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Citations de Roger Scruton (47)


Dans « Le Monde de demain », Stefan Zweig attribuait le déclin de l’ordre civique, en Europe, au mythe du progrès. Dans toutes les idéologies de son époque – le communisme, le socialisme, le nazisme, le fascisme – Zweig voyait la même tentative pernicieuse de réécriture des principes de l’ordre social dans les termes d’une progression linéaire du passé vers l’avenir. Le culte du chef, du « parti d’avant-garde », de l’« avant-garde » – tous supposaient que la société avait une « direction », de la même façon que les entreprises commerciales ont une finalité et les armées un but. Et tous autorisaient l’embrigadement croissant du citoyen et l’absorption continue des fonctions de la société dans la machinerie de l’État.
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Les hommes s’enracinent en acquérant une première personne du pluriel – un lieu, une communauté et un mode de vie qui est « nôtre ». Le besoin de ce « nous » n’est pas accepté par les internationalistes, les socialistes révolutionnaires ou les intellectuels fidèles à la vision de cette communauté idéale sans lieu ni temps issue de Lumières. Mais c’est là un fait, et le premier fait par où toute communauté et toute politique commencent. George Orwell l’avait remarqué pendant la Seconde Guerre mondiale. La déloyauté de l’intelligentia de gauche était, pour Orwell, encore plus manifeste et choquante par comparaison avec le « nous » simple et obstiné des gens ordinaires. Le véritable choix politique, au sujet duquel Orwell n’avait aucune hésitation, était soit de rejoindre les intellectuels dans leur œuvre de destruction, soit d’épauler les gens ordinaires qui défendaient leur pays en ce moment de détresse.
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Notre civilisation s'est mise à la recherche de la Jérusalem céleste, et nous la recherchons toujours dans les centres usés de nos villes historiques. Le pèlerinage à Prague, Venise ou Florence est un incontournable du Grand Tour de l'athée moderne. Mais le désir inlassable d'effacer le sacré persiste : presque chaque ville a sa version du Centre Pompidou parisien, une aire de jeu facétieuse implantée au milieu d'un panorama d'ordre et de grâce. Depuis ce centre de profanation irradie l'appel du Corbusier à la démolition totale, à un nouveau départ, à une nouvelle forme de ville, la ville de l'incroyance où le sens sera ouvertement tourné en dérision dans le miroir. Partout en Asie et au Moyen-Orient, nous assistons à l'érection de cette nouvelle forme de ville, sans recoins, sans ombres, sans secrets. Nous Européens résistons à cette maladie du mieux que nous pouvons, sachant que la perte de la ville sera la perte de trop. Et nous avons sûrement raison : car nous nous battons pour le foyer que nous aimons, contre ceux qui profitent de sa destruction.
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Dans tout le monde occidental, l'Etat providence, dans sa forme actuelle, surpasse nos moyens financiers, et l'emprunt constant auprès des générations futures ne rendra son effondrement que plus dévastateur quand il se produira. Cependant rares sont les partis au pouvoir qui prennent le risque d'entreprendre sa réforme radicale, par peur d'être pris en otage par la gauche, pour laquelle ce n'est pas seulement une question emblématique, mais un moyen d'appeler au rassemblement ses électeurs captifs.
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C’était ma première rencontre avec des « dissidents » : les hommes qui, à mon grand étonnement ultérieur, seraient les premiers dirigeants démocratiquement élu de la Tchécoslovaquie postcommuniste. Je ressentis avec eux une affinité immédiate. Rien n’avait autant d’importance pour eux que la survivance de leur culture nationale. […] Leurs vies étaient la mise en exercice de ce Platon a appelé l’anamnèse : le fait d’appeler à la conscience les choses oubliées. Quelque chose en moi répondit immédiatement à cette touchante ambition, et je brûlai aussitôt de me joindre à eux et de porter leur sort à la connaissance du monde. Je me rendis compte alors que l’anamnèse décrivait aussi le sens de ma vie.
