AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Régis Descott (112)


Soixante pour cent des médecins parisiens ne gagnaient pas de quoi vivre décemment, certains n’atteignaient pas le seuil de survie des trois mille francs. Même les charges officielles étaient misérables. La plupart des médecins gagnaient moins que la plupart des ouvriers, qu’il s’agisse de colleurs de papier, de charpentiers, de marbriers, de peintres en bâtiment ou de charretiers.
Commenter  J’apprécie          60
Il* était né sous le Second Empire, en 1857, avait connu les rigueurs du siège de Paris en 1870, le passage à la IIIème République et les horreurs de la Commune, les rues jonchées de cadavres dont la vision l'avait si fortement impressionné. Il avait assisté à la modernisation de la ville, au percement de boulevards et d'avenues larges comme des cours d'eau, à la destruction de centaines de maisons, à la construction d'un nouveau type de bâtiments en pierre de taille et aux toits de zinc et d'ardoise. Tous ces chantiers nécessitaient l'apport de matériaux transportés par des barges toujours plus grandes sur le fleuve toujours plus encombré. Il avait été témoin de la modernisation de l'éclairage des rues, avec de nouveau bec de gaz, puis l'électricité; Il assistait encore à l'afflux de populations nouvelles rendu possible par l'essor du chemin de fer, ce peuple grouillant venu des quatre coins du pays et de plus loin encore, d'Espagne et d'Italie par exemple, cherche fortune ou plus raisonnablement gagner sa pitance. La ville en absorbait autant qu'il en arrivait, hommes, femmes, enfants, chacun participant à sa manière au changement de physionomie de la capitale qui réclamait tant de main-d'œuvre, tant de corps de métiers différents. Chaque année aussi elle en rejetait un certain nombre, des malades pour la plupart dont la santé n'avait pas résisté à des conditions de vie trop dures, aux logements surpeuplés, sous-ensoleillés et sous-aérés, à l'alimentation mal équilibrée et à des conditions de travail harassantes. Autant de tragédies anonymes qui n'empêchaient pas la cité de s'étendre, la population de croître et les lumières de briller toujours plus fort.

