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Critiques de René Maran (44)
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Un homme pareil aux autres

Fidèle aux éditions du typhon dont on ne peut qu'apprécier la constance et leur volonté de creuser ce qui abime une époque, j'ai lu Un homme pareil aux autres de René Maran. Première découverte : René Maran est le premier auteur noir à avoir reçu le prix Goncourt en 1921. Seconde découverte de l'ordre de l'affinité élective, les éditions du typhon ont eu la bonne idée de confier à Mohamed Mbougar Sarr la préface.

Quant au roman, c'est le parcours d'une douleur. Un jeune homme se déteste pour sa couleur de peau alors il va se saborder : perdre la femme qu'il aime et dont il est aimé tout en prenant un poste d'administrateur colonial soit vivre de plein pied l'expérience du déchirement. Trop blanc pour les Noirs ; trop noir pour les Blancs, il est sans cesse tiraillé. Mais sur son chemin de croix, deux lueurs : la littérature qui le sauve ; une mutation intérieure qui lui permettra de s'aimer un peu pour recevoir l'amour de l'autre.

Dans une langue précise, érudite, lumineusement mélancolique, René Maran sonde une haine, celle de la différence et l'impact de celle-ci sur le rejeté. Ce que l'on en retient n'est pas une lamentation (au passage justifiée) mais une leçon de courage.

Un homme pareil aux autres est un livre dont on ressort grandi !
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Un homme pareil aux autres

Voyage au bout de l’amour.



On m’avait bien dit qu’Un homme pareil aux autres de René Maran était un de ces voyages littéraires qui marquent son lecteur. Et on m’avait dit vrai, tellement ce roman de 1947 est fluide et beau, au style à la fois poétique dans ce qu’il décrit et clinique dans ce qu’il dénonce.



Ce voyage, c’est celui de Jean Veneuse, brillant administrateur colonial envoyé de métropole au Tchad pour y faire régner la doxa républicaine et contrôler les populations locales. Mais aussi un « nègre » parmi les siens aux yeux de la société raciste des années 20.



Ce voyage, c’est celui de l’Afrique que Veneuse rejoint et traverse, en paquebot depuis Bordeaux puis en Vapeur via le Sénégal jusqu’à Kokaga puis Moussananga. L’occasion de pages sublimes comme autant de cris d’amour à une terre qui n’est pourtant pas la sienne, lui le natif des Antilles.



Ce voyage, c’est celui du plafond de verre racial que la société impose aux Noirs de l’époque, tout en exonérant Veneuse avec gène (« Je ne parle pas de vous, bien entendu, mon cher Veneuse »). Mais aussi son poids insupportable qui enclenche chez Veneuse une forme de sentiment d’usurpateur.



Ce voyage, c’est surtout celui de l’amour, de Veneuse pour Andrée, l’aimée blanche qu’il préfère fuir par crainte de l’aimer, sans pouvoir jamais la détacher de ses pensées. Omniprésente et culpabilisante jusque dans les bras de son amante de voyage ou dans la solitude de sa case.



Ce voyage c’est enfin celui de l’émotion, celle ressentie par Veneuse devant l’hommage touchant de ces villageois africains qu’il quitte, et celle du lecteur qui ne cesse de monter au fil des pages. Sans oublier celle de la littérature, qui élève et qui sauve.



« Lire a toujours été mon vice. Je puise dans les enseignements qu’il me donne une satisfaction d’autant plus vive qu’elle est secrète (…) Quel malheur qu’on ne puisse aimer les hommes comme on aime les livres (…) Mais lire, hélas ! n’est pas toute la vie… »



Si ça n’est pas déjà fait, embarquez pour ce voyage !

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Un homme pareil aux autres

Un très beau livre, une autofiction semble-t-il, qui aborde avec profondeur la condition noire, dans les relations sociales, et particulièrement dans la relation amoureuse.



René Maran, au travers du personnage de Jean Veneuse, s'interroge sur la légitimité d'un homme noir à se marier avec une femme blanche européenne, au temps des colonies. Leur amour semble clair et partagé, puissant mais pudique, et pourtant sa condition d'homme noir l'empêche. Se peut-il qu'un "nègre", quand bien même sa culture et son intelligence, son éducation et sa sensibilité, n'ayant rien à envier à ceux d'un "blanc", se marie avec une "blanche" européenne?

Il n'est qu'un nègre au regard des autres, les rapports sociaux du quotidien le ramènent en permanence à cette condition. Le récit interroge justement avec subtilité cette condition de l'homme noir à cette époque, et explore également le racisme "introjecté". L'auteur est imprégné par sa condition, sa position sociale et bien sûr par l'histoire tragique du peuple noir. Au point qu'il lui semble impossible voire illégitime de dépasser la frontière qui le sépare d'Andrée Marielle, sa promise et bien-aimée.



