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Critiques de René Maran (44)
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Batouala

L'émission "Autant en Emporte l'Histoire" du 19 décembre dernier sur René Maran m'a permis de connaître son histoire et donné l'envie de lire son roman, prix Goncourt 1921 : "Batouala, livre pionnier, premier roman d'un auteur noir critiquant la colonisation" (Tirthankar Chanda, RFI, juillet 2020).



Plus que le roman lui-même ce serait le texte de la préface rédigée par l'auteur qui aurait soulevé en France un vent de scandale : "dix sept ans ont passé depuis que j'ai écrit cette préface. Elle m'a valu bien des injures. Je ne les regrette point. Je leur doit d'avoir appris qu'il faut avoir un singulier courage pour dire simplement ce qui est."



L'histoire est celle du grand chef Batouala dont la vie a été bousculée par l'arrivée des hommes blancs de peau "qu'étaient-ils donc venus chercher si loin de chez eux, en pays noir ?



Un jeune homme, Bissibi'ngui, jette le trouble chez les huit femmes de Batouala, et particulièrement chez sa première épouse, Yassigui'ndj.



Lors de la grande fête de Ga'nzas Batouala s'enfièvre contre les "boundjous" " je ne me lasserai jamais de dire contre la méchanceté des boundjours. Jusqu'à mon dernier souffle, je leur reprocherai leur cruauté, leur duplicité, leur rapacité".

Au cours de cette fête sont réalisées la circoncision des jeunes hommes et l'excision des jeunes filles. Passage difficile.

Au cours d'une chasse, Jaloux, Batouala veut tuer le jeune homme qui intéresse Yassigui'ndj....



Roman assez court à l'écriture foisonnante, imagée, sonore, avec des mots à la signification parfois inconnue, des animaux, de la nature, des cours d'eau, de la végétation, et des contes.



René Maran est considéré comme le précurseur du mouvement de la négritude.
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Batouala

LA RÉALITÉ COLONIALE.

René Maran est un noir guyanais qui a fait ses humanités à Bordeaux puis envoyé en Afrique par l’administration coloniale dans les années 1910. Il était donc le fonctionnaire noir d’une autorité blanche pour gouverner un pays noir.

Ce roman m’a d’autant plus intéressé qu’il se déroule en Centrafrique dans la préfecture où j’ai moi même fait ma coopération civile : bien qu’écrit au début du XXème siècle, j’y ai retrouvé le même peuple confiant et accueillant, la même joie de vivre, les mêmes mœurs avec un animisme toujours teinté de sorcellerie.

En fait, il s’agit d’un violent réquisitoire contre un colonialisme présenté en France comme une mission civilisatrice : « Civilisation, orgueil des Européens et charnier d’innocents, tu battis ton royaume sur des cadavres». À travers ce roman, il stigmatise l’inhumanité des colons, le travail imposé, la collecte de l’impôt, l’alcoolisation au Pernod ; alors qu’avant l’arrivée des blancs, les indigènes travaillaient peu, pour eux-mêmes, uniquement pour boire manger et dormir. Dès lors, Ils vont devoir se soumettre à l’autorité blanche : « quand le lion a rugi, il n’y a plus rien à faire, sauf se résigner comme l’antilope qui n’ose pas bramer ».

La réaction à ce livre, qui apporte un vibrant témoignage et hurle sa rage, a bien sûr été violente. On accuse l’auteur « de mordre la main qui l’a nourri ». André Gide, alerté par le livre, voulut se rendre sur place et a effectué un voyage en Afrique centrale dont il reviendra convaincu que le tableau brossé par Maran était un fidèle reflet de la réalité coloniale. Le livre obtiendra finalement contre vents et marées le prix Goncourt en 1921. L’auteur s’éteint en 1960, en même temps que le colonialisme dont il voulait sauver l’âme.
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Batouala

