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EAN : 9782851947208
99 pages
Fata Morgana (18/09/2008)
3.75/5   2 notes
Résumé :
“Le passage de l’initiative aux mains de la classe ouvrière”, les années trente, sont un pivot capital des visions historiques de Pierre Bergounioux. William Faulkner en est l’incarnation, il marque la rupture : désormais l’écrivain sera immergé dans le monde. D’une prose sans graisse, Pierre Bergounioux articule autour de cette idée un monde cohérent aux perspectives surprenantes sur l’acte d’écriture. On peut ne pas adhérer à ces partis pris, l’essentiel est aille... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
— Un peu de bruit et de fureur —

Le postulat est passionnant. Au commencement : « On peut supposer que l'indifférenciation du travail, dans les sociétés primitives, inclut le registre du sens. » Puis, c'est la civilisation des villes, la répartition des tâches, la division des composantes matérielles et intellectuelles du travail « qui a pour effet de fermer au plus grand nombre l'expression achevée de la vie concrète et de transformer cette dernière en spectacle pour les écrivains. »

Dans la cité grecque, aux esclaves la production matérielle tandis qu'échoit l'invention du sens à des « hommes amoindris » (Homère l'aveugle) par l'exemption du travail et du combat. En conséquence : « Conscience du monde, la littérature ne l'est pas d'elle-même. Elle est le fait d'un corps de spécialistes. […] Trois millénaires durant, l'écrivain est un homme, très rarement une femme, qui juge réel, naturel, ce que lui révèlent le loisir studieux, la distance du monde et la neutralité affective qui va de pair. »

« S'il fallait définir, d'un trait, la littérature de Homère jusqu'à Faulkner, on pourrait dire que c'est le monde vu par des écrivains. Les faits, qui ont été vécus par des guerriers, de rudes marins, des chevaliers hallucinés, ne furent jamais livrés comme ils étaient produits, dans l'instant, pour les intéressés mais tels que les imaginèrent des lettrés assis à l'écart, plus ou moins longtemps après. »

Pierre Bergounioux longe jusqu'ici la réflexion de Jacques Rancière sur le partage du sens entre les hommes actifs, qui font l'action (les héros en quelque sorte) et ceux dont la vie n'a pas de destination, que le roman du 19e, la révolution flaubertienne, fait passer au premier plan, telles que l'illustrent et l'accomplissent les rêveries d'Emma Bovary.

Mais si pour Rancière Flaubert est un nouveau départ (entre autres vers Faulkner), il est pour Bergounioux un aboutissement, les derniers mots pour dire le monde d'une Europe entrée dans une crise organique de ses représentations avec la venue du temps des masses.
Quelle oeuvre pour ces temps nouveaux ? Trois auteurs relèvent le gant après que Balzac a dit l'argent et Flaubert la bêtise, et ne trouvent... rien à en dire. Joyce revient à l'Odyssée, Kafka a ses névroses, Proust à l'oeuvre pour l'oeuvre.

Mais il y a donc le grand télescopage de l'Amérique (passée directement, aurait dit Einstein, de la barbarie à la décadence). « A cet instant précis et pour très peu d'années, l'Amérique offre un abrégé vivant, vibrant, de tous les siècles et de tous les paysages. Elle mêle le palais de marbre à colonnes doriques et les cabanes en rondins, les dernières bisons et les premières Ford T […] de sorte que l'habitant d'un hameau du Mississippi peut envisager, contre toute attente, à la littérature et celle-ci, contre toute espérance, écouter favorablement une prétention qu'elle aurait jugée inconvenante de l'autre côté de l'océan. »
Voilà Faulkner.

Avec un style superbe, Pierre Bergounioux refait plusieurs fois ce chemin, on sent que différents textes sont cousus et je retrouve même un passage sur Flaubert copié-collé de Catherine. Pas grave.
L'écrivain jusqu'alors face aux objets, entre au coeur de l'action avec Faulkner et ses « héros qui ne possèdent aucune des capacités requises » dont il épouse le point de vue.

La passionnante exégèse de plusieurs oeuvres du mississippien est chargée de la démonstration. Et là, pour moi, c'est un peu juste…
Oui Faulkner, mais seulement lui ? Pourquoi pas Hammett et consorts du roman hard-boiled ? Et seulement l'Amérique ? Quid par exemple de Virginia Woolf ou Céline ? Etc.

Après m'être régalé jusqu'au bout, à la fin, je reste (un peu) sur ma faim.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
S'il fallait définir, d'un trait, la littérature de Homère jusqu'à Faulkner, on pourrait dire que c'est le monde vu par des écrivains. Les faits, qui ont été vécus par des guerriers, de rudes marins, des chevaliers hallucinés, ne furent jamais livrés comme ils étaient produits, dans l'instant, pour les intéressés mais tels que les imaginèrent des lettrés assis à l'écart, plus ou moins longtemps après.
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La division du travail, la séparation, en particulier, de ses deux composantes, matérielle et intellectuelle, a pour effet de fermer au plus grand nombre l'expression achevée de la vie concrète et de transformer cette dernière en spectacle pour des écrivains.
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Notre compréhension de la vie, de nous-même, a changé, avec celle de l'univers, au début des années trente du siècle dernier. C'est la totalité de la cosmologie qui a été abattue puis reconstruite sur de nouveaux fondements. Un nom, celui d'Einstein, résume la crise de la pensée occidentale, l'effondrement de ses deux piliers, l'espace et le temps intangibles d'Aristote, et l'avènement de la relativité générale autour de la vitesse de la lumière, comme invariant.
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Vidéo de Pierre Bergounioux
Cette semaine, Augustin Trapenard est allé à la rencontre de Pierre Bergounioux à l'occasion de la sortie en poche de son livre "Le Matin des origines" aux éditions Verdier. Ce merveilleux ouvrage célèbre l'ancrage profond dans ses racines, dans les terres du Quercy entre Lot et Corrèze, où l'auteur a grandi, dans la chaleur de la maison rose et au sein des paysages qui ont façonné son être. Ces souvenirs, imprégnés dans sa mémoire, représentent une part essentielle de son identité qui demeure là-bas. À travers ces pages, Pierre Bergounioux évoque avec justesse le lien puissant que la terre tisse avec nos souvenirs et nos émotions, révélant ainsi le pouvoir des lieux familiers pour donner du sens à notre passé et à nos moments les plus heureux. Il était donc évident qu'Augustin Trapenard se déplace au coeur de cette histoire, sur les contreforts du plateau des Millevaches, dans sa maison de Corrèze pour un retour aux origines de la vie et de l'écriture.
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