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Critiques de Rivers Solomon (167)
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Les Abysses

Cette enthousiasmante histoire a l'audace de s'emparer avec une originalité folle de la tragédie de la traite négrière. Lors de la traversée de l'océan Atlantique, les négriers balançaient par-dessus bord les femmes enceintes. Dans le roman, les bébés à venir naissent sous l'eau avec la capacité d'y respirer comme ils le faisaient in utero entourés de liquides amniotiques. Sauvés par les baleines, ils sont à l'origine d'un peuple sous-marin, les Wajinrus, qui a construit une civilisation à l'abri des abysses.



Ce n'est pas Rivers Solomon qui a imaginé cette histoire fantastique. Tout est expliqué dans la postface signée Daveed Diggs, membre du groupe de hip-hop Clipping. Dans les années 1990, le groupe de techno Drexciya a inventé un mythe afrofuturiste autour d'une civilisation sous-marine, repris par Clipping dans son single The Deep, ajoutant des paroles à la base instrumentale de Drexciya. Jusqu'au roman de Rivers Solomon qui propose à son tour sa version de la mythologie initiale, complétant le récit de la chanson, utilisant les mots du refrain «  Y'all remember », en amplifiant le sens pour en faire un élément fondamental de son univers fictif.



Rivers Solomon a construit un très beau personnage pour nous guider dans cette civilisation. Yetu est l'historienne des Wajinrus. C'est la dépositaire de six siècles d'histoire. Elle doit rassembler les souvenirs ancestraux de chaque Wajinru pour permettre à ceux-ci de vivre sans eux. C'est à elle de supporter la douleur du passé jusqu'au rituel annuel du Don de mémoire, où elle doit renvoyer les souvenirs avant d'en reprendre le fardeau. Jusqu'à ce qu'elle craque sous le poids de la mission, se révolte et fuit à la surface de l'océan, vers le monde des Deux-Jambes, celui des hommes.



Les Abysses est un conte, une fable, une parabole. Tout y est allégorie. La réflexion sur l'ambiguïté de la mémoire est très intelligemment menée, à la fois bénédiction et malédiction. le souvenir peut maintenir une culture en vie mais la pratique du souvenir ritualisée de la brutalité passée peut empêcher la vie, nourrir la colère sans se projeter sur un futur constructif. le propos est limpide et débouche sur la thématique de l'identité avec deux choix opposés : se replier sur un communautarisme identitaire ou s'ouvrir à l'altérité dans l'acceptation de la différence, quitte à prendre des risques.



J'ai été fascinée par la poésie des parties sous-marines du récit et la clarté des images qui s'imposaient à moi. Moins par les parties terrestres très naïves, lorsque Yetu rencontre le monde des hommes comme Candide découvre la dure réalité du monde. le récit, est très court mais les informations contemporaines surabondent ( écologie, notions de genre, racisme ) trop pour être traités en profondeur, se juxtaposant en couches sans être totalement embrassées, me laissant une bizarre impression de frustration alors que ce conte est totalement cohérent et très riche. J'avais vraiment besoin de plus de romanesque ou d'un supplément de complexité pour ne pas être laissée sur le quai dans la deuxième moitié du récit.
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L'incivilité des fantômes

Racisme, violence, esclavage, idéal religieux, mysticisme, tout est bon pour asservir un peu plus le peuple tout en le faisant travailler dur. Matilda, cet immense vaisseau spatial qui a fui le désastre sur notre planète, il y a un millier d’années, fonce vers une destination hypothétique tout en assurant son fonctionnement et son approvisionnement grâce au travail des hommes et des femmes maintenus en infériorité.



C’est grâce aux Explorateurs de l’imaginaire de Lecteurs.com et aux éditions Aux Forges de Vulcain que j’ai pu lire et sentir mon cœur palpiter avec L’incivilité des fantômes, un roman de science-fiction qui a de bonnes résonances avec ce que vit notre monde aujourd’hui. Rivers Solomon, pour son premier roman, réussit une belle performance et c’est bien qu’elle ait été éditée rapidement en français dans un livre très agréable à prendre en mains, grâce à ses deux rabats cartonnés. C’est un bel objet avec une couverture aux visages bien énigmatiques.

