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Critiques de Sacha Filipenko (36)
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Kremulator

Kremulator est le récit d'un procès stalinien, c'est à dire joué d'avance et où le seul suspens est la manière dont la culpabilité du prévenu sera prouvée. En plus celui-ci est très facile, puisque l'accusé, Piotr Ilitch Nesterenko, est le directeur du crématorium de Moscou, qu'il a combattu les bolcheviks et qu'il a vécu à l'étranger ; chacun de ces faits est suffisant pour l'envoyer à la mort. Malgré tout son interrogateur cherche à retracer son parcours au lieu de le torturer pour qu'il signe des aveux factices comme c'était la norme à l'époque.



Les différents interrogatoires retracent le parcours de Nesterenko, dominé par deux forces contradictoires, le désir d'éviter des ennuis et l'amour d'une femme. C'est pour elle qu'il risque sa vie en revenant en URSS après avoir vécu à Paris. Son travail est double : le jour il incinère les indigents, la nuit il brûle les victimes de la répression, ce qui ne lui pose pas de problème :

"Ce n’est pas mon affaire. Que je les brûle le matin ou la nuit – cela ne fait aucune différence. Qu’ils aient un trou dans la nuque ou pas, pourquoi y penser, vu qu’ils sont morts ? Je ne fais que transformer de la matière grise en masse grise… "

Il est vrai qu'on ne pouvait à la fois être soviétique et penser, le système était fait pour éviter cela puisque le parti était infaillible, il suffisait de suivre ses commandements.



Son interrogateur ne pense pas non plus, son travail est de faire des procès et de condamner, il interroge et envoie à la mort. Je cite :

"L’idéal serait de joindre l’utile à l’agréable en liquidant une bonne douzaine de personnes, ce qui lui permettrait de prétendre à l’attribution d’une datcha officielle à son retour à Moscou."



Nesterenko connait bien le système, il en voit les victimes tous les jours. Il sait qu'il a très peu de chances d'en sortir, son but semble de retarder l'inéluctable en évitant les pièges tendus par son interrogateur, et il réussit pendant longtemps. Il réagit avec humour aux accusations, et les interrogatoires sont souvent ubuesques.



Mais c'est comme Ubu, amusant au début mais répétitif et nettement moins intéressant par la suite. Le récit est émaillé des rêves de Nesterenko, qui songe sans arrêt à sa fiancée, même si on apprend par la suite qu'elle ne veut plus le voir. J'ai perdu toute empathie pour Nesterenko en apprenant qu'il a envoyé à la mort Savinkov, un Russe blanc réfugié à Paris, qu'il a convaincu de rentrer en URSS où il a été exécuté. Nesterenko n'en éprouve aucun remords. Quant à la fin elle est atroce



D'un point de vue historique Nesterenko a réellement existé et on apprend que la société qui a bâti le crématorium de Moscou a ensuite construit les fours crématoires d'Auschwitz, et que les Soviétiques ont été les premiers à gazer les prisonniers dans les camions (en détournant les tuyaux d'échappement dans l'habitacle fermé) avant même que les nazis n'en aient l'idée.
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Un fils perdu

Même si ni le pays, ni son président ne sont jamais nommés, il n'est pas bien compliqué de reconnaitre la Biélorussie et Loukachenko dans le roman de Sacha Filipenko. Au début, l'histoire ressemble assez au film Goodbye Lenin : un jeune homme, dans un pays au régime dictatorial, se réveille après avoir passé dix ans dans le coma. Mais la ressemblance s'arrête là : alors que dans le film, un mur et un monde s'étaient effondrés, dans le roman, rien n'a changé, le pouvoir politique continue de tenir le pays d'une main de fer, tandis que la population apathique semble avoir abandonné tout espoir et toute envie de changement. On le voit, le jeune homme est utilisé pour symboliser la société biélorusse toute entière, elle aussi plongée dans le coma pendant plusieurs années. Ce petit roman de 180 pages se découpe en trois temps assez distincts - la vie "normale" avant l'accident, les années de coma, puis la vie d'après marquée par l'éveil politique - et chacune se lit avec plaisir, les deux premières étant plutôt tournées vers la fiction, tandis que la dernière est presque une analyse de la tentative ratée de soulèvement contre le régime en 2010. On y sent nettement l'amertume ressentie par l'auteur. Heureusement, les notes à la fin de l'ouvrage apportent l'éclairage nécessaire pour comprendre les événements qu'il n'est pas toujours facile de suivre, d'autant que l'auteur ne donne pas beaucoup de détails. Les personnages principaux sont assez attachants, en particulier Francysk et sa grand-mère ; d'autres en revanche sont franchement détestables, à la limite du vraisemblable ai-je envie de dire, mais rien n'est impossible dans une société écrasée. Ce roman nous invite donc à nous replonger sur la situation de la Biélorussie, dont on ne parle plus guère depuis les manifestations de 2020 suite à la réélection de Loukachenko pour un 6è mandat. J'ai beaucoup aimé tout l'aspect documentaire, à peine voilé derrière le fil de la narration. D'un pont de vue littéraire, le roman mérite largement qu'on s'y arrête, sans constituer un coup de cœur pour autant.
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Croix rouges

Une rencontre entre deux voisins, Tatiana et Sacha, va amener la première à se confier sur ce qu'elle a vécu durant la Seconde guerre mondiale en Union soviétique. Il s'agit là d'un devoir de mémoire, celui de transmettre aux nouvelles générations l'horreur qui s'est déroulée durant cette période afin de ne jamais oublier et ainsi lutter jusqu'au bout contre la répression.



