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Critiques de Sacha Filipenko (35)
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Kremulator

Moscou, 1941. Piotr Nesterenko, le directeur du crematorium, est arrêté, accusé d'espionnage au profit de puissances étrangères ennemies.



De par son métier, Nesterenko est le témoin malgré lui, depuis des années, des grandes purges staliniennes, puisque des milliers de cadavres de « traîtres » et autres « espions » lui sont littéralement passés dans les mains avant d'être enfournés dans l'incinérateur.



A ce titre, Nesterenko n'est pas étonné par son arrestation, et ne se fait aucune illusion sur l'issue de son propre « procès ». Cependant, la bureaucratie soviétique étant ce qu'elle est, il faut bien en passer par un minimum de semblant de procédure équitable. Et donc Nesterenko est interrogé en long et en large par un commissaire-enquêteur. C'est au fil de ces interrogatoires qu'on découvre son histoire aussi tumultueuse que celle de son pays. Officier dans l'armée blanche du tsar, il fuit les bolcheviks, s'exile à Constantinople, passe par l'Ukraine, la Serbie, la Pologne, la Bulgarie avant d'échouer à Paris où il sera chauffeur de taxi, avant d'être recruté par le NKVD et de rentrer en URSS. Où il postulera au crematorium, et finira directeur de celui-ci et de l'ensemble des cimetières de Moscou. Toute son histoire est liée par le fil (blanc ou rouge) du désir de l'exilé de rentrer au bercail, et celui de l'amoureux éperdu de retrouver la femme de sa vie.



Mêlant documents historiques (Nesterenko a bien existé) et fiction, Sacha Filipenko recrée avec brio et intelligence les dialogues entre Nesterenko et son enquêteur attitré, en les entrelardant d'une ironie et d'un humour noir irrésistibles. Interrogé et interrogateur jouent à un jeu de chat et de souris impitoyable, même si chacun sait parfaitement que les dés sont pipés et l'issue inéluctable.



A travers le destin mouvementé de cet opportuniste de Nesterenko, l'auteur, opposant notoire à Poutine, raconte aussi l'histoire de la Russie totalitaire et de ses dirigeants obsessionnels et paranoïaques pendant la première moitié du 20ème siècle.



Et comme L Histoire, c'est bien connu, repasse les plats, peut-être ce portrait est-il à nouveau/toujours d'actualité...



En partenariat avec les Editions Noir sur Blanc via Netgalley.

#Kremulator #NetGalleyFrance
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De ex-zoon

++++++++ LE FILS D’AVANT ++++++++



Littéralement traduit du Russe le titre (Бывший сын) donne "ex-fils", mais a été officiellement traduit en Français par "Le Fils d’avant". Comme je n’ai pas réussi à trouver un exemplaire en Français, je me suis rabattu sur une récente version dans ma langue maternelle, en Néerlandais, et sortie le 2 novembre dernier avec une introduction de début 2021 par l’auteur lui-même.



Cet ouvrage de 2014, qui a été finaliste pour la plus haute distinction littéraire en Russie, le Prix Bolchaïa Kniga (Prix Grand Livre) la même année, est important dans la mesure qu’il s’agit d’un des rares témoignages littéraires de la réalité politique biélorusse. Ce livre n’est officiellement pas interdit à Minsk, mais n’y est pas présenté en vitrine des librairies de la capitale non plus ! Avec l’honorable dictateur Loukachenko il vaut mieux faire attention, n’est-ce pas ?



Entretemps, Sacha Filipenko, qui n’a toujours que 37 ans, en est à son 5ème ouvrage, dont 2 disponibles en Français : "Croix rouges" en 2018 et "La traque" en 2020.



Frantsisk "Tsisk" Loukitch, 16 ans, est inscrit au conservatoire de musique de Minsk. Nous sommes en l’an 2000 et la Biélorussie vient d’acquérir son indépendance après la chute de l’Union soviétique.



Un jour, un vétéran de la dernière guerre mondiale vient expliquer aux jeunes du conservatoire que les histoires sur l’héroïsme patriotique des citoyens biélorusses en 1940-1945, qui auraient combattu vaillamment fascistes allemands et communistes russes, relèvent de la pure fantaisie et qu’au contraire il y a eu une collaboration massive avec les 2 camps.



Cette information, dans un pays où les nouvelles sont systématiquement filtrées et manipulées, forment pour les jeunes évidemment un grand sujet de débat.



Lors d’un terrifiant orage fin mai 1999, des gens en panique se sont précipités dans le tunnel de la station de métro Niamiga de Minsk causant un effondrement et la mort de 54 personnes.

Notre Tsisk est une des victimes et se retrouve à l’hôpital dans un profond coma. Les médecins concluent qu’il n’en sortira jamais, mais sa grand-mère bien-aimée Elvira Alexandrovna est convaincue qu’il guérira et s’installe à côté de son lit. Elle est aussi la seule. Même sa propre mère n’y croyant plus a refait sa vie.



Suit alors tout un passage où nous apprenons ce qui se passe à l’extérieur de la chambre d’hôpital à travers les monologues d’Elvira.

Pas qu’il s’y passe beaucoup, car tout comme Tsisk la Biélorussie est immergée dans un profond sommeil.



Lorsque finalement Tsisk se réveille, des années plus tard, pratiquement rien n’a changé dans cette Biélorussie où Alexandre Loukachenko détient le pouvoir depuis juillet 1994, soit 27 ans et 5 mois.



Fort de l’appui du sinistre maître du Kremlin, ce potentat peu éclairé se permet carrément n’importe quoi, comme récemment le cruel et scandaleux chantage des réfugiés spécialement importés du Moyen-Orient et transférés manu militari à la frontière de la Pologne et donc de l’Union européenne.