Aster, une jeune femme, fait partie des Bas-Pontiens, ceux qui sont cantonnés dans les bas-fonds de Matilda. Elle ne se laisse pas faire, soigne, guérit, aide les autres, découvre de nouveaux médicaments dans son botanarium, grâce à ses plantes. Elle a un ami précieux, Theo, le Général-Chirurgien. Ils s’aiment mais n’en ont pas le droit même si Theo l’emploie comme assistante.

Giselle, l’amie d’enfance d’Aster, a tellement subi de violences qu’elle frise la folie mais révèle une intelligence précieuse qui aide Aster à retrouver les traces de Lune, sa mère, qu’on dit morte à sa naissance.

Ce passionnant roman de science-fiction m’a fait vivre des moments intenses et souvent frémir devant la violence omniprésente des gardes toujours prêts à cogner, à violer. Aster et Giselle n’hésitent pas à les défier et en subissent de terribles conséquences.

Malgré tout ce qui se passe, les drames, les privations et cette espèce de dictateur sanguinaire, nommé Lieutenant, qui arrive au pouvoir, ma lecture a été sous-tendue par un espoir ténu, souvent mis en péril et… je n’en dirai pas plus.



Je n’oublie pas de saluer le traducteur, Francis Guévremont, qui a réussi une belle performance en trouvant des mots incroyables pour désigner, en français, une quantité d’appareils, de produits comme l’eidolon, le siluminium ou encore transcurviogétique, physiomatique ou aviotologiste mais Aster est alchimiticienne. Bref, des mots que nous ne connaissons pas encore…
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Les Abysses

Je n’ai sans doute jamais lu un roman aussi riche, en si peu de pages.



Les abysses est un roman fantastique, dans toutes les acceptations du terme, à tel point qu’il en devient une histoire universelle, une mythologie en peu de mots, créée par un écrivain qui maîtrise la métaphore comme personne.



Imaginez et laissez vous transporter par la parole de Yetu, historienne torturée. Elle fait partie des Wajinrus, peuple marin qu’on peut assimiler aux sirènes (moins éloigné des hommes qu’il n’y paraît), et qui descend des femmes noires enceintes jetées par-dessus bord des navires esclavagistes. Elle raconte son histoire, tout comme celle de sa tribu.



200 pages, ça paraît court, et pourtant ce récit est incroyablement immersif (sans mauvais jeu de mots), prenant, poignant. Intellectuellement et émotionnellement enrichissant au possible.



Pas étonnant qu’il ait été remarqué par plusieurs prix prestigieux (finaliste des Hugo Awards, finaliste des Nebula Awards, finaliste des Locus Awards, lauréat des Lammy Awards).



C’est une histoire tout en nuances que nous propose Rivers Solomon, à lire entre les lignes. Métaphorique, mais toujours d’une étonnante clarté et distillant un nombre incroyable de thématiques. Au point d’en rester souvent bouche bée devant tant de clairvoyance, avec l’envie de surligner nombre de passages du texte, encore et encore.



Ce livre est d’une telle force émotionnelle, poétique et d’évocation qu’il est à conseiller au plus grand nombre. L’aspect fantastique n’est qu’un prétexte pour faire réfléchir sur des sujets profonds et ressentir des troubles face à ceux du personnage principal (et par ricochet ceux de son peuple).



Il y est question (entre autre) du devoir de mémoire. Une idée poussée dans ses retranchements, parce que le poids du passé peut être la source d’une douleur indicible. Les conséquences des actes des générations antérieures ont toujours des répercutions.



La vie peut être fardeau, par son passé, par sa manière d’être soi. Rivers Solomon raconte aussi la différence, prône la tolérance. L’auteur/trice est une personne transgenre qui sait sans doute parfaitement ce qu’impliquent ces notions. Et arrive à en nourrir son héroïne de manière déchirante.



Malgré les apparences, Les abysses est un roman dense, évocateur d’un folklore, empli de réflexions pertinentes et d’une grande sensibilité.



Rivers Solomon nous fait nous pencher sur notre monde, ses racines. Mais aussi sur l’amour possible malgré l’impossible, sur le respect, sur l’appartenance… Et tant d’autres choses qui rendent cette fiction à la narration originale aussi unique, et intimement universelle.



