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Citations de Pierre Bergounioux (358)


Par mon père, j’ai partie liée avec l’eau, les vallons et les friches, la pierre dure, l’ardoise, le sombre, l’ennui de vivre, l’impatience d’en finir. C’est lui. C’est l’inclémence de la terre limousine, livrée depuis le fond des âges à la bruyère et aux ajoncs. C’est là que j’ai vécu.
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Cela se déroulait, existait, à une vitesse prodigieuse. Mais chaque moment de l’évènement restait parfaitement distinct parce qu’il était d’une extrême gravité.
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Le réel, c’est cela : ce qui a des angles auxquels on peut se cogner, ce qui pèse si lourd qu’on n’arrive pas à le soulever, qu’il faut contourner. Quand c’est de lui qu’il est question, vous employez l’indicatif. Il en jetait des morceaux, en vrac, au milieu des images assoupies – il fait beau, vous avez mangé, la cloche sonnera. Le fait paraissait admis, ne fût-ce que parce que les visages gardaient leur quiétude. Le moindre trouble, à cet âge, y fait passer de brutales risées, monter des larmes.
Il se détourna un instant pour rassembler son courage (...)
Il commença par des exemples. Ce serait l’hiver. Vous seriez des insectes. Je serais un enfant. On trouva quelque saveur aux deux derniers. Il y eut des rires perlés. On se mit en frais d’ajouter des nouvelles incongruités. Ca pouvait dégénérer. Ca y est, oui ! C’est l’irréel. Vous employez le conditionnel quand ce que vous dites n’est pas la réalité. Vous faites comme si, mais vous savez que. C’est imaginaire.
Il fallait vite croiser les fils. Maintenant, lorsque vous n’êtes pas capables de trancher, de savoir si ce dont vous parlez est réel ou ne l’est pas, alors c’est le subjonctif que vous employez. J’attends qu’elle réponde, parce qu’il se peut très bien qu’elle ne veuille pas, que rien ne vienne. Mais il est également possible que la lettre arrive à l’heure dite. Nous sommes parfois dans l’incertitude. Et il existe des formes verbales pour dire qu’on ne sait pas à quoi on a affaire, au réel ou à l’imaginaire, qu’on est incertain.
On gambillait, sous les tables, on échangeait des impressions. Il en attrapa quelques-uns. Une lueur de soupirail filtrait dans les cervelles. Ils écopèrent un long exercice pour le lundi matin. Vous ramasserez tout ce qui porte la marque de l’incertitude aux pages 14 et 15.
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Peut-être qu’avant de me faire sauter la cervelle – et il nota au passage l’exactitude de l’expression – il me faudrait écrire un court billet à la gendarmerie. Ce n’est pas le plus long. D’inéluctables raisons m’obligent à un départ prématuré. C’est en pleine possession de mes moyens et en parfaite connaissance de cause que je m’y résous. Fait à, le. Je signe.
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Tout le monde a compris ? Il parcourut du regard le demi-cercle qu’ils formaient, croisa des yeux vides où la vie mettait pourtant sa lumière et annonça : leçon. Pour demain.
Le décor chavira. Avec un ensemble assez réussi, les nez, les nattes, les lunettes, les bouches gourmandes basculèrent dans les travées, entrechoquant des tubes d’acier et des plateaux de formica.
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Le vrai courage, que je n’ai pas, c’est celui de tous les instants. La longue patience. Je lui demandais tout – d’être là, de magnifier, seulement en le lui montrant, le monde qu’elle m’avait ouvert. Mais j’avais tant à faire dans ce monde qui n’existait que par elle que je n’avais plus de temps ni d’attention pour elle.
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Pierre Bergounioux
Nommer congrûment une chose, c'est l'objectiver, c'est-à-dire la mettre hors de soi, s'en délivrer.
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S'il fallait définir, d'un trait, la littérature de Homère jusqu'à Faulkner, on pourrait dire que c'est le monde vu par des écrivains. Les faits, qui ont été vécus par des guerriers, de rudes marins, des chevaliers hallucinés, ne furent jamais livrés comme ils étaient produits, dans l'instant, pour les intéressés mais tels que les imaginèrent des lettrés assis à l'écart, plus ou moins longtemps après.
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La division du travail, la séparation, en particulier, de ses deux composantes, matérielle et intellectuelle, a pour effet de fermer au plus grand nombre l'expression achevée de la vie concrète et de transformer cette dernière en spectacle pour des écrivains.
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J'ai progressé malgré la houle. Quand une lame de fond s'enflait pour me renverser, je m'appuyais au mur que je ne voyais pas. Je me suis cogné à l'huisserie de la porte de la salle de bains, pas très fort parce que je n'allais pas très vite. Mais en même temps que l'air nocturne, le parquet, j'avais subi (le dedans) de profondes métamorphoses. J'étais fait soudain d'une chair translucide, d'une sorte de gelée où le moindre contact avec le dehors éveillait des trains d'ondes cruelles et lentes. J'ai attendu que les vagues s'espacent un peu. L'eau rendrait à ma chair une consistance suffisamment ferme pour que je puisse me frotter au monde, m'y mouvoir, le changer au moyen de lourds outils de fer. J'ai touché le froid de la faïence, de l'acier nickelé.