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Selon Hayek, ce sont Aristote puis Ulpien, dans le « Digeste », qui donnent le véritable sens de la justice : donner à chacun ce qu’il mérite. Le terme ambigu de « social » prive de son sens la notion de « justice ». Loin d’être une justice, la justice sociale est une forme de corruption morale. Elle revient à récompenser les individus pour leur comportement irresponsable, pour leur négligence à l’égard des leurs et du bien-être de leur propre famille, pour leur irrespect des contrats passés et l’exploitation de leurs employés.
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À leur manière, Maistre, Chateaubriand et Tocqueville s’opposaient à un certain nombre de thèses des Lumières – Maistre à celle de la souveraineté populaire, Chateaubriand à celle du sécularisme, Tocqueville à celle de l’égalitarisme. Ils partageaient avec les révolutionnaires le désir d’une vision totale de la destinée humaine, mais ils étaient d’ardents critiques de la Révolution française et de son legs nihiliste qui avait permis l’ascension de Napoléon.
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Comme je l’ai montré, les libéraux et les conservateurs étaient unis dans leur appréciation de la liberté individuelle comme valeur politique ultime, mais ils n’avaient pas la même vision des institutions traditionnelles. Pour les libéraux, l’ordre politique découle de la liberté individuelle ; pour les conservateurs, c’est l’inverse : la liberté est le résultat d’un agencement politique. Pour un conservateur, un ordre politique n’est pas légitime parce qu’il trouve sa source dans le libre choix des individus, il l’est par les choix libres qu’il rend possibles.
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Au lendemain de 1989, il sembla un temps que le programme communiste avait été défait, et que tout indiquait un rejet décisif des idées qui avaient réduit en esclavage les peuples d'Europe de l'Est depuis la guerre. Mais la machine à non-sens fut lancée pour détruire les jeunes pousses de l'argument rationnel, pour tout recouvrir d'un brouillard d'incertitude et pour relancer l'idée - déjà présente et toxique chez Lukacs - que la vraie révolution était encore à venir, et que ce serait une révolution des mentalités, une libération intérieure, contre laquelle l'argument rationnel (qui est une simple "idéologie bourgeoise") ne peut se défendre. Ainsi, le règne du non-sens coupa si radicalement la question de la révolution de toute possibilité d'enquête rationnelle que celle-ci ne pouvait plus être directement posée.

p. 458
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A gauche comme à droite, les hommes politiques ont pris l'habitude d'éviter ou d'ignorer les préoccupations de l'électorat, et d'étaler publiquement leur statut de célébrité. L'influence du "quatrième état" comme Burke nommait la presse de son époque, est inévitable; mais les hommes politiques, semble-t'il, n'ont plus de volonté affirmée de leur résister, et sont prêts, dans toute compétition électorale, à faire passer leur image médiatique avant l'intérêt national.
C'est en partie à cause de cela que la question de l'immigration est devenue politiquement litigieuse. Car l'immigration est un sujet sur lequel les journalistes progressistes peuvent exposer leur conscience à peu de frais, et adopter la posture de champions des plus vulnérables. La pression est constante aux Etats-Unis d'offrir une amnistie aux immigrés illégaux - en d'autres termes, d'accepter comme citoyens des personnes qui ont montré leur mépris pour la loi. Dans le cas de la Grande-Bretagne, le sujet est allé bien plus loin, le parti travailliste ayant encouragé l'immigration de masse sans égard pour sa quantité ou sa qualité, et le Traité européen ayant dans tous les cas annulé la souveraineté nationale en la matière. Cette question est devenue si importante, en effet, qu'il est désormais dangereux d'en discuter, par crainte des chasses aux sorcières et des persécutions qui s'ensuivent inévitablement.
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Lorsque Burke et Maistre entreprirent de faire le procès de la Révolution française, rien ne les impressionna davantage que son zèle antireligieux. Avec la persécution de l'Eglise, il n'était pas seulement question d'ôter à celle-ci son pouvoir social et ses propriétés. Les révolutionnaires voulaient posséder les esprits que l'Eglise avait recrutés, et à cette fin, ils insistèrent pour que les prêtres prêtent serment à la Révolution - un serment qui devait prendre le pas sur leurs voeux de chasteté et d'obéissance.