Tous les lecteurs pourront y trouver leur compte, ce n’est pas le moindre des exploits de ce roman étonnant.
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Sorrowland

Acclamée dès son premier roman, l'excellent L'incivilité des fantômes, Rivers Solomon avait enfoncé le clou un an plus tard avec Les Abysses.

Comme toujours en France, ce sont les éditions des Forges Vulcain qui nous offrent aujourd'hui son troisième ouvrage avec l'ambitieux Sorrowland, pavé de plus de 500 pages où Solomon convoque une fois de plus ses fantômes et les fait remonter du plus profond des abysses humains.

Coup de génie ou déception ?



Dans la forêt

Une jeune femme court dans la forêt. On ne sait ni où elle se trouve ni ce qu'elle fuit, mais Vern doit bientôt marquer le pas pour mettre au monde son premier enfant. Hurlant est né. Viendra ensuite Farouche… puis les loups… et le Démon qui la poursuit. Vern recommence immédiatement à fuir dans la nuit, elle fuit une communauté où elle a vécu une grande partie de sa vie : le domaine de Caïn. Femme du gourou Sherman, Vern a décidé de ne pas se laisser maintenir en servitude, elle a décidé de désobéir et de se révolter toujours.

On apprend rapidement que le domaine de Caïn est une communauté noire séparatiste qui rejette toute influence du monde blanc extérieur. Caïn est un nouveau paradis pour les Noirs et leurs enfants. du moins, il est censé l'être.

Sous son vernis racial, la secte n'en reste pas moins une secte. Ses membres sont ligotés la nuit pour d'obscures raisons, on pratique le mariage forcé et le gourou a bien entendu les pleins pouvoirs. N'oublions pas non plus certaines tortures et autres joyeusetés afin de punir vices et péchés à l'encontre de certains adeptes forcément pervertit par les Blancs. Vern, elle, n'est pas comme les autres. Et pas seulement parce qu'elle est une femme intersexe noire et albinos, non. Mais parce que Vern ne veut plus subir, elle ne veut plus être dominée par qui que ce soit. Elle souhaite mettre au monde des enfants véritablement libres, loin des contraintes et des châtiments.

Malheureusement, après quelques années passées dans la forêt, Vern doit se rendre à l'évidence, elle doit retrouver le monde extérieur pour mettre de la distance entre elle et le culte de Caïn…et tenter de trouver des réponses aux terribles changements corporels qui l'affligent !

Elle fait alors la connaissance d'une autochtone, Gogo, qui va à la fois l'aider à survivre mais également à accepter qui elle est vraiment.

Rivers Solomon parle dans son introduction d' « États-Unis imaginaires » mais, soyons clairs d'emblée, Sorrowland se déroule bel et bien dans notre monde réel, à quelques complots près. de ce fait, Sorrowland est certainement le roman le plus ancré dans le réel comparativement à ses éminents prédécesseurs. Solomon retrouve son penchant science-fictif de L'incivilité des fantômes et le mixe avec le fantastique des Abysses.

Le résultat est pour le moins surprenant et tout à fait passionnant dans son premier tiers, porté par la plume incisive et revendicatrice de son autrice. Mais dès la seconde partie et l'irruption de Vern dans le monde extérieur, les choses se gâtent…



Overdose intersectionnelle

Si vous avez suivi la carrière de Rivers Solomon jusque là, vous savez à quel point ses romans sont engagés et puissants.

C'est naturellement le cas de ce Sorrowland.

Malheureusement, Solomon se laisse déborder et, à force, loupe la plupart des thématiques qu'elle tente de défendre. En effet, le roman parle bien évidemment de la cause Noire et de liberté sexuelle, notamment confrontée à l'homophobie presque traditionnelle du domaine de Caïn.

Mais l'histoire ne s'arrête pas là et l'autrice tente de parler dans le même temps d'acceptation de son propre corps, de « coming of age », de colonisation, des peuples autochtones, de parentalité, d'altérité, de révolte, de misogynie et de patriarcat, d'abus sexuels et même de la question du VIH…

C'est l'overdose !

