Salvo. L'enfant, en un instant, lui démontra qu'il s'était trompé." (p. 245). Pari réussi donc pour ce roman corse que je vous invite à découvrir...
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La chute du monstre

J'avais lu "La fabrique du monstre" du même auteur, journaliste et marseillais. Pour vivre dans cette ville, j'y avais trouvé une mine d'informations nouvelles ou qui confirmaient ce que je soupçonnais du fonctionnement de cette drôle de ville. Je ne voyais pas bien comment on pourrait sortir la ville de ses dysfonctionnements structurels quasi fossilisés par les années de gouvernance pourrie.



Ce livre ci, part de la catastrophe de le rue d'Aubagne, l'écroulement de deux immeubles, huit morts et des milliers de personnes déplacées à la suite.



J'habite à proximité de cette rue, dire que ce fut une surprise oui et non, je ne suis vraiment pas technicienne mais on peut quand même voir un habitat qui s'abime en continu. De plus pour travailler dans les écoles de la ville, gérées par la ville , j'ai vu, entendu voir profité des bâtiments dégueulasses et très limite et fréquenté aux conseils d'école des élus absents ou incompétents ou noyant le poisson. De là à voir deux immeubles s'écrouler comme des châteaux de sable et entraîner huit personnes avec eux ....



L'auteur repart à la recherche de témoins , croise des données, explique en long et en large le système politique marseillais qui a conduit et est responsable de ces morts.



C'est excellent, il faut le lire et s'arracher les cheveux en comprenant que ça dure ça dure et qu'on n'arrive pas à y changer quoique ce soit !



Je doute de la nouvelle équipe qui a repris dès que possible le "c'est la faute de Paris" et a organisé l'été dernier un spectacle autour du Covid que n'aurait pas renié Gaudin l'ancien maire. Je suis aussi moins sous le charme, sans doute parce que je n'ai pas grandi à Marseille, de la vision très multi-culturelle bon enfant que l'auteur nous présente . Je ne doute pas que cette image d'Epinal de la ville brassant toutes les populations pauvres du monde en bonne entente ait eu un fond de réalité, je doute que ce soit ce qui existe aujourd'hui mais je ne connais pas tout Marseille. L'auteur a aussi raison quand il dit qu'il n'y a pas qu'à Marseille que l'on triche mais à Marseille c'est toujours plus, toujours plus fort, toujours pire je trouve.



A lire sans modération.



Du coup, malgré tout le charme que peut avoir cette ville et encore plus ce qu'elle pourrait être ( mais ce possible n'est-il pas juste fantasmé...), je la quitte sans haine, sans regret mais lassée
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La fabrique du monstre

Dans son livre, Philippe Pujol démythifie Marseille pour parler des vrais problèmes de cette ville que l'on a tendance à mettre sous le tapis comme de la vulgaire poussière.



Oui, une partie de la population marseillaise souffre. Elle se meurt dans ses quartiers que l'on appellent, fort injustement, les "quartiers nord".

Philippe Pujol le martèle dans ses interviews : Marseille n'est pas Paris. Les cités font partie intégrante de la ville et elles s'étendent du sud au nord. Nous avons toujours vécu les uns avec les autres. Mais plus le temps passe et plus des fossés (économique, culturel, éducation, logement...) se creusent entre les Marseillais.



On ne peut pas parler non plus de Mafia à Marseille : c'est un des nombreux clichés qui court sur la ville. Et puis ça fait des titres "sensationels" dans les journaux !!! Nous ne sommes pas en Italie où l'Etat est complètement défaillant. Dans cette ville, nous avons des élus qui gouvernent à leur façon. Les voyous n'ont jamais essayé de torpiller les politiciens et s'approprier le pouvoir. Philippe Pujol parle plutôt de pègre marseillaise. Celle-ci a évolué dans le temps. Dans les années 70, c'était la French Connection avec comme acteurs : Gaëtan Zampa, Francis le Belge, le juge Michel qui sera assassiné en plein rue, sur sa moto, devant le palais de justice (voir les films French Connection de William Friedkin avec Gene Hackman- 1971, La French de Cédric Jimenez avec Jean Dujardin et Philippe Lellouche- 2014)... : les voyous Marseillais fournissaient l'Amérique en héroïne de premier choix. Aujourd'hui, la pègre a laissé le marché du shit aux cités et elle s'est tournée vers la gestion en sous main (ou le racket) des restaurants, bars PMU (machines à sous, BINGO), boîtes de nuit, la prostitution... La pègre corse tient les mêmes trafics à Aix en Provence.



