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EAN : 9782940628469
215 pages
Editions des Syrtes (16/01/2020)
3.71/5   7 notes
Résumé :
Dans ce deuxième roman traduit en français, l’écrivain biélorusse Sacha Filipenko raconte la traque d’un journaliste qui enquête sur un homme politique. Pour se débarrasser de ce gêneur le notable ne reculera devant aucune intimidation, puis devant aucun crime. Il lance à sa poursuite ses hommes de main et gagne son combat. Le journaliste est complètement isolé et démuni, malgré toute sa ténacité, son bon sens et son courage ; il est d’avance condamné, personn... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
La chasse est ouverte... sur un journaliste !
Comme chantait Guy Béart : "Le poète a dit la vérité, il doit être exécuté".

Le journaliste s'appelle Anton Piaty et il a osé écrire des critiques sur des abus grossiers par certains barons du régime du pays natal de l'auteur, la Biélorussie, où règne depuis le 20 juillet 1994, soit 28 ans, 10 mois et 9 jours, l'éternel Alexandre Loukachenko, potentat par la grâce de cet autre démocrate, son pote Poutine.

Le lecteur a droit à un glissement progressif dans l'horreur pour faire décamper Piaty définitivement à l'étranger : musique assourdissante dans l'appartement voisin de Piaty, loué pour l'occasion, qui met à rude épreuve les nerfs du journaliste, son épouse Arina et leur nouveau-né ; vol de l'ordinateur et archives du journaliste ; blâme de l'effronté scribouillard sur des chaînes de télévision aux heures de pointe ; intimidation déshonorante et honteuse d'Arina ; et même bien pire ....

Sacha Filipenko nous offre, à travers quelques personnages hautement représentatifs de ce monde d'oligarques liés au pouvoir central et donc tout-puissants, une vue de la triste réalité pour le commun des mortels, et les quelques rares opposants du système dictatorial et mafieux.

Un exemple : sur le net un détracteur du régime bienfaiteur s'est permis de lancer un message vide, qui a été "liké" par 250.000 suspects, qui seront bien sûr arrêtés.
Le juge qui, après un changement de la Constitution, assume en même temps la fonction d'avocat de la défense des inculpés, s'adresse au public en invitant ceux qui sont d'accord avec le châtiment suprême de ne rien entreprendre. Ceux qui estiment par contre que les inculpés doivent être sauvés, sont priés d'envoyer un message dans lequel ils ne doivent pas oublier de mentionner leur numéro de passeport.

L'idée de l'auteur de donner à son récit la forme d'une sonate est certainement originale et fort littéraire, mais complique légèrement la lecture de la narration. C'est à mon avis le seul bémol de cet ouvrage relativement court (216 pages), qui comporte de beaux textes de Nike Borzov, de la chanteuse russe Zemfira (exilée en France en 2022), de la chanteuse néo-zélandaise Lorde, etc.

Bref, Sacha Filipenko confirme dans "La traque" l'impression favorable qu'il m'a laissée par son roman "Le fils d'avant", que j'ai commenté ici le 3 décembre 2021.
L'auteur est jeune, 38 ans, et avec son talent sera peut-être un jour le second Prix Nobel littérature de son pays, après Svetlana Alexievitch en 2015.

Je termine par un extrait de la chanson "À l'Ouest" du groupe russe Center (cité à la page 98) :