En voulant parler d'autant de choses dans une intrigue aussi fine et bancale, Solomon étouffe une bonne partie de ce dont elle veut parler. Ainsi, le sous-texte sur le passif colonial des États-Unis et la souffrance des autochtones à travers le personnage de Gogo passe très mal. Cette dernière semble davantage là pour faire office de faire valoir aux revendications de Vern que pour parler des véritables malheurs qui accablent son peuple. Il en résulte un propos superficiel et maladroit, pour ne pas dire opportuniste, et qui sonne totalement faux et creux après la lecture d'un grand roman comme Les Femmes de North End de Katherena Vermette. Il en sera de même d'ailleurs pour les rapports entretenus par Vern et ses deux enfants, Hurlant et Farouche, qui sont souvent sacrifiés sur l'autel d'une histoire complotiste mal amenée. Après 250 pages plutôt réussies, Rivers Solomon révèle que la transformation mycélienne de son héroïne ne doit rien au hasard mais cette révélation qui arrive comme un cheveu sur la soupe ne repose très longtemps sur rien d'autres que la parole de Gogo. Mal exploitée et mal mise en place, cette idée avait pourtant énormément de choses pour plaire, notamment dans ce qu'elle permet d'établir comme lien entre les ancêtres de Vern et elle-même, et cette écho tendu entre le monde humain et le monde végétal.

Tout se passe comme si Solomon n'arrivait pas à cadrer ses idées et que le tout bouillonnait tant et si bien que le récit lui-même finissait par s'y brûler.

Une déception au regard de ce premier tiers aussi envoûtant que fascinant et qui promettait beaucoup plus au lecteur, dans une atmosphère quasi-horrifique capable de réutiliser à merveille des mythes sinistres comme celui des Docteurs de la Nuit.



Accepter qui l'on est

Si l'on arrive cependant à passer outre un récit souvent trop facile qui se repose beaucoup trop sur des ressorts fantastiques peu crédibles pour asseoir son complotisme science-fictif, Sorrowland offre encore pas mal de belles choses de la part de son autrice. À commencer par le personnage de Vern elle-même, magnifique figure de jeune fille qui ne sait plus qui elle est.

Au cours de l'histoire, Solomon charge le poids du fait religieux et la culpabilité qui s'implante inconsciemment en Vern. C'est le chemin de l'acceptation de sa propre sexualité et, au-delà, de sa propre identité qui s'avère la plus grande réussite de ce roman et qui permet aussi de redorer le blason terni de Gogo qui, cette fois, trouve une véritable existence dans cet amour libérateur.

De même, Sorrowland incite à se méfier des faux-prophètes et montre de façon intelligente que la manipulation de causes nobles peut finir dans l'extrémisme et le fanatisme le plus total. Que parfois, sous les oripeaux du nouveau monde se cache le retour dans les ténèbres du passé.

Le passé occupe toujours une très large place dans le récit de Solomon.

La figure du fantôme, omniprésente chez la britannique, s'incarne même ici littéralement par les « hallucinations » de Vern. Des hallucinations qui blessent mais qui épaulent aussi, qui soignent et qui effraient. En un sens, c'est aussi le message sur le poids du passé qui sauve Sorrowland. Si l'expérience mycélienne semble tirée par les cheveux, elle permet de mettre en lumière les atrocités commises sur des femmes noires par le passé, faisant écho elles-mêmes aux autres expérimentations médicales abominables de l'Histoire récente de l'humanité. le corps, motif récurrent pour ne pas dire primordial chez Solomon, est un enjeu central. C'est son bouleversement ou sa profanation qui transfigure l'être, en bien ou en mal. C'est aussi lui qui, souvent, devient un enjeu politique et religieux. Dommage que Rivers Solomon ne s'applique pas mieux dans ces thématiques et qu'elle préfère s'investir à fond dans une intrigue bancale et trop superficielle.



Sorrowland avait le potentiel d'être tellement plus s'il choisissait d'en faire moins (et mieux). Affaibli par un cheminement narratif bancal et souvent grossier, le roman de Rivers Solomon peine à trouver ses marques et se noie dans ses multiples revendications intersectionnelles qui, à force de s'empiler les unes sur les autres, finissent par s'étouffer mutuellement. Reste le talent de l'autrice pour les personnages marquants et meurtris, mais cela est-il suffisant ?
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Les Abysses

Ne lisez pas les quatrièmes de couverture.



