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Citations de Philippe Sollers (1551)


Diviser pour régner, tel était, bien entendu, le refrain élémentaire de l'ensemble... juifs contre chrétiens, juifs et chrétiens contre arabes, tout ce qui avait trait au monothéisme devant être agité, morcelé, fissuré, décomposé... Tout ce qui pouvait faire obstacle à un réglage scientifique, « libre », « épanoui », de la sexualité et de la reproduction en elle-même et pour elle-même, serait peu à peu réduit et gommé... A « opium du peuple », formule manifestement dépassée, succédait ainsi « poison de la femme », mot d'ordre dont on espérait un retentissement beaucoup plus profond et violent, d'autant plus que les « peuples » se mettaient maintenant de plus en plus souvent à se resservir de la religion abhorrée pour faire entendre leurs revendications...
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La beauté d'une femme désirée augmente, celle d'une femme non seulement désirée mais aimée rejaillit partout comme une apparition d'au-delà.
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Deux erreurs à ne pas faire : aimer ou détester son corps. Y être accroché, ou vouloir le supprimer. Narcissisme et haine de soi, argent et suicide ; même substance.
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Que fait au juste Pierre Froissart, écrivain clandestin, dans un petit palais de Venise? Pourquoi est-il accompagné de cette jeune physicienne américaine, Luz, avec laquelle il a l'air de si bien s'entendre?...
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Rejoindre dans ses tréfonds une jouissance féminine ignorée d'elle même.
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Philippe Sollers
"La vie du désir n’a aucune raison de vieillir."
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« Mes enfants, mes soeurs, pensez à la douceur de vivre ici, près du parc ... On descend de l’appartement, on remonte, on est comme chez nous dans les allées malgré les passants, les cris des enfants... Les soirs d’été, surtout, après la fermeture des grilles, sont magiques. Le ciel, là-bas, au-dessus des longues avenues luisantes, est bleu sombre. Les merles chantent dans les marronniers en fleur. Clara est de passage à Paris, on se promène. Dora a des rendez-vous en Suisse, et revient. Je m’enferme avec Clara pour écouter avec elle tous les enregistrements que Glenn Gould a réalisés de Bach. Elle les connaît par coeur, mais je veux voir comment elle entend, elle , telle ou telle attaque. On se met pieds nus, on flotte sur le parquet... Gould, c’est l’introduction de la métaphysique dans les disques... [3] Je montre à Clara un passage d’un roman de Thomas Bernhard, Le naufragé :

« Quand il jouait, affaissé devant le Steinway, il avait l’air d’un infirme, le monde entier le connaît sous cet aspect, or le monde musical tout entier a succombé à une illusion totale, pensai-je. Où que Glenn apparaisse, c’est l’image de l’infirme et du gringalet qui nous est montrée, la fragilité de l’esprit pur auquel on n’accorde que son infirmité et ce qui va de pair avec cette infirmité, à savoir l’hypersensibilité, alors qu’en fait c’était le type même de l’athlète, et cela nous l’avions remarqué aussitôt, le jour où il s’était employé à abattre sous ses fenêtres, de ses propres mains, un frêne qui, selon sa propre expression, le gênait pour jouer au piano. Tout seul, il scia le frêne d’au moins cinquante centimètres de diamètre, nous tint tout bonnement à l’écart du frêne, débita d’ailleurs le frêne séance tenante et empila les bûches contre le mur de la maison, l’Américain typique, avais-je pensé alors, pensai-je. A peine Glenn eut-il coupé le frêne déclaré gênant qu’il lui vint à l’esprit qu’il aurait pu tout simplement fermer les rideaux de sa chambre et baisser les volets roulants [...] Les adorateurs adorent un fantôme, pensai-je, ils adorent un Glenn Gould qui n’a jamais existé. [...] Plus que quiconque il était capable d’une sorte de rire irrépressible, et donc il n’y avait pas d’homme à prendre davantage au sérieux. Celui qui ne sait pas rire ne doit pas être pris au sérieux, pensai-je, et celui qui ne sait pas rire comme Glenn ne doit pas être pris au sérieux comme Glenn... »