Un roman précurseur de la négritude, il ne m’en faut parfois pas beaucoup plus pour me lancer dans la lecture d’un livre « que personne ne lit » (dixit P’tit Raton : « Non, mais toi, tu lis qu’des trucs que personne ne lit », à dire avec l’accent ado de base…). Et c’est bien parfois de lire ces livres, car on apprend souvent des choses. Ici, la lecture n’a pas vraiment été une partie de plaisir. Je n’ai pas aimé cette peinture de l’homme noir paresseux, sans projet (vous savez, l’Africain qui n’est pas encore rentré dans l’histoire, ça aussi c’est une citation connue) et porté sur le sexe (d’ailleurs, je plains le prof de français qui doit étudier ça avec ses élèves de lycée ou lycée pro. Les lectures à haute voix et les séances d’explicitation de vocabulaire doivent être scabreuses...). Mais c’est intéressant de lire ce livre qui a fait tant de bruit à l’époque, plus pour sa préface d’ailleurs que pour le livre lui-même. Car si la préface est ouvertement anti-colonialiste (et c’est embêtant quand c’est un fonctionnaire colonial qui l’écrit), mais le livre ne fait que décrire et la plupart des personnages (blancs ou noirs) ne sont pas particulièrement des personnages positifs.

Pas agréable à lire, mais intéressant. Intéressant de voir comment un Noir (René Maran est de parents guyanais et a vécu ses premières années dans les Antilles avant de faire sa scolarité dans l’hexagone, puis de débuter une carrière dans l’administration coloniale en Afrique de l’Ouest) décrit le colonialisme dans les années 20. Un Noir qui est des deux côtés : il est et se sent noir, mais il représente aussi le colon. Et ce que j’ai vu dans ce livre, c’est surtout cela, une personne tiraillée entre deux cultures, deux origines peut-être même, qui se bat intérieurement pour les réconcilier et qui n’y arrive pas. Cela rend la lecture intéressante, mais aussi d’une certaine façon poignante.

Un livre à lire pour ce qu’il dit de son auteur, donc, pour le contexte dans lequel il a été écrit, et pour la réaction qu’il a suscité. D’un côté un prix Goncourt, le premier attribué à un Noir (peut-être un signe de ce que les milieux intellectuels pensaient de la question noire et de la question coloniale à cette époque) et de l’autre une administration qui le pousse à la démission, qui sera suivie d’un relatif silence littéraire. Un témoignage historique, un livre qui fait réfléchir. Sur le chemin parcouru, sur le chemin qu’il reste à parcourir, et sur où j’en suis moi-même.
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Batouala

Magnifique, les débuts de la négritude, la préface vaut elle aussi son pesant d'or....
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Batouala

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Batouala

Le livre batouala est très expliqué dans l'ensemble, des mots bizarres sont tous traduit. Le début est un peu long mais une fois passer la 60 éme pages on rentre dans la journée du chef Batouala est cela commence à être plus intéressant.

Batouala est tirée d'une vrais histoire d'un nègre, on explique comment faisait t'il pour vivre et il on d'écrit tous les journées passer.
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Batouala

Ce roman, premier texte de la « négritude » et premier Goncourt attribué à un noir, a fait scandale et a obligé son auteur, fonctionnaire antillais, à démissionner. Le scandale de l’époque concernait principalement le caractère anticolonialiste du « constat » (puisque René Maran dit se borner à décrire ce qui est).

En effet, il s’agit de la vie d’un grand chef de l’actuelle Centrafrique et de sa première femme qui se détourne peu à peu de lui sur fond de durcissement de l’exploitation coloniale du caoutchouc et de rivalités diverses.

Le deuxième scandale vient avec la prise de conscience que ce n’est pas un africain qui décrit la rudesse et la « sauvagerie » de certaines coutumes mais un pur produit de l’éducation des élites antillaises qui prend le monde blanc comme modèle.

Enfin, la lecture actuelle est parfois insoutenable quand à ces descriptions brutes notamment excision, polygamie, violences sexistes et autres.

Il reste un récit haletant et historiquement très instructif, mais il est important de le contextualiser notamment à notre époque de remontée des traditionalismes divers.
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Batouala

Phoenix faseyant de mille feux, affaissées pourtant, flétries un temps par une pompe trop fastueuse, mes envies de lecture franchissent de nouveaux fronts et festoient au firmament. Ocytocine ! s’écriaient-elles tandis que je résolus d’entamer le Prix Goncourt 1921, Batouala, de René Maran.