Les révolutions suivantes ont considéré de manière similaire l'Eglise comme l'ennemi public numéro un, précisément parce qu'elle crée un royaume de valeurs et d'autorité hors d'atteinte de l'Etat. Il est nécessaire, dans la conscience révolutionnaire, d'entrer dans ce royaume et d'en voler la magie.
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La Convention (de Genève relative au statut des réfugiés) permet aux dictateurs d'exporter leurs opposants sans y gagner la mauvaise réputation qui serait la leur s'ils les tuaient. Le coût de la Convention, dans son ensemble, est donc supporté par les Etats respectueux des lois. Jusqu'ici, un silence gêné a prévalu à cet égard -l'un des problèmes les plus graves de l'Europe moderne. Nombre de ceux qui réclament l'asile apportent avec eux les folies islamistes des pays d'où ils se sont échappés. Certains réclament les avantages de la citoyenneté, allant jusqu'à ester en justice pour obtenir ces "droits de l'homme", tout en refusant de reconnaître qu'ils ont des devoirs, en retour, envers l'Etat qui les accueille. Aujourd'hui, des citoyens anglais partent faire le djihad contre le peuple britannique, et les accuser de trahison leur semblerait aussi incompréhensible que de suggérer qu'il y a de la trahison sur la lune. Ne devrions-nous pas traiter ce problème en consultant l'intérêt national plutôt qu'en nous soumettant à un traité signé avant notre naissance ?
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Il est vrai que Bismarck a rassemblé les principautés allemandes en imposant un système de droit unifié et une bureaucratie administrée de façon centralisée. Et il est tout à fait probable que le succès de Bismarck ait inspiré Jacques Delors et ses semblables, qui ont cherché à obtenir une unification similaire à travers l'Europe. Mais l'intention de Bismarck était de créer un Etat-nation; il partait de la pré-supposition d'une langue commune, de coutumes communes et de frontières validées par l'histoire.
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La part de l'Europe dans le commerce et la richesse mondiale, en rapide diminution, fait partie de ces rééquilibrages du pouvoir qui se produisent tous les quelques siècles. L'immigration de masse, d'Afrique, d'Asie et du Moyen-Orient a donné naissance à des minorités potentiellement déloyales, ou à tout le moins antinationales, au coeur de la France, de l'Allemagne, des Pays-Bas, des pays scandinaves et de la Grande-Bretagne. La foi chrétienne a reculé de la vie publique, laissant un vide où le nihilisme, le matérialisme et l'Islam militant se sont engouffrés sans résistance. La population européenne vieillit et diminue - sauf en Grande-Bretagne, destination de choix de tant de migrants européens, désormais en proie, de ce fait, à un profond conflit. Face à ces maux, qui définissent la nouvelle crise de l'Europe autant que la montée du totalitarisme définissait l'ancienne, mettre exclusivement l'accent sur "l'intégration" est au mieux une idée sans pertinence, au pire une erreur fatale.
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Une fois distinguées l'ethnicité et la culture, la voie est ouverte pour reconnaître que toutes les cultures ne sont pas également admirables, et qu'elles ne peuvent pas toutes vivre aisément côte à côte. Le nier revient à renoncer à la possibilité même du jugement moral, et de ce fait à nier l'expérience fondamentale qu'est celle de la communauté. C'est précisément ce qui provoque l'hésitation des multiculturalistes. C'est la culture, non la nature, qui enjoint une famille à tuer la fille tombée amoureuse d'un étranger, à exposer les filles à la mutilation génitale si elles veulent être respectables, à tuer l'infidèle si Allah l'exige. Vous pouvez penser, à lire ces exemples, qu'ils datent de notre préhistoire. Mais lorsque, soudainement, ils se produisent en notre sein, vous êtes légitime à regarder en face la culture qui les promeut. Vous êtes légitime à dire que ce n'est pas là notre culture et qu'ici ces pratiques n'ont pas droit de cité. Et vous serez probablement tenté de faire un pas supplémentaire, celui auquel les Lumières nous invitent naturellement, en disant qu'elles ne devraient avoir droit de cité nulle part.
