Vous souhaitez que Notre Dame soit restaurée à l'identique ? Vous vous inquiétez de la disparition dans les programmes d'histoire du collège de plusieurs personnages que vous teniez pour emblématiques ou importants (Clovis, Saint Louis, Henri IV, Louis XIV et XV, Napoléon) pour « permettre l'étude des civilisations extra-européennes comme l'empire du Mali ou la Chine des Hans ». Vous êtes un peu nostalgique de l'époque où le rôle de l'école se limitait à transmettre des savoirs ? Vous préférez le Louvre au Centre Pompidou, le château de Versailles aux colonnes de Buren ? Vous sursautez lorsque vous entendez un Président de la république en exercice déclarer publiquement qu' «il n'y a pas de culture française » ? Vous commencez à avoir un léger doute sur la pertinence de déléguer la souveraineté de votre nation à un groupuscule de fonctionnaires bruxellois ne rendant compte qu'à leurs semblables ? le rythme d'arrivée des nouveaux immigrés vous semble un peu rapide au regard de nos capacités d'accueil et de leur volonté d'intégration ? Vous vous inquiétez, un peu, de pratiques culturelles (mariages forcés, excisions, crimes d'honneur) que vous pensiez réservées à de lointaines contrées et que vous découvrez soudain à quelques kilomètres de chez vous ? Vous respectez la loi, vous payez vos impôts et vous aimeriez que tous les habitants de votre beau pays en fassent de même ? Vous vous irritez, de temps en temps, que « l'état ne redistribue pas un bien commun (mais qu') il crée des redevances sur les revenus des contribuables (qu'il) offre à ses clients privilégiés ?» Vous aimez votre famille, vous respectez vos morts et vous aimeriez que vos descendants vivent aussi bien que vous, ce qui motive vos inquiétudes et vos actions pour la préservation de l'environnement ? Vous tenez à leur transmettre quelques valeurs morales et pécuniaires ?
Si vous vous sentez l'envie de répondre affirmativement à la moitié ou un peu plus de ces questions, je ne sais comment vous le dire avec ménagement, mais oui, vous êtes atteint d'un conservatisme plus ou moins aigu.
C'est grave, docteur ? Oui et non. Oui, dans la mesure où c'est une affection contagieuse et qu'il va vous falloir la dissimuler à votre entourage sous peine de mise en quarantaine et d'un traitement de cheval à base de la trithérapie classique : réactionnaire, passéiste, xénophobe. Pour vous en défaire et échapper à l'opprobre, il existe un traitement, long mais assez efficace : gardez le silence et écoutez la bonne parole à la télévision, à la radio (de préférence sur le service public) ou dans les journaux. Vous deviendrez en persévérant un vrai progressiste, un multi-culturaliste convaincu et un égalitariste implacable.
Non, ce n'est pas si grave que ça, parce qu'en vérité, comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, vous n'êtes pas un cas isolé. Vous êtes sans doute entouré de conservateurs qui s'ignorent .Pour vous en convaincre et, éventuellement, avoir quelques arguments étoffés à opposer aux Trissotins qui vous en feraient grief, lisez donc l'essai de Roger Scruton. Vous y trouverez une pensée brillante et solidement étayée sur l'importance des traditions et des racines, sur la nécessité et l'amour de la transmission, sur les excès d'un état obèse qui se mêle de tout et de rien au lieu de faire bien ce pourquoi il est légitime : assurer la défense, la liberté et la sécurité de ses citoyens. Vous comprendrez comment l'inflation galopante des Droits de l'Homme aboutit in fine à le priver d'un de ses droits fondamentaux, la Liberté. Vous serez en mesure de différencier ethnicité et culture et vous aurez, sans doute, retrouvé le goût de défendre l'état-nation seul à même, de veiller à la conservation du Territoire, de l'Histoire et des Coutumes. Vous serez conforté dans votre intuitive conviction que l'enjeu principal se situe à l'école et vous serez en mesure de tordre le cou à quelques poncifs qui ont toujours du succès comme celui qui tient pour acquis que « le nationalisme, c'est la guerre ».
Et, « last but not least », vous aurez en tête la définition assez étonnante du conservatisme que donne Roger Scruton : « le conservatisme est la philosophie de l'attachement. Nous sommes attachés aux choses que nous aimons et nous souhaitons les protéger du déclin. Mais nous savons qu'elles ne peuvent durer pour toujours. Entre-temps, nous devons étudier les moyens par lesquels nous pouvons les retenir malgré tous les changements qu'elles doivent nécessairement subir, pour continuer à vivre nos vies dans la bienveillance et la gratitude. »
Non, Conserver n'est pas un gros mot, la preuve avec quelques synonymes : sauvegarder, soigner, préserver, sauver, épargner, entretenir, garder, ménager, maintenir, retenir, immortaliser.
Pas plus que transmettre : «Les bonnes choses dont nous héritons ne sont pas là pour être gâchées. Une ligne d'obligation nous relie à ceux qui nous ont donné ce que nous avons, et notre souci pour l'avenir en est la prolongation. Nous prenons en compte l'avenir de notre communauté non par des calculs de coûts et bénéfices, mais plus concrètement, en nous considérant comme les héritiers de bénéfices que nous devons transmettre».
Commenter  J’apprécie         275
Un bon livre dont le titre annonce clairement la couleur.
Dans un monde où la morale DOIT être progressiste, sans que l'on s'entende sur le sens du mot progrès, se débarrasser des coutumes et institutions, « c'est placer les membres vivants d'une société en position dictatoriale sur ceux qui les ont précédés et qui leur succèderont ».