Et le 23 mai dernier, du piratage aérien en détournant un vol régulier de la Ryanair vers son aéroport national pour arrêter un jeune opposant à son régime pourri.



Je vais terminer ce billet par une phrase révélatrice de ce sage humaniste de Minsk, que j’ai trouvé dans L’Express du 5 mars 2012 : "Il vaut mieux être dictateur que pédé." Il est vrai qu’Alexandre aime les femmes, la sienne avec qui il a 2 fils dont un est à la tête du comité olympique national, sa maitresse Irina Abelskaïa et mère du futur autocrate Mikolaï Loukachenko (surnommé Kolia et né en 2004). Sans oublier sa sexy attachée de presse Natalya Eisman Selyun.



Il est grand temps que Svetlana Tikhanovskaïa, qui vit actuellement avec ses enfants en exil en Lituanie et dont le mari est en prison, prenne la relève à Minsk ou quelqu'un avec un esprit ouvert comme Sacha Filipenko.

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La traque

La chasse est ouverte... sur un journaliste !

Comme chantait Guy Béart : "Le poète a dit la vérité, il doit être exécuté".



Le journaliste s'appelle Anton Piaty et il a osé écrire des critiques sur des abus grossiers par certains barons du régime du pays natal de l'auteur, la Biélorussie, où règne depuis le 20 juillet 1994, soit 28 ans, 10 mois et 9 jours, l'éternel Alexandre Loukachenko, potentat par la grâce de cet autre démocrate, son pote Poutine.



Le lecteur a droit à un glissement progressif dans l'horreur pour faire décamper Piaty définitivement à l'étranger : musique assourdissante dans l'appartement voisin de Piaty, loué pour l'occasion, qui met à rude épreuve les nerfs du journaliste, son épouse Arina et leur nouveau-né ; vol de l'ordinateur et archives du journaliste ; blâme de l'effronté scribouillard sur des chaînes de télévision aux heures de pointe ; intimidation déshonorante et honteuse d'Arina ; et même bien pire ....



Sacha Filipenko nous offre, à travers quelques personnages hautement représentatifs de ce monde d'oligarques liés au pouvoir central et donc tout-puissants, une vue de la triste réalité pour le commun des mortels, et les quelques rares opposants du système dictatorial et mafieux.



Un exemple : sur le net un détracteur du régime bienfaiteur s'est permis de lancer un message vide, qui a été "liké" par 250.000 suspects, qui seront bien sûr arrêtés.

Le juge qui, après un changement de la Constitution, assume en même temps la fonction d'avocat de la défense des inculpés, s'adresse au public en invitant ceux qui sont d'accord avec le châtiment suprême de ne rien entreprendre. Ceux qui estiment par contre que les inculpés doivent être sauvés, sont priés d'envoyer un message dans lequel ils ne doivent pas oublier de mentionner leur numéro de passeport.



L'idée de l'auteur de donner à son récit la forme d'une sonate est certainement originale et fort littéraire, mais complique légèrement la lecture de la narration. C'est à mon avis le seul bémol de cet ouvrage relativement court (216 pages), qui comporte de beaux textes de Nike Borzov, de la chanteuse russe Zemfira (exilée en France en 2022), de la chanteuse néo-zélandaise Lorde, etc.



Bref, Sacha Filipenko confirme dans "La traque" l'impression favorable qu'il m'a laissée par son roman "Le fils d'avant", que j'ai commenté ici le 3 décembre 2021.

L'auteur est jeune, 38 ans, et avec son talent sera peut-être un jour le second Prix Nobel littérature de son pays, après Svetlana Alexievitch en 2015.



Je termine par un extrait de la chanson "À l'Ouest" du groupe russe Center (cité à la page 98) :



"En 91, quand l'URSS s'est dissoute,

Les grandes personnes se sont partagé le pays à coups de flingues,

Et nous, on a eu la liberté, de la vodka trafiquée,

Des jeans délavés et de la musique dans des enceintes chinoises."

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Kremulator

Sacha Filipenko est un journaliste et scénariste biélorusse , russophone . Ses prises de position l'opposant à Loukachenko et à Poutine l'ont contraint à quitter la Russie , il vit actuellement en Suisse.

C'est Alexandra Polivanova, qui travaille pour l'ONG Memorial, qui lui met entre les mains le dossier de Piotr Ilitch Nesterenko, directeur du premier crématorium de Moscou.

Kremulator va prendre vie et Piotr va être le narrateur de ce roman. Arrêté en juin 1941 au lendemain de l'invasion allemande, accusé d'être un espion aux services des puissances ennemies, il est transféré à Saratov , les interrogatoires commencent et à travers le récit de sa vie une partie de l'histoire de l'U.R.S.S se dessine. Les grandes purges de 1937/38, la toute puissance de Staline et les évènements évoqués se superposent à d'autres d'avant-hier, d'hier et bien sûr d'aujourd'hui.

" Kremulator, le mot russe pour « crémulateur ». Un mot dans lequel le lecteur entend à la fois un écho du Kremlin et le nom d'un métier qui n'existe pas. le crémulateur est un instrument précis, un broyeur qui pulvérise définitivement ce qui subsiste d'un individu après sa crémation (oui, certains cartilages résistent même à une heure et demie au four). Il me semble qu'il n'y a pas de meilleure métaphore pour désigner la machine répressive soviétique."

Ironie, satyre, farce macabre, morbidité, frisson , suées froides sont au rendez-vous d'un livre qui ne m'a pas laissée indifférente.

Un grand merci aux éditions Noir sur blanc via Netgalley pour ce partage

#Kremulator #NetGalleyFrance !

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Kremulator

« Kremulator », Un Livre de Sacha Filipenko (Biélorussie, né en 1984). 208 pages. Éditions "Noir sur Blanc". 18 Janvier 2024 ...



