Citations de Romain Gary (5384)
je ne touche jamais ni à l'alcool, ni à la marijuana, ni au L.S.D., parce que je suis trop acoquiné avec moi-même pour pouvoir tolérer de me séparer d'une aussi
agréable compagnie par le truchement de la boisson ou de la drogue. Mais je me soûle d'indignation. C'est ainsi d'ailleurs que l'on devient écrivain.
J'aime beaucoup l'expression : " Qu'est-ce que vous faites dans la vie ? " Cela me fait toujours rêver aux autres, à tous ce qui doivent faire des choses formidables dans la mort, là où tout reste à faire.
C'est assez terrible, d'aimer les bêtes. Lorsque vous voyez dans un chien un être humain, vous ne pouvez pas vous empêcher de voir un chien dans l'homme et de l'aimer.
Cependant, à mes transports les plus azurés finit toujours par se mêler un grain de sel terrestre, au goût un peu amer d'expérience et de circonspection, qui me pousse à regarder les miracles d'un oeil aigu, et, derrière le masque providentiel, je n'eus aucune peine à distinguer un sourire un peu coupable que je connaissais bien.
Le rêve, il n'y a que ça de vrai. Il n'y a pas de femmes frigides, ma chérie, il n'y a que des femmes qui savent rêver, et des tout petits messieurs avec leurs tout petits ciseaux qui viennent leur couper les ailes.
Il voyait dans l'art, une révolte de l'homme contre sa condition, contre la brièveté de son destin.
La morale accommode fort bien de la destruction mais elle ne s’accommode pas du plaisir ( p 38)
Elle en vint à considérer Armand comme un artiste fourvoyé qui demandait à la réalité sociale ce que l'art seul pouvait lui offrir: la perfection. il voulait détruire l'ordre établi parce qu'il lui inspirait la même horreur que la peinture officielle inspirait à ceux qui rêvaient d'un art libre et nouveau. les anarchistes furent sans doute la période fauve de l'idéalisme ( p 75)
Il avait un air tellement sincère, il manifestait une si évidente bonne volonté et il s'occupait de tant de bons écrivains que, sans cette espèce de radar que j'ai dans les tripes et qui se met à fonctionner immediatement en présence d'un enfant de pute, il m'aurait peut-être enveloppé.
Tout, dans la Révolution française, se réclame de la beauté, jusqu’au pied de la guillotine, « Montrez ma tête au peuple, elle en vaut la peine ! » : avant de crever, Danton sacrifiait à la littérature...
Foutus pour foutus, éclater de rire c’est encore la meilleure façon d’éclater.
Je demeure convaincu que cela existe quelque part, qu'il suffit de bien chercher. J'espère encore, j'attends encore, je suis torturé par la certitude que c'est là, qu'il suffit de connaître la formule, le chemin, l'endroit. Ce qu'une telle illusion peut réserver de déceptions et d'amertume, seuls les très vieux mangeurs d'étoiles peuvent le comprendre entièrement. Je n'ai jamais cessé d'être hanté par le pressentiment d'un secret merveilleux et j'ai toujours marché sur la terre avec l'impression de passer à côté d'un trésor enfoui.
Je ne sais pas parler de la mer. Tout ce que je sais, c'est qu'elle me débarrasse soudain de toutes mes obligations. Chaque fois que je la regarde, je deviens un noyé heureux.
Le bonheur, c'est une belle ordure et une peau de vache et il faudrait lui apprendre à vivre.
On fuyait l'action mais on se réfugiait dans le geste. C’était l'attitude classique de l'idéaliste occidental ( 354)
C'est pas nécessaire d'avoir des raisons pour avoir peur, Momo. Ca, j'ai jamais oublié, parce que c'est la chose la plus vraie que j'aie jamais entendue.
La première chose que je peux vous dire c'est qu'on habitait au sixième à pied.
Je ne vais pas lui jeter des fleurs, mais j'ai jamais vu un Sénégalais qui aurait fait une meilleure mère de famille que Madame Lola, c'est vraiment dommage que la nature s'y est opposé.
[...]
Il a été l'objet d'une injustice, et il y avait là des mômes heureux qui se perdaient. Elle n'avait même pas le droit d'en adopter car les travestites sont trop différentes, et ça, on en vous le pardonne jamais, Madame Lola en avait parfois gros sur la patate.
L'homme qui est mort ainsi était pour moi un étranger, mais ce jour là, il devint mon père à tout jamais.
(..) j'aime bien les fraises des bois. Attends-moi ici demain à la même heure. Je vais revenir, si je n'ai rien de plus amusant à faire.
Elle me quitta, après m'avoir jeté un dernier regard sévère.
Je dus bien cueillir trois kilos de fraises le lendemain. Toutes les quelques minutes, je courais voir si elle était là. Elle ne vint pas, ce jour-là. Ni le lendemain, ni le surlendemain.
Je l'attendis chaque jour pendant tout le mois de juin, de juillet, d'août, de septembre. Je comptais d'abord sur les fraises, puis sur les myrtilles, puis sur les mûres, puis sur les champignons. Je ne devais connaître de pareilles affres de l'attente que de 1940 à 1944, pendant l'occupation, en guettant le retour de la France.