Citations de Rachid Benzine (430)
Être reconnaissant à ses parents, ça vaut pour les siens, mais quand on est soi-même parent, ce qu'on peut faire de mieux pour ses enfants c'est que jamais ils pensent qu'ils vous doivent quelque chose. Qu'ils soient libres.
Un gamin, c'est 9 mois dans le ventre, 3 ans dans les bras et toute sa vie sur le dos.
Les poèmes ça a pas besoin de la vérité.
Les poèmes ça existe pour faire plus beau que la réalité.
Ils m'ont dit que c'était le paradis ici. Moi je croyais que le paradis c'était dans le ciel, quand on est mort.
On ne se sécurise pas dans une forteresse, on y meurt assiégé.
La "sainteté" d'une guerre est un immonde mensonge.
Toute sacralisation mène au désastre totalitaire.
Le rire est la plus belle des subversions, la meilleure réponse à la barbarie. C'est le remède contre la peur. Tu peux me tuer mais tu ne pourras tuer mon rire.
Le contraire de la connaissance, ce n'est pas l'ignorance mais les certitudes
L'État a privé le citoyen de toute velléité politique. Il a bombardé I'homme chef de famille, faisant de lui le tyran indécrottable qui compense, par l'autorité paternelle dans l'espace privé, le pouvoir qu'il n'a plus, et qu'il n'a peut-être jamais eu, dans l'espace public.
Les transfuges de classe ont toujours le cul entre deux chaises. Ce n'est pas la position physique qui fait mal mais la douleur muette qui vous donne ce sentiment ineffaçable d'être un traître à votre propre famille.
A celles et ceux qui vous sont le plus chers.
Et qu'inconsciemment et patiemment vous avez appris à mépriser.
Jusqu'à présent, mes poésies elles étaient toujours joyeuses. Elles racontaient des choses belles. Même quand je vivais dans le paradis de brutalité et de sang de Daesh, je pouvais encore fuir la réalité de ma poésie. Donner d'autres couleurs à ma vie. M'offrir une existence apaisée et riante. Mais depuis plusieurs semaines , je n'arrive à écrire que des choses tristes.
Ça commence comme ça le fascisme. Quand les pauvres oublient de faire cause commune…
C’est pour vous qu’ils ont tout sacrifié. La réussite de leur exil ce n’est pas la leur, mais celle de votre génération.
Mon père avait réglé tous les détails de son vivant. Il s'était choisi un cercueil modeste mais « suffisant », selon mes sœurs. Je me demande bien ce que c'est un cercueil suffisant.
Si je m'efforce de l'entendre, de faire résonner sa voix dans ma mémoire, aucun son, aucune intonation. Pas même une expression. Aucun mot du pays, de Basmala – rien. Ma mère était sa voix. Elle parlait pour lui, lisait au travers de ses non-dits, comprenait ses soupirs. On dit que c'est ça, l'amour. Je crois plutôt que c'était de la lâcheté. Une amputation volontaire, un choix- celui d'être assisté. Laisser à d'autres la parole, le bruit, le brouhaha, les ordres et les mots doux. Leur laisser les chants et les berceuses, car lui avait le silence et l'amertume.
J'ai toujours aimé les fleurs, leurs couleurs, leur parfum. Elles disent elles aussi quelque chose d'Allah et de notre vie sur Terre. De sa vanité. Du silence de nos vies dans le tremblement du monde. Elles s'agitent au vent comme nous frémissons à la volonté de nos parents. Certaines y survivent. D'autres en meurent. Toutes se fanent.
"Avec du ciment et des immigrés, voilà comment on a tout reconstruit. Des dizaines de milliers de forçats affamés..."
Driss poursuit. Il raconte les primes qu'on leur a sucrées, les humiliations, les pressions, les cassages de gueule organisées par le patronat et exécutées par les militants d'extrême-droite, les ratonnades ciblées, les renvois au bled, au Maroc, en Algérie, au Mali... Plus de retraite, plus de sécu. Rien. "Même celui qu n'a fait que son travail et qui a baissé la tête toute sa vie, il mérite que tu enlèves ta casquette quand il passer devant toi. Il mérite que tu l'aides à traverser la rue, que tu te soucies de lui, que tu lui fasses ses courses, que tu passes le voir juste pour rester cinq minutes avec lui. Parce que tous les exilés sont des cadavres en sursis. Parce qu'ils ont tout abandonné pour vous. Parce que quelque chose est mort en eux le jour où ils ont quitté leur village, leur famille, leurs amis..."
Samedi fin de matinée. Un temps grisâtre.
Une centaine de personnes est déjà présente au cimetière. Il pleut légèrement. Sûrement pour que ça fasse plus enterrement.