Les mots sont là, présents, pleins de sens, sans superflu.



C'est l'histoire d'un certain Piotr Nesterenko. « Une ironie glaçante » On nous présente dans une divine qualité, le parcours haut en couleur de cet homme, ce Piotr Nesterenko, ce personnage Russe, ou plutôt, International.

Les aventures de cet être humain, cet agent double, qui vit sur plusieurs tableaux.

Quel de risques pris sciemment !



Nesterenko est interrogé par les forces ennemies, de façon violente, ils essayent de lui faire admettre des éléments compromettants, mais Nesterenko travaille au crématorium, il sait faire disparaitre les preuves…



« Les gens qui mettent fin à leur vie par un suicide sont un, des faibles, et deux, de grands égoïstes ! le suicide doit rester étranger à l'homme soviétique ! »

Celle là doit vous sembler drôlement en désaccord avec vos valeurs. Et moi aussi je comprends qu'on puisse souffrir au point de vouloir en mourir … Des fois, même, la mort est plus innocente qu'un mensonge.



Dans les camps de prisonniers, Piotr s'accommode de la mort « ni plus ni moins » …

J'avais été séduit par un Billet sur Babelio, pensant que mon non intérêt pour les périples de guerres serait supplantés par ma curiosité sur le monde actuel.

Phoenix

++
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Un fils perdu

Sacha Filipenko, jeune écrivain biélorusse nous propose une histoire s'inspirant d'événements réels avec des personnages de fiction , sans jamais mentionner le nom du pays ou de son dirigeant , mais sans que cela donne le moindre doute , le roman se passe en Biélorussie s'étendant de 1999 à 2009 .



Zisk Lioukov est un élève de 16 ans , peu brillant , dans une école de musique destinée à former des musiciens professionnels en particulier pour l'Orchestre National .



Lors du dernier conseil de classe, plutôt que d'attendre les résultats, Zisk et ses copains partent à une fête . Ils sont surpris, en cours de route , par un orage de grêle et se réfugient , comme beaucoup d' autres, dans un souterrain . Il y aura de nombreux morts et blessés dont Zisk, transporté dans un hôpital public dans le coma.



Son état ne s'améliorant pas , les médecins décident de le déclarer mort, mais sa grand-mère qui l'élève et chez qui il vit en grande partie , s'oppose à la sentence et vient s'installer pour de longues heures dans la chambre où elle lui parle, lui fait écouter de la musique et lui commente les matchs de foot .



On ne peut s'empêcher de faire le rapprochement avec le film Good Bye Lénine dont la mère se retrouve dans une situation quasi identique . Sauf que lorsqu'elle se réveille, le mur de Berlin a été démoli et la RDA n'existe plus ... Fin de la ressemblance avec ce roman car Zisk va effectivement se réveiller au bout de 10 ans mais dans un pays exactement dans le même état . Comme si ce coma était également celui de la Biélorussie dont le président-dictateur est réélu sans que l'opposition arrive à faire entendre sa voix .



Pas de futur, pas d'espoir pour les habitants de ce pays qui flirte avec son voisin appelé Le Grand Frère et une fois de plus avec un constat inquiétant à la lueur des événements en Ukraine .



Décidément quand on creuse un peu la littérature récente des pays de l'ex URSS, on est, en ce qui me concerne, d'une part consterné par le niveau de dépendance et d'une certaine allégeance au Grand Frère voisin et d'autre part par une passivité ou un fatalisme de nombre d'habitants de ces pays, les peu nombreux qui osent élever la voix sont mis à l'écart de la société , voire empêcher de façon plus directe de s'exprimer ...
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Kremulator

Pour commencer, je tiens à remercier Babelio pour la masse critique littérature ainsi que les Éditions Noir sur Blanc de m'avoir fait découvrir cet ouvrage. La quatrième de couverture m’avait interpellé ne connaissant pas cette partie de l’histoire Soviétique.



Le livre raconte la vie invraisemblable, mais vrai, de Piotr Ilitch Nesterenko qui fut le directeur du crématorium de Moscou. Celui-ci a participé aux grandes purges staliniennes dans le milieu des années 30 permettant de faire disparaitre les corps des opposants au régime Soviétique. En novembre 1938 les exécutions prennent fin et le régime de Staline se retourne contre Nesterenko considéré comme un espion à la solde de l’Allemagne nazi. Il fut arrêté à son domicile en juin 1941.



J’ai apprécié comment Sacha Filipenko a construit son roman. Il entremêle les interrogatoires ainsi que des passages du journal de Nesterenko en passant par des monologues adressés à l’amour de sa vie Vera. Malgré un sujet malaisant, l’auteur a réussi à me mettre à l’aise et à captiver mon attention en utilisant avec parcimonie un humour ironique.



Pour conclure, je ne peux que recommander cette lecture. Sacha Filipenko est né en Biélorussie, il est un opposant à Loukachenko et Poutine. Kremulator raisonne tellement avec l’actualité de la guerre en Ukraine. Il mérite d’être connu et reconnu pour son travail de recherche et sa plume agréable à lire.