Un roman marquant, fort que je ne peux que vous conseiller.
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Kremulator

La tragique histoire soviétique racontée comme une folle comédie par un écrivain biélorusse frondeur.
Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
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Kremulator

Piotr Nesterenko, directeur du Crématorium de Moscou est arrêté en 1941. Au fil des interrogatoires, on découvre ce que deviennent les victimes des purges staliniennes. Il est interrogé sur sa vie tumultueuse au sein de l'armée blanche, puis survivant d'un accident d'avion, émigré à Istanbul et à Paris.

Le sujet m'a interpellé au vu de l'actualité.

La vie de Piotr Nesterenko est incroyable et nous permet s'immerger au sein d'un pays totalitaire au temps de première et seconde guerre mondiale.

Les chapitres sont incrémentés de documentaires, de faits historiques, malheureusement j'en perdais parfois le fil de l'histoire de Piotr. C'est dommage, ça a calmé mon identifiant.

J'ai aimé l'humour de Piotr et son ironie. Et j'ai aimé découvrir sa vie.

Par ailleurs, le thème de la mort revient souvient de par le métier de Piotr, directeur de crématorium. On découvre des détails et des faits assez glaçants.

En résumé, c'est une découverte intéressante.

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Kremulator

Après le coup de poing fulgurant de Croix rouges paru en 2018, où Tatiana, la vieille dame de 91 ans racontait la Terreur stalinienne, permettant à l'auteur une mise en avant de la difficulté de la question mémorielle en Russie... retour aux purges staliniennes et un nouveau pont vers la Russie d'aujourd'hui.



Voici le parcours de Piotr Ilitch Nesterenko, qui fut le directeur du premier crématorium de Moscou ....

Il faut dire que le type a eu une vie incroyable : officier blanc enrôlé lors de la Première guerre mondiale, qui sert ensuite pour l’Armée rouge, il survit au crash de son avion alors qu’il combat dans l’armée de Denikine, l’armée blanche en lutte contre les bolcheviques en 1917, passe par plusieurs capitales européennes avant d’émigrer à Paris où il est chauffeur de taxi !

Il fait ensuite le choix incompréhensible, alors qu’il est hors d’atteinte, de retourner à Moscou, où il devient directeur du Crématorium Donskoï.



Est-ce que ce Crématorium a existé? oui!

Ouvert en 1927 dans l’église inachevée Saint-Séraphin-de-Sarov, bordée par le cimetière Donskoï, le dôme de l’église est ainsi remplacé par une cheminée de vingt mètres de haut, les fours crématoires sont installés par la société Topf and Sons... société allemande qui construira ensuite les fours des camps de concentration... les nazis n’ont pas eu le monopole de la crémation.



Sacha Filipenko a retrouvé le dossier de Nesterenko, lu ses interrogatoires, et restitue à travers son destin l’ironie stalinienne ... C'était chacun son tour.

Nesterenko est ainsi arrêté le 23 juin 1941, accusé d’espionnage selon l’article 58 pour « activité contre-révolutionnaire », retenu à la prison de Saratov, où il subit des mois d’interrogatoires. Son but, comme Shéhérazade, est de maintenir l’intérêt de son enquêteur pour prolonger sa vie. Au fil des échanges avec Perepelitsa, c’est toute la machine qui est révélée, les incinérations de jour, et les incinérations nocturnes, celles qu’on doit cacher, qui ne doivent pas laisser de traces : les fusillés et toutes les victimes de la « Grande terreur » et parfois aussi leurs bourreaux... dans le système du « petit père du peuple », nul n’est à l’abri.

Nesterenko est le grand nettoyeur en chef : « J’ai incinéré tout un pays... », « Je règne sur Moscou tel Charon ».



Restituant cet interrogatoire, le narrateur s’adresse à Vera, la femme qu’il aime, comédienne russe, qu’il retrouve à Paris, avant qu’elle ne reprenne le chemin de Moscou, préférant jouer pour Staline que de vivre pauvrement avec lui. Nesterenko la suivra sur ce chemin du retour, malgré les risques encourus. Il sera le dernier maillon de la chaîne du système, participant à la crémation d’une partie des 750 000 citoyens soviétiques exécutés entre 1937 et 1938... Jusqu’à ce qu’il soit à son tour dénoncé... Ironie macabre.



Je dois saluer le choix de la couverture avec cette affiche de Denissov et Vatolina réalisée en 1941, le texte qui l’accompagnait était « Ne bavarde pas ! Sois sur tes gardes, en de tels jours les murs ont des oreilles. Des bavardages et des ragots à la trahison il n’y a qu’un pas ». Dans le roman de Filipenko, la trahison est partout, il faut se méfier de tout le monde, même de ses proches, c’était valable sous Staline... Qu’en est-il aujourd’hui ?

Sacha Filipenko est biélorusse, dans ses romans il montre la violence des régimes soviétiques et postsoviétiques. Opposant à Poutine et Loukachenko, il a dû quitter la Russie en 2020, et s’est installé depuis en Suisse avec sa famille où il a obtenu l’asile politique. La Russie pour lui aujourd’hui ? « Un crémulateur récemment rétabli ».

