Régis Descott

Anéanti, Gerhard se traîna jusqu’à son bureau dans lequel il s’effondra pour ruminer son amertume et son désespoir. Il avait cru pouvoir se jouer de cette machine, mais cette machine encore parfaitement huilée était en train de le broyer, avant d’engloutir chacun de ses proches dans ses engrenages infernaux.

Jusqu’à la décrue, après plus d’une heure de terreur, en cet instant la plus longue de leurs vies, l’éloignement des bombardiers, l’espacement des tirs de la Flak toujours plus sporadiques, une bombe explosant avec retard, enfin le hurlement des sirènes annonçant la fin de l’attaque.

usqu’à la décrue, après plus d’une heure de terreur, en cet instant la plus longue de leurs vies, l’éloignement des bombardiers, l’espacement des tirs de la Flak toujours plus sporadiques, une bombe explosant avec retard, enfin le hurlement des sirènes annonçant la fin de l’attaque.

L’irruption de cette étoile provoquait des turbulences sans précédent dans la galaxie de la Kripo. Sans compter que le scandale ne devait pas s’ébruiter.

— Ce deuxième assassinat constitue une atteinte inacceptable à la sûreté du Reich, un scandale absolu, s’emporta Heck d’ordinaire plus flegmatique. Un troisième assassinat ne saurait être toléré, vous m’entendez, Lenz ?

Dans le silence de la nuit, tandis que Flora dormait déjà, le bébé émit quelques gazouillis dont la musicalité remplit Gerhard autant de terreur que d’émerveillement.

La découverte de cette comptabilité de cauchemar et de la somme de malheurs qu’elle impliquait promettait de le laisser sans répit, ne serait-ce que par le fait qu’il n’était pas censé en avoir pris connaissance.

Un détail cependant différenciait ces deux obligations : les dénonciations provoquaient un dégoût pour l’humanité alors que les rafles entraînaient le dégoût de lui-même.

C’était une chose de se retrouver obligé de participer à une telle entreprise de loin, à sa manière distante, en s’efforçant de réfléchir le moins possible à ce qui se tramait, aux conséquences réelles, c’en était une autre de se trouver face à l’une des victimes, de soutenir son regard et de sentir son souffle.

— La « ruine de l’âme », c’est la mort psychique. Der Tod der Seele. Pardonne-moi, mais tu as vu leurs yeux ? Et la proportion de sourires ? La plupart ne se doutaient de rien… Comment pouvaient-ils ?

Sa colère et sa haine explosant en phrases contenues les rendaient plus terribles. Et eux qui représentaient la Kripo, que ces prétentieux inutiles avaient pris de haut.Des traîtres qui lézardaient le front de l’intérieur pourtant vital. Sous son visage impassible, la journaliste jubilait en les raccompagnant à la porte, Preusch et lui. Lorsqu’elle l’avait refermée à leur nez, il l’avait vécu comme une humiliation supplémentaire de la part de ces gens qui se croyaient au-dessus des lois, avec leur élégance vieille Prusse, leur aisance de nantis et leur façon de les expédier : on vous a montré ce qu’on voulait bien vous montrer, à présent circulez.

Le vrai psychopathe résout ses conflits en rendant autrui malheureux,alors que le névrosé résout ses conflits en se rendant malheureux.

Avec ces histoires, le lecteur projette ses désirs inavouables sur celui qui a exaucé ses fantasmes.

Le misérable qui a accompli cet horrible forfait était certainement connu de la petite Olympe, il l’a d’abord violée et, de crainte qu’elle ne parle, l’a ensuite tuée.
Les blessures du cou et du ventre ont été faites très probablement avec une serpette.

A moins que l’imagination ait le besoin de contraintes sur lesquelles s’appuyer pour s’envoler

Ne pouvant égaler le génie de Manet, le tueur voulait le dépasser sur le terrain du scandale

De sa position allongée, il ne pouvait voir la Seine, le fleuve qui selon sa mère charriait jusqu'à la mer et l'oubli tous les tracas. Pour la première fois il en doutait.

Gerard se racla la gorge. il aurait tout donné pour échapper à ce regard plein d'une attente trop dense.

Fier de son diplôme, il avait tendance à considérer ses connaissances comme le meilleur rempart contre la maladie.

Son ton docte dont elle riait ne l'avait pas encore étouffé, son contact n'avait pas eu raison de sa dérision.