Qu''est ce qui fait alors la différence entre Marseille et d'autres villes en France, qui arrivent à s'en sortir ? Une ville qu'il y'a encore 30-40 ans était dynamique avec un port florissant (le 2ème en Europe, aujourd'hui 7ème), des Marseillais qui avaient un niveau de vie correcte, avec du travail.

"...le rapport (de l'OCDE) souligne que la métropole Aix-Marseille est l'une des plus inégalitaires de France, que ce soit en matière de revenus, d'accès à l'emploi ou d'éducation. Ces inégalités socio-économiques sont très délimitées territorialement. Le plus riche et le plus pauvre se côtoient, chacun retranché dans sa forteresse. Le taux de chômage des jeunes atteint 50 % dans certains quartiers où plus d'un tiers de la population n'a pas de diplôme... Marseille demeure une ville cosmopolite, mais les politiques freinent les mélanges pour mieux maîtriser les groupes...Il faut dire que pour ceux-là (la presse nationale) Marseille est une aubaine. Une ville tout-en-un. L'impunité des Balkany dans les Hauts-de-Seine est celle de Guérini dans les Bouches-du-Rhône. Les règlements de comptes éparpillés dans la banlieue parisienne se concentrent dans les quartiers tous labellisés "Quartiers nord". Le Front national du niveau d'Hénin-Beaumont se retrouve dans les 13e et 14e arrondissements. La désindustrialisation de la région lilloise a son reflet dans le Midi. La bourgeoisie de Bordeaux engraissé au temps des colonies a des cousins dans les quartiers très chics qui longent la Corniche. Les tensions immobilières autour d'Ajaccio se déclinent sur l'aire métropolitaine d'Aix-Marseille...."



Marseille souffre aussi d'une politique née dans les années 30 avec Simon Sabiani (politicien et homme d'affaire, héros de la 1e guerre mondiale, puis collaborateur sous Vichy, devenu socialiste Marseillais) et institutionnalisée par Gaston Deferre : le clientélisme.

"... Allons il faut bien se l'avouer : derrière le maquillage et les liftings, Marseille est une ville défraîchie, abîmée par des systèmes rebattus comme les anecdotes de son maire (Jean-Claude Gaudin). Depuis bientôt cinquante ans, Marseille n'en finit pas d'être en voie de développement. Certains pensent plutôt que la ville n'en finit pas de décliner, comme le montre la paupérisation des quartiers populaires. La création de richesses y est si rare, si faible que ce qui existe n'est redistribué que par la voie du clientélisme partagé en plusieurs vases clos.

Le clientélisme associatif : un réservoir à électeurs qu'il ne reste qu'à vider une fois les élections passées.

Le clientélisme communautaire : la persistance artificielle d'un phénomène tendant à se dissoudre dans la capacité réelle et naturelle de Marseille à intégrer ses immigrés.

Le clientélisme locatif : la répartition des habitants dans la ville en fonction du piston et son corollaire, la fabrique des ghettos, leur ségrégation et leurs tensions.

Le clientélisme à l'emploi : ou comment entretenir l'inégalité et abîmer vue comme un déclassement à combattre.

Le clientélisme éducatif : machine à ghetto scolaire, source de la galère.

Le clientélisme syndical : Force Ouvrière fournissant des fonctionnaires formatés au burlesque administratif.

Le clientélisme immobilier : vente d'une ville à la découpe sans cohérence urbanistique. Des infrastructures vitales insuffisantes : maisons de retraite, crèches, réseaux routiers. Des transports en commun presque inexistants... Et ce clientélisme,... ne bénéficie qu'à ceux qui sont en place et intégrés depuis suffisamment longtemps pour pouvoir rendre quelque chose en retour. Pour ceux-là, il faut que rien ne bouge. Leur survie est en jeu...

Les Marseillais ne sont jamais mieux asservis que par eux-mêmes.

Marseille est dévorée par une corruption vorace..."



Dans tous les cas, si vous voulez comprendre cette ville, "que l'on aime ou que l'on déteste", jamais de juste milieu avec les Marseillais, lisez le livre de Philippe Pujol. Il a fait un travail journalistique remarquable, allant aux contacts des gens, de la misère, essayant de comprendre la complexité de cette ville. C'est un vrai travail de journaliste d'investigation étalé sur une dizaine d'année. On est loin des clichés qui réduit Marseille à de simples règlements de compte qui font l'ouverture des journaux télévisés de 20 heures.

Il a aussi été récompensé par le Prix Albert-Londres en 2014 pour la série d'articles "Quartiers shit" publiés dans le quotidien La Marseillaise.