Ce mot « crémulateur » n’existe pas, ni en français, ni en russe (la sonorité se rapproche de Kremlin) l’auteur nous en donne dans sa préface une définition : « un broyeur qui pulvérise définitivement ce qui subsiste d’un individu après sa crémation ». Comprendra qui voudra.



Est-ce que j'ai aimé? Oui. Fan de la première heure grâce à Croix rouges, que je vais d'ailleurs relire, je n'ai pas été déçue par Kremulator, qui sème en plus des petits cailloux de la vie de l'auteur, il est question d'exil par exemple, comme pour lui.


Lien : https://www.instagram.com/zo..
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Kremulator

Quelques semaines avant de lire "Kremulator", j'avais pu apprécier l'intervention de son auteur, le journaliste biélorusse Sacha Filipenko, sur la chaîne Thinkerview (https://www.youtube.com/watch?v=PXIiR612ghE). Sans être forcément d'accord avec tous ses propos, l'homme m'avait paru sympathique. Puis j'ai lu son premier succès littéraire, "Un fils perdu", plutôt intéressant mais qui m'avait un peu laissé sur ma faim. Au bout du compte, je reste tout aussi mitigé sur sa dernière parution. Tout ce qui peut rendre compte de l'horreur du totalitarisme soviétique est le bienvenu, "Kremulator" est donc un roman utile, mais je n'ai pas été convaincu par les choix narratifs.



Ce qui m'a attiré dans ce roman est d'abord cette idée de mettre en avant un directeur de crématorium pendant les grandes purges staliniennes (oui, j'ai parfois des penchants bizarres)... mais j'ai trouvé que cet aspect était assez peu exploité, on ne saura finalement pas grand-chose de cette singulière activité. Le récit s'intéresse à toute la vie d'adulte de Nesterenko, depuis sa participation à la Première Guerre mondiale, son rôle dans la Révolution du côté des Blancs, son émigration dans plusieurs villes étrangères et notamment à Paris, avant son retour au pays... En somme, le parcours d'un Russe ordinaire au cours de ces années de grands bouleversements, et non le portrait d'un monstre comme je m'y attendais.



Dans cette période de délires paranoïaques que furent la fin des années 30 / le début des années 40 en URSS, Nesterenko fait partie de l'interminable liste des suspects. Accusé d'espionnage, il est arrêté et cuisiné par le jeune enquêteur Perepelitsa, avec une conclusion déterminée à l'avance : il sera exécuté. Les chapitres du roman sont autant de journées d'interrogatoire. Nesterenko ne perd jamais sa combativité, ses échanges avec son adversaire sont très vifs et donnent lieu à quelques belles passes d'armes. Pendant ma lecture, je me suis demandé ce qu'aurait donné cette confrontation sous forme de pièce de théâtre, un huis-clos opposant Nesterenko et Perepelitsa. Je l'aurais peut-être davantage appréciée.



Sacha Filipenko compose son roman à partir des dialogues entre les deux protagonistes, mais aussi des extraits de journal intime, des monologues de Nesterenko à destination de sa bien-aimée, de documents administratifs, et même quelques photos... J'imagine que la volonté de l'auteur était de dynamiser son récit, mais pour moi cela l'a surtout rendu assez confus. Sans doute est-ce la raison principale pour laquelle j'ai l'impression de n'être jamais totalement entré dans le roman, que j'ai d'ailleurs mis longtemps à lire au regard du faible nombre de pages (un peu plus de 200).



Je remercie Babelio et les éditions Noir sur Blanc, qui ont proposé ce livre dans le cadre de Masse Critique.
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Kremulator

« Kremulator », Un Livre de Sacha Filipenko (Biélorussie, né en 1984). 208 pages. Éditions "Noir sur Blanc". 18 Janvier 2024 ...



Les mots sont là, présents, pleins de sens, sans superflu.



C'est l'histoire d'un certain Piotr Nesterenko. « Une ironie glaçante » On nous présente dans une divine qualité, le parcours haut en couleur de cet homme, ce Piotr Nesterenko, ce personnage Russe, ou plutôt, International.

Les aventures de cet être humain, cet agent double, qui vit sur plusieurs tableaux.

Quel de risques pris sciemment !



Nesterenko est interrogé par les forces ennemies, de façon violente, ils essayent de lui faire admettre des éléments compromettants, mais Nesterenko travaille au crématorium, il sait faire disparaitre les preuves…



« Les gens qui mettent fin à leur vie par un suicide sont un, des faibles, et deux, de grands égoïstes ! le suicide doit rester étranger à l'homme soviétique ! »

Celle là doit vous sembler drôlement en désaccord avec vos valeurs. Et moi aussi je comprends qu'on puisse souffrir au point de vouloir en mourir … Des fois, même, la mort est plus innocente qu'un mensonge.



Dans les camps de prisonniers, Piotr s'accommode de la mort « ni plus ni moins » …

J'avais été séduit par un Billet sur Babelio, pensant que mon non intérêt pour les périples de guerres serait supplantés par ma curiosité sur le monde actuel.

Phoenix

++
Lien : https://linktr.ee/phoenixtcg
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Kremulator

J'ai découvert Sacha Filipenko au cours d'un très intéressant numéro de Thinkerview (avec toutefois des questions un peu poussives du journaliste, qui essayait de comparer les violences policières -incomparables- lors de la répression des gilets jaunes et celles exercées par Loukachenko à ses détracteurs en Biélorussie).