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Kremulator

Début février, à Berlin, s'est jouée une pièce adaptée du roman de Sacha Filipenko, Kremulator. Il est vrai que le livre de l'écrivain biélorusse, désormais exilé car opposant notoire à Loukachenko et Poutine, se prête idéalement à une représentation théâtrale, avec les interrogatoires qui constituent la plus grande partie de cet ouvrage, qui trace l'étonnante trajectoire du dénommé Piotr Nesterenko, directeur du crématorium de Moscou, lorsqu'il est arrêté en 1941. Ce personnage historique condense à lui seul l'histoire tumultueuse de la Russie de la première moitié du XXe siècle, de la révolution bolchevique à la seconde guerre mondiale. Engagé dans l'armée blanche puis rouge, pilote d'avion, chauffeur de taxi à Paris, espion pour le NKVD : Nesterenko a vécu mille vies avant d'être un témoin privilégié des purges staliniennes, dont il était le Terminator, en tant qu'incinérateur en série. Filipenko a récupéré les archives existantes et utilisé les carnets de Nesterenko, tout en recourant à la fiction quand c'était nécessaire. Le résultat est brillant, notamment dans les dialogues entre l'accusé et le commissaire enquêteur, un sommet d'ironie et d'humour noir. Impossible, évidemment, de ne pas penser à la Russie autocratique d'aujourd'hui, dans les réflexions avérées ou prêtées au héros du livre, quant à la permanence de l'âme russe et à la démence continuelle de ses dirigeants. Paix à ses cendres : Nesterenko, aussi fluctuant et opportuniste fut-il, est un incroyable sujet d'observation pour qui s'intéresse un tant soit peu à ce qui s'est passé hier et se déroule aujourd’hui dans le pays le plus vaste et le plus fou du monde.
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Un fils perdu

Bien sûr, Sacha Filipenko ne cite jamais nommément la Biélorussie dans Un fils perdu mais il est bien évident que le livre se déroule dans ce pays autocratique, inféodé depuis l'Indépendance au grand frère russe. Dans ce roman, dont le point de départ rappelle Goodbye Lenin, à ceci près que le garçon tombé dans le coma ne se réveille qu'après 10 ans, l'auteur évoque des événements tragiques contemporains et jusqu'à une manifestation monstre contre le régime, lesquels n'ont malheureusement rien changé à la gouvernance de cet État policier et liberticide. Filipenko utilise le registre du conte et parfois de l'humour très noir pour mieux nous faire comprendre comment la situation est vécue au quotidien par de simples citoyens qui pour la plupart n'ont qu'une espérance : fuir au plus vite dans une contrée moins répressive. Grâce à l'avant-propos et à la postface (écrite par les traducteurs), toutes les allusions du romancier aux personnages réels ou aux événements de ces dernières années deviennent claires et cinglantes. L'intérêt de lire Un fils perdu est grand pour tous ceux qui s'intéressent à ce qu'il se passe aujourd'hui dans la périphérie de la Russie et ce malgré le style un peu rude du livre dont le manque de fluidité et éventuellement d'émotion empêche de se passionner davantage pour son héros qui, après 10 ans de sommeil, s'aperçoit, à l'inverse de Goodbye Lenin, que absolument rien n'a vraiment changé ou alors empiré, hélas.
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Kremulator

Un grand merci à l équipe de Babelio et aux éditions noir sur blanc qui m’ont permis de découvrir ce titre dans le cadre de Masse Critique.

Kremulator, un nom qui sonne comme une menace, un engin de destruction mais on en n’est pas loin, le kremulator ( crémulateur) est une machine qui broie les os restant après crémation.

Kremularor résonne aussi comme Kremlin exterminateur de même que lla période dont nous parle l’auteur au travers de la vie de Piotr Nesterenko directeur du crématorium de Moscou durant la seconde guerre Mondiale .



Le récit est divisé non pas en chapitres ordinaires mais en compe-rendu d’interrogatoires, au nombre de six et qui scelleront le destin de Nesterenko; mais les jeux sont faits dès la première confrontation entre Piotr et Perepelitsa lieutenant de la sécurité d’État.



Nesterenko n’est qu’un des multiples personnages publics où anonymes qui disparaîtront lors de la période des purges stalinienne, un jour bourreau le lendemain victime; mais Nesterenko n’est pas dupe il sait que son avenir est compromis, il joue avec les nerfs de Perelitsa lorsqu’il repond à ses questions avec ironie et dérision mais sans jamais mentir, ce qui ne le sauvera pas; un jeu du chat et de la souris que Nesterenko tient à mener à la façon des contes des milles et une nuits , tout du moins au début des interrogatoires, car tant qu’il n’est pas arrivé au bout de ses révélations, il pense encore avoir une chance de s’en sortir.L’ironie de la situation est que plus Nesterenko clame la vérité plus il se rapproche de sa fin.



L’auteur nous raconte cette histoire tirée de la réalité à la première personne du singulier avec forces détails comme les hauts gradés ayant eux aussi subi les purges, l’origine des camions gazants qui seront repris quelques temps plus tard par les allemands, le tout sur le ton de la confidence et maniant l’humour noir et la causticité avec brio.



Des notes de bas de pages en nombres nous éclairent sur l’histoire et les Hommes de la Russie d’avant la bataille de Stalingrad.
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Kremulator

Quelques semaines avant de lire "Kremulator", j'avais pu apprécier l'intervention de son auteur, le journaliste biélorusse Sacha Filipenko, sur la chaîne Thinkerview (https://www.youtube.com/watch?v=PXIiR612ghE). Sans être forcément d'accord avec tous ses propos, l'homme m'avait paru sympathique. Puis j'ai lu son premier succès littéraire, "Un fils perdu", plutôt intéressant mais qui m'avait un peu laissé sur ma faim. Au bout du compte, je reste tout aussi mitigé sur sa dernière parution. Tout ce qui peut rendre compte de l'horreur du totalitarisme soviétique est le bienvenu, "Kremulator" est donc un roman utile, mais je n'ai pas été convaincu par les choix narratifs.