Hier néanmoins, faisant face à l’effervescence scripturale de mes amis Babelio qui fourbissent plus de billets et commentaires que ne peuvent les frelons feulant dans un seul quart d’heure, j’égarais concomitamment à mes lectures une oreille sur France culture tandis que Pierre Bayard, au sommet de sa verve, vantait brillamment l’existence non seulement d’univers parallèles mais encore des œuvres que nos artistes chéris n’ont pas eu le temps d’écrire mais qui n’en existent pas moins (Et si les Beatles n’étaient pas nés, 2022).

On ne peut pas dire que je sois sortie de tout cela indemne. Cette prétention à l’allitération en exergue n’en est qu’un des symptômes les plus légers, et espérons-le, passager.

Là où j’envisageais ce long week-end comme une jolie promenade de santé, à sauts et à gambades forcément primesautières, je me suis en outre peu à peu retrouvée ensevelie sous un tombereau de syntagmes aux usages interlopes qu’il semblait pourtant de la première nécessité de devoir caser.

Caser, voilà qui me ramène non pas à mes moutons, il n’y en a pas en Afrique centrale, il faudrait tout de même me faire l’aumône de votre attention la plus ténue sinon on ne va pas s’en sortir, non pas à mes moutons donc mais aux « m’balas, éléphants aux entrailles toujours pleines de flatulences », béngués, vounbas, antilopes et gogouas qui peuplent Batouala de leurs meuglements, chevrotements et autres ricanements. C’est la brousse qui exsude la vie gouailleuse, la brousse qui fermente brumeuse. Et dans la brousse, Batouala, héros éponyme, homme puissant, respecté, ses huit femmes et son rival, le trop beau, trop désirable Bissibi’ngui.

Comme le rappelle Amin Maalouf dans sa préface, Batouala a fait scandale et l’adoubement que constituait l’octroi du prix Goncourt de 1921 n’a pas suffi à éteindre le feu des critiques quant à son anticolonialisme. Nous sommes dix ans avant la parution de Tintin au Congo, dix ans aussi avant que n’émergent les premières voix d’élites africaines demandant l’autodétermination. Bien avant les écrits de Fanon, la négritude de Césaire et Senghor.

L’an dernier, voyant tout ce que ce centenaire anniversaire pouvait avoir d’intéressant pour éclairer notre 21e siècle, Albin Michel a publié à nouveau Batouala. Et c’est là que se rassemblent les voies éparses de ce week-end épique et que Pierre Bayard trouve son usage. Car lire Batouala en 2022 comme un brulot anticolonialiste, c’est s’exposer à une amère déception. Certes, la préface est peu amène pour les colonisateurs, elle décrit leur alcoolisme, leur incurie, leur cruauté. Certes Batouala ne ménage pas ses insultes contre les blancs et les maudit jusqu’aux derniers moments de son agonie. Mais c’est bien là la moindre des choses trouvera le lecteur de 2022.

Aussi ce n’est pas dans cette attaque contre les colons que réside, à mon sens, le sel de ce roman. Et ce serait faire un bien mauvais Goncourt que de le résumer à une charge « à lire d’urgence en 2021 » comme le fait, racoleur, le bandeau d’Albin Michel.

Ce qui rend agréable la lecture de ce roman n’est pas non plus son rythme endiablé, le flot incessant de ses péripéties. A vrai dire, il se passe assez peu de choses du point de vue des humains et les journées s’écoulent sans justement que les blancs soient complètement parvenus à les remplir d’inutiles et trépidantes actions.

Mais Batouala est plein des rumeurs de la brousse, plein des cosmogonies qui éclairent le monde d’un jour ironique, plein d’une langue riche et flamboyante qui m’a rappelée celle de Michaux. Peut-être n’est-ce pas tant un bon roman qu’un immense poème au charme envoutant.



Commenter  J’apprécie          1913
Batouala

"les bienfaits de la colonisation", quelle drôle d'idée.

Quels bienfaits y-a t'il à voir sa culture disparaitre,

son peuple exploité et sa terre confisquée ?

ha, si le progrès !