Dans cet entretien, il évoquait déjà Kremulator, et j'avais bien regretté de remarquer qu'il n'avait pas encore été traduit en français : c'est désormais chose faite. le livre est une fiction biographique autour de la figure de Piotr Nesterenko, ancien pilote d'avion, qui s'est retrouvé, suite à une vie rocambolesque faite de trahisons, de désertion, aux commandes du crematorium de Moscou.



Filipenko explique qu'il ne souhaitait pas écrire ce roman, qui lui avait été suggéré par Alexandra Polivanovna, membre de l'ONG Memorial, oeuvrant à la reconnaissance des souffrances vécues au cours de l'époque soviétique notamment. A force de parcourir le dossier de cet ancien exemple de l'Homo Sovieticus, l'auteur s'est retrouvé hanté par le personnage, et y a sans doute vu un moyen de dévoiler que l'empire n'a jamais réellement pris fin, pour reprendre Philip K Dick.



Le roman mêle l'ironie grinçante, le témoignage, les archives, et des points de vues narratifs différents (Nesterenko pendant les entretiens / ses pensées / ses propos directement adressés à sa femme...) avec plus ou moins de réussite. Il en ressort toutefois un objet hybride, peut-être inutilement boursouflé par ce parti pris esthétique qui aurait pu se suffire à un seul spectre, ou du moins, ne pas être aussi appuyé. Cette pléthore peut se comprendre : comment, en effet, raconter une vie qui consistait à "transformer des drames humains en cendres" ?



On y découvre des détails, des légendes urbaines parfois croustillantes, et la manière dont un homme a pu être chargé de brûler des dissidents, de grands hommes, des officiels qui étaient chargés de faire exécuter ceux qu'il avait déjà dû incinérer, comme dans un imparable ballet imparable dans lequel on finit toujours par occuper la place du coupable, et à être jeté dans des camions estampillés "Champagne" avant de connaître son ultime demeure, loin d'être festive.



La lecture en vaut toutefois la peine, pour tous les amateurs d'histoire soviétique et de littérature slave. Certains passages apportent une réflexion bouleversante sur la vie, la mort, le sort de l'individu face au rouleau compresseur administratif soviétique et nous rappellent à quel point la vie est une infinie farce tragique. Ces points de vue multiples confèrent une théâtralité teintée de schizophrénie à l'ouvrage, pour mieux explorer un Enfer rouge, absurde mais bien réel.
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Kremulator

C’est un autre des titres qui me tenait à cœur de lire : son auteur, Sacha Filipenko, Саша Филипенко, est un écrivain d’expression russe mais d’origine du Bélarus, plus précisément de Minsk sa capitale, qui l’a vu naître. Les Éditions Noir sur Blanc nous révèlent qu’en tant qu’opposant à Poutine et à Alexandre Loukachenko, président du Bélarus, Sacha Filipenko a dû quitter la Russie en 2020 pour vivre aujourd’hui en Suisse. Après les manifestations qui ont suivi l’élection présidentielle de 2020, Filipenko est devenue l’une des voix du mouvement de protestation biélorusse en Europe. J’ai envie de dire qu’avant même de le lire, on apprécie déjà son auteur. Si dans Le fils perdu publié précédemment, il évoque son pays natal, ici, il choisit de revenir sur un personnage passé bien inaperçu dans l’infinité des pages de l’histoire soviétique qui n’en reste pas moins une figure peu commune, par la trajectoire de vie qui fut la sienne : Piotr Ilitch Nesterenko.



La forme choisie pour narrer l’histoire de sa vie est tout aussi peu ordinaire : l’auteur s’en explique en préambule, il a choisi la forme de différents interrogatoires – dans une première partie – pour refaire le fil de sa biographie, alors qu’il a été arrêté et emprisonné, accusé d’être un ennemi d’état. À mi-chemin entre fiction et récit biographique, l’histoire de Piotr Nesterenko est celle d’un Russe blanc, qui a tout essayé pour sauver sa peau, loin de l’autoritarisme soviétique, un homme peu scrupuleux, qui pourtant a péché par amour. Kremulator, c’est ce tout premier directeur du crématorium de Moscou qu’était Piotr Nesterenko lorsqu’il fut arrêté en raison de l’article 58, sanctionnant les contre-révolutionnaires. Kremulator, c’est aussi cette allusion à peine cachée au Kremlin, c’est la machine qui finit de broyer les os des êtres humains incinérés qui subsistent encore au milieu des cendres, c’est pour Sacha Filipenko, la métaphore ultime pour désigner le pouvoir soviétique.