Ce qui m'a attiré dans ce roman est d'abord cette idée de mettre en avant un directeur de crématorium pendant les grandes purges staliniennes (oui, j'ai parfois des penchants bizarres)... mais j'ai trouvé que cet aspect était assez peu exploité, on ne saura finalement pas grand-chose de cette singulière activité. Le récit s'intéresse à toute la vie d'adulte de Nesterenko, depuis sa participation à la Première Guerre mondiale, son rôle dans la Révolution du côté des Blancs, son émigration dans plusieurs villes étrangères et notamment à Paris, avant son retour au pays... En somme, le parcours d'un Russe ordinaire au cours de ces années de grands bouleversements, et non le portrait d'un monstre comme je m'y attendais.



Dans cette période de délires paranoïaques que furent la fin des années 30 / le début des années 40 en URSS, Nesterenko fait partie de l'interminable liste des suspects. Accusé d'espionnage, il est arrêté et cuisiné par le jeune enquêteur Perepelitsa, avec une conclusion déterminée à l'avance : il sera exécuté. Les chapitres du roman sont autant de journées d'interrogatoire. Nesterenko ne perd jamais sa combativité, ses échanges avec son adversaire sont très vifs et donnent lieu à quelques belles passes d'armes. Pendant ma lecture, je me suis demandé ce qu'aurait donné cette confrontation sous forme de pièce de théâtre, un huis-clos opposant Nesterenko et Perepelitsa. Je l'aurais peut-être davantage appréciée.



Sacha Filipenko compose son roman à partir des dialogues entre les deux protagonistes, mais aussi des extraits de journal intime, des monologues de Nesterenko à destination de sa bien-aimée, de documents administratifs, et même quelques photos... J'imagine que la volonté de l'auteur était de dynamiser son récit, mais pour moi cela l'a surtout rendu assez confus. Sans doute est-ce la raison principale pour laquelle j'ai l'impression de n'être jamais totalement entré dans le roman, que j'ai d'ailleurs mis longtemps à lire au regard du faible nombre de pages (un peu plus de 200).



Je remercie Babelio et les éditions Noir sur Blanc, qui ont proposé ce livre dans le cadre de Masse Critique.
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La traque

Ma lecture récente des « Petrov, la grippe, etc. » d’Alexeï Salnikov m’a incitée à jeter un autre œil dans le catalogue russophone des éditions de Syrtes et mon choix s’est porté sur « La Traque » de Sacha Filipenko. Judicieuse décision, si je puis m’autoriser cette autocongratulation qui ne porte guère à conséquence.

Comme son titre peut aisément le donner à penser, « La Traque » relate la persécution impitoyable d’un journaliste, Anton Piaty, dont le tort a consisté à s’en prendre aux intérêts d’un individu qui, mafieux camouflé derrière un Tartuffe aux convictions quasi sectaires, est devenu un personnage public ayant l’oreille du pouvoir politique.

Cette traque impitoyable captive à plus d’un titre. D’une part en tant que réussite narrative, car Sacha Filipenko a choisi un mode de narration très original, inspiré de la structure de la sonate, qui lui permet d’insérer des récits secondaires dans son récit principal et de lui donner une inéluctabilité formelle qui corrobore celle de l’intrigue.

Par ailleurs, la cruauté du sort réservé au protagoniste a de quoi fasciner elle aussi, non qu’on se délecte sadiquement de ce qu’il subit (d’autant moins qu’au fond, c’est avec Piaty que s’identifie le lecteur), mais parce qu’on a l’impression de mieux comprendre le fonctionnement des lynchages et le côté abominable de la psychologie des masses. Car si ce roman vise au premier chef le fonctionnement de la Russie actuelle, le lecteur y trouvera aussi nombre de situations caractéristiques de l’Europe occidentale contemporaine, en particulier en ce qui concerne l’influence délétère des réseaux sociaux.

Enfin, il y a des histoires de famille dans ce roman et leur développement contribue aussi beaucoup à l’intérêt que prend le lecteur à « La Traque ». L’opacité des individus les uns aux autres et le côté aussi poignant qu’inutile des confessions me sont apparus comme des richesses supplémentaires de ce court roman dont le petit nombre de pages n’ôte rien à l’écho qui n’a cessé de résonner en moi après que j’en ai tourné la dernière page.

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Un fils perdu

Zisk, jeune homme de 16ans étudiant la musique en Biélorussie est victime d’un accident qui le plonge dans un coma profond dont l’espoir de sortie est quasi nul. Elvira, sa grand-mère convaincue que le pronostic des médecins est faux, croit à une sortie prochaine de ce coma et met tout en œuvre pour y contribuer en prenant pension dans sa chambre et en lui parlant avec beaucoup d’amour. Dix ans plus tard, Zisk émerge de son sommeil profond et retrouve progressivement ses fonctions motrices et intellectuelles qui lui permettent de constater que peu de choses ont vraiment changé dans son environnement. Le dictateur Loukachenko est toujours président et va à nouveau être réélu, les libertés sont toujours bafouées et le grand frère russe veille au statu quo. Cette réflexion sur la difficulté de trouver sa place dans un pays figé s’intègre parfaitement dans le contexte actuel des « actions spéciales » menées par la Russie en Ukraine pour dissuader les Biélorusses des velléités de démocratie qui pourraient les animer.
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Kremulator

C’est un autre des titres qui me tenait à cœur de lire : son auteur, Sacha Filipenko, Саша Филипенко, est un écrivain d’expression russe mais d’origine du Bélarus, plus précisément de Minsk sa capitale, qui l’a vu naître. Les Éditions Noir sur Blanc nous révèlent qu’en tant qu’opposant à Poutine et à Alexandre Loukachenko, président du Bélarus, Sacha Filipenko a dû quitter la Russie en 2020 pour vivre aujourd’hui en Suisse. Après les manifestations qui ont suivi l’élection présidentielle de 2020, Filipenko est devenue l’une des voix du mouvement de protestation biélorusse en Europe. J’ai envie de dire qu’avant même de le lire, on apprécie déjà son auteur. Si dans Le fils perdu publié précédemment, il évoque son pays natal, ici, il choisit de revenir sur un personnage passé bien inaperçu dans l’infinité des pages de l’histoire soviétique qui n’en reste pas moins une figure peu commune, par la trajectoire de vie qui fut la sienne : Piotr Ilitch Nesterenko.