Je répète (et c’est la dernière fois hein !):



N.E L.I.S.E.Z P.A.S. L.E.S Q.U.A.T.R.I.E.M.E.S D.E C.O.U.V.E.R.T.U.R.E



Voici plutôt mon quatrième de couverture personnelle :



Yetu se souvient … Elle est l’historienne d’un peuple qui vit dans les abysses.

Elle se souvient et le passé est douloureux.

L’histoire est traumatisante alors ils ont tout confié à l’historienne et oublié.

Mais une fois l’an, ils empruntent de nouveau les souvenances du passé.

Mais pour Yetu, le fardeau est bien lourd à donner et à reprendre



Bien mieux que de dire d’entrée de jeux “alors ce peuple est issu des …”, n’est-ce pas ?

Dévoiler la fin empêchera un nombre bien trop grand de lecteur de commencer cette lecture au prétexte de “ça parle de …”



Le livre parle beaucoup et avec brio de mémoire, de passé.

Sous couvert de récit, il pose de bonnes et vastes questions.

Devons-nous nous souvenir ?

Même si le passé est traumatisant ?

Devons-nous vivre dans l’oubli ?

Devons-nous déléguer le travail de mémoire, de conservation à d’autres ?

Avec Yetu, le cas est extrême (oubli total et un seul porteur de mémoire), mais sommes-nous si différents ?

Je ne pense pas.

Pour prendre mon cas personnel, j’ai lu récemment quelques brillants livres sur le nazisme et j’ai trouvé que l’on avait oublié.

Certes. Nous n’avons pas oublié les dates, les évènements les plus importants, quelques noms, quelques lieux, …

Mais que savons-nous du terreau ? De l’époque ? Des “valeurs” de la société, peu de choses vraiment.

On a oublié à quel point la société européenne fut un milieu de darwinisme social, de colonialisme.

Un terreau fertile.

La plante vénéneuse fut coupée. Mais l’humus est encore là… Et cette connaissance du passé est tellement mal répartie, peu ou mal visible, mal reconnue.



Je m’égare, mais c’est la preuve que c’est un excellent roman fantastique.

Un roman dans un univers “fictif”.

Un univers qui est tellement le nôtre ou pour être honnête le leur.

Celui de ceux qui ont été et sont victimes de ce commerce.

Quoi de mieux que les abysses pour ressentir un peu ce qui fut et ne devrait plus être.

Jamais.
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Les Abysses

Ce roman m'a été offert pour Noël et la très belle couverture représentant une sirène nageant au milieu de chaînes m'a enthousiasmée. En survolant les commentaires sur Babelio, j'ai vu la phrase de PostTenebrasLire disant de ne surtout pas lire la quatrième de couverture. Dommage, je l'ai vu trop tard !

A mon tour de vous dire de ne surtout pas lire le résumé qui même très court donne trop de renseignements sur le contenu du roman. Laissez-vous emporter par le texte de Rivers Solomon et vous découvrirez comment le peuple des sirènes a vu le jour.



*

Terriblement immersif. Dès les premières lignes, l'auteure nous emmène au fin fond de l'océan, dans les abysses, créant une atmosphère de ténèbres, de froideur et d'oppression. Là vivent les Wajinrus, le peuple des sirènes.

De leur passé, ils n'ont aucun souvenir. Seule, l'historienne est détentrice de l'Histoire de son peuple. Héritant des souvenances de ses ancêtres, cette sirène est essentielle à la survie de son peuple.



« Il me semble inconcevable qu'un peuple choisisse délibérément de se priver de son histoire par peur de souffrir. La douleur donne de l'énergie, elle nous illumine. C'est le fondement même de l'existence. La faim nous fait manger, la fatigue nous fait dormir. La douleur nous fait crier vengeance. »



*

Yetu est une historienne, elle a été choisie pour être le réceptacle vivant de la mémoire de son peuple. Elle recueille ainsi tous les souvenirs d'hier et d'aujourd'hui pour libérer son peuple d'un passé traumatisant, trop lourd à supporter.