J'ai apprécié ce livre exposant les opinions et convictions de l'auteur, en donnant des arguments. On peut les retenir ou pas. Ce n'est pas asséné : c'est au lecteur de choisir s'il est d'accord ou pas.
Commenter  J’apprécie         10
Savoir comment cette classe politique si détachée, en apparence, des loyautés ordinaires, est advenue, est une vraie question pour les conservateurs. Dans le cas de la gauche, le mystère n'est pas si difficile à percer. Il y a des chemins vers la politique, à gauche, qui passent outre toutes formes naturelles de vie humaine. On commence avec une cause, on rejoint une ONG, on essaie de se caser dans un "quango", on entre dans le gouvernement local, on acquiert l'habitude de dépenser l'argent des autres, et on apprend à manoeuvrer la machine politique. Tout cela peut s'obtenir sans prendre de risque ni jamais accomplir ce qui serait pour d'autres une bonne journée de travail. Dans une certaine mesure, de tels chemins vers la politique existent aussi à droite : on commence avec une sorte de vide moral élégant et on se présente comme un consultant - en d'autres termes, quelqu'un dont aucune entreprise n'a besoin avant qu'il n'apparaisse. Presque toutes les entreprises modernes sont recouvertes de ces parasites - consultants en management, consultants en relations publiques, consultants en "responsabilité sociale d'entreprise", etc., affairés à rappeler aux dirigeants les problèmes qui n'auraient jamais, autrement, traversé leur esprit. Pourtant, rien n'oblige à ce que ce processus produise une classe politique aussi détachée de l'humanité que celle que nous avons devant les yeux. Il doit y avoir des moyens pour un consultant de se frotter à la réalité de temps en temps, de façon à comprendre que nous vivons par et à travers nos attachements, et sommes perdus lorsqu'on nous les prend.
L'Angleterre de ma jeunesse était célèbre dans le monde entier pour l'attitude et les principes de sa force de police. Notre gendarmerie n'était pas le bras armé du gouvernement central, mais une organisation locale, responsable devant les conseils locaux. Le "bobby" lui-même était formé comme un ami de la communauté qu'il servait, et le signe en était qu'il avait pour seule arme un carnet et un drôle de sifflet en étain. Il connaissait les gens de son quartier et prenait un intérêt paternel à leur bien-être. Les enfants venaient à lui quand ils étaient perdus, les étrangers lui demandaient leur chemin, et tous le saluaient avec le sourire. Ainsi conçue, la force de police anglaise servait à mettre en valeur une vérité fondamentale du droit anglais, celle que ce droit n'existe pas pour contrôler l'individu mais pour le rendre libre. Le droit commun est du côté du citoyen contre ceux - qu'ils soient des hommes politiques qui excèdent leur pouvoir ou des criminels ordinaires - qui souhaitent le plier à leur volonté contre son gré. C'est cette conception du droit qui sous-tend la politique conservatrice dans le monde anglophone, et c'est aujourd'hui ce qui mérite le plus d'être défendu contre les forces adverses.
Prenez n'importe quel aspect de l'héritage occidental dont nos ancêtres étaient fiers, et vous trouverez des cours, à l'université, consacrés à sa déconstruction. Prenez n'importe quel caractère positif de notre héritage politique et culturel, et vous trouverez des efforts concertés, à la fois dans les médias et l'université, pour le placer entre guillemets et lui donner l'air d'une imposture ou d'une supercherie. Or un important segment de l'opinion politique, à gauche, cherche à promouvoir ces critiques et à les transformer en actions politiques.
C'est à cette "culture de la répudiation", comme je la nomme, que nous devons attribuer les récentes attaques contre l'Etat-nation et l'idée nationale. Le conservatisme est quant à lui une culture de l'affirmation. Il concerne ce à quoi nous accordons de la valeur et que nous souhaitons défendre. Quiconque comprend ce qui est en jeu dans le conflit mondial qui se développe aujourd'hui en viendra à voir, je pense, que la nation est l'une des choses que nous devons garder.
Burke voyait la société comme l'association des morts, des vivants et des personnes à naître. Le lien à son fondement n'est pas le contrat, mais quelque chose qui s'apparente davantage à l'amour. La société est un héritage partagé pour le bien duquel nous apprenons à circonscrire nos exigences, à considérer notre place dans l'univers comme partie d'une chaîne continue du donner et du recevoir, et à reconnaître que les bonnes choses dont nous héritons ne sont pas là pour être gâchées. Une ligne d'obligation nous relie à ceux qui nous ont donné ce que nous avons, et notre souci pour l'avenir en est la prolongation. Nous prenons en compte l'avenir de notre communauté non par des calculs de coûts et bénéfices, mais plus concrètement, en nous considérant comme les héritiers de bénéfices que nous devons transmettre.
La tentative comique d'établir une Constitution pour l'Europe donna lieu à un document si long et complexe qu'il en était entièrement inintelligible. Le préambule réussit à exclure la religion chrétienne de l'idée d'Europe, tandis que le reste du document - qui consistait bien davantage à étendre les pouvoirs des institutions européennes qu'à y mettre des limites - était destiné à anéantir la démocratie. Etant donné que le legs de l'Europe au monde consiste dans les deux grands biens que sont la chrétienté et la démocratie, il est à peine surprenant que l'UE ne reçoive plus l'aval du peuple européen, même si elle a créé un réseau de clients dont le soutien est infaillible.