Enormément de poésie dans le style, une grande sensibilité dans l'écriture, notamment dans les descriptions sublimes des côtes africaines ou encore de l'océan et des couchers de soleil.



C'est à la fois un roman profond de réflexion sur la condition noire, et une ode puissante à l'amour et au désir.

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Un homme pareil aux autres

Contrairement à ce que peut faire penser le titre « un homme pareil aux autres » , René Maran, longtemps après son Batouala, fait parler Jean Veneuse, Martiniquais d'origine, élevé en France, d'une éducation classique raffinée, nommé au Tchad comme administrateur, Noir comme lui.

Et ce Veneuse reprend à son compte tous les clichés racistes : « Ne blâmez pas ma réserve ! Vous ne savez pas – et ne pouvez savoir- que ma couleur m'interdit jusqu'à l'expression des sentiments les plus normaux. » Il est amoureux d'une Blanche, amour partagé, cependant il part en sachant d'un savoir sûr qu'il ne peut entrer dans la norme, qu'il ne pourra jamais être accepté par la société, que le mariage mixte est juste impensable.

Car, dit-il, « je ne suis qu'un nègre, moi. Et un nègre n'a pas le droit de s'évader de sa race. ».

Comme il est administrateur « aux colonies », il affirme être non seulement rejeté par les blancs, mais aussi par les noirs. Et, dit-il, c'est pire aux colonies.

Bien sûr, un de ses amis lui dit qu'il est « un nègre comme on voudrait qu'il y eut beaucoup de blancs », et même : « vous n'êtes pas un vrai noir, vous. Ni par la peau, ni par l'intelligence, ni par la culture. Somme toute, vous êtes des nôtres ».

Compliment vénéneux qui recouvre un racisme évident.

Et puis la conquête qu'il fait ( qu'il subit) d'une femme qui veut à tout prix qu'il ne soit pas différent, qu'il n'y ait pas de dissension entre les races, lui jette à la figure « sale nègre » quand il ne veut pas s'installer avec elle.

Il oscille, et affirme parfois que « le nègre est un homme pareil aux autres ».

Il aime cette femme restée à Paris qu'il juge inaccessible, mais ne nous faisons pas trop de souci : il s'aère avec une petite négresse comme il dit, et quand il part, il imagine qu'elle se refera avec son successeur.

Frantz Fanon, dans son « Peaux noires, masques blancs », cartonne : « chez le nègre, il y a une exacerbation affective, une rage de se sentir petit, une incapacité à toute communion humaine qui le confinent dans une insularité intolérable »insularité qui le conduit à vouloir être blanc, seule issue possible, avant de pointer l'abandon du petit Veneuse, qui donc reproduit ce qu'il connaît : la solitude, l'impossibilité d'être aimé. « C'est un névrosé qui a besoin d'être délivré de ses fantasmes infantiles. »



A l'opposé , Mohamed Mbougar Sarr , dans sa préface, note que Veneuse n'est pas Maran, et que peut être la fiction inventée par ce dernier couvrait non pas le désir d'être aimé malgré sa couleur de peau, son désir d'être blanc, d'être pareil, comme tout le monde, blanc mais par la volonté de se faire reconnaître comme écrivain, d'être légitimé par l'écriture.

Il me semble ( et j'accepte toute autre analyse, bien entendu) que René Maran a poussé si loin l'impossibilité pour un noir d'aimer une blanche, lorsque l'on sait qu'il a vécu toute sa vie un amour mixte partagé ( comme Fanon, d'ailleurs) , que Sarr nous donne une autre vision beaucoup plus intéressante que celle de Fanon.

Oui, René Maran a voulu pousser à l'extrême les dissensions réelles entre blancs et noirs en faisant parler Veneuse, mais il a surtout, aussi, écrit des pages magnifiques par leur lyrisme.



Lorsque, il y a cent ans, son livre Batouala est consacré par le Goncourt, il souffre que son prix soit catalogué celui du« premier Noir à recevoir le prix Goncourt ». Comme si la couleur de peau comptait plus que l'écriture. Je pense aux aquarelles dont on a dit ( passé révolu, il y a beaucoup d'hommes aquarellistes)

qu'elles étaient « si féminines ».



La peinture n'a rien à voir avec le sexe.

L'écriture n'a rien à voir avec la couleur.

Et dans « un homme pareil aux autres », nous avons la thèse de l'étrangeté, de la différence sans aborder encore l'antithèse de la réciprocité, et non plus la conclusion synthétique de l'amour possible…. Sauf si, il faut lire le livre jusqu'à la fin pour comprendre.

Et surtout, une écriture pas pareille aux autres.

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