Citations de Shlomo Sand (135)
Les échos de l'ironie et de la tristesse, inextricablement mêlés, constituent la petite musique de fond d'un récit critique qui se penche sur les sources historiques et sur la praxis de la politique des identités en Israël.
Leur résonance tantôt ironique, tantôt mélancolique servira de cadre aux thèses centrales proposées dans ce livre, et le lecteur découvrira peu à peu leur relation, probablement dérangeante, avec elles.
La précision dans la description des situations et des rencontres présentées ici est aléatoire ; sachant que l'on ne peut se fier entièrement à la mémoire individuelle tant que l'on ne sait pas avec quelle encre elle s'écrit, autant les considérer, en partie, comme des récits imaginaires.
Quelques souvenirs vécus sont volontairement exposés au grand jour au début de cet ouvrage : ils constituent une sorte de tremplin utilisé par l'auteur dans sa quête d'une vérité, objectif dont il est d'ailleurs bien conscient du caractère illusoire.
L'expérience vécue se faufile toujours, plus ou moins dissimulée, dans les coulisses des écrits de recherche.
Ce livre n'est pas une œuvre de pure fiction ; il ambitionne d'être un essai à caractère historique.
"Une nation est un groupe de personnes unies par une erreur commune sur leurs ancêtres et une aversion commune envers leurs voisins." - Karl W. Deutsch
Aussi longtemps que les Etats-Unis, sous les pressions du lobby pro-sioniste (juif et évangéliste) et du complexe militaro-industriel, continueront de soutenir le status quo actuel et de donner à Israël le sentiment que sa politique est légitime et sa force illimitée, toute avancée vers un compromis significatif demeurera extrêmement problématique.
On retrouve cette dualité de valeurs dans la Déclaration d’indépendance, charte constitutive de l’État : d’une part, Israël devait respecter les exigences de l’ONU quant au caractère démocratique de l’État (Israël « assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe ; il garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture ») ; d’autre part, il devait correspondre à la vision sioniste qui avait amené à sa création (il était destiné à mettre en œuvre « le droit du peuple juif à la renaissance nationale dans son propre pays », c’est-à-dire à un « État juif en terre d’Israël »). Pourquoi une telle dualité ? C’est cette question qui doit maintenant être examinée.
En 1947, l’Assemblée générale de l’ONU vota à la majorité des voix la création d’un « État juif » et d’un « État arabe » sur le territoire qui portait auparavant le nom de Palestine/Eretz Israël. Des milliers de déracinés sans abri erraient alors à travers toute l’Europe, et la petite colonie de peuplement sioniste établie dans le cadre du mandat britannique était censée les absorber. Les États-Unis, qui, jusqu’en 1924, avaient accueilli de nombreux juifs du peuple yiddish, refusaient désormais d’ouvrir leurs portes aux rescapés brisés par le grand massacre nazi ; les autres États développés firent de même. Il leur était finalement beaucoup plus facile de proposer aux rescapés une terre lointaine qui ne leur appartenait pas pour résoudre le dérangeant problème juif.
L’histoire n’en est pas à une ironie près : il fut un temps en Europe où celui qui affirmait que les juifs, du fait de leur origine, constituaient un peuple étranger était désigné comme antisémite. Aujourd’hui, a contrario, qui ose déclarer que ceux qui sont considérés comme juifs dans le monde ne forment pas un peuple distinct ou une nation en tant que telle se voit immédiatement stigmatisé comme « ennemi d’Israël ».
Le racisme et le séparatisme juifs d'aujourd'hui ne résultent pas uniquement des persécutions et des souffrances subies; ils se nourissent aussi copieusement de mythologies et d'historiographies ethnocentristes qui, venues de loin, continuent de façonner la mémoire collective. Rares sont en Israël, hélas, les professeurs d'histoire qui assument cette fonction pédagogiques "à haut risque" : dévoiler les mensonges convenus sur le passé. C'est pourquoi il m'était de plus en plus difficile de continuer à vivre en Israël sans écrire ce livre.
- Les causes de tous nos malheurs, ce sont les juifs !
- Mais non, les cyclistes !
- Pour les cyclistes ?
- Pourquoi les juifs ?
Il jura doucement, en arabe bien sur.
La politique, qui a toujours comporté une dimension de mise en scène, s’est désormais transformée en grand spectacle dépourvu de toute dimension critique.
Apprendre la communication pour s’armer contre les médias dominants ce n’est pas une tâche principale de l’école et du lycée ?
La démocratie libérale représente l’ensemble de la société existant dans son cadre sur une base d’égalité totale entre ses citoyens,sans considérations liées à leurs origines ou à leur culture. Elle sert principalement de gardien des droits et des lois; son intervention dans les choix culturels de ses citoyens est faible et minimale ( la plupart des États anglo-saxons et scandinaves se rapprochent à des degrés divers, de ce modèle de régime). La démocratie républicaine ressemble à ce premier modèle en ce qui concerne l’égalité totale entre ses citoyens, mais elle intervient beaucoup plus dans la cristallisation culturelle de la collectivité nationale. Un état de cette sorte fait montre d’une moindre tolérance envers les sous-identités culturelles et s’efforce de les intégrer dans la culture nationale globale : la France constitue l’exemple le plus marquant de cette catégorie. La démocratie polysociale reconnaît officiellement les divers groupes culturels et linguistiques et favorise leur totale autonomie, tout en leur assurant une représentation proportionnelle égalitaire au sein du régime politique, assortie d’un droit de veto portant sur les décisions communes ; la Suisse , l’a Belgique et le Canada représentent l’application de cette forme de gouvernement. La démocratie pluriculurelle , en revanche institutionnalisé dans une moindre mesure la pluralité culturelle tout en la respectant, en s’efforçant de ne pas porter atteinte à l’intégrité des divers groupes et en accordant dans ce but des droits collectifs aux minorités, sans tenter de leur imposer intentionnellement, une culture dominante ; la Grande Bretagne et la Hollande peuvent être les principales illustrations de cette tendance. Les différents régimes de ce « catalogue « ont en commun un élément central ; ils se considèrent, même dans le cas de l’existence d’un Group culturel et linguistique hégémonique aux côtés des communautés minoritaires, comme les représentants de tous les citoyens de l’Etat. Pour Samooha , Israël ne peut être classé dans aucun des groupes ci-dessus, car il ne se regarde pas comme l’expression politique de la société vivant à l’intérieur de ses frontières.
J'ai été particulièrement impressionné par les tableaux de meurtres, Rubens, David, Delacroix... Saviez-vous qu'ils ont tous peint en détail des scènes de crime, comme s'ils étaient des spécialistes de la police scientifique?
- Non, je n'y ai jamais pensé.
- Je me dis que seuls les flics, les auteurs de polars, et peut-être les assassins, peuvent se montrer attentifs à ces tableaux.
On ne tue pas quelqu'un parce qu'un livre nous énerve. Certes, cela s'est produit au Moyen-Âge dans la civilisation chrétienne -Morkus venait de voir le film Le Nom de la rose-, mais dans le monde démocratique, si l'on aime pas un livre, on le jette, tout au plus, à la poubelle, et le lecteur vraiment retors en fait cadeau à un ami.
En tant que rejeton des persécutés qui sont sortis de l`enfer européen des années 1940, sans avoir abandonné l`espoir d`une vie meilleure, je n`ai pas recu de l`archange effrayé de l`Histoire la permission de renoncer et de désespérer. C`est pourquoi, afin de hater d`autres lendemains, et quoi qu`en disent mes détracteurs, je continuerai d`écrire des livres semblables a celui dont vous achevez la lecture.