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Critiques de Pierre Fournié (11)
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Le sexe interdit

Voici un livre très original. Là où les ouvrages d’histoire appuient leur problématisation thématique ou diachronique sur des sources qu’ils citent sans les reproduire, là où certains romans historiques s’amusent à imiter le style des registres, des exorcismes, catéchismes ou autres procès-verbaux afin de donner à leur fiction les aspects les plus vraisemblables, il s’agit dans Le sexe interdit de publier de larges extraits des archives de la justice, de l’Eglise, parfois de la médecine afin de suivre, de la fin du Moyen-Age aux années 1940 l’évolution de ces discours sur la sexualité.

Le livre est structuré en trois grandes périodes « sensualité, péchés et code d’honneur » pour le Moyen Age et la Renaissance, « le temps de la répression » pour l’âge classique et « intimités et nouvel ordre sexuel » pour les 19e et la première moitié du 20e siècle. A l’intérieur de ces grandes parties, des chapitres viennent composer un cheminement thématisé et proposent un entrelacs de discours historique synthétique et de fac-simile à chaque fois retranscrits en français moderne donnant à voir, via une pièce d’archive officielle, la manière dont la sexualité pouvait être vécue à une époque donnée.

L’immersion dans les graphies d’alors, le vocabulaire choisi, la matérialité de ce qu’est, par exemple, une lettre de rémission, une plainte, le rapport d’une maquerelle à la police est tout à fait saisissant. On a l’impression de toucher du doigt la source avant qu’elle ne soit conceptualisée et que son existence soit transformée en preuve ou en interprétation. J’en ai été grisée.

Evidemment, la thématique de la sexualité rend la démarche encore plus parlante. Car si un livre semblable avait été écrit sur un autre thème qui aurait généré lui aussi de nombreuses archives, les transactions monétaires, les diagnostics de maladies, les legs, ou que sais-je encore, la distance d’avec nos représentations contemporaines m’aurait peut-être rendu le sujet moins familier. Pour la sexualité, quoi qu’en veuillent notre sentiment de libération, nos mœurs dites décomplexées, il est évident que c’est un sujet qui mêle tellement animalité et construction sociale qu’il véhicule, de tout temps, au mieux la complexité de ce qui fait notre humanité.

Les auteurs s’inscrivent dans la veine foucaldienne. C’est-à-dire, si j’ai bien compris, qu’ils restituent à chaque source sa capacité à dire une réalité propre à elle, à son époque et jamais recouverte d’aucun universel théorique la surplombant. Impossible à pleinement ressentir par le lecteur distant de quelques siècles mais néanmoins en mesure d’être historicisée au plus près de ses conditions de production, l’archive ne s’inscrit pas dans un cheminement général où, les siècles passant, on accèderait à une idée de plus en plus exacte des phénomènes étudiés. Pas de discours téléologique ou progressif : chaque pièce vaut pour ce qu’elle dit du monde dont elle est extraite. Chaque moment de l’histoire propose une vision qui lui est propre et ce serait anachronique que de parler, par exemple, d’obscurantisme pour évoquer la peur des sorcières, d’ignorance pour couvrir les préventions contre la masturbation. A chaque époque son univers référentiel, à chaque regard sur le monde son encodage qui contribue à construire une réalité.

Le parti-pris est tout à fait convaincant et je ne peux qu’y adhérer. La conséquence en est surprenante. D’une part, prise à ce jeu, j’ai trouvé que le bandeau annonçant « 10 siècles d’archives inédites » était pour le moins mensonger puisque « seules » quelques dizaines (une centaine ?) de documents étaient reproduits et que cela participait évidemment d’un choix, d’une éditorialisation problématisant ce qui n’était donné pourtant que comme source brute partant à la rencontre de nos regards. Qu’il aurait fallu être noyé sous les milliers d’archives pour davantage mesurer le poids relatif de chacune.

Et d’autre part, peut-être parce que j’ai dévoré ce livre en peu de temps, ou parce que, le choix justement de pièces emblématiques concentrait les descriptions, j’ai été comme submergée, écœurée par tous ces sexes érigés, ces fellations demandées, refusées, interdites, ces pénétrations de différents orifices. Le tout dans un contexte qui n’a rien d’érotique, où la transcription vaut preuve d’une dérogation à l’ordre souhaité. Après avoir avalé tant de plaintes, de viols, de pratiques sur tant de siècles, je me suis trouvée comme déphasée, incapable d’en comprendre quoi que ce soit. Dépassée par la constance des envies, l’opiniâtreté des institutions à l’encadrer.