"En 91, quand l'URSS s'est dissoute,
Les grandes personnes se sont partagé le pays à coups de flingues,
Et nous, on a eu la liberté, de la vodka trafiquée,
Des jeans délavés et de la musique dans des enceintes chinoises."
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Ma lecture récente des « Petrov, la grippe, etc. » d'Alexeï Salnikov m'a incitée à jeter un autre oeil dans le catalogue russophone des éditions de Syrtes et mon choix s'est porté sur « La Traque » de Sacha Filipenko. Judicieuse décision, si je puis m'autoriser cette autocongratulation qui ne porte guère à conséquence.
Comme son titre peut aisément le donner à penser, « La Traque » relate la persécution impitoyable d'un journaliste, Anton Piaty, dont le tort a consisté à s'en prendre aux intérêts d'un individu qui, mafieux camouflé derrière un Tartuffe aux convictions quasi sectaires, est devenu un personnage public ayant l'oreille du pouvoir politique.
Cette traque impitoyable captive à plus d'un titre. D'une part en tant que réussite narrative, car Sacha Filipenko a choisi un mode de narration très original, inspiré de la structure de la sonate, qui lui permet d'insérer des récits secondaires dans son récit principal et de lui donner une inéluctabilité formelle qui corrobore celle de l'intrigue.
Par ailleurs, la cruauté du sort réservé au protagoniste a de quoi fasciner elle aussi, non qu'on se délecte sadiquement de ce qu'il subit (d'autant moins qu'au fond, c'est avec Piaty que s'identifie le lecteur), mais parce qu'on a l'impression de mieux comprendre le fonctionnement des lynchages et le côté abominable de la psychologie des masses. Car si ce roman vise au premier chef le fonctionnement de la Russie actuelle, le lecteur y trouvera aussi nombre de situations caractéristiques de l'Europe occidentale contemporaine, en particulier en ce qui concerne l'influence délétère des réseaux sociaux.
Enfin, il y a des histoires de famille dans ce roman et leur développement contribue aussi beaucoup à l'intérêt que prend le lecteur à « La Traque ». L'opacité des individus les uns aux autres et le côté aussi poignant qu'inutile des confessions me sont apparus comme des richesses supplémentaires de ce court roman dont le petit nombre de pages n'ôte rien à l'écho qui n'a cessé de résonner en moi après que j'en ai tourné la dernière page.
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Ce court roman nous conte la persécution impitoyable d'un journaliste, Anton Piaty, dont l'issue est dès le début pressentie comme inéluctable. L'auteur a donné à son récit une structure originale, s'inspirant de la structure de la sonate. C'est sombre, toute la ténacité d'Anton ne lui sert à rien, il est seul, traqué, dans un monde où règnent la corruption et l'hypocrisie, où tout s'achète. Toute ressemblance avec un pays dont l'État a fait détourner un avion pour arrêter un opposant n'est sans doute pas fortuite.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Je vous vois exiger une peine sévère, mais en même temps, vous truffez vos discours de petits mots ineptes comme « pardon », « compréhension » et, j’ai même honte de le répéter, « amour » ! Nous sommes dans un tribunal, pas en plein milieu d’un soap opera. Je vous préviens : surveillez vos propos. Et encore une chose : je pense que la culpabilité de l’auteur du crime est établie. Il n’y a aucun doute là-dessus, la question est résolue. En outre, j’aurais voulu que vous ne perdiez pas de vue une circonstance aggravante : l’auteur du post incriminé ne l’a pas supprimé, ce qui a permis les partages et, du même coup, insidieusement incité les gens à propager le néant… Enfin, il s’agissait juste d’une remarque complémentaire. Ce qui m’intéresse, c’est autre chose : où passe la frontière entre le crime de l’auteur et les gens qui répandent cette saleté ? À titre personnel, je suis fermement convaincu que tous ceux qui ont partagé le message incriminé en deviennent de ce fait les auteurs.
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Avec le temps, nous avons mis en place un système plus ou moins scientifique. Quand une accalmie survenait dans l’appartement du journaliste, nous allumions la musique. Quand la gosse pleurait, nous l’éteignions. D’une façon ou d’une autre, le silence était banni de la vie d’Anton. Même sa fille œuvrait désormais en notre faveur.
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En publiant ce post, son auteur n’a pas seulement cherché à se moquer des croyants – ce qu’on aurait encore pu lui pardonner, parce que tous ici, nous sommes des gens bons et intelligents –, mais plus ignoble que tout, il a aussi voulu semer le néant dans le cœur de gens qui ne se sont pas encore solidement enracinés. Ce n’est pas juste un coup porté aux croyants, c’est avant tout une attaque contre notre jeunesse et notre avenir, dont les pays occidentaux ambitionnent de nous priver. Sauf qu’avec nous, ce tour de passe-passe ne marchera pas, Votre Honneur ! Nous allons nous les faire, ces avortons.
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Ce qui m’intéresse, c’est autre chose : où passe la frontière entre le crime de l’auteur et les gens qui répandent cette saleté ? À titre personnel, je suis fermement convaincu que tous ceux qui ont partagé le message incriminé en deviennent de ce fait les auteurs. Par surcroît, comme ce n’est pas un texte en tant que tel qui a été reproduit, mais le néant, ceux qui ont effectué un partage ne se sont pas contentés de prolonger le crime initial, ils en ont commis un nouveau. Nous sommes en présence d’un crime perpétré par un groupe d’individus.
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Quoi qu’il se passe dans le pays, que le pouvoir merde un peu ou beaucoup, il ressort de mes commentaires que c’est entièrement la faute des États-Unis. Voilà le leitmotiv de mon travail. Un travail pas trop salissant, disons-le franchement, de la fumisterie. L’Amérique est responsable de tout le mal de la planète. Peu importe que la tragédie survienne à Mourmansk ou à Ekaterinbourg: nul doute n’est permis, c’est exclusivement la faute de ces foutus Amerloques.
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Vidéo de Sacha Filipenko
Sacha Filipenko : écrivain biélorusse, lauréat du Prix russe. Vivre en dictature ?
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