Et je laisserai le mot de la fin à l'auteur lui-même (c'est aussi la dernière phrase du livre) : "Cette ville n'est tout simplement que l'illustration visible des malfaçons de la République française."





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La fabrique du monstre

L’auteur achève son livre par cette phrase pertinente qui résume tout : « Cette ville n’est tout simplement que l’illustration visible des malfaçons de la République française ».



En effet, comme l’écrit Philippe Pujol Marseille est sincère.



Cette enquête du journaliste marseillais est une merveille, à la fois un travail méticuleux de journaliste qui se mêle à la population des quartiers nord et croise certains élus de la ville et un travail réussi de sociologue.



Chaque page lue augmente notre colère et désarroi.



On comprend mieux la détresse de ces quartiers.



Pour conclure, une enquête à lire si le sujet intéresse. Je l’ai dévoré avec passion.
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La fabrique du monstre

Chacun croit connaître Marseille, cosmopolite, jeune, carrefour des civilisations, méditerranéenne, son folklore, son brassage de populations, sa délinquance…

Philippe Pujol a beaucoup enquêté sur ce thème, ayant travaillé à la rubrique « Faits divers » de l’ex-quotidien La Marseillaise. Couronné par le prix Albert Londres pour son reportage sur les « Quartiers shit », il reprend ici la description minutieuse de la criminalité liée aux trafics dans les fameux « quartiers nord » où les morts violentes se multiplient pas centaines, et où les règlements de comptes entre malfrats éphémères scandent la vie des cités placées sous le signe de la misère.

Mais il y a plusieurs facettes à cette délinquance et il serait trop simple de la limiter à ces portraits fouillés de jeunes caïds à la trajectoire météorique, s’imposant par la violence et finissant avec elle.

Il reste à évoquer tout le système politico -affairiste où l’on se soucie moins des étiquettes partisanes que des relations et combines utiles et des « arrangements » en tout genre, sans parler du filon juteux de l’immobilier et du bétonnage. Et l’auteur d’affirmer qu’il n’y a plus de mafia à Marseille… « sauf dans le domaine de la drogue » (p. 239), une correction de taille.

Fin connaisseur de sa ville dont il semble décrypter les arcanes affairistes ou criminelles complexes, l’auteur se montre beaucoup plus précis et disert sur les petits piranhas des cités, adeptes du « tout, tout de suite » et sur leur destin de récidivistes hyper-violents, que sur les gros requins qui naviguent dans les eaux troubles du Vieux port. Certes tout est évoqué, mais plus par allusions voilées, et les politiques en place sont à peine égratignés par des indications au second ou au troisième degré opportunément confuses. Il est vrai qu’il est plus risqué de dévoiler crûment le système établi à Marseille que de décrire l’exclusion sociale génératrice de violence des cités de relégation.

Une vision sombre des aspects les moins reluisants du grand port méditerranéen, que P. Pujol dépeint ici avec une lucidité pessimiste.

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Marseille 2040

Marseille en l'an 2040. Antoine, 23 ans, exerce en tant que régulateur de santé au sein de l'ARS PACA. Un matin, il apprend par Gérard, ancien hacker "has been" avec qui il travaille, que tous deux seront prochainement remplacés par des robots. Afin de prévenir une nouvelle crise sanitaire comme celle liée au F.LA.S.H.* de 2028, la région PACA a en effet décidé sous couvert de la sacro-sainte Transparence et dans le respect de la démocratie sanitaire, que le système de santé nécessitait de toute urgence, une profonde restructuration. A l'heure où chaque individu est constamment connecté à son AV (Assistant Virtuel) et que chaque prise de décision est suggérée par ses calculs algorithmiques, se dessine l'ombre inquiétante d'un transhumanisme presque inexorable...



Et si c'était cela qui nous attendait pour les prochaines décennies ? Avec la rigueur journalistique qui caractérise ses travaux, Philippe Pujol a cette fois-ci choisi d'écrire une enquête d'anticipation pour sonder les rouages enrayés du système de santé français et mettre l'accent sur la nécessité pour les autorités de santé publique françaises, de conduire une réflexion prospective sur les 30 prochaines années. Ce format d'écriture offrant une plus grande liberté d'expression que la simple restitution de travaux de propective, Philippe Pujol nous offre là une enquête minutieusement documentée aux accents dystopiques et qui n'est pas sans évoquer le célèbre 1984 d'Orwell. A ceci près que son Marseille 2040 publié en février 2018 est très proche de nos réalités... et qu'il précède de façon troublante à la crise sanitaire du COVID 2019 ! En fin observateur de son époque, le journaliste a su manier habilement le registre de l'anticipation pour attirer l'attention de tous sur ces problématiques de santé publique. Merci donc à lui pour ce gros travail d'enquête des plus intéressants !