Automne 1941, Nesterenko est arrêté, incarcéré, interrogé. Sacha Filipenko donne la voix à son personnage, son Kremulator, qui raconte les événements en s’adressant à ce que l’on devine être la femme aimée, depuis son arrestation, ses interrogatoires de ce fidèle au pouvoir, le citoyen directeur Perepelitsa. Le tout entrecoupé de réminiscences de sa famille, son enfance, de ses origines et d’un passé qu’il a fui à travers l’Europe et qui a fini par le rattraper. Le destin de Nesterenko est une parfaite illustration du système soviétique, de son fonctionnement, son totalitarisme : le besoin de recourir aux néologismes, Kremulator, totalgique, démontre de cette impossibilité à définir de façon satisfaisante la dimension de ce que fut le système. Il faut inventer, unir deux notions en une seule expression, pour donner plus de puissance, à l’image de tous ces corps incinérés, à la chaîne, sans plus de soin ou d’intérêt, comme si derrière ces corps, il n’y avait pas eu d’existence, des proches attachés à lui. Et comme on peut souvent le lire, l’auteur utilise la dérision à travers un Nesterenko désabusé pour répondre à l’interrogatoire du camarade-enquêteur, au système, au destin qui s’apprête à être le sien, à l’ineptie globale. On ne peut pas ne pas penser aux camps allemands, aux fours crématoires, en parallèle des interrogatoires du Kremulator, qui parle de sa tâche sur un ton très détaché, sans oublier les détails sordides sur le fabricant de ces fours qu’ils ont morbidement en commun avec les Allemands. Il semblerait que plus l’on tombe dans le détail inutile et superflu, plus ces derniers participent à accentuer l’horreur de la situation. Une horreur atténuée par la redondance de ces « ma douce »qu’il adresse à cette maîtresse absente.



On aime les dialogues savoureux, l’ironie pince-sans-rire, provocatrice d’un Nesterenko, toujours sur la ligne rouge avec son interrogateur, une ligne qu’il lui arrive même souvent de dépasser, où même le scénario de sa propre mort devient objet de débat. Et ce double retournement de situation qui scelle le destin de notre homme soviétique, qui n’a pas su s’habituer à Paris, dans une histoire d’amour qu’il n’imagine plus qu’il ne vit. Nous avons ici le parfait exemple de l’ennemi du peuple soviétique, tantôt blanc, tantôt rouge, passé par la Yougoslavie, la France, avant de revenir chez lui dans un piège qui va se refermer sur lui : un homme dont les convictions épousent la voie de secours qui peut le sauver, et qui a choisit d’écouter son instinct de préservation plutôt que de suivre la voie du bien. Le roman a reçu le Prix littéraire français Transfuge du meilleur roman européen 2024, il a été adapté au théâtre. En 2024, la première de la pièce basée sur le roman a eu lieu à Berlin, mise en scène par Maxim Didenko, avec Maxim Sukhanov. Au printemps 2024, des projections de Kremulator sont prévues, en plus de Berlin, à Limassol et à Amsterdam.
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Kremulator

Je ne connaissais pas cette maison d’édition et en consultant son catalogue ce livre m’à fait de l’œil. Et je ne le regrette pas, une jolie surprise que voilà qui me donne envier à l’occasion de lire d’autres ouvrages de cet auteur. Une plongée dans l’histoire du stalinisme mais bien au-delà une plongée dans la dictature, dans le quotidien tragique de la dictature où les compagnons d’un jour seront tués le lendemain part ces mêmes compagnons, d’enquêtes tronquées en procès factices et ce avec un cynisme qui n’a d’égal que le peu de considération des individus.
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Kremulator

Sacha Filipenko est un journaliste et scénariste biélorusse , russophone . Ses prises de position l'opposant à Loukachenko et à Poutine l'ont contraint à quitter la Russie , il vit actuellement en Suisse.

C'est Alexandra Polivanova, qui travaille pour l'ONG Memorial, qui lui met entre les mains le dossier de Piotr Ilitch Nesterenko, directeur du premier crématorium de Moscou.

Kremulator va prendre vie et Piotr va être le narrateur de ce roman. Arrêté en juin 1941 au lendemain de l'invasion allemande, accusé d'être un espion aux services des puissances ennemies, il est transféré à Saratov , les interrogatoires commencent et à travers le récit de sa vie une partie de l'histoire de l'U.R.S.S se dessine. Les grandes purges de 1937/38, la toute puissance de Staline et les évènements évoqués se superposent à d'autres d'avant-hier, d'hier et bien sûr d'aujourd'hui.

" Kremulator, le mot russe pour « crémulateur ». Un mot dans lequel le lecteur entend à la fois un écho du Kremlin et le nom d'un métier qui n'existe pas. le crémulateur est un instrument précis, un broyeur qui pulvérise définitivement ce qui subsiste d'un individu après sa crémation (oui, certains cartilages résistent même à une heure et demie au four). Il me semble qu'il n'y a pas de meilleure métaphore pour désigner la machine répressive soviétique."

Ironie, satyre, farce macabre, morbidité, frisson , suées froides sont au rendez-vous d'un livre qui ne m'a pas laissée indifférente.

Un grand merci aux éditions Noir sur blanc via Netgalley pour ce partage

#Kremulator #NetGalleyFrance !

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Kremulator

Moscou, 1941. Piotr Nesterenko, le directeur du crematorium, est arrêté, accusé d'espionnage au profit de puissances étrangères ennemies.



De par son métier, Nesterenko est le témoin malgré lui, depuis des années, des grandes purges staliniennes, puisque des milliers de cadavres de « traîtres » et autres « espions » lui sont littéralement passés dans les mains avant d'être enfournés dans l'incinérateur.



