Dans "La Rationalité", Raymond Boudon aborde l'histoire de la rationalité et la manière dont il convient de l'utiliser pour expliquer les décision individuelles ou collectives.
Il s'agit d'un essai court, dense, nuancé, passionnant, où l'auteur fait intervenir les plus grands sociologues : Max Weber, Emile Durkheim, Tocqueville ( En revanche, on croise peu Bourdieu, mais il n'est pas certain, il est vrai, qu'il soit indispensable à la réflexion sur ce sujet )…
"La rationalité" est un texte absolument essentiel pour comprendre le fonctionnement des sciences humaines, et éviter de sous-estimer la part de raison qui peut être à l'origine de certains comportements et de certaines croyances.
Toutefois, je trouve que l'auteur a tendance à oublier la part de déraison qu'il y a dans les décisions collectives ou individuelles et c'est ce pourquoi je n'ai pas mis cinq étoiles à ce texte.
Il rappelle bien à plusieurs reprises que toute décision n'est pas rationnelle, mais c'est insuffisant.
Hormis cette petite ( enfin !... Pas si petite que ça, tout de même ) faiblesse, ce livre est vraiment un excellent texte que je recommande.
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Si comme moi vous n’avez jamais gardé les cochons avec la sociologie, les références qui se chevauchent dans ce livre, s’empoignant les unes les autres par les cheveux, ne vous aideront guère à mettre en ordre vos idées, quand bien même l’auteur s’évertue à de louables efforts pour distinguer les différents courants sociologiques dont il s’est nourri. Son objectif est le suivant : étudier la raison des croyances humaines. Il semblerait que l’information suivante puisse être essentielle à ceux qui réussiraient à en comprendre la valeur (ce n’est pas mon cas) : Boudon déplore qu’on ne voie pas assez les principes sociologiques imposés par Weber et Durkheim dans l’analyse des phénomènes politiques, moraux et religieux d’aujourd’hui. C’est notamment à partir de Weber que Boudon développe sa théorie de la rationalité ordinaire, dont je ne me souviens plus aujourd’hui, comme je ne me souviens plus non plus, d’ailleurs, de l’ensemble de cet essai (deux ans que je l’ai lu, deux ans que j’ai écrit ce résumé à l’arrache, en ayant sans doute hâte d’aller faire autre chose, n’importe quoi d’autre).
Dans l’ensemble, l’objectif de Boudon s’aligne avec le paradigme de notre époque : il s’agit d’établir une sociologie scientifique. La vraie science de chez la vraie science. Celle qui fait bander. Le complexe de non-scientificité attristerait-il les pratiquants de la sociologie en mal de reconnaissance ? Science molle, qu’on leur dit. Ils veulent devenir durs. L’avènement d’une sociologie qui se prétendrait scientifique pense devoir atteindre sa plus parfaite gloire en remontant aux raisons des croyances les plus irrationnelles – c’est-à-dire aux croyances qui ne sont pas les siennes. La sociologie veut rigoler des autres sans se foutre d’elle-même. Elle pense pouvoir y aller de sa petite scientificité comme d’une appellation d’origine contrôlée dans le champ des denrées alimentaires : personne ne sait ce que ça veut dire, mais ça rassure au moment de s’y enfourner dans les tripes. Ainsi, la digestion se fait plus paisiblement, c’est-à-dire dans l’ignorance de ses fins dernières. Cherchant donc à se définir dans l’exclusion méprisante, Boudon rejette loin de lui toutes les méthodes qu’il juge non-scientifiques : vulgates marxiste, psychanalytique et structuraliste, entre autres, et notamment parce qu’elles stipulent que le comportement humain est soumis à des forces impersonnelles agissant à l’insu de l’individu. Comment ? L’homme ne saurait donc jamais parfaitement ce qu’il dit, ni ce qu’il fait ? Boudon n’y croit pas, pourtant c’est ce qu’il fait.
Boudon dit que toute action a une cause vers laquelle on peut remonter, et même si celle-ci n’est pas parfaitement consciente à l’individu qui l’a commise, un autre individu, bien informé (le sociologue scientifique) pourra la lui indiquer. Boudon plonge sans le voir dans le grand fantasme de l’ère de la scientificité : le culte de la transparence (qui faisait bien marrer Philippe Muray) et son corollaire, l’horreur de l’incontrôlable.
Ainsi qu’Erich Fromm étudia dans « La Peur de la liberté » le caractère de Luther pour expliquer comment, dans son combat contre les doutes qui l’assaillaient sans cesse, il finit par déclarer la doctrine de la prédestination pour mettre fin à la lutte, il serait intéressant de savoir quelles raisons « occultes » (dirait Boudon pour les discréditer) ont poussé l’auteur de ce livre à déclarer comme scientifiques les méthodes qui sont les siennes à l’exclusion de toutes les autres. Mais enfin, il y a peut-être d’autres choses plus intéressantes à faire aujourd’hui.
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Un livre qui nous montre l’intemporalité de Tocqueville. Et qui introduit aussi ses successeurs, Durkheim et Weber.