Clara s’amuse de cette description imaginaire... Elle a connu Gould vers la fin de sa vie, à Toronto, elle en parle à voix basse, presque en chuchotant, comme s’il était là, dans les rideaux du salon... Ou sur le balcon, ou bien dans les arbres... Un oiseau, alors ? Oui, si l’on veut, un oiseau avec de drôles de pattes... Une mouette sur piano... Et en même temps un colosse sous une forme d’infirme clochard, gants, pulls superposés, vieilles vestes [4], passe-montagne, bains d’eau chaude des avant-bras pendant une demi-heure avant les concerts... Le plus drôle, c’est qu’il ne jouait presque pas, dit-elle, mais écrivait sans cesse, des milliers de pages, tout et n’importe quoi, pas n’importe comment, griffonnages en vrac qu’on a retrouvés après sa mort, en 1982, peu après son dernier enregistrement des Variations Goldberg (premier mouvement beaucoup plus lentement qu’autrefois)... Ah, ces Goldberg... Gouldberg... Des papiers sans fin noircis, réflexions médicales, descriptions de symptômes, rêves, récits [5]... Et même un projet d’autobiographie, un cahier titré Essence d’une énigme, dont toutes les pages étaient blanches... Il a étonné Clara en lui disant qu’il pensait bientôt arrêter la musique et finir sa vie en écrivant... Mais nous ne sommes pas des pianistes , n’est-ce pas, on ne joue pas du piano avec un piano mais avec son cerveau... Le contrepoint chez Bach ? « Un acquiescement mystique devant l’inévitable... »

Est-ce que Clara connaît ce rêve de Gould, qu’il a transcrit dans un style très Cyrano [6] ?

« Je trouve sur une autre planète, parfois même dans un autre système solaire, et il me semble que j’en suis le seul habitant. J’ai la sensation d’une extraordinaire allégresse, car la possibilité m’est donnée — et l’autorité — d’imposer mon propre système de valeurs à toute forme de vie qui pourrait exister sur cette planète ; j’ai le sentiment que je peux créer un système de valeurs complet et planétaire à ma propre image. »

Oui, oui, il est fou, d’accord, mais pas plus que Bach et son Dieu lui-même... C’est en réalité du temps qu’il s’agit, galaxie du temps venant se chiffrer grain à grain à travers chaque note rebondissante, comme les secondes que ponctue, noir sur vert, le compteur intégré à l’appareil d’où sort la musique, ici, devant nous. Le temps, le tempo. « Ce n’est pas le concept qui découle du tempo, dit Gould, mais l’inverse : le tempo importe peu, du moment qu’il existe une unité organique entre les motifs. » Il faut oublier qu’on joue du piano... Les doigts ne pensent pas, et s’ils ont des idées, elles sont « nauséeuses »...

Il faudrait oublier qu’on écrit ? Peut-être. « Le secret pour jouer du piano réside partiellement dans la manière dont on parvient à se séparer de l’instrument. »

