Citations de Robert Badinter (262)
Je mesurai vite que dans la condition ministérielle je n'aimais guère que le pouvoir de décider, si souvent limité fût-il dans son exercice. Le propos de Mendès France : "Gouverner, c'est choisir", s'avère exact, même si la marge de choix est resserrée par des contraintes de tous ordres.
Je savais à présent que la justice pouvait tuer. Je l’avais vue à l’œuvre. J’avais été incapable de l’empêcher. Cette pensée-là, j’en étais comme possédé. […] Je fermai les yeux et perçus, avec plus d’intensité encore qu’à l’aube, que, dorénavant, aussi longtemps que la peine de mort ne serait pas abolie en France, je la combattrais de toutes mes forces.
Il n'y a rien, dans ma vie professionnelle, que j'aie autant aimé qu'un grand procès d'assises. Parce qu'on connaît les rites, les personnages, la matière du drame, mais qu'on ignore l'essentiel : de dénouement. Parce qu'à travers ces procédures minutieusement réglées, l'imprévisible peut à tout moment surgir. [...] L'audience, c'est la mer pour l'avocat d'assises : toujours imprévisible, parfois périlleuse. Ne demandez pas au marin pourquoi il aime l'océan. Il l'aime, voilà tout, c'est sa passion, son élément, sa vie. De même, l'avocat aime l'audience pour les bonheurs qu'elle lui dispense, les épreuves qu'elle lui réserve, et même l'angoisse qu'il ressent quand la fortune judiciaire l'abandonne. L'audience criminelle est pour lui comme le champ clos des tournois, le carré éblouissant du ring, le lieu magique de la souffrance, de la gloire et parfois aussi de la défaite.
Je leur demandai où était la justice quand les larmes d'une mère faisaient écho aux larmes d'une autre mère
En vérité la peine de mort ne défend pas la société des femmes et des hommes libres, elle la déshonore. Ainsi devons nous refuser toujours et partout, sous couvert de justice, que la mort soit la loi. Robert Badinter.
(Commémoration au Panthéon des 40 ans de l'abolition de la peine de mort. le 9 octobre 2021 ).
A l'époque, jeunes adolescents juifs dans Paris occupé, le rire était notre meilleure défense contre cette campagne de haine qui s'étalait partout.
Dors, Idiss, dors, grand-mère, c'est le temps des vacances, le temps du bonheur, et tu l'as bien mérité.
Un bon fils est un trésor.
Pour eux, partir n'était pas fuir. C'était aller ailleurs, gagner d'autres lieux où ils bâtiraient un autre avenir.
l'administration britannique soutenait la cause des arabes plutôt que celle des juifs, moins par idéologie que selon l'intérêt de l'empire britannique. Que pouvait en effet lui rapporter la création d'un état juif, sinon l'hostilité d'états arabes plus importants à ses yeux que l'improbable retour des juifs en Palestine?
La concentration, cette espèce de silence intérieur qui assure la disponibilité la plus grande de toutes les forces, est aussi nécessaire au succès de l'avocat qu'à celui de l'athlète en compétition.
Il devait connaître, lui aussi, ces soirs de doute où tout homme de justice se demande si, après tout, il n'a pas aussi été le complice d'un système qu'il voulait transformer contre lequel il a lutté mais dans lequel, vaille que vaille, il a fini par s'intégrer.
Une véritable armurerie Clairvaux.
Tous les détenus avaient leurs couteaux.
Tous les gardiens le savaient. Le Directeur aussi.
Tous avaient peur les uns des autres.
L'on apprend plus sur un pays, sur une civilisation, sur ses hommes en voyant se dérouler l'éternelle tragi-comédie judiciaire qu'en tout autre lieu ...
Le parloir pour l'avocat, c'est la prison, le monde de la détention un instant entrevu.
Pour le prisonnier, le parloir, c'est au contraire la prison un instant écartée, repoussée, le passage, la communication rétablie avec le monde du dehors.
Est déclarée ville ouverte celle qui est livrée sans combat à l'ennemi pour éviter les destructions et les victimes civiles.
Elle rappelait parfois le dicton : " Il y aura toujours en ce monde des chiens enragés pour mordre les juifs."
Le moment était venu du grand départ, celui dont on ne revient que comme un étranger à ces lieux qui furent familiers, à ces amis qui furent proches, à une vie qui fut la vôtre. Bref, partir sans esprit de retour, sauf comme un visiteur de son passé.
Souvent, je me suis interrogé : que pensait-il (mon père) lorsque, à Drancy, en mars 1943, il montait dans le train qui le conduirait au camp d’extermination de Sobibor, en Pologne ? Arrêté à Lyon par Klaus Barbie, et déporté sur son ordre, c’était aux nazis qu’il devait sa fin atroce, à quarante-huit ans. Mais au camp de Pithiviers ou de Drancy, qui le gardait, sinon des gardes mobiles français ? Tel que je l’ai connu, aimant si profondément la France, a-t-il jusqu’au bout conservé sa foi en elle ? On ne fait pas parler les morts. Mais cette question-là, si cruelle, n’a jamais cessé de me hanter.
Dès qu'il lui ouvrit la porte, elle comprit à son visage qu'Idiss était morte, qu'elle avait rendu son âme à l'Eternel qui la lui avait confiée pour le temps si court de la vie sur cette terre.