*Acronyme créé par un médecin marseillais pour désigner de façon ironique la "Faille LAtérale du Système Hospitalier".
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La chute du monstre

5 novembre 2018, ces premiers jours de novembre ruisselaient le long des rues de Noailles.

Le ventre de la ville, malade, a flanché.

Deux immeubles effondrés et huit morts, au matin, comme dans une cité abandonnée.

Voilà comment débute le roman de Pierre Pujol, ancien journaliste au journal local "la Marseillaise".

Triste constat d'une ville qui se paupérise et où la mauvaise gestion et toutes les malversations du maire, en place depuis presque un quart de siècle, sont mises en exergue.

Je n'ai pas oublié ce 5 novembre et ce triste drame avec ces pauvres victimes: vendeurs à la sauvette, étudiants fauchés, mères seules et mémés isolées, commerçants de galère, artistes sans le sou, intellos précaires, blédards, sans papiers, travailleurs pauvres, sans activité fixe, sans domicile fixe, sans idées fixes...

Comment au XXIème siècle on a pu en arriver là ? Comment dans la deuxième plus grande ville de France, en plein coeur de la ville, à deux pas des touristes et des hôtels de luxe on a pu laisser crever la misère ?

Ceux qui se font déjà exploiter par des marchands de sommeil mais pas que...

Aux yeux de tous !

Pierre PUJOL nous fait faire un tour de ces arrondissements au coeur de l'actualité: le 3ème, quartier de la Belle de mai, arrondissement le plus pauvre d'Europe, la Plaine, à la limite des 1er, 5ème et 6ème et son mur de la honte, le 2ème, Joliette et rue de la République "Rép" pour faire plus fun et attirer le chaland dans cette artère désertée.

Entre journalisme d'investigation et critique d'un système bien huilé qui a laissé la ville en état de léthargie avancée depuis 30 ans.

Ca grince, ça coince, mais ça dénonce et pas qu'un peu.

J'ai aimé aller à la rencontre de ces habitants, de cette mixité sociale et culturelle qui fait la richesse de cette ville ouverte sur la Méditerranée.

Derrière les résilles de béton, il y a les fissures qui lézardent les murs des logements menacés de péril.

Depuis, les effondrements se ramassent à la pelle.

Marseille la mal aimée, Marseille la maltraitée.



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La fabrique du monstre

Clientèlisme, délinquance et politique !

Ça se passe à Marseille mais sans doute partout ailleurs. Merci à monsieur Pujol de prendre le risque de démontrer comment le clientelisme politique peut artiver a accroître les règlements de comptes entre bandes .

Dégoûter une grande partie des électeurs et en arroser quelques uns judicieusement pour garantir sa réélection, c'est le systtme sue denonce ce livre clair et plein d'anecdotes.
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La chute du monstre

Super récit sur ce Marseille, ma ville natale, qui s’écroule par son clientélisme et son mépris pour les pauvres. Pujol fait un super travail. Son livre se lit presque comme un roman. Plus les pages défilent et plus un sentiment de colère s’élève chez le lecteur. A quand le Marseille avec un taux de chômage bas, moins de voitures, moins de disparités !!!!!
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Alta Rocca

Original. Un western dans le maquis enneigé. Des dictons corses bien choisis et bien traduits. Des prêtres voleurs, violeurs et assassins qui instrumentalisent une foi rustique et encore bien païenne. Des haines recuites et de l'orgueil, de l'envie et de la jalousie qui sont les envers inévitables des sociétés communautaires. Si Philippe reste en deçà par rapport à Prosper pour le style, il est largement au delà pour décrire la vérité d'un monde complexe et dur qui se dérobe à tous les imbus de leur supériorité culturelle. Il faut avoir eu une grand-mère bavarde née au XIXe dans cette région pour apprécier cette histoire et je crains que son lectorat ne soit très restreint.
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La chute du monstre

Si c'était de la fiction ce serait tellement drôle ces magouilles, cette médiocrité dans une ambiance de trahison et de petits arrangements entre amis voire ennemis.

Mais hélas il s'agit d'une réalité politique qui ne passe pas mieux sous le soleil de Marseille.

Le bizness de la misère est tout simplement abject, promoteurs et autres pros du BTP ont perdu toute humanité c'est à pleurer de désespoir.

Mais cette ville lumineuse et mal gérée est aussi source de créativité, de solidarité et d'intégration comme nulle autre ailleurs et c'est bien sans le politique qu'elle est en train de se réinventer.