Un jour, Gould dit à ses élèves :
« Ne jamais perdre de vue que tous les aspects de la connaissance qui est ou sera la vôtre ne sont possibles qu’en vertu de leur rapport avec la négation [7], avec ce qui n’est pas ou semble ne pas être. Ce qu’il y a de plus impressionnant chez l’homme, probablement la seule chose qui excuse sa folie ou sa brutalité, est le fait qu’il ait inventé le concept de ce qui n’existe pas. »
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Le seul racisme sérieux, en définitive, se passe bien entre femmes et hommes... tout le reste est bavardage illuminé... et ce racisme-là se porte à merveille, il monte, il s'épanouit, il fleurit; c'est le moteur de toujours, la source du mouvement lui-même...
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On saute du néant à l'être,
de l'être au néant,
sans qu'il y ait ni fin ni commencement,
personne ne sait d'où il est éclos.
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Le masque n'est pas un déguisement mais un incognito
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j'annonce au début ce qui vient ensuite
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Vous n'êtes en vie que parce que vous résistez sans arrêt au suicide de votre organisme. Familiarisez-vous avec cette vision. Elle change tout.
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La véritable pensée de l’Histoire ne sera reconnaissable qu’au petit nombre.
HEIDEGGER
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"Sans la musique, la vie serait une erreur" Friedrich Nietzsche
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Nous sommes faits de la même étoffe que les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil.
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A quoi bon raconter aux autres ce qu'ils ne vivent pas et ne sentent pas, puisqu'ils croiront qu'on ne l'a fait que pour les embêter ou les humilier ?
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La passion doit être punie." - Ah oui ? Quel est le con qui a dit ça ?
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Pourquoi les Anglo-saxons écrivent-ils des histoires, quand les Français se contentent souvent de romancer leur vie?
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À quoi bon raconter aux autres ce qu’ils ne vivent pas et ne sentent pas, puisqu’ils croiront qu’on ne l’a fait que pour les embêter ou les humilier ? François m’avait prévenu : « Écrivain ? Tu rêves ! Le milieu littéraire est une officine de police comme les autres, peut-être pire que les autres. Tu n’y seras toléré qu’en rampant, en exhibant tes certificats d’identité ou de doute, de nostalgie ou de désespoir. N’oublie pas : tes origines doivent être modestes, ton embarras sexuel évident. Du bonheur ? Du luxe ? Des extases ? Tu rêves ! »

(p. 74)
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Philippe Sollers
Et voici, maintenant, en final de ce petit florilège - que vous êtes invités à compléter - un texte de Philippe Sollers, intitulé « Le désir », extrait de La Guerre du Goût :

« Quelqu’un qui, aux deux questions suivantes : Qu’espérez-vous ? Que désirez-vous ? répondrait, « rien », commettrait un délit grave ou passerait pour fou. Le désir ou la dépression, il faut choisir. Désirez ! Délirez ! Voilà l’ordre. « C’est bien ainsi que se présente désormais la vulgarité de la planète spectaculaire. » (Debord.)

Le narrateur de La Fête à Venise dit à moment : « Pour que les esclaves modernes, acceptent, et même revendiquent, leur condition, il faut les droguer d’images et de racontars en permanence ... Ça ne jouit plus, ou le moins possible : trop dangereux pour l’installation irradiée. Sans cesse excité, sans fin déprimé, tel sera le spectateur du spectacle. Il, ou elle, est une reproduction. Il, ou elle, sera utilisé comme reproduction de reproduction. »

Cette automatisation anonyme et programmée du désir, lequel est, par définition, toujours désir d’autre chose (d’une autre marchandise plus convaincante, plus comblante), fait étrangement de Pavlov le penseur le plus actuel. Stimulus ? Réponse ! L’originalité, ici, sera bannie, de même que l’invention atypique, tordue, vicieuse, joueuse. Tout devant être socialisé à l’extrême, et à chaque instant, la moindre trace de distance, de réflexion, d’incrédulité, d’ironie sera sévèrement jugée. D’interdit, le sexe devient obligatoire, ce qui revient à l’empêcher bien plus efficacement qu’en l’assimilant à l’enfer. Si tout le monde touche à la sexualité, la sexualité se dissout. Si chacun est homosexuel, plus personne ne l’est. Si l’on désire à la fois la loi et la transgression, il n’y a plus ni loi, ni transgression. Si la perversion est la norme, plus de perversion. On entre dans ce que j’ai appelé une perversation généralisée (comme on dit malversation). Ce qui touche au désir devient une valeur d’échange, l’usage est immédiatement rabattu sur l’échange, le désir manifesté ici ou là est donc, tout au plus, une information. Les retardataires du désir doivent le savoir : ils campent sur des positions minées d’avance. Non, il n’y aura pas de retour à la morale, à la religion, à la famille, à l’identité, à l’ordre musclé. Ce qui n’empêche pas qu’il faut toujours les faire craindre, pour accélérer la mise en place du dispositif nouveau. Attention, fascisme ! (Pêle-mêle : le pape, les intégrismes, les nationalismes, les racismes, etc.) La vérité est, d’ailleurs, que les anciennes figures du refoulement peuvent très bien s’accommoder de la surexposition du désir-marchandise, et même encourager ce dernier en en tirant les plus grands profits. Une seule règle : montrer sans relâche à quel point le désir est élémentaire, tout-puissant, naturel. épanouissant, partagé, constant. Cette pseudo-démocratie du désir le rend bête et laid ? Eh oui, sans doute, mais c’est. bien la preuve d’un problème en voie de résolution (la pornographie doit être la plus moche et la plus idiote possible, il n’est pas question qu’elle s’exerce aux frontières de la conscience de soi : le sexe n’a pas à rendre intelligent ou à renseigne sur la beauté, il vous rappelle simplement que vous êtes comme les autres). Un magazine branché publiait récemment ma définition : « S., écrivain érotomane. » Ce qui veut dire : on vous pardonne d’être écrivain parce que vous êtes érotomane (et surtout restez-le, on vous a à l’oeil). Le contrôle des stéréotypies sexuelles est un impératif du marché des choses comme des corps. Ne vous a-t-on pas déjà dit, autrefois, que vous étiez. des machines désirantes » ? Eh bien, ce que la machine veut, la Technique le peut. Non seulement pour vous, mais pour tous, et dans tous les sens.