A ce titre, Nesterenko n'est pas étonné par son arrestation, et ne se fait aucune illusion sur l'issue de son propre « procès ». Cependant, la bureaucratie soviétique étant ce qu'elle est, il faut bien en passer par un minimum de semblant de procédure équitable. Et donc Nesterenko est interrogé en long et en large par un commissaire-enquêteur. C'est au fil de ces interrogatoires qu'on découvre son histoire aussi tumultueuse que celle de son pays. Officier dans l'armée blanche du tsar, il fuit les bolcheviks, s'exile à Constantinople, passe par l'Ukraine, la Serbie, la Pologne, la Bulgarie avant d'échouer à Paris où il sera chauffeur de taxi, avant d'être recruté par le NKVD et de rentrer en URSS. Où il postulera au crematorium, et finira directeur de celui-ci et de l'ensemble des cimetières de Moscou. Toute son histoire est liée par le fil (blanc ou rouge) du désir de l'exilé de rentrer au bercail, et celui de l'amoureux éperdu de retrouver la femme de sa vie.



Mêlant documents historiques (Nesterenko a bien existé) et fiction, Sacha Filipenko recrée avec brio et intelligence les dialogues entre Nesterenko et son enquêteur attitré, en les entrelardant d'une ironie et d'un humour noir irrésistibles. Interrogé et interrogateur jouent à un jeu de chat et de souris impitoyable, même si chacun sait parfaitement que les dés sont pipés et l'issue inéluctable.



A travers le destin mouvementé de cet opportuniste de Nesterenko, l'auteur, opposant notoire à Poutine, raconte aussi l'histoire de la Russie totalitaire et de ses dirigeants obsessionnels et paranoïaques pendant la première moitié du 20ème siècle.



Et comme L Histoire, c'est bien connu, repasse les plats, peut-être ce portrait est-il à nouveau/toujours d'actualité...



En partenariat avec les Editions Noir sur Blanc via Netgalley.

#Kremulator #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Kremulator

Début février, à Berlin, s'est jouée une pièce adaptée du roman de Sacha Filipenko, Kremulator. Il est vrai que le livre de l'écrivain biélorusse, désormais exilé car opposant notoire à Loukachenko et Poutine, se prête idéalement à une représentation théâtrale, avec les interrogatoires qui constituent la plus grande partie de cet ouvrage, qui trace l'étonnante trajectoire du dénommé Piotr Nesterenko, directeur du crématorium de Moscou, lorsqu'il est arrêté en 1941. Ce personnage historique condense à lui seul l'histoire tumultueuse de la Russie de la première moitié du XXe siècle, de la révolution bolchevique à la seconde guerre mondiale. Engagé dans l'armée blanche puis rouge, pilote d'avion, chauffeur de taxi à Paris, espion pour le NKVD : Nesterenko a vécu mille vies avant d'être un témoin privilégié des purges staliniennes, dont il était le Terminator, en tant qu'incinérateur en série. Filipenko a récupéré les archives existantes et utilisé les carnets de Nesterenko, tout en recourant à la fiction quand c'était nécessaire. Le résultat est brillant, notamment dans les dialogues entre l'accusé et le commissaire enquêteur, un sommet d'ironie et d'humour noir. Impossible, évidemment, de ne pas penser à la Russie autocratique d'aujourd'hui, dans les réflexions avérées ou prêtées au héros du livre, quant à la permanence de l'âme russe et à la démence continuelle de ses dirigeants. Paix à ses cendres : Nesterenko, aussi fluctuant et opportuniste fut-il, est un incroyable sujet d'observation pour qui s'intéresse un tant soit peu à ce qui s'est passé hier et se déroule aujourd’hui dans le pays le plus vaste et le plus fou du monde.
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Kremulator

Pour commencer, je tiens à remercier Babelio pour la masse critique littérature ainsi que les Éditions Noir sur Blanc de m'avoir fait découvrir cet ouvrage. La quatrième de couverture m’avait interpellé ne connaissant pas cette partie de l’histoire Soviétique.



Le livre raconte la vie invraisemblable, mais vrai, de Piotr Ilitch Nesterenko qui fut le directeur du crématorium de Moscou. Celui-ci a participé aux grandes purges staliniennes dans le milieu des années 30 permettant de faire disparaitre les corps des opposants au régime Soviétique. En novembre 1938 les exécutions prennent fin et le régime de Staline se retourne contre Nesterenko considéré comme un espion à la solde de l’Allemagne nazi. Il fut arrêté à son domicile en juin 1941.



J’ai apprécié comment Sacha Filipenko a construit son roman. Il entremêle les interrogatoires ainsi que des passages du journal de Nesterenko en passant par des monologues adressés à l’amour de sa vie Vera. Malgré un sujet malaisant, l’auteur a réussi à me mettre à l’aise et à captiver mon attention en utilisant avec parcimonie un humour ironique.



Pour conclure, je ne peux que recommander cette lecture. Sacha Filipenko est né en Biélorussie, il est un opposant à Loukachenko et Poutine. Kremulator raisonne tellement avec l’actualité de la guerre en Ukraine. Il mérite d’être connu et reconnu pour son travail de recherche et sa plume agréable à lire.



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Kremulator

Un grand merci à l équipe de Babelio et aux éditions noir sur blanc qui m’ont permis de découvrir ce titre dans le cadre de Masse Critique.

Kremulator, un nom qui sonne comme une menace, un engin de destruction mais on en n’est pas loin, le kremulator ( crémulateur) est une machine qui broie les os restant après crémation.

Kremularor résonne aussi comme Kremlin exterminateur de même que lla période dont nous parle l’auteur au travers de la vie de Piotr Nesterenko directeur du crématorium de Moscou durant la seconde guerre Mondiale .