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Le politiquement correct nous exhorte à être aussi "inclusifs" que nous le pouvons, et à ne pas discriminer ni en pensée, ni en paroles, ni en actes les minorités ethniques, sexuelles, religieuses ou comportementales. Afin que nous soyons inclusifs, on nous encourage à dénigrer ce que nous ressentons comme particulièrement nôtre. Le directeur général de la BBC a récemment condamné son organisation et ses programmes comme odieusement blancs et de classe moyenne. Les universitaires regardent de haut une culture établie par des "Mâles Blancs, Européens et Morts". De telles déclarations abusives expriment le code du politiquement correct. Car bien qu'elles impliquent des condamnations délibérées basées sur la classe, le sexe ou la couleur, le but n'est pas d'exclure l'Autre mais de nous condamner nous-mêmes. L'aimable plaidoyer pour l'inclusion masque le désir fort peu aimable d'exclure l'ancien responsable de l'exclusion : en d'autres termes, de répudier l'héritage culturel qui nous définit. A bas notre culture !
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Ces expériences ont contribué à me convaincre que la civilisation européenne dépendait du maintien de frontières nationales et que l'UE - qui est un complot pour dissoudre ces frontières - était devenue une menace pour la démocratie européenne. Par la supervision des cours européennes et la forme de sa législation, l'UE a créé une classe politique qui n'est plus comptable auprès des citoyens. La Commission européenne elle-même adopte des lois qui ne peuvent être outrepassées par les parlements nationaux, à la suite d'une discussion à huis clos entre des bureaucrates qui jamais ne sont appelés à répondre de leurs décisions.
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Les êtres humains, lorsqu’ils s’établissent quelque part, sont animés par l’oikophilia : l’amour du foyer, qui n’est pas seulement le chez-soi mais le peuple qui l’habite, et les arrangements concomitants qui dotent ce chez-soi de contours durables et d’un sourire constant. L’oikos est le lieu qui n’est pas seulement le mien et le tien, mais le nôtre. Il est la scène de la première personne du pluriel de la politique, le centre, à la fois réel et imaginaire, où « tout se passe ». Les vertus comme l’épargne et le sacrifice de soi, l’habitude d’offrir et de recevoir des marques de respect, le sens de la responsabilité – tous ces aspects de la condition humaine qui font de nous les intendants et les gardiens de notre héritage commun – naissent au cours de notre construction comme personnes, en créant des îlots de valeur dans une mer de prix. Acquérir ces vertus exige de circonscrire le « raisonnement instrumental » qui gouverne la vie de l’homo oeconomicus. Nous devons investir notre amour et notre désir dans des choses auxquelles nous attribuons une valeur intrinsèque, plutôt qu’instrumentale, de sorte que la poursuite des moyens puisse se loger, pour nous, dans le domaine des fins. C’est ce que nous entendons par l’enracinement : le fait de replacer l’oikos au cœur de l’oikonomia. C’est cela, le conservatisme.
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En analysant les traditions, nous n’analysons pas des règles arbitraires et des conventions. Nous analysons les réponses qui ont été élaborées face à des questions durables. Ces réponses sont tacites, partagées, incorporées dans des pratiques sociales et des attentes inarticulées. Ceux qui les adoptent ne sont pas nécessairement capables de les expliquer, encore moins de les justifier. D’où le nom que leur donnait Burke, celui de « préjugés », en les défendant au motif qu’en dépit de l’étroitesse du stock de raison dans chaque individu, il se produit dans la société une accumulation de la raison ; si on la remet en question ou si on la rejette, c’est à notre péril. La raison se donne à voir là où nous ne raisonnons pas, et peut-être ne pouvons pas raisonner – c’est ce que nous voyons dans nos traditions, y compris celles qui ont pour motif principal le sacrifice, telles que l’honneur militaire, l’attachement à la famille, les pratiques et la matière de l’éducation, les institutions caritatives et les bonnes manières.
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À la fin du XIXème siècle, le conservatisme a commencé à se définir autrement : il est devenu une riposte aux modèles gargantuesques d’une société « juste » promue par un nouveau genre d’État managérial. Dans une certaine mesure, les conservateurs sont devenus, au cours de cette lutte, les véritables défenseurs de la liberté contre un système qui est au mieux un gouvernement bureaucratique, au pire, comme dans l’Union soviétique, une tyrannie plus meurtrière encore que celle des Jacobins dans la France révolutionnaire.
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