Un exemple à venir ?
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La fabrique du monstre

Le Marseillais ne sera pas surpris de lire ces arrangements clientélistes qu'il connait de longue date (Gaudin, FO, Andrieux, Guerini, etc) mais il découvrira ici certains des faits qui fondent cette "rumeur" insistante. Quant aux autres, qui ne connaissent la ville que par le prisme étroit des médias parisiens, ils trouveront dans cette enquête de quoi satisfaire cette curiosité qui inévitablement surgit dès lors que l'on mentionne la deuxième ville de France. D'arrangements en pagnolades, les anecdotes sont nombreuses et plus ou moins détaillées, et Dieu sait si l'auteur aurait eu besoin de plusieurs volumes pour nous servir tout ce qu'il aura appris sur le terrain en 10 ans de presse locale (l'auteur fut durant toutes ces années grand reporter à la Marseillaise, journal précaire du coin bien plus indépendant que la Provence, le quotidien local de "référence") et 40 ans de vie locale (en tout bon Marseillais du cru parfaitement impregné des réalités locales). Si le sujet est traité intelligemment, la transition un peu abrupte des trafics des quartiers nord (première partie) aux affaires politiques (deuxième partie) n'est pas tout à fait naturelle, et le propos reste parfois décousu, voire un peu trop militant (même pour le gauchiste que je suis). Quant au style, au détour d'une phrase, il peut éventuellement rappeler de façon lointaine, à ceux qui ne l'auraient que partiellement lu, celui d'Albert Londres (l'auteur éponyme du prix français le plus prestigieux du journalisme dont Philippe Pujol fut le lauréat en 2014) mais n'evite pas toujours l'écueil du sensationnalisme contemporain et reste loin de cotoyer les cimes virtuoses de l'humanisme cynique du grand écrivain (qui en son temps écrivit aussi sur Marseille). Bref l'auteur en fait parfois un peu trop dans l'anecdote, certainement pour plaire et attiser la curiosité de ses collègues parisiens qui ne vivent pratiquement que de buzz. On n'en voudra certainement pas à l'auteur d'user parfois de certains clichés toujours tenaces dans la cité phocéenne afin de braquer les projecteurs sur une actualité marseillaise qui reste tout à fait alarmante car cela semble fonctionner en partie étant donné le relatif succès du livre. Cette enquête a donc le mérite d'exister à une époque où la politique et les médias ont baissé les bras face à une réalité sociale de plus en plus complexe et rappelle quelques vérités historiques à l'origine du développement anarchique et apathique de cette ville qu'on aime tant détester. Comme une femme méditerranéenne à la beauté hypnothique et au caractère bien trempé qu'il est difficile de contenter mais de quitter aussi...
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La fabrique du monstre

Une enquête pessimiste et ultra réaliste où l'on découvre les dessous franchement sales de la politique adepte du clientélisme tous bords confondus qui sévit à Marseille.

Le résultat ce sont des quartiers entiers paupérisés, livrés à eux-mêmes, qui engendrent des monstres dans l'indifférence générale.

Le résultat ce sont ces populations oubliées, coincées entre des associations achetées par des élus et des malfrats qui réorganisent l'espace commun pour leurs trafics.

Quelquefois on se perd un peu dans ce marécage politico-truand mais peut-être est-ce bien comme cela que le reste d'intégrité de notre société s'enlise ?

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La fabrique du monstre

Philippe Pujol, journaliste, prix Albert Londres habite Marseille. 10 ans d’immersion dans les quartiers nord, la zone la plus pauvre d’Europe. Pauvreté, drogue, clientélisme, violence sociale… sont partout. Une mécanique implacable. L’enquête est passionnante.

Marceline

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La fabrique du monstre

Tout bon marseillais devrait lire ce livre pour mieux comprendre sa ville ! Journaliste en immersion dans les bas fonds de sa ville, Philippe PUJOL analyse dans ce livre tous les tenants et les aboutissants de la politique marseillaise, qui fait quoi et pourquoi ; pourquoi tous ces trafics d'armes, de drogue, d'argent. En résumé "à qui profite le crime". Très bonne analyse !
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La chute du monstre

Après avoir lu la fabrique du monstre je viens de finir la chute du monstre.

Il est indispensable pour chaque Marseillais de lire ce livre afin de se rendre compte des enjeux des prochaines élections.

La situation est critique mais peut être pas désespérée si nous citoyens de Marseille oeuvrons pour le bien de notre Ville.

Nous sommes tous des enfants de Marseille il est temps que notre Ville nous soit restituée.

Merci a M Pujol pour le travail sur le terrain qui permet une compréhension globale des différents problèmes



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