La forme choisie pour narrer l’histoire de sa vie est tout aussi peu ordinaire : l’auteur s’en explique en préambule, il a choisi la forme de différents interrogatoires – dans une première partie – pour refaire le fil de sa biographie, alors qu’il a été arrêté et emprisonné, accusé d’être un ennemi d’état. À mi-chemin entre fiction et récit biographique, l’histoire de Piotr Nesterenko est celle d’un Russe blanc, qui a tout essayé pour sauver sa peau, loin de l’autoritarisme soviétique, un homme peu scrupuleux, qui pourtant a péché par amour. Kremulator, c’est ce tout premier directeur du crématorium de Moscou qu’était Piotr Nesterenko lorsqu’il fut arrêté en raison de l’article 58, sanctionnant les contre-révolutionnaires. Kremulator, c’est aussi cette allusion à peine cachée au Kremlin, c’est la machine qui finit de broyer les os des êtres humains incinérés qui subsistent encore au milieu des cendres, c’est pour Sacha Filipenko, la métaphore ultime pour désigner le pouvoir soviétique.



Automne 1941, Nesterenko est arrêté, incarcéré, interrogé. Sacha Filipenko donne la voix à son personnage, son Kremulator, qui raconte les événements en s’adressant à ce que l’on devine être la femme aimée, depuis son arrestation, ses interrogatoires de ce fidèle au pouvoir, le citoyen directeur Perepelitsa. Le tout entrecoupé de réminiscences de sa famille, son enfance, de ses origines et d’un passé qu’il a fui à travers l’Europe et qui a fini par le rattraper. Le destin de Nesterenko est une parfaite illustration du système soviétique, de son fonctionnement, son totalitarisme : le besoin de recourir aux néologismes, Kremulator, totalgique, démontre de cette impossibilité à définir de façon satisfaisante la dimension de ce que fut le système. Il faut inventer, unir deux notions en une seule expression, pour donner plus de puissance, à l’image de tous ces corps incinérés, à la chaîne, sans plus de soin ou d’intérêt, comme si derrière ces corps, il n’y avait pas eu d’existence, des proches attachés à lui. Et comme on peut souvent le lire, l’auteur utilise la dérision à travers un Nesterenko désabusé pour répondre à l’interrogatoire du camarade-enquêteur, au système, au destin qui s’apprête à être le sien, à l’ineptie globale. On ne peut pas ne pas penser aux camps allemands, aux fours crématoires, en parallèle des interrogatoires du Kremulator, qui parle de sa tâche sur un ton très détaché, sans oublier les détails sordides sur le fabricant de ces fours qu’ils ont morbidement en commun avec les Allemands. Il semblerait que plus l’on tombe dans le détail inutile et superflu, plus ces derniers participent à accentuer l’horreur de la situation. Une horreur atténuée par la redondance de ces « ma douce »qu’il adresse à cette maîtresse absente.



On aime les dialogues savoureux, l’ironie pince-sans-rire, provocatrice d’un Nesterenko, toujours sur la ligne rouge avec son interrogateur, une ligne qu’il lui arrive même souvent de dépasser, où même le scénario de sa propre mort devient objet de débat. Et ce double retournement de situation qui scelle le destin de notre homme soviétique, qui n’a pas su s’habituer à Paris, dans une histoire d’amour qu’il n’imagine plus qu’il ne vit. Nous avons ici le parfait exemple de l’ennemi du peuple soviétique, tantôt blanc, tantôt rouge, passé par la Yougoslavie, la France, avant de revenir chez lui dans un piège qui va se refermer sur lui : un homme dont les convictions épousent la voie de secours qui peut le sauver, et qui a choisit d’écouter son instinct de préservation plutôt que de suivre la voie du bien. Le roman a reçu le Prix littéraire français Transfuge du meilleur roman européen 2024, il a été adapté au théâtre. En 2024, la première de la pièce basée sur le roman a eu lieu à Berlin, mise en scène par Maxim Didenko, avec Maxim Sukhanov. Au printemps 2024, des projections de Kremulator sont prévues, en plus de Berlin, à Limassol et à Amsterdam.
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Kremulator

Piotr Nesterenko, directeur du Crématorium de Moscou est arrêté en 1941. Au fil des interrogatoires, on découvre ce que deviennent les victimes des purges staliniennes. Il est interrogé sur sa vie tumultueuse au sein de l'armée blanche, puis survivant d'un accident d'avion, émigré à Istanbul et à Paris.

Le sujet m'a interpellé au vu de l'actualité.

La vie de Piotr Nesterenko est incroyable et nous permet s'immerger au sein d'un pays totalitaire au temps de première et seconde guerre mondiale.

Les chapitres sont incrémentés de documentaires, de faits historiques, malheureusement j'en perdais parfois le fil de l'histoire de Piotr. C'est dommage, ça a calmé mon identifiant.

J'ai aimé l'humour de Piotr et son ironie. Et j'ai aimé découvrir sa vie.

Par ailleurs, le thème de la mort revient souvient de par le métier de Piotr, directeur de crématorium. On découvre des détails et des faits assez glaçants.

En résumé, c'est une découverte intéressante.

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Kremulator

J'ai découvert Sacha Filipenko au cours d'un très intéressant numéro de Thinkerview (avec toutefois des questions un peu poussives du journaliste, qui essayait de comparer les violences policières -incomparables- lors de la répression des gilets jaunes et celles exercées par Loukachenko à ses détracteurs en Biélorussie).