Toutes ces voix, ces milliers de morts, toutes ces histoires, merveilleuses comme insoutenables, encombrent son esprit. Trop tourmentée, trop sensible, trop révoltée, elle ne supporte plus ces souvenirs douloureux qui prennent possession de son esprit, la désoriente, l'isole des autres.



Quel est ce passé si lourd à porter ? N'est-il pas une trop grande torture pour un seul être ? Trop de douleurs ne peuvent-elles pas être partagées ?



*

Une fois par an, l'historienne confie L Histoire des Wajinrus à son peuple. Un soulagement de seulement trois jours. Après elle devra à nouveau endosser ce fardeau si lourd à porter.

Son envie de vivre, d'être libre, va-t-elle lui faire commettre l'irréparable ? Je vous laisse découvrir le secret des origines des Wajinrus et le destin que se choisit Yetu.



*

Ce roman est plus complexe et plus profond qu'il n'y paraît à première vue. La construction, mélangeant passé et présent, permet d'entrelacer plusieurs thématiques : celle de l'oubli, de la mémoire, du poids des souvenirs douloureux, de l'importance de son histoire, de la quête d'identité, de la difficile transmission d'un passé traumatisant aux générations suivantes.

Il est aussi question d'écologie, de respect de l'océan.



*

A la fois poétique et plein de rage, Rivers Solomon déploie un talent évident à nous décrire cet univers abyssal et à nous interroger sur notre héritage et l'impact sur nos vies. Un roman intrigant, original, et agréable à lire, même s'il me manque un petit brin de quelque chose d'indéfinissable, l'envie d'en savoir plus sur ce peuple, l'envie d'aller plus loin dans ces questionnements.



Ce roman fantastique peut séduire un plus large public par ces messages et ces thématiques contemporaines. Ne vous laissez pas désarmer par le fait que cette histoire résonne du chant des sirènes.

Un auteur à découvrir pour vous faire votre propre idée.
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L'incivilité des fantômes

Bas-Pontiens, Mi-Pontiens, et Hauts-Pontiens : des humains rassemblés dans un bateau à ponts multiples, un immense vaisseau de milliers de personnes dérivant dans le cosmos, prétendument en quête d'une nouvelle terre à habiter. Errants dans une même galère, mais à échelons très différents puisque une ségrégation drastique règne : les Hauts-Pontiens sont les maîtres à bord , les Bas- Pontiens, à la peau noire « les Goudrons », réduits à l'esclavage. Les Hauts-Pontiens occupent les ponts supérieurs du vaisseau, les Bas-Pontiens sont en partie inférieure. 26 ponts en tout, 26 strates de « A à Z », chaque strate étant elle même divisée en quartiers dont les noms commencent par la lettre de leur strate : le pont « E » par exemple est constitué de différents quartiers comme ceux de l'Echo, de l'Etoile, ou de l'Emeraude, intitulés qui sonnent comme des bribes d'éléments d'un monde disparu pour les nouvelles générations peuplant un vaisseau en errance depuis plus de trois siècles.

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Une gigantesque machine possédant également des ponts agricoles portés par de puissants engrenages qui leur permettent de jouir tour à tour du « Petit-soleil » pour faire pousser les récoltes.

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J'ai été fascinée par la description de ce vaisseau colossal, sorte de microcosme hélas totalement représentatif du mélange d'inventivité et de cruauté de la nature humaine. Aster, notre héroïne nous parle ainsi de son monde, de ce vaisseau « Le Matilda », p 290 « Elle toucha le métal du doigt. C'était froid. Matilda avait peut-être été une femme, autrefois. Une géante même. Elle était peut-être morte de froid, dans le grand vide de l'espace, et ils avaient creusé un trou à l'intérieur de son cadavre, qu'ils avaient ensuite rempli de toutes sortes de trucs, et c'était peut-être pour cette raison qu'elle était si froide. Une femme géante, évidée, seule dans le vide céleste, et en elle de minuscules colons, toujours en train de jacasser. »