Peut-être aussi que le statut même des archives force le trait, qu’il est impossible de ressentir l’air du temps, d’éprouver les mille et un autres faits quotidiens qui entourent un rapport sexuel, en dissolve le retentissement (quand ce n’est pas un rapport traumatisant évidemment). Sans doute que si l’on n’avait pour comprendre notre siècle que les rapports de police, on manquerait beaucoup pour se faire une idée de nos sexualités. Ici ne parlent que l’Eglise, l’Etat et la médecine.

Mais tout de même, que d’énergie, de pulsions, de défraiement ! A longueur de siècle, des comportements d’ordre sexuel sont fustigés. Que ces débordements soient aujourd’hui justifiés par ce qu’on trouverait de trop stricte au cadre moral de l’époque ou qu’ils soient ressentis au contraire comme l’expression d’une bestialité d’un autre âge ne change rien au fait que la sexualité apparait au travers de ces archives comme le lieu problématique d’un affrontement entre un désir individuel, un autre et une autorité morale. Et comme il est de toute façon contreproductif de porter notre regard contemporain sur les faits passés, ces clés de lecture ne donnent rien.

Sous le monceau des pièces, je me trouve face à ce paradoxe : ce serait les trahir que de les comprendre selon une progression évolutionniste et ce m’est quasiment impossible de ne pas essayer de les organiser, de les mettre en perspective faute d’y finir submergée. Peut-être que le recul anthropologique y pourrait quelque chose ?

En attendant, qu’on le feuillette ou qu’on le lise de A à Z, Le sexe interdit est un livre éclairant dont la mise en page aérée rend l’abord très confortable. C’est un ouvrage remarquablement construit qui amène des surprises, des réflexions tout à fait passionnantes et donne envie de se plonger plus avant dans notre rapport aux pièces d’archives et à notre façon d’envisager l’histoire.

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Aventuriers du monde

Voici un livre au titre qui avait de quoi m’attirer. Déjà cette photo sépia d’un groupe d’homme où se trouve Savorgnan de Brazza aurait tout aussi bien pu me tenter. Maintenant si on feuillette un peu l’ouvrage, on remarque immédiatement que ce livre se compose de brefs chapitres de 4 à 5 pages sur des explorateurs ou découvreurs, en un mot des aventuriers du monde, rédigés par différentes plumes, telles que Jean Lacouture, Jean-Christophe Rufin, Isabelle Autissier pour les plus connus…

Pour être plus précis, cette collection a été dirigée par Jean Fournié, conservateur en chef du patrimoine et chef du département des publics à la direction des Archives de France. Elle propose une brève biographie ou un instantané remarquable de certains aventuriers qui s’inscrivent dans quatre époques distinctes :

- La grande aventure 1866-1885

- Le choc des empires 1885-1898

- Le temps des rêves 1899-1909

- La fin du monde 1909-1914

Ces aventuriers sont tous français ou s’inscrivent dans l’épopée coloniale française. Certains m’étaient connus comme Savorgnan de Brazza, Charcot, Segalen ou encore Marchand mais pour la plupart je les ai découvert comme Moll, Chantre, Binger ou Bouillane de Lacoste. Et ces explorateurs ne se sont pas limités à l’Afrique mais ont également traîné leurs guêtres en Mongolie, Amazonie ou en Terre de Feu. Voilà de quoi assouvir ma faim de dépaysement et de d’horizons nouveaux…

Mais au final, je fus déçu. En effet, pour s’embarquer au long cours, cinq pages ne sont pas suffisants et on doit faire un choix drastique des thèmes abordés. Et bien souvent la géographie prend le pas sur l’humain, voir même sur le contexte. On se retrouve donc bien souvent sur un simple compte-rendu de voyage expliquant les moyens employés pour traverser le fleuve, combattre les autochtones hostiles, trouver le ravitaillement et finir par la comptabilité des morts. Cette narration enlève finalement tout sel au récit car si on s’intéresse que peu aux motivations profondes de l’aventurier (goût de l’aventure, apport de la civilisation aux sauvages), on ne traite jamais le ressenti de l’autochtone. Relater un récit ainsi permet de retrouver sûrement l’esprit de l’époque mais j’aurai aimé une réécriture, voir une possible critique à l’aune de l’histoire. On finit souvent dans l’apologie cocardière qui peut justifier les massacres ou autres répressions inhérentes à toute conquête.