Il permet de bien assimiler la différence entre les théories basées sur l’interprétation (Marx, Freud) et les théories explicatives reposant sur la psychologie ordinaire : « celle que nous employons tous les jours, celle qu’Aristote ou les moralistes du XVIIe siècle ont mise en forme, celle qu’utilisent les magistrats et les policiers, tire son identité et sa force de ce qu’elle peut seule engendrer des propositions réfutables ».
Cette lecture permet aussi de comprendre pourquoi les théories simplistes et ineptes ont autant de succès : parce qu’elles ont une utilité. Pour ma part j’ai immédiatement pensé à l’imposture de la théorie keynésienne, dont l’absurdité a été mainte fois démontrée. Aussi bien par de brillants économistes (Jacques Rueff, Friedrich Hayek, Murray Rothbard, Pascal Salin…) que par les faits. Mais elle a une utilité : permettre aux irresponsables de l’Etat de gaspiller l’argent des autres. C’est pourquoi, cette théorie a la quasi exclusivité dans les établissements d’enseignement en France… Aux mains des hommes de l’Etat !
Principal reproche : l’auteur, le sociologue Raymond Boudon, ne définit pas suffisamment clairement la notion d’égalité. Qu’il utilise pourtant à maintes reprises pour ses démonstrations. Il n’est question qu’une seule fois « d’égalité en dignité ». On suppose donc qu’il fait allusion à l’égalité des droits. D’autant qu’il critique « l’égalitarisme ». L’égalité des biens, si chère aux envieux et aux politiciens démagogues étant totalement contraire à l’égalité des droits. Celui qui fait des efforts ayant alors moins de droits que celui qui n’en fait pas.
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On est en droit d'attendre d'un ouvrage de la collection Que sais-je ? qu'il soit une référence à un moment donné sur une question précise, et que cette référence soit objective et si possible universelle. C'est d'autant plus vrai quand le sujet traite justement d'objectivité et d'universalité. Ce n'est malheureusement pas le cas de celui-ci. On y apprend pas grand-chose tant l'auteur défonce allègrement des portes ouvertes. L'auteur établit qu'il existe un bon et un mauvais relativisme. Il ne se met jamais en danger en premier des exemples inoffensifs (Le faiseur de pluie) et donc évite les points sensibles (les interdits religieux, les sévices culturels). Quand l'exemple pris est la peine de mort, l'argumentation attribué par l'auteur aux partisans et aux détracteurs est d'une incroyable indigence. Par ailleurs, Raymond Boudon n'observe le relativisme que d'un point de vue occidental : comment l'Occidental perçoit-il les concepts d'une autre culture ? Mais la réciproque n'est pas abordée. Surtout Raymond Boudon nous affirme que certains détiennent la vérité (en particulier en matière d'économie) et que d'autres croient de bonne foi la détenir mais qu'ils se trompent. De manière très malhonnête , à mon sens, l'auteur en profite pour imposer ses idées. Oubliez Marx et Nietzsche et contentez-vous de lire Montesquieu, Weber et ... Boudon (vive l'auto-citation) pour faire le tour du problème.
En conclusion, voilà un livre à éviter d'urgence (et là je ne fais preuve d'aucun relativisme !) si vous vous intéressez à cette question passionnante.
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Au delà de ce que le titre laisse penser sur le contenu de ce livre du très grand sociologue récemment disparu, il s'agit surtout d'un essai sur la sociologie, et l'histoire de son développement scientifique et parfois pseudo scientifique.
Certes, l'excès d'ambition nuit à la clarté du propos, notamment dans la structure du livre ; mais Il reste tout de même de longs passages extrêmement instructifs, comme très souvent dans les productions de cet intellectuel que son honnêteté sans faille a tenu à l'écart des médias car elle le conduisait sur des chemins éloignés du discours qui plait à l'étroite élite qui y fait la loi.
Son analyse de la mode (éphémère dans les milieux universitaires, moins dans l'élite médiatique) du structuralisme, des raisons qui ont fait son succès comme méthode d'approche d'une véritable connaissance dans le domaine de la linguistique, dans une bien moindre mesure dans l'anthropologie, et qui ont conduit à son échec total en sociologie, et cela, malgré des conséquences délétères et durables de la brève période où il a pu y asseoir une certaine domination, est remarquable de clarté.
Il montre à quel point, par ex, la culture de l'excuse, comme le pédagogisme, tous deux à l'origine de faillites gigantesques de politiques publiques essentielles, sont issus de cette brève période d'hégémonie du structuralisme dans les sciences sociales.
Faire de structures sociales la base de tout comportement, a conduit au refus tragique de la prise en compte de la responsabilité individuelle.
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Lorsque je m'inquiète sur où s'en va notre monde, je m'attarde à ce genre de lecture profonde. L'objectivité de Bourdon nous sort des courants de pensées et nous équipe d'une carte qui permet de mieux comprendre nos propres réactions face aux éléments qui meublent le présent. Ceux qui ont peur de l'auto-critique, s'abstenir...
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Texte autobiographique invitant à une véritable épistémologie de la pensée de l'auteur à travers le récit de sa vie. Parfait pour appréhender ou se rafraîchir la mémoire sur les concepts de Raymond Boudon, comme l'individualisme méthodologique et la sociologie scientifique.
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