[...] Pour qui vous prenez-vous pour affirmer une singularité dans cette grande unanimité ? Vous êtes bien dans la classe des ceci, des cela Vous êtes bien un homme ? Ou une femme ? 0u un peu des deux ? Nous avons les réponses à vos questions, d’ailleurs inutiles. Soyez ce que vous voudrez mais pas vous. L’anesthésie du désir est prévue par son simulacre de satisfaction (les sondages ne sauraient porter sur les variations de jouissance, cela demanderait une élaboration verbaIe, et c’est l’aphasie qui est recherchée). Là encore, les attardés du vieux monde auront tort de parler de « décadence » (mollesse, désordre, ignorance, affaissement des valeurs). La décadence est depuis longtemps passée, nous vivons au contraire la construction énergique, inlassable, percutante, d’une nouvelle Tyrannie d’ensemble. Son but, qu’il ne faut pas une oreille bien fine pour entendre, est de populariser le désir de mort. Que reste-t-il à vouloir, pour un être humain convaincu de n’être qu’une reproduction de reproduction, sinon s’effacer ? Pour lui en donner le goût et la détermination, il conviendra de le maintenir en état constant d’énervement et de frustration. Comme le drogué, on lui révélera son désir pour le transformer en besoin, le tout finissant dans la plus banale des disparitions acceptées comme un soulagement nécessaire. Il y aura donc les Maîtres et les Esclaves, et c’est sans doute la raison pour laquelle on n’a jamais tant parlé de démocratie. D’un côté, la maîtrise des reproductions artificielles ; de l’autre, les numéros artificiellement reproduits.
[...]
Le désir est un projet de contre-société permanent. Ils sont peut-être en cours d’organisation, les nouveaux acteurs de ce terrible blasphème : rien pour la Société, tout pour nous. Ils passeront entre eux des contrats bizarres. Ils auront leurs signes de reconnaissance, leurs crétions, leurs fausses indiscrétions. Des romans les décrivent peut-être déjà, qui échappent, comme par magie, à la police du Spectacle. sont plus proches de la logique impeccable :1’ l’amour courtois que des clichés indéfiniment ressassés [...]. Ils se désirent parce qu’ils se parlent tout en se touchant, dans une langue incompréhensible ou qui ferait dresser les cheveux la tête des fonctionnaires de l’illusion. Ils ne sont pas achetables, pas récupérables. De telles sociétés de plaisir ont, paraît-il, existé au dix-huitième siècle : l’Empire les pourchassa sans trêve, on n’a sur elles que peu de renseignements. Il semble qu’en ce temps-là les femmes n’hésitaient pas exister pour elles-mêmes, avant de devenir la population privilégiée de la grande manipulation économique de masse. L’une de ces sociétés mystérieusement antisociales s’appelait : Société du Moment. C’est la grâce que je me souhaite.
»

Philippe Sollers
La Guerre du Goût,
Gallimard, Folio, pp. 236-242
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