Citations de Sam Savage (189)
Et tandis que de plus en plus de gens riches s'y installent, le quartier abrite de moins en moins de véritables artistes, tout en devenant officiellement de plus en plus "bohème", avec toujours plus de galeries, de restaurants et de boutiques branchés. Il semble poursuivre le but collectif inconscient de devenir cent pour cent bohème et à la fois cent pour cent aisé.
Les maladies ont un nom, elles ont été identifiées, je ne vais pas les citer. Ce n’est pas de maladies qu’il s’agit ici. A moins que penser constamment à la mort n’en soit une.
Je suis maintenant arrivée à un point au-delà duquel je pense qu'il n'y a aucune raison d'aller, il n'y en a pas d'autre après lui qui ait la moindre importance, je veux dire, que je puisse atteindre, prendre pour appui et sentir que je suis arrivée quelque part. Je ne sais pas où est passé le temps.
La seule littérature que je hais de tout mon âme est la littérature consacrée aux rats, souris comprises. Je méprise ce bon vieux Ratty dans "Du vent dans les saules". Je pissé à la raie de Mickey Mouse et Stuart Little. Si affables, si mignons avec leurs petites pattes, ils me restent en travers de la gorge comme de grosses arêtes de poisson.
« Dans les histoires,la vie a un sens, suit une direction. Même les plus stupides et insignifiantes, comme celle de Lenny dans « Des souris et des hommes », parce qu’elles s’inscrivent dans une histoire, acquièrent au moins la dignité d’être des Vies Stupides et Insignifiantes. La consolation d’être des références en quelque chose. Dans la vie réelle, nous n’avons même pas cela. …La seule littérature que je hais de toute mon âme est celle consacrée aux rats…Je pisse à la raie de Mickey et Stuart Little. Si affables, si mignons avec leurs petites pattes, ils me restent en travers de la gorge comme de grosses arêtes de poisson ».
Jerry disait toujours que les gens ne voulaient pas publier ses livres parce qu'ils avaient peur du message qu'ils véhiculaient. Moi, il me parlait vraiment et correspondait bien à ma vision de l'existence: chaque jour qui passe nous rend un peu plus faibles, un peu plus fous.
Pareil à un escargot, j'ai traversé la vie en laissant dans mon sillage une traînée luisante de peur.
Après tout ce que j'ai vécu, ma mort, quand elle viendra, sera très décevante.
De plus, il n'est pas nécessaire de croire aux histoires pour les aimer.
J'aime toutes les histoires.
J'aime l'idée de progression, de début, de milieu et de fin.
J'aime la lente accumulation d'éléments de compréhension, les paysages brumeux de l'imaginaire, les promenades labyrinthiques, les pentes boisées, les étangs réfléchissants, les revirements tragiques et les quiproquos comiques.
Nous n’avons jamais assez de temps pour calculer la somme de toutes nos folies.
Des petits diamants de transpiration brillaient sur sa lèvre supérieure. Je les ai bus un par un; ils avaient un goût salé. Mes lectures m'avaient appris que c'était aussi le goût des larmes.
J'ai la tête qui tourne un peu et je n'arrive pas à fermer l'oeil. Je reste allongé sur le canapé du salon. La lumière bleue qui baigne la pièce produit une impression de calme.
Ou alors je m'asseois sur la chaise rouge au milieu des cartons. C'est comme si j'attendais dans une gare, entouré de mes bagages. Je suis surexisté. Et je me demande : Mais où est donc ce fichu train?
Les réclames insultantes, agressives et brutales qui vous violentent à la radio et à la télévision : que des gens – les spectateurs, les auditeurs, ceux qu’il est convenu d’appeler les consommateurs de mass-médias – permettent qu’on leur parle, et même qu’on leur crie dessus, de cette manière est en soi le signe le plus répugnant, le symptôme le plus révoltant d’une maladie qui détruit non seulement ceux qui en souffrent et la répandent en tous sens sous la forme d’une épidémie professionnellement propagée, mais aussi tous les autres, des gens comme moi, qui sinon ne courraient aucun risque, et réussiraient parfaitement à s’en protéger.
J’ai toujours su que j’avais été traumatisé par la culture de mon enfance, qu’elle m’avait pratiquement détruit. Je la rendais responsable de mes malheurs, alors qu’en fait, je m’en rends compte aujourd’hui, c’est moi qui les empilais sur ma propre tête.
Quand on a faim, on est prêt à avaler n'importe quoi. Le simple fait de mastiquer, d'avaler quelque chose, sans nourrir forcément le corps, nourrit les rêves. Et les rêves de nourriture valent bien les autres - vous pouvez en vivre jusqu'à la mort.
Quant aux autres, ils pouvaient bien être remplis de terreur, courir se réfugier dans un coin, pris de sueurs froides, dès le danger passé, c'était comme si de rien n'était, ils se remettaient à trottiner le coeur léger. Et le coeur léger, ils avançaient dans la vie jusqu'à ce qu'ils se fassent aplatir, empoisonner ou briser la nuque par une barre de fer. Et moi qui leur ai survécu à tous, j'ai souffert mille morts. Pareil à un escargot, j'ai traversé la vie en laissant dans mon sillage une traînée luisante de peur. Après tout ce que j'ai vécu, ma mort, quand elle viendra, sera très décevante.
En fin de compte, je crois que je préfèrerais être Cole Porter que Dieu.
Tous les matins, Norman et moi lisions le Boston Globe. Nous le lisions de la première à la dernière page, y compris les petites anonces. J’étais au courant de ce qui se tramait dans le monde. Je suis devenu un citoyen bien informé, et quand un article évoquait le « grand public », je ressentais un petit pincement de fierté narcissique.
En Afrique, on a déjà vu des enfants manger de la terre en période de famine. Quand on a faim, on est prêt à avaler n'importe quoi. Le simple fait de mastiquer, d'avaler quelque chose, sans nourrir forcément le corps, nourrit les rêves. Et les rêves de nourriture valent bien les autres - vous pouvez en vivre jusqu'à la mort.
Dans les premiers temps, mon appétit était primitif, orgiaque, imprécis, goinfre – une bouchée de Faulkner ou une bouchée de Flaubert, je ne faisais pas la différence -, mais il ne m’a pas fallu longtemps pour discerner quelques nuances. J’ai tout d’abord remarqué que chaque livre avait un goût propre – sucré, aigre, amer, aigre-doux, rance, salé, acide. J’ai également constaté que chacune de ces saveurs – puis, au fur et à mesure que mes sens s’aiguisaient, que la saveur de chaque page, chaque phrase et finalement chaque mot – s’accompagnait d’une série d’images et de représentations dont je ne savais pourtant rien vu mon expérience très limitée de la prétendue réalité : gratte-ciels, ports, chevaux, cannibales, arbre en fleur, lit défait, femme noyée, garçon volant, tête tranchée, ouvriers levant les yeux aux hurlements d’un idiot, sifflet d’un train, rivière, radeau, rayons obliques du soleil dans une forêt de bouleaux, main caressant une cuisse nue, casemate dans la jungle, ou moine agonisant
Si des études littéraires servent à quelque chose, c'est bien appréhender le funeste. Par ailleurs, rien ne vaut une imagination foisonnante pour ébranler votre courage.