Dans cet entretien, il évoquait déjà Kremulator, et j'avais bien regretté de remarquer qu'il n'avait pas encore été traduit en français : c'est désormais chose faite. le livre est une fiction biographique autour de la figure de Piotr Nesterenko, ancien pilote d'avion, qui s'est retrouvé, suite à une vie rocambolesque faite de trahisons, de désertion, aux commandes du crematorium de Moscou.



Filipenko explique qu'il ne souhaitait pas écrire ce roman, qui lui avait été suggéré par Alexandra Polivanovna, membre de l'ONG Memorial, oeuvrant à la reconnaissance des souffrances vécues au cours de l'époque soviétique notamment. A force de parcourir le dossier de cet ancien exemple de l'Homo Sovieticus, l'auteur s'est retrouvé hanté par le personnage, et y a sans doute vu un moyen de dévoiler que l'empire n'a jamais réellement pris fin, pour reprendre Philip K Dick.



Le roman mêle l'ironie grinçante, le témoignage, les archives, et des points de vues narratifs différents (Nesterenko pendant les entretiens / ses pensées / ses propos directement adressés à sa femme...) avec plus ou moins de réussite. Il en ressort toutefois un objet hybride, peut-être inutilement boursouflé par ce parti pris esthétique qui aurait pu se suffire à un seul spectre, ou du moins, ne pas être aussi appuyé. Cette pléthore peut se comprendre : comment, en effet, raconter une vie qui consistait à "transformer des drames humains en cendres" ?



On y découvre des détails, des légendes urbaines parfois croustillantes, et la manière dont un homme a pu être chargé de brûler des dissidents, de grands hommes, des officiels qui étaient chargés de faire exécuter ceux qu'il avait déjà dû incinérer, comme dans un imparable ballet imparable dans lequel on finit toujours par occuper la place du coupable, et à être jeté dans des camions estampillés "Champagne" avant de connaître son ultime demeure, loin d'être festive.



La lecture en vaut toutefois la peine, pour tous les amateurs d'histoire soviétique et de littérature slave. Certains passages apportent une réflexion bouleversante sur la vie, la mort, le sort de l'individu face au rouleau compresseur administratif soviétique et nous rappellent à quel point la vie est une infinie farce tragique. Ces points de vue multiples confèrent une théâtralité teintée de schizophrénie à l'ouvrage, pour mieux explorer un Enfer rouge, absurde mais bien réel.
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La traque

Ce court roman nous conte la persécution impitoyable d’un journaliste, Anton Piaty, dont l’issue est dès le début pressentie comme inéluctable. L’auteur a donné à son récit une structure originale, s’inspirant de la structure de la sonate. C’est sombre, toute la ténacité d’Anton ne lui sert à rien, il est seul, traqué, dans un monde où règnent la corruption et l’hypocrisie, où tout s’achète. Toute ressemblance avec un pays dont l’État a fait détourner un avion pour arrêter un opposant n’est sans doute pas fortuite.
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Croix rouges

Croix rouge …

C’est un mouvement humanitaire bien connu (1), et bien qu’il soit mentionné à de nombreuses reprises dans le livre, ce n’est pas le sujet.

Croix rouges …

C’est simplement des croix qui seront rouges et qui permettent d’aider une vieille femme à retrouver son chemin.

Un livre de confidences entre voisins de hasard …

Une vieille femme avec un passé chargé de détails qui ne seront pas à la gloire de l’union soviétique …

Un jeune homme dont la vie nécessite un nouveau départ pour se reconstruire.

Une belle écriture qui illustre son propos de longues citations d’illustres écrivains, et qui n’hésite pas à nous proposer différentes versions de l’Histoire …

Celles de ceux ou celles qui ont pratiqué le régime stalinien de l’intérieur, qui ont connu les camps de rééducation … et qui veulent témoigner des méfaits d’une dictature,

Celles de ceux qui sont passés au travers des mailles des filets de la persécution du régime par chance … et qui ne comprennent pas les reproches adressés au régime stalinien,

Celles de ceux qui se retrouvent dépositaires de témoignage des victimes et qui doivent devenir les porte parole des contestataires.

De nos jours on pourrait rappeler au camarade Poutine, celui qui veut bouter le nazisme d’Ukraine, le discours de Molotov en novembre 1939 …

« L'idéologie de l'hitlérisme, comme tout autre système idéologique, peut-être acceptée ou non, c'est une question d'opinions politiques. Mais chacun comprendra qu’on ne peut anéantir une idéologie par la force, qu'on ne peut la détruire par la guerre. C'est pourquoi il est non seulement absurde, mais criminel de faire la guerre pour « anéantir l'hitlérisme », en la parant du drapeau mensonger de la lutte pour la « démocratie ». » …

Si seulement il appliquait la même doctrine aujourd’hui au conflit russo-ukrainien !



(1)

Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est le plus important regroupement d'organisations humanitaires au monde.

C'est à la suite de la bataille de Solférino en 1859, qu’Henry Dunant, homme d'affaires protestant évangélique genevois, eut comme projet une organisation de secours, neutre et permanente pour les soldats blessés.

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Croix rouges

Je tiens, tout d'abord, à remercier Babélio et les éditions des Syrtes de m'avoir permis de découvrir ce court roman.



Ce qui m'a, de prime abord, attiré c'est le fait que l'auteur évoquait le rôle du CICR. Etant volontaire Croix Rouge, ce pan m'intéressait particulièrement.



In fine, le roman aborde relativement peu le rôle du CICR mais y dépeint, tout de même, une facette assez intéressante.



Le gros de ce roman raconte surtout l'histoire d'une personne âgée, Tatiana, qui a vécu personnellement les persécutions communistes.