"construire un pont quand on peut traverser à gué, c'est bien une idée de blanc".

je découvre René Maran et je me transporte avec lui dans cette Afrique qui nous dépasse,

belle, envoutante, irrationnelle, cruelle parfois.

Oui, l'Afrique nous dépasse,

" .. des plantations de toutes sortes couvraient son étendue, elle regorgeait de poules et de cabris.

Sept ans on suffit pour la ruiner .."

"Batoula" nous invite dans son monde où tout est symbiose entre la terre, les hommes, les bêtes.

Mais ce monde change, la société des blancs bouscule les fonctions rituelles;

et puis il y les femmes, la polygamie, la vie tribale et la rivalité des hommes.

"Batoula" ne dort plus, son monde lui échappe.

Ce roman est un symbole, témoin d'une époque, révélateur d'un genre littéraire, découvrez-le.

la préface d'Amin Maalouf est magnifique, et cette ode à la vie s'achève avec la parabole de

"Youmba la mangouste", qui résume à elle seule toute la poésie de la littérature africaine.

"la faiblesse est le pire des crimes" .

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Batouala

Dans ce roman de l’antillais René Maran, prix Goncourt de 1921, nous suivons des évènements autour du chef de tribu Batouala. L’histoire se passe en Afrique équatoriale française, en Oubangui-Chari, aujourd’hui république centrafricaine.

Nous sommes donc dans la brousse, dans la maison du chef, dormant contre l’une de ses 9 femmes, autour d’un foyer éteint. Le roman commence doucement, comme tous les matins au fond de la brousse. Les gens n’ont ici pas à se presser, loin de ce capitalisme européen qui les rend pauvres (très légers contacts avec l’administration dans ce roman). René Maran décrit très bien le réveil des hommes, des femmes et du chien, cet animal sur lequel on tape toute la journée (c’est encore le cas aujourd’hui). On ressent pleinement cette douceur de la nuit, se réveille tranquille, puis le commencement des activités féminines autour des cuisines, ainsi que les longues parties de chasse des hommes. Ici, pas de tabou, le sexe est décrit sans problème et les débordements liés à l’alcool et au sexe lors des cérémonies de circoncision et d’excision non plus. Aucun tabou.

Mais le fait de coucher avec n’importe qui lors de ces cérémonies peut avoir aussi quelques problèmes. C’est ainsi que Batouala va mener la chasse à un jeune guerrier, dont toutes les femmes raffolent, dont l’une des siennes qu’il vient visiter dès qu’il a le dos tourné.

C’est donc un roman qui retransmet bien la réalité de la brousse et de ces petits villages où l’on fuit l’européen et ses mœurs étranges. La terreur et l’incompréhension de celui-ci sont bien retransmis. On suit bien le cours des journées tranquille et des fêtes, alors que ce roman ne fait même pas 200 pages. L’auteur fait donc passer énormément de sentiments en très peu de page, rendant le roman très intense et plaisant. A absolument lire.

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Batouala

"Batouala", de René MARAN est considéré comme le premier roman nègre écrit par un nègre. Point de départ de la "Négritude", mouvement littéraire et artistique qui nourrira l'émergence d'une culture noire et de sa conscience, il a été écrit en 1921. Primé par le Goncourt, son auteur, obligé de démissionner de son poste au Ministère des Colonies, sera vilipendé par tous ceux qui n'étaient pas prêts à imaginer qu'un noir puisse penser et écrire sur sa vie, celle de sa tribu, ses traditions et la sagesse qui était parfois bien plus du côté des "sauvages" que du côté des "Blancs" !



L'histoire est celle de Batouala, patriarche respecté de sa tribu. Pour lui, la vie est simple. Tous les jours, faire de son mieux pour vivre dans le respect des Anciens et des présents. Entre la pipe matinale, la chasse, les honneurs à rendre à son épouse et à ses autres femmes, rivales, Batouala nous conte la vie, son quotidien, les fêtes oniriques de la tribu, les moeurs de passage de l'enfance à l'âge adulte. Il nous conte aussi son interrogation sur ces traditions qui se perdent, les anciens qu'on n'écoute plus de la même façon, leurs expériences et connaissances que les jeunes délaissent et la convoitise de ces derniers. Bref, il nous conte un monde qui change, qui se perd. Il nous entraîne vers sa fin, sa mort.