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« Baptiste arrivait du dehors, mouillé de brume, saupoudré de neige, couvert de feuilles et d’aiguilles, bardé de rudesse, porteur des forces brutales qu’il avait déployées dans les bois . »
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La fuite légère, saccadée du temps qui lui était encore accordé lui semblait tangible. C'est cela, le bien suprême, le pur écoulement. Encore faut-il être quelqu'un ou quelque chose pour en profiter.
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On ne peut faire qu'on n'ajoute à la pure et simple mention de son existence les raisons qui nous la font juger importante ou non, bonne, mauvaise, sérieuse ou dérisoire, et qui font du même coup notre importance et nos tourments.
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Pierre Bergounioux
Octavie, pour ne pas finir comme sa mère, trahie, vendue à vingt ans et puis condamnée à compter, se met à faire ce que sa mère a fait, à ceci près que c’est dans l’abstrait, loin, en l’absence de bouts d’étain, mies de pain, épluchures, clous rouillés auxquels Miette appliquait les règles de l’arithmétique. Elle file à Toulouse, après les trois années passées dans la pénombre froide où Tulle, dans sa gorge, est en permanence ensevelie. Outre l’ivresse des nombres purs, dégagés des vétilles, des parcimonies où ils étaient restés, jusqu’à elle, emprisonnés, elle a dû connaître une autre joie, celle qu’on éprouve à simplement s’éloigner vers l’ouest pour, ensuite, obliquer vers le sud.

(extrait de Miette)
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Il avait perdu d'ailleurs la notion même de cette illusion - l'estime de soi, c'est à dire l'estime des autres, autrement dit l'illusion qu'on peut leur donner qu'on est quelque chose ou quelqu'un.
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Lorsqu'il songeait aux heures recluses et lentes pendant lesquelles on explique la découpe du temps, les quatre-vingt-quinze variants qui organisent la durée, ou bien les quarante-huit transformations de la phrase française, il lui semblait voir, amenuisés, comme à travers une buée, quelques enfants arrimés à leur table et lui-même, bougeant faiblement, et dont il ne percevait même plus la voix.
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Deux éléments, par leur action combinée, ont suffi à imprimer les traits singuliers que l'on voit aux visages : le premier, c'est qu'on était garçon ou fille, qu'on subissait de plein fouet ou par ricochet l'action des choses ; le second, c'est le rang qu'on occupait, l'aînesse et ses fureurs, l'indécision du benjamin, l'air oblique des cadettes, du moins après 1904.
Mais un autre élément, contraire, en tempère l'influence, restreint l'éventail des variations, les confine, toutes, dans la moitié haute et sombre de l'humeur. En fait, c'est le même, celui qui impose à chacun sa place et sa conduite, ses vues, son vouloir, son être et son refus de savoir (sinon il ne voudrait pas, il ne serait plus). C'est l'endroit.
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Mais il en va autrement pour la partie complémentaire de notre être, l'esprit, la flamme, l'âme, le mot n'importe guère, qui peut toujours, quand le corps a cédé, persister dans son non. Pierre a dû être édifié très vite. Ça s'est fait, si cela se fit, sans phrases. Ça a dû tenir dans un regard, le premier que les nouveaux époux aient échangé, sur la place couverte de givre ou baignée de soleil. Ce que le gars un peu rond, aux cheveux ras, a lu dans le regard de Miette, c'est, proprement leur destinée, l'empire que certaines choses comme la vieille terre, les vieilles peines, l'or inaltérable conféraient sur certaines autres d'une essence plus subtile, comme la grâce et le feu, la volonté, la beauté. Et le non que celles-ci, même vaincues, même vendues opposeront d'emblée et jusqu'au bout à celles-là.
Que l'époux, un peu plus tard, ait vu le borgne passer sur la route, sa jeune femme au désespoir ou qu'on le lui ait raconté, c'est sans importance. Il savait.
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Dans la pourriture blême, une flamme ou seulement une lueur hésitait. C'est une âme limpide et forte. Faible aussi, à sa façon, face à toute cette saloperie où je nage. Je ne suis que saloperie. Il s'était assis en tailleur, la tête basse, l'oeil fixé sur une lame de sapin comme une allée rectiligne qu'un esprit fantaisiste aurait ratissée avec application, traçant des boucles, divaguant par endroits.
Je ne suis que saloperie, mais s'il y avait en avant ou au-dessus l'idée qu'un être pur se fait de moi, je peux devenir cette idée, lui donner corps. Il faudrait que j'essaie de lui expliquer. Par lettre, c'est plus facile. Le papier intercéderait. Je n'aurais pas besoin d'être là, en personne, pour agencer, pour seconder les mots nécessaires. La saloperie attendrait dans son coin que l'idée supportable qu'elle appelait lui revienne en écho, se dessine devant elle. Après, il n'y a plus qu'à se rapprocher, qu'à s'élever pour l'incarner.
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Le bonheur, c'est peut-être cette ignorance paisible.
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