Citations de Romain Gary (5383)
"la sagesse", cette camomille empoisonnée que l'habitude de vivre verse peu à peu dans notre gosier, avec son goût doucereux d'humilité, de renoncement et d'acceptation.
comme toujours, je ne parvenais pas à voir dans les hommes mes ennemis. D'une manière confuse et inexplicable, je me sentais l'allié et le défenseur de ceux-là mêmes qui m'avaient frappé dans le dos.
il m'a toujours été difficile d'accomplir cet effort prodigieux de bêtise dont il faut être capable pour croire sérieusement à la guerre et en accepter l'éventualité. Je sais être bête, à mes heures, mais sans m'élever jusqu'à ces glorieux sommets d'où la tuerie peut vous apparaître comme une solution acceptable. J'ai toujours considéré la mort comme un phénomène regrettable et l'infliger à quelqu'un est tout à fait contraire à ma nature
J'étais résolu à réaliser tout ce que ma mère attendait de moi, et je l'aimais trop pour être sensible à ce que ses rêves pouvaient avoir de naïf et de démesuré.
Déjà l'humour était pour moi ce qu'il devait demeurer toute ma vie: une aide nécessaire, la plus sûre de toutes.
Une peur abjecte me saisit. [...] L'idée qu'elle pût mourir avant que j'eusse accompli tout ce qu'elle attendait de moi, qu'elle pût quitter la terre avant d'avoir connu la justice, [...] me paraissait un défi au bon sens, aux bonnes mœurs, aux lois
[...]
Je sentis qu'il fallait me dépêcher, qu'il me fallait en toute hâte écrire le chef d’œuvre immortel, lequel, en faisant de moi le plus jeune Tolstoï de tous les temps, le permettrait d'apporter immédiatement à ma mère la récompense de ses peines et le couronnement de sa vie.
- Écoute-moi bien. La prochaine fois que ça t'arrive, qu'on insulte ta mère devant toi, la prochaine fois, je veux qu'on te ramène sur des brancards. Tu comprends ?
[...]
- Je veux qu'on te ramène à la maison en sang, tu m'entends ? Même s'il ne te reste pas un os intact, tu m'entends ?
[...]
A partir de maintenant, tu vas me défendre.
- Rappelle-toi qu'il est beaucoup plus touchant de venir toi-même avec un petit bouquet à la main que d'en envoyer un grand par un livreur.
[...]
Choisis toujours tes cadeaux avec discrimination, en tenant compte du goût de la personne à qui tu l'offres. Si elle n'a pas d'éducation, pas de penchant littéraire, offre-lui un beau livre.
Il est difficile d'être un artiste, de conserver son inspiration intacte, de croire au chef d’œuvre accessible.
[...]
Mais il est encore plus difficile de se résigner.
Il y a longtemps que je ne crains plus le ridicule; je sais aujourd'hui que l'homme est quelque chose qui ne peut pas être ridiculisé.
Parfois, lorsque je levais les yeux vers elle, assis derrière la table, dans mes culottes courtes, il me semblait que le monde n'était pas assez grand pour contenir mon amour.
J'étais, pour ma part, décidé à faire tout ce qui était en mon pouvoir pour qu'elle devînt, par mon truchement, une artiste célèbre et acclamée et, après avoir longuement hésité entre la peinture, la scène, le chant et la danse, je devais un jour opter pour la littérature, qui me paraissait le dernier refuge, sur cette terre, de tous ceux qui ne savent pas où se fourrer.
j'ai grandi dans l'attente du jour où je pourrais tendre enfin ma main vers le voile qui obscurcissait l'univers et découvrir soudain un visage de sagesse et de pitié; j'ai voulu disputer, aux dieux absurdes et ivres de leur puissance, la possession du monde, et rendre la terre à ceux qui l'habitent de leur courage et de leur amour.
Je crois que jamais un fils n'a haï sa mère autant que moi, à ce moment-là.
[...] Je n'ai connu dans ma longue vie qu'un seul baiser et tout le reste ne fut que métier et conscience professionnelle.
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[...] Le plus grand don qu'un artiste désireux de s'attirer les bonnes grâces du public pouvait faire à ce dernier c'était l'illusion, et non la vérité, car celle-ci a souvent de fort mauvaises façons, n'en fait qu'à sa tête et ne se soucie guère de plaire.
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Moïse qui était debout à la porte et qui écoutait ne se bilait pas non plus, car si ce gazier s'appelait Kadir et Yoûssef, il avait peu de chance d'être juif. Remarquez, je ne dis pas du tout qu'être juif c'est une chance, ils ont leurs problèmes, eux-aussi.
Je ne pouvais voir le visage désemparé de ma mère sans sentir dans ma poitrine une extraordinaire confiance en mon destin.
Avec l'amour maternel,la vie vous fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais.
j'ai couru chercher les frères Zaoum pour leur dire qu'on avait un mort et qu'il fallait le mettre dans l'escalier pour qu'il ne soit pas mort chez nous. Ils sont montés et ils l'ont mis sur le palier du quatrième devant la porte de Monsieur Charmette qui était français garanti d'origine et qui pouvait se le permettre.