René MARAN développe une écriture qui est celle des conteurs africains (que l'on connaît maintenant). Mais au-delà de leurs descriptions émerveillées de la nature, de la force et la beauté des êtres, bêtes, hommes et femmes qui y vivent, il nous faut entendre le fond. MARAN nous parle d'un monde en mutation, d'un monde qui disparaît, d'un autre qui doit advenir.



Intéressant de lire ce livre plus de 90 ans après sa première parution et de refléter son histoire dans le miroir de notre temps présent, lui aussi, toujours en mutation.
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Batouala

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Batouala

Certains critiques voient "Batouala" comme un roman africaniste typique de son époque, mettant en lumière les stéréotypes coloniaux sur l'Afrique et ses habitants, tout en offrant également une critique subtile de la colonisation. Le roman présente un regard sur la culture africaine à travers le personnage principal Batouala, chef africain confronté à la domination coloniale. René Maran utilise une écriture poétique et symbolique pour dépeindre la lutte entre deux mondes et pour dénoncer l'exploitation coloniale des peuples africains.



L'ouvrage "Batouala" a été salué pour sa représentation réaliste de la vie en Afrique ainsi que pour sa contribution à la reconnaissance de la littérature africaine. Cependant, il a également été critiqué pour perpétuer certains préjugés coloniaux et pour son regard paternaliste sur les Africains.



En fin de compte, "Batouala" de René Maran reste un ouvrage clé de la littérature coloniale et post-coloniale, offrant une perspective complexe sur les relations entre les cultures européennes et africaines.
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Batouala

Il s’agit ici d’un recueil de deux nouvelles : la plus longue porte le titre de « Batouala », et la seconde, nettement plus courte, s’intitule « Youmba la mangouste ».



Batouala a remporté le prix Goncourt en 1921, mais en le lisant je ne lui ai rien trouvé de spécial. La faute au temps qui passe et à l’évolution des mentalités (heureusement).



En replaçant ce récit dans le contexte de l’époque, cela prend une toute autre dimension. On se rend alors compte de l’audace de René Maran et du tollé que ce court roman a dû engendrer à sa publication ! Un récit sur les « nègres », écrit par un « nègre » (en reprenant le terme de l’époque). Il fallait le faire, à une époque où les noirs étaient considérés comme des moins que rien, des êtres sans intelligence ni conscience, moins que des animaux.



L’auteur nous transporte en Afrique équatoriale, aux côtés de Batouala, grand chef respecté de la brousse. Il nous conte son quotidien, sa vie de "mâle dominant" entouré de ses nombreuses épouses, de son petit chien roux aux oreilles pointues, de ses traditions, de la succession des saisons, de la chasse et des rivalités et jalousies entre guerriers. La plume de René Maran a quelque chose de poétique. Il nous apporte quantité de descriptions et nous transmet quelques légendes du peuple de la brousse. Des histoires qui se transmettent de génération en génération, depuis la nuit des temps.



L’homme blanc est évidemment présent dans ce récit, puisque la France a colonisé cette partie de l’Afrique. Il n’est pas le centre de cette histoire et n’est pas abordé de front, mais je dirais plutôt qu’il est évoqué, comme une présence dérangeante et malfaisante, en périphérie de la vie des habitants originels de la brousse.



Le « Commandant » est souvent cité. Il est craint et haïs, et on comprend bien tous les bouleversements qu’il apporte, aussi bien sur place en modifiant le style de vie des noirs, mais aussi en charriant avec lui cette menace d’un ailleurs qu’ils ne connaissent pas, cette France lointaine mangeuse de tirailleurs africains, pour une guerre qui ne les concerne pas.



Avant de se plonger dans le récit proprement dit, il est très important de ne pas négliger la lecture de la préface. L’auteur y apporte un éclairage particulier sur la construction de son roman, et on comprend mieux tout le poids de cet écrit. Moi qui m’attendais à quelque chose de beaucoup plus dur, d’une sorte de dénonciation brutale des conditions de vie des noirs, j’ai trouvé au final ce récit très « soft ». Alors lorsqu'on sait la tempête qu’il a soulevée dans les années 20, on prend la mesure du climat de la planète à cette époque !