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Souvent dans les dystopies, le ressort narratif est le même : Un événement fait que le narrateur pose un regard de moins en moins naïf sur les rouages du monde qui l'entoure. Il découvre et critique ce monde en même temps que le lecteur, qui est prit par la main dans cette satire d'un monde qui ne fait que ressembler au sien pour mieux mettre en évidence ses travers. Rivers Solomon se distingue nettement de ce schéma éculé, et donne ainsi du dynamisme à son récit : Aster ne prend personne par la main, on découvre le monde dans lequel elle évolue de façon très directe et crue, et on en comprend les subtilités –ou pas- sans qu'elle nous mâche le travail. Elle en connaît déjà tous les rouages, les injustices, la cruauté, les enjeux, à nous de nous accrocher à son sillon. Une héroïne puissante, dont j'ai apprécié la compagnie, les émotions, la nature, de petites choses parfois, qui m'ont parlé (p25, une femme s'adresse à Aster :) « vous êtes une de des personnes qui doivent oublier le monde entier, reprit-elle. Vous ne pouvez faire qu'une chose à la fois. Nous, par ici, on a un mot pour ça, pour les femmes comme vous. Intyéfa. La femme intérieure. Vous vivez dans votre tête, et quand vous en sortez, ça fait mal, comme si on vous donnait des coups de bâton ».

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Les personnages de l'auteurice sont à la fois puissants et fragiles, du fait de leur singulier rapport à la norme qui les laisse en marge de l'ensemble de la collectivité : Giselle et ses « coups de folie », Aster et Théo malgré des organes reproducteurs définis par la nature, ne se reconnaissent pas en tant qu'  « homme » ou « femme » tels que la société le définit. Leurs interactions sont exprimées avec subtilité et émotion. La question de l'identité est traitée sans poncifs, et en effet, « qu'est ce que l'identité d'une personne, sinon un complexe ensemble de mimétismes ? » (p310)

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Décor soigné pour des interrogations humaines et universelles. Quant à l'intrigue, elle m'a captivée : L'incivilité des fantômes qui peuplent le vaisseau des ponts les plus inférieurs, âmes entassées au fur et à mesure des générations, gagnera-t-elle Aster ? Sera-t –elle assez forte pour se faire enfin entendre ? Où et comment se nourrir d'une lueur d'espoir dans un monde aussi clôt, étouffant et impitoyable que celui où elle évolue ?

J'ai été en tout point séduite par l'aura de ce roman comme par quelqu'un qui nous apparaît charismatique tout en restant énigmatique. Où est-ce parce qu'il reste énigmatique qu'il est attirant ?

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Les Abysses

Toutes les grandes histoires ont un début.

Pour Les Abysses, l’histoire commence avec Drexciya, un duo techno-électro de la ville de Détroit composé de James Stinson et Gerald Donald.

Drexciya invente à travers sa musique une fascinante mythologie : imaginez que les esclaves africaines jetées par dessus bord des bateaux négriers aient donné naissance à un nouveau peuple marin capable de construire leur propre civilisation et de bâtir petit à petit une nouvelle utopie ?

Bien des années plus tard, en 2017, le groupe de hip-hop Clipping — composé de Daveed Diggs (que vous pouvez suivre dans la série Le Transperceneige), William Hutson et Jonathan Snipes — exhume le mythe Drexciyien à l’occasion d’un épisode science-fictif de l’émission de radio This American Life. Le résultat : la chanson The Deep qui remporte dans la foulée le prix Hugo de la meilleure présentation dramatique.

L’histoire aurait pu s’arrêter là mais c’était sans compter sur l’arrivée de l’autrice Rivers Solomon qui transforme la chanson en un roman court du même nom et qui débarque aux éditions Des Forges Vulcain sous le titre français Les Abysses.



Le poids d’un Peuple

Dans son premier roman, le fabuleux L’Incivilité des fantômes, Rivers Solomon imaginait la course du Matilda, un immense vaisseau spatial divisé en ponts à la façon d’un gigantesque navire et qui séparait ses occupants selon leur classe sociale (comme dans Le Transperceneige) et leur couleur de peau. Guidée par Aster, personnage transgenre noire et autiste, le lecteur découvrait l’horreur de la suprématie des riches blancs à la façon de l’