*Jean Corbel
Commenter  J’apprécie          60
Il venait de rencontrer son destin, mais il ne le savait pas encore.
Commenter  J’apprécie          40
Jean se rappela les commentaires haineux qui avaient accueilli le tableau lors de sa première exposition au Salon : « odalisque au ventre jaune », « guenon grimaçant la pose et le mouvement du bras de la Vénus de Titien », « Vénus hottentote exposée nue comme un cadavre sur les dalles de la Morgue ». Et cette main soi-disant impudiquement crispée, qui avait choqué. Mais que lui reprochait-on, à cette main ? Comme si Olympia était en train de se titiller le clitoris placé très haut, rit-il intérieurement. Cette toile qui les premiers jours avait nécessité la présence de deux gardiens pour éviter qu'elle ne soit vandalisée, et qui moins de vingt-cinq ans plus tard, à en croire les démarches de Monet qui s'employait à lever une souscription pour qu'elle soit rachetée à sa veuve, était pressentie pour entrer au Louvre.
Commenter  J’apprécie          40
Et Obscura était donc complice. A moins qu'elle ne fut manipulée : Jean venait de se rappeler sa tenue lorsqu'il était venu l'interroger chez elle. Avec le gris de Gabon sur son perchoir et son déshabillé rose pâle, elle figurait exactement un autre tableau de Manet, La Femme au perroquet, l'un des plus doux du peintre, pour lequel avait posé Victorine Meurent assagie, presque timide après l'impudeur du Déjeuner et de l'Olympia. Obscura avait-elle seulement conscience d'être ainsi transformée en modèle jusque chez elle ? Certainement pas. Mais quel était son rôle véritable ?
Commenter  J’apprécie          40
Le drap noir formait au dessus de sa tête une tente qui retenait son souffle captif. Sous ce voile de nuit il pouvait entendre sa régularité rassurante et en sentir la chaleur réconfortante. Pénétrer dans cet abri de fortune, c’était reproduire ce qui se rapprochait le plus des conditions et des sensations de la vie in utero, lorsqu’il ne connaissait de l’existence que le ventre de sa mère. Paradis perdu où il n’avait expérimenté ni les contraintes, ni les vexations que réserve ce bas monde. Eden où l’esprit pouvait divaguer à loisir et échafauder toutes les constructions mentales imaginables. Eden envolé où l’absence de matière et de matériaux signifiait l’absence de limites.
Commenter  J’apprécie          40
Un auteur français a écrit qu'il n'avait jamais souffert d'aucun chagrin qu'une heure de lecture n'ait permis de dissiper. Et pourtant, avez vous remarqué à quel point cette activité peut isoler du monde, rendre difficile l'adaptation à certaines organisations, à toute forme de hiérarchie, voire au commerce de certaines personnes ? P210
Commenter  J’apprécie          30
Etait-ce normal de revivre cette expérience quelque vingt-cinq années plus tard ? Ce traumatisme dont, au cours de ces années, il s'était cru débarrassé à jamais... Qu'est-ce que que cela pouvait signifier? Pouvait-il s'agir d'une nouvelle norme, d'une de ces épreuves liées au progrès technique auxquelles l'humanité allait devoir se faire, auxquelles elle serait de plus en plus régulièrement exposée.... Certains des combattants de 1917 ou 1918 ne s'en étaient jamais vraiment remis.
Commenter  J’apprécie          30
Un pied déjà dans l'autre monde, je ne m'étais pas assez ancré dans celui-ci.
Commenter  J’apprécie          30
"L'auteur du crime odieux découvert dans l'aquarium désaffecté du Trocadéro a été arrêté. Il s'agirait d'un individu déjà condamné pour une agression sexuelle , et un temps soigné dans une unité spéciale à Ville-Juif "
Commenter  J’apprécie          30
Réduite à l'extrême, l'équation se présentait en ces termes : participer à la déportation d'innocents pour ne pas être déporté soi-même, faire subir à ses semblables ce à quoi on avait tenté d'échapper ou, plus prosaïque encore, tuer pour ne pas être tué. A cette nuance près qu'en chemin on perdait l'innocence que l'on partageait jusque-là avec les autres, ces autres dont on devait supporter le regard au moment de la capture, autant de regards portant en eux la promesse de nuits peuplées d'autant de fantômes.
Commenter  J’apprécie          20
Comme autrefois, la mélancolie de l'endroit l'envoûta, le lac à la surface recouverte de lentilles, les quelquesmaisons le bordant avec leurs jardins en pente douce, les arbres au branches ployant vers l'eau immobile, et les voyages auxquels il invitait : Œdipe, la mythologie grecque et tout un bestiaire fantastique éloigné de l'Allemagne nazie étouffant sous la haine et le matérialisme.
Commenter  J’apprécie          20
Où que l'on se trouve dans le monde, les touristes, en hordes, sont les mêmes, reléguant les plus beaux édifices au rang de décors en carton-pâte, points de passage obligés sur une liste établie par les voyagistes... ( p 195 )
Commenter  J’apprécie          20
C’est en se confrontant à l’autre qu’on grandit, n’est-ce pas ?
(p. 13)
Commenter  J’apprécie          20
Lorsque la sonnerie du téléphone retentit, le docteur Lohmann devina qu'il s'agissait de l'accueil annonçant le nouvel arrivant. Celui leur était adressé par le Service médico psychologique régional de la maison d'arrêt de Fresnes. Il venait de se taillader l'oreille gauche, le nez et les paries génitales.
Commenter  J’apprécie          20
Cette année tu vas mourir.
L'annonce le surprit par sa brutalité. Puis elle perdit sa capacité de nuisance ; comme un refrain trop fredonné sa signification, une chanson d'amour écoutée jusqu'à en épuiser le désespoir.
Commenter  J’apprécie          20
Comme l'exigeait la procédure, il était assis sur son lit scellé au sol au milieu de la pièce, encadré par quatre infirmiers, deux derrière lui, deux devant, prêts à le maitriser au moindre geste suspect.
Commenter  J’apprécie          10
Il régnait dans la grande pièce une atmosphère laborieuse dominée par le ronronnement des machines à coudre que l’apparition des SS réduisit au silence. Chacune des couturières, comme la poignée de couturiers, demeurait figée à son poste de travail pendant qu’un sexagénaire accourait vers l’Untersturmführer qui tenait déjà la liste entre ses mains. Gerhard s’avança entre les tables couvertes d’étoffe de couleur feldgrau, pouvant sentir les respirations s’arrêter à son passage, quand les noms commencèrent à être égrenés par une voix nasillarde. Derrière lui, un des hommes se leva, aussitôt rejoint par un SS qui, sans lui laisser le temps de prendre quoi que ce soit, l’entraîna vers la sortie.
Lorsque la porte se referma dans son dos, Gerhard se trouvait dans un couloir gris et silencieux, à l’abri de cette énumération de cauchemar.
Commenter  J’apprécie          10
Gerhard savait ce qu’il en était : Goebbels débarrassait la capitale de ses derniers Juifs, d’où cette Fabrik Aktion surprise, organisée sans avoir prévenu la Reichsvereinigung2 qui d’habitude établissait les listes, pendant que d’autres équipes évacuaient les vieillards et les enfants demeurés dans les Judenhaus. Bien qu’en retard, il prenait son temps, cherchant dans ces gestes familiers – se raser, enfiler une chemise propre, ajuster sa cravate et préparer le café obtenu au marché noir – un moyen de tenir l’angoisse à distance. L’odeur du savon à barbe comme celle du café représentaient des échappatoires a priori dérisoires, mais dans lesquelles plus d’une fois il avait trouvé un réconfort inattendu. C’est dans le dénuement des tranchées qu’il avait développé une attention à ces plaisirs minuscules grâce auxquels, même quelques instants, on pouvait oublier la peur et le découragement. Et s’il était revenu plus riche de cette expérience traumatisante, c’était de cette aptitude à saisir une forme de secours dans des détails qu’il aurait autrefois qualifiés d’anodins.
Commenter  J’apprécie          10
Et l’on avait beau être père et fils, à certains moments la terreur et le vacarme étaient tels que l’on ne pensait plus à leur survie, à celle de l’enfant âgé de quelques mois seulement, à celle de la femme aimée, à celle de la mère affrontant son chagrin dans sa maison isolée, uniquement obsédé que l’on était par son propre sort, (...)
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Régis Descott (723)Voir plus

Quiz Voir plus

Deux secondes en moins 2

Quelle est la date (jour et mois) du suicide d’Alex ?

14 mars
18 mars
15 mai
17 mai

7 questions
18 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature jeunesse , deuil , musiqueCréer un quiz sur cet auteur

{* *}