Je vais écrire quelques lignes à présent sur la deuxième nouvelle.



Au départ, je ne voyais pas bien l’intérêt d’écrire une histoire sur la vie d’une mangouste. Si ce n’est l’occasion de décrire la brousse et ses habitants, la saison des pluies, la saison sèche et les conflits humains qui obligent toute cette faune à rester sur ses gardes.



Et puis en prenant du recul, j’ai compris. René Maran, à l’image de La Fontaine, nous a présenté un genre de fable, en prenant une mangouste pour emblème (pourquoi pas après tout ?), afin de dénoncer les relations entre blancs et noirs. La mangouste représente le noir, et l’humain qu’elle côtoie (un noir qui lui a permis de vivre dans sa case en échange de ses services de chasseuse de nuisibles), représente le blanc.



Je n’en dirai pas plus sur cette interprétation, car je pense qu’il appartient à chacun de comprendre à sa manière.



J’ai lu ce recueil de nouvelles en format numérique. Le tout fait 154 pages et je pense qu’il est intéressant de le lire, ne serait-ce que pour sa valeur historique et la richesse de ses descriptions.



Bonne lecture.
Lien : https://lebouddhadejade.blog..
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Batouala

Première leture de littérature africaine... je suis convaincue !
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Batouala

Premier roman de René Maran qui obtint le prix Goncourt en 1921. Ecrit dans un style naturaliste, l’auteur y expose la vie quotidienne et les mœurs d’une tribu dirigée par un bon chef : Batouala entouré de ses nombreuses femmes.

On suit le quotidien de ce village rythmé par les saisons, la vie familiale, les jalousies, la concupiscence, les rituels tribaux (j’avoue avoir redouté la lecture de la principale fête et avec raison). Je m’attendais à des remarques beaucoup plus virulentes sur les colons, ils sont surtout décrits comme des voisins gênants et râleurs.

C’est un joli conte et la plume de René Maran est très agréable.

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Batouala

« Que votre voix s’élève !

Vous, les écrivains de France, il faut que vous aidiez « ceux qui disent les choses comme elles sont, non pas telles qu’on voudrait qu’elles fussent.» clame dans la préface de son livre René Maran.

Batouala, « Véritable roman nègre » a reçu le prix Goncourt il y a juste 100 ans. Ce fut un tollé, d’abord parce que l’auteur n’était pas connu, aussi parce que sa description, par delà la poésie et le lyrisme indéniable, s’attache aux coutumes d’un village d’Oubangui Chari( actuelle Centrafrique)et qu’il y fait, surtout dans sa préface de la première édition (1921) le constat de l’ exploitation des « nègres », leur embrigadement dans la guerre de 1914, parce que les « frandjés étaient en palabre avec les zalémans et qu’ils les battaient comme on ne bat pas son chien. ».

Et puis le cours du caoutchouc est tombé, plus de travail.



Goncourt, donc, pour cet auteur antillais, fonctionnaire de préfecture, nommé Administrateur du Ministère des Colonies en Oubangui-Chari, Goncourt qui soulève des vagues : celles de l’Administration française, qui veut bien entendu former une élite « indigène » sachant lire et écrire, mais qui n’admet pas que de l’intérieur, on dénonce les pratiques coloniales ; celles aussi d’écrivains africains, pas très contents que leurs coutumes soient mises à jour comme par un anthropologue les jugeant tels qu’ils sont.

C’est dans son introduction, remaniée en 1937, que René Maran , qui, entre temps, a été doucement poussé à démissionner de l ‘administration, a subi critiques et pamphlets, dénonce les pratiques coloniales, en particulier cet impôt « de capitation », qui pousse souvent les africains à la plus grande pauvreté, jusqu’ à vendre même leur femme.

Ce roman est tout objectif, nous dit l’auteur. Il ne tâche même pas d’expliquer. Il constate. Il ne s’indigne pas : il enregistre…. C’est un roman d’observation impersonnelle.