Elle raconte donc sa vie à son jeune voisin de palier qui, lui non plus, n'a pas eu la vie facile.



Pour moi, tout l'intérêt du livre est, justement, dans la manière dont l'auteur raconte la vie de la vieille dame.

Il le fait de façon assez précise (et je pense assez exacte puisque certains faits relatés se retrouvent dans d'autres histoires traitant du même sujet) et assez émouvante.

Par contre, deux choses m'ont dérangé dans cette histoire : d'abord, la façon dont la personne âgée raconte sa vie ne me semble pas cohérente avec un diagnostic d'Alzheimer. Je ne lui ai pas particulièrement trouvé des trous de mémoire à court ou long terme. De plus, préciser que la dame a cette maladie n'amène rien au bouquin.

Ensuite, j'ai trouvé que lorsque l'auteur sort de la narration du passé par Tatiana, son style est trop direct, voire brute et désagréable. J'ai eu la sensation que ces parties embêtaient l'auteur et qu'il essayait de s'en débarrasser au plus vite. Du coup, ça donne une sensation un peu désagréable à la lecture.



Ceci dit, ce roman est très instructif et digne d'intérêt pour qui est sensible à l'histoire du communisme.
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Kremulator

Après le coup de poing fulgurant de Croix rouges paru en 2018, où Tatiana, la vieille dame de 91 ans racontait la Terreur stalinienne, permettant à l'auteur une mise en avant de la difficulté de la question mémorielle en Russie... retour aux purges staliniennes et un nouveau pont vers la Russie d'aujourd'hui.



Voici le parcours de Piotr Ilitch Nesterenko, qui fut le directeur du premier crématorium de Moscou ....

Il faut dire que le type a eu une vie incroyable : officier blanc enrôlé lors de la Première guerre mondiale, qui sert ensuite pour l’Armée rouge, il survit au crash de son avion alors qu’il combat dans l’armée de Denikine, l’armée blanche en lutte contre les bolcheviques en 1917, passe par plusieurs capitales européennes avant d’émigrer à Paris où il est chauffeur de taxi !

Il fait ensuite le choix incompréhensible, alors qu’il est hors d’atteinte, de retourner à Moscou, où il devient directeur du Crématorium Donskoï.



Est-ce que ce Crématorium a existé? oui!

Ouvert en 1927 dans l’église inachevée Saint-Séraphin-de-Sarov, bordée par le cimetière Donskoï, le dôme de l’église est ainsi remplacé par une cheminée de vingt mètres de haut, les fours crématoires sont installés par la société Topf and Sons... société allemande qui construira ensuite les fours des camps de concentration... les nazis n’ont pas eu le monopole de la crémation.



Sacha Filipenko a retrouvé le dossier de Nesterenko, lu ses interrogatoires, et restitue à travers son destin l’ironie stalinienne ... C'était chacun son tour.

Nesterenko est ainsi arrêté le 23 juin 1941, accusé d’espionnage selon l’article 58 pour « activité contre-révolutionnaire », retenu à la prison de Saratov, où il subit des mois d’interrogatoires. Son but, comme Shéhérazade, est de maintenir l’intérêt de son enquêteur pour prolonger sa vie. Au fil des échanges avec Perepelitsa, c’est toute la machine qui est révélée, les incinérations de jour, et les incinérations nocturnes, celles qu’on doit cacher, qui ne doivent pas laisser de traces : les fusillés et toutes les victimes de la « Grande terreur » et parfois aussi leurs bourreaux... dans le système du « petit père du peuple », nul n’est à l’abri.

Nesterenko est le grand nettoyeur en chef : « J’ai incinéré tout un pays... », « Je règne sur Moscou tel Charon ».



Restituant cet interrogatoire, le narrateur s’adresse à Vera, la femme qu’il aime, comédienne russe, qu’il retrouve à Paris, avant qu’elle ne reprenne le chemin de Moscou, préférant jouer pour Staline que de vivre pauvrement avec lui. Nesterenko la suivra sur ce chemin du retour, malgré les risques encourus. Il sera le dernier maillon de la chaîne du système, participant à la crémation d’une partie des 750 000 citoyens soviétiques exécutés entre 1937 et 1938... Jusqu’à ce qu’il soit à son tour dénoncé... Ironie macabre.



Je dois saluer le choix de la couverture avec cette affiche de Denissov et Vatolina réalisée en 1941, le texte qui l’accompagnait était « Ne bavarde pas ! Sois sur tes gardes, en de tels jours les murs ont des oreilles. Des bavardages et des ragots à la trahison il n’y a qu’un pas ». Dans le roman de Filipenko, la trahison est partout, il faut se méfier de tout le monde, même de ses proches, c’était valable sous Staline... Qu’en est-il aujourd’hui ?

Sacha Filipenko est biélorusse, dans ses romans il montre la violence des régimes soviétiques et postsoviétiques. Opposant à Poutine et Loukachenko, il a dû quitter la Russie en 2020, et s’est installé depuis en Suisse avec sa famille où il a obtenu l’asile politique. La Russie pour lui aujourd’hui ? « Un crémulateur récemment rétabli ».

Ce mot « crémulateur » n’existe pas, ni en français, ni en russe (la sonorité se rapproche de Kremlin) l’auteur nous en donne dans sa préface une définition : « un broyeur qui pulvérise définitivement ce qui subsiste d’un individu après sa crémation ». Comprendra qui voudra.



Est-ce que j'ai aimé? Oui. Fan de la première heure grâce à Croix rouges, que je vais d'ailleurs relire, je n'ai pas été déçue par Kremulator, qui sème en plus des petits cailloux de la vie de l'auteur, il est question d'exil par exemple, comme pour lui.


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