Au final, je sauverai au moins le récit relatif à Victor Segalen écrit par Kenneth White. En effet, l’auteur des Immémoriaux parcourt la Chine dans une quête artistique personnelle d’une certaine Chine. On le découvre ainsi à la recherche de stèles anciennes et oubliées qu’il reproduit par tamponnage et tente de déchiffrer.

« Dans l’esprit de Segalen, son voyage devait être la mise à l’épreuve, sur le terrain, de ses idées concernant le rapport entre le réel, la perception des phénomènes immédiats, et l’imaginaire, les constructions de l’esprit. Sans la charge du réel, l’imaginaire s’étiole, devient fantaisie creuse ; sans la puissance imaginative, le réel s’épaissit, s’affadit. »

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Le sexe interdit

UN OUVRAGE D'ARCHIVES RICHE & PASSIONNANT !



Avec Le sexe interdit, les éditions de L'iconoclaste nous proposent une immersion fascinante dans la sexualité des français. Des historiens ont réalisé un travail de recherche colossal pour disséquer le rapport les Hommes au sexe au fil des siècles.

Du Moyen-Age à nos jours, entre tolérance et répression, dix siècles d'archives sont révélées au grand jour. Des manuscrits, procès verbaux et jugements pour disséquer le désir, le consentement, la masturbation, la contraception, l'homosexualité, l'adultère, et bien d'autres choses encore...!



Quelques faits en vrac évoqués dans cet ouvrage:



▫️À la fin du Moyen-Age le non-consentement est au coeur du débat. A défaut de preuves, les femmes doivent convaincre qu'elles ne se sont pas laissées faire, qu'elles ont crié ou se sont débattues. Mais contrairement à ce qu'on pourrait penser le viol n'est pas du tout considéré comme un délit mineur.



▫️À la Renaissance, la question du plaisir féminin est abordée et des conseils pratiques sont délivrés. L'imprimerie permet rapidement de propager la littérature libertine mais elle sera vite censurée.



▫️Du XVe au XVIIIème siècle c'est le temps de la répression. 1500 sorcières sont condamnées au bûcher, accusées d'avoir eu des relations charnelles avec le diable. Des hommes sont poursuivis pour impuissance et les maris doivent prouver qu'ils sont capable d'érection et d'éjaculation sinon le mariage est considéré comme nul. De plus, la masturbation est considérée comme une maladie mortelle.



▫️À la la Révolution l'État consolide sa légitimité à se mêler de l'intime. L'adultère est réprimée (et restera dans le code pénal jusqu'en 1974!) ainsi que l'avortement, les méthodes de contraception et l'homosexualité masculine. Le but étant de promouvoir une sexualité féconde...



Pour en savoir (beaucoup) plus, plongez au cœur de ce récit d'archives ! 😍
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Présumées coupables

En novembre 2016, les Archives nationales présentent une exposition exceptionnelle : « Présumées coupables » donnera à voir et à entendre des

femmes confrontées à leurs juges de la fn du MoyenÂge au XXe siècle.



Sorcières, empoisonneuses, infanticides, pétroleuses de la Commune de Paris ou femmes tondues de la Libération… De nombreux documents,

reproduits pour la première fois, rendent la parole à ces femmes que l’Histoire a bâillonnées pour avoir enfreint des règles. En style direct ou indirect, sur des procès-verbaux d’interrogatoires ou des « auditions de bouche », face à des juges ou des témoins, leurs mots jaillissent à nouveau. Derrière la froideur de la procédure judiciaire se dessinent les fgures de

femmes condamnées avant même d’avoir été jugées.

Aux côtés des très nombreuses anonymes, on trouvera également des condamnées célèbres comme Jeanne d’Arc, Louise Michel, Violette Nozière ou Arletty.
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Le sexe interdit

Il y a les vieux adages comme l'éternel "c’était mieux avant" ou les vieux clichés sur le Moyen Âge, la Renaissance et les Lumières. 😑



Et il y a la recherche historique et les archives. 😎



Vous souhaitez confronter les "on dit" à la réalité des connaissances actuelles en matière de répression des sexualités en France ? Ce livre est pour vous ! 🖤



Si cela peut paraître un peu aride à certains lecteurs : no stress !