Ses coutumes, le fait qu’une femme doit allaiter 2 ou 3 ans, pendant lesquels elle ne peut faire l’amour, les fluides ne devant pas se mélanger amènent à l’obligation pour l’homme de prendre d’autres femmes.

Les fêtes, pendant lesquelles ont lieu la circoncision et l’excision ( mon professeur d’ethnologie disait que ces pratiques avaient pour but d’éliminer dans chaque sexe ce qui ressemble le plus à l’autre sexe : les membranes chez l’homme, et le clitoris érectile chez la femme.) sont décrites telles qu’elles.

René Maran parle du désir fou, malgré les tabous comme par exemple celui des règles « impures » donc l’impossibilité de faire l’amour ces jours-là.

Il parle aussi des rites funéraires, et de la pensée que la mort ne pouvant être naturelle, il s’agit de chercher et trouver le responsable…. Parfois, cette recherche recoupe une vengeance privée…. Mais bon.



Que votre voix s’élève, vous les écrivains de France!

Dans la reprise de sa préface en 1937, il reconnaît que la prise de conscience de personnes bien placées qui pourtant étaient au courant des horreurs commises : «Après tout, s’ils meurent de faim par milliers, comme des mouches, c’est que l’on met en valeur leur pays »s’est accomplie grâce à André Gide avec son Voyage au Congo en 1927, et Denise Moran qui a écrit Tchad peu après.

Et bien sûr, il en a été le précurseur.

Pour le centenaire du prix Goncourt, la Bibliothèque Nationale de France organisera avec l’académie Goncourt, le 1 · décembre 2021, un événement commémoratif dans son auditorium.

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Batouala

Un livre de belle qualité et un prix Goncourt mérité. Difficile par contre de se remettre dans le contexte, dans lequel il a été accueilli, qui a obligé l'auteur a démissionner !

Ce fut certainement un "pavé dans la mare", dans cette France "bien pensante", colonialiste avec un lectorat qui ne connaissait pas grand chose de l'Afrique. La télévision n'existait pas encore !
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Batouala

Avant Elimane, le héros de Sarr, il y avait déjà eu un nègre qui écrivait et qui avait même reçu le prix Goncourt mais lui aussi est si contesté qu'il va démissionner. Les jurés du Goncourt ont sans doute été charmés par la langue mais l'administration coloniale ne peut accepter la mise à jour des traitements indignes infligés aux colonisés dont la langue, les croyances et les traditions sont niées; ils sont considérés comme des sous-hommes.

Dès 1912, l'auteur, né en Martinique, de parents français et noir, qui a fait ses études en France, est bouleversé par le sort des noirs. Noir lui-même est dans un situation perturbante: il est le représentant de la puissance coloniale auprès des noirs! Difficile condition du noir "apprivoisé".(acculturé aurait dit Bourdieu).

L'auteur dénonce les sept années de colonialisme qui ont détruit l'Oubangui-Chari: famine, destruction de la faune et de la flore...Il incite les écrivains français à s'emparer de cette situation..Il s'agit-là de la préface car le contenu du livre se passe entre africains: désirs, jalousie, mort, traditions (dont la circoncision et l'excision). Mais il y a tout de même un commandant et l'envoi des "tirailleurs sénégalais", chair à canon d'une guerre entre les blancs frandjés et les blancs zalémans





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Batouala

Je n'avais jamais lu de littérature africaine avant "Batouala". Ce livre est une jolie perle. Tout d'abord, le style d'écriture est très particulier, à mi chemin entre prose et poésie. Assez dur de se mettre dedans, mais une fois qu'on y est, on se laisse porter. Le sujet, ensuite. Ce livre est une lutte contre le racisme des blancs, contre l'utilisation des tirailleurs sénégalais pendant la première guerre mondiale. Et l'auteur, en nous offrant une vision de la vie des noirs, parvient à nous faire passer cette critique, à nous faire comprendre le pouvoir qu'avait les blancs à l'époque. Un petit bémol pour la scène de l'excision, un peu dure à passer...

Voilà cependant un livre qui donne envie de découvrir plus amplement la littérature africaine.
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