Le récit est divisé non pas en chapitres ordinaires mais en compe-rendu d’interrogatoires, au nombre de six et qui scelleront le destin de Nesterenko; mais les jeux sont faits dès la première confrontation entre Piotr et Perepelitsa lieutenant de la sécurité d’État.



Nesterenko n’est qu’un des multiples personnages publics où anonymes qui disparaîtront lors de la période des purges stalinienne, un jour bourreau le lendemain victime; mais Nesterenko n’est pas dupe il sait que son avenir est compromis, il joue avec les nerfs de Perelitsa lorsqu’il repond à ses questions avec ironie et dérision mais sans jamais mentir, ce qui ne le sauvera pas; un jeu du chat et de la souris que Nesterenko tient à mener à la façon des contes des milles et une nuits , tout du moins au début des interrogatoires, car tant qu’il n’est pas arrivé au bout de ses révélations, il pense encore avoir une chance de s’en sortir.L’ironie de la situation est que plus Nesterenko clame la vérité plus il se rapproche de sa fin.



L’auteur nous raconte cette histoire tirée de la réalité à la première personne du singulier avec forces détails comme les hauts gradés ayant eux aussi subi les purges, l’origine des camions gazants qui seront repris quelques temps plus tard par les allemands, le tout sur le ton de la confidence et maniant l’humour noir et la causticité avec brio.



Des notes de bas de pages en nombres nous éclairent sur l’histoire et les Hommes de la Russie d’avant la bataille de Stalingrad.
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Kremulator

● L'auteur, le livre (208 pages, 2024, 2022 en VO) :

Opposant déclaré au régime pro-russe de Loukachenko, Sasha Filipenko est un écrivain biélorusse qui vit en exil dans différents pays d'Europe dont la Suisse et la Belgique.

Avec son Kremulator, il s'est emparé d'un personnage étonnant mais authentique : Piotr Ilitch Nesterenko était le responsable du crématorium funéraire de Moscou chargé d'incinérer les décédés et accessoirement, les multiples victimes des purges staliniennes.

Un homme né avec le siècle dernier et donc au parcours étonnant qui finit comme tant d'autres dans une geôle du NKVD, accusé de trahison. le livre est basé principalement sur les interrogatoires dont il fit l'objet.

C'est toute l'histoire du début du siècle qui défile dans ces fiches grâce au parcours étonnant de ce Nesterenko, véritable girouette politique (un nom qui pourrait se traduire par L'Ineffaçable, on ne peut mieux dire !).

Evidemment, au vu du pedigree de l'auteur, ce portrait sera un dossier à charge contre la machine répressive soviétique.



● le contexte :

Le mieux est sans aucun doute de laisser la parole à l'auteur dans sa préface :

[...] En 1941, le directeur du crématorium de Moscou, Piotr Nesterenko, est arrêté. Il sait mieux que personne ce qui arrive aux victimes des Grandes Purges staliniennes.

Opposants, espions présumés, anciens héros de la révolution et autres ennemis du peuple – il les a tous incinérés.

Au fil des interrogatoires, il doit répondre de sa vie tumultueuse : officier de l'Armée blanche ayant fui les bolcheviks jusqu'en Ukraine, survivant d'un étrange accident d'avion, émigré à Istanbul puis à Paris, amoureux fidèle à la passion de sa jeunesse – voici un parcours qui ne plaît pas aux autorités soviétiques…

[...] Tu parles d'une vie ! Un officier blanc, mobilisé lors de la Première Guerre mondiale, qui a trouvé le moyen de servir pour l'Armée blanche et pour l'Armée rouge, pour les Allemands et pour la Rada ukrainienne. Un pilote ayant survécu au crash de son avion, combattant de l'armée de Denikine, contraint à émigrer, transitant par plusieurs pays européens, travaillant comme chauffeur de taxi à Paris avant de revenir à Moscou, où il est devenu le premier directeur du crématorium de la ville, édifié dans l'enceinte du monastère de Donskoï. Une destinée loin d'être triste, bien que couverte de cendre. Une girouette-modèle ? Un vrai caméléon ? Ou un pauvre type, qui a juste eu le malheur de venir au monde dans l'Empire russe de la fin du XIXe siècle ?

[...] le matin, il incinérait les têtes du régime soviétique : Ordjonikidze, Gorki et Maïakovski. La nuit, il réceptionnait les cadavres des fusillés qu'il devait brûler pour faire disparaître la trace des crimes rouges. Mais quand donc dormait-il ?

[...] Kremulator, le mot russe pour « crémulateur ». Un mot dans lequel le lecteur entend à la fois un écho du Kremlin et le nom d'un métier qui n'existe pas. le crémulateur est un instrument précis, un broyeur qui pulvérise définitivement ce qui subsiste d'un individu après sa crémation (oui, certains cartilages résistent même à une heure et demie au four). Il me semble qu'il n'y a pas de meilleure métaphore pour désigner la machine répressive soviétique.



● On aime :

❤️ On aime bien entendu le sujet dont s'est emparé Filipenko : quel remarquable personnage au parcours étonnant avec qui on révise l'Histoire d'une période un peu trouble que l'on connait mal.

On aurait même apprécié que l'auteur développe un peu plus le contexte politique du "travail" de Nesterenko : tant de "traîtres" sont passés entre les mains de ce nouveau Charon ...

