Elle se disait que c'était encore comme autrefois, du temps de Helwig Street : tant que nous étions tous les deux, tout irait bien. Mais elle promenait un regard inquiet autour d'elle, sur son appartement, son monde de plus en plus restreint, et elle ajoutait : "Mais si par malheur il t'arrive quelque chose, je serai obligée de dire adieu à mon indépendance."
Elle n'avait reçu d'autre héritage que le savoir-faire de sa mère, né de la Dépression, pour utiliser au mieux chaque penny, et qui devait beaucoup à la volonté obstinée de se passer de ce que les autres considéraient comme des nécessités.
Elle remboursait toujours les petits prêts accordés par mes grands-parents, mais cette nécessité minait le mythe chéri de l'indépendance. Notre bien-être était donc, à l'occasion du moins, subventionné.
Malgré tout, la plupart du temps, elle réussissait à joindre les deux bouts et nos vies se poursuivaient, suffisamment en douceur pour maintenir l'indispensable apparence d'indépendance.