Égrainant les témoignages (avec reproduction N/B des documents dont il est question) cet essai richement documenté est un vrai bonheur à lire. 😌



Accessible et très bien écrit, il vous donnera un très bon aperçu des recherches actuelles sur l'histoire de la sexualité.



Il est parfois bon de connaitre son sujet, ses évolutions pour mieux rêver son futur. 😏
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Présumées coupables

Je suis assez mitigée par cette lecture. Le sujet m'intéresse énormément mais j'ai trouvé que c'était assez grossièrement fait.



Les auteurs de ce livre, des historiens et des chercheurs pour la plupart, s'appuient sur les archives nationales. le concept est intéressant et le sujet des femmes "criminelles" percutant. Oui mais voilà, si certaines parties sont bien traitées, les propos étant clairs et organisés, d'autres parties, particulièrement celles sur le Moyen-Âge, sont un peu brouillonnes, un peu bâclées. J'ai trouvé qu'il y avait pas mal de redondances et que le style adopté était parfois indigeste. C'est vraiment dommage.



Ce livre aurait pu être passionnant. Malheureusement, la forme des propos laisse un peu à désirer pour certains auteurs qui sont un peu trop scolaires. Ils manquent de pédagogie et de simplicité.
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Le sexe interdit

Je change un peu de style, pour moi et pour vous : ça ne fait pas de mal ! Ce livre qui rassemble un travail incroyable est passionnant. Le thème est la sexualité des français au fil du temps.



Durant les siècles passés, en commençant par le moyen-âge, jusqu'à aujourd'hui, les historiens nous racontent l'histoire de français avec leurs sexualités.



Feuilleter ces analyses, et ce travail gargantuesque, est très enrichissant. On peut en conclure certaines leçons, ou même être positivement surpris par certaines anciennes pratiques.



Chaque page recèle son lot de surprises, car nous avons la chance d'observer des impressions des archives dont il est question. Des extraits de journaux d'époque, des procès verbaux, des écrits personnels... tout cela est accessible au lecteur et rend l'expérience très immersive !



On parle de beaucoup de choses différentes autour de la sexualité, en passant par la contraception ou l'adultère mais aussi par les relations homosexuelles par exemple.



En bref, ce magnifique ouvrage est follement enrichissant et agréable à lire. Je suis juste ravie d'avoir la chance de l'avoir à disposition dans ma bibliothèque pour le feuilleter quand bon me semble !
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Aventuriers du monde

Un riche ouvrage collectif qui se penche particulièrement sur les explorations entreprises entre 1860 et 1914, à l'assaut des dernières Terra Incognita. Chaque auteur se penchera, selon ses affinités, sur des épopées plus ou moins célèbres, au cœur de l'Afrique ou de l'Asie, contant aussi bien des aventures scientifiques qu'humaines.

De par sa présentation et son ampleur historique, on regrettera que les chapitres soient trop courts et ne donnent finalement qu'une vision très rapide voire superficielle des expéditions. On aurait aimé parfois que les auteurs s'attardent plus, comme par exemple sur l'aventure de Savorgnan de Brazza au Congo, mais le talent des auteurs et leur plume (Rufin, Autissier, White...) sont propres à donner un avant-goût plaisant et à souhaiter plonger plus avant dans certains hauts faits de la conquête des terres inconnues.

Le lecteur contemporain ne manquera pas d'être choqué ou étonné de certaines pratiques d'alors. Le peuple africain est par exemple décrit de façon très caricatural et souvent regardé de haut par les blancs... Témoignage d'une époque révolue, mais idée sur les races malheureusement encore d'actualité. Quelques connaissances historiques sur les relations franco-anglaises sont aussi conseillées, l'opposition des deux nations ayant été une motivation et un moteur importants dans les entreprises de conquête et d'exploration.

Un ouvrage d'introduction donc, qui appelle des lectures complémentaires, mais qui souffle indéniablement un vent d'aventures et de découvertes.
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Aventuriers du monde

Un ouvrage qui met en appétit tant les aventuriers sont divers et nombreux mais très décevant. Les plumes sont très inégales et les récits trop courts sans mise en perspective des motivations de certains de cette vingtaine d' aventuriers ou de leurs commanditaires. 2 ou 3 tomes au lieu de 240 pages n'auraient pas été un luxe pour honorer ces personnages qui ont marqué leur époque, parfois en bien, trop souvent en mal.
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Présumées coupables

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Aventuriers du monde

D'une édition à l'autre, le plaisir est intact.
Lien : http://www.lemonde.fr/livres..
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