❤️ On aime l'humour noir, grinçant, caustique de l'auteur : c'était sans doute aussi celui du personnage, une ironie et une distance indispensables à ceux qui côtoient chaque jour la mort d'aussi près.



● L'intrigue :

En 1941, les Allemands attaquent l'URSS et les soviétiques sont aux abois, pressés d'éliminer les espions en tout genre. Mais il ne reste que très peu de candidats après les grandes purges des années 30. On ramasse ce qu'on peut et vient le tour de Nesterenko.

Le roman se base sur les interrogatoires kafkaïens de Nesterenko par le NKVD et les fiches qui retracent le parcours étonnant du bonhomme dans un début de siècle très agité : c'est l'époque de la déroute de l'Armée blanche russe jusqu'à Gallipoli, l'époque de la Grande Guerre et de la Triple-Entente, celle du fiasco des Dardanelles, ...

Après être passé par la Serbie, la Bulgarie, la Pologne et Paris où il sera taxi, Nesterenko revient à Moscou en 1926 et se retrouve responsable des cimetières de la ville.

Avec l'aide d'une honorable société allemande, il installe le premier crématorium.

Le jour, il officie pour accompagner les cérémonies funéraires des moscovites.

La nuit, le NKVD lui livre un camion de fusillés à faire disparaître ...

Pour celles et ceux qui aiment l'humour noir.

Livre lu grâce à NetGalley et aux éditions Noir sur blanc.
Lien : https://bmr-mam.blogspot.com..
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Croix rouges

Croix rouge …

C’est un mouvement humanitaire bien connu (1), et bien qu’il soit mentionné à de nombreuses reprises dans le livre, ce n’est pas le sujet.

Croix rouges …

C’est simplement des croix qui seront rouges et qui permettent d’aider une vieille femme à retrouver son chemin.

Un livre de confidences entre voisins de hasard …

Une vieille femme avec un passé chargé de détails qui ne seront pas à la gloire de l’union soviétique …

Un jeune homme dont la vie nécessite un nouveau départ pour se reconstruire.

Une belle écriture qui illustre son propos de longues citations d’illustres écrivains, et qui n’hésite pas à nous proposer différentes versions de l’Histoire …

Celles de ceux ou celles qui ont pratiqué le régime stalinien de l’intérieur, qui ont connu les camps de rééducation … et qui veulent témoigner des méfaits d’une dictature,

Celles de ceux qui sont passés au travers des mailles des filets de la persécution du régime par chance … et qui ne comprennent pas les reproches adressés au régime stalinien,

Celles de ceux qui se retrouvent dépositaires de témoignage des victimes et qui doivent devenir les porte parole des contestataires.

De nos jours on pourrait rappeler au camarade Poutine, celui qui veut bouter le nazisme d’Ukraine, le discours de Molotov en novembre 1939 …

« L'idéologie de l'hitlérisme, comme tout autre système idéologique, peut-être acceptée ou non, c'est une question d'opinions politiques. Mais chacun comprendra qu’on ne peut anéantir une idéologie par la force, qu'on ne peut la détruire par la guerre. C'est pourquoi il est non seulement absurde, mais criminel de faire la guerre pour « anéantir l'hitlérisme », en la parant du drapeau mensonger de la lutte pour la « démocratie ». » …

Si seulement il appliquait la même doctrine aujourd’hui au conflit russo-ukrainien !



(1)

Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est le plus important regroupement d'organisations humanitaires au monde.

C'est à la suite de la bataille de Solférino en 1859, qu’Henry Dunant, homme d'affaires protestant évangélique genevois, eut comme projet une organisation de secours, neutre et permanente pour les soldats blessés.

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Un fils perdu

Un fils perdu est une satire politique qui dénonce avec férocité la léthargie dans laquelle est plongée la Biélorussie (qu’il ne nomme jamais) depuis l’arrivée au pouvoir de son président en 1994, c’est-à-dire depuis bientôt 30 ans (!). Un roman fort, avec des personnages mémorables, a commencer par Elvira Alexandrovna, véritable grand-mère courage. La plume de Sacha Filipenko est mordante, pleine d'ironie et assez addictive. Mais il y a aussi quelques longueurs dans le récit et des références qui m’ont un peu échappé au début. Je n’ai vu que tardivement les notes de la traductrice de l’édition allemande ajoutées à la fin du roman. Celles-ci donnent d’utiles renseignements qui facilitent la compréhension et même si j’aurais apprécié de les lire plus tôt, elles étaient toujours bienvenues à la fin du roman. Mon conseil : N’hésitez pas à vous y référer en cours de lecture.

https://des-romans-mais-pas-seulement.fr/romans/un-fils-perdu-sacha-filipenko/
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Un fils perdu

Bon, je ne sais pas trop quoi en penser ! C’est assez convenu, il faut bien l’avouer. Le volet politique, la critique du satrape biélorusse et néanmoins poutinien suffit-il à en faire un bon livre. Question d’appréciation et de réglage de la balance. L’histoire n’est pas sans rappeler le film allemand qui reprend ce thème sur fond de chute du mur. Dans cette histoire, les amis de la victime s’efforçaient de lui cacher ce qui s’était passé, a contrario du livre. Bref, à choisir, je préfère le film, même si la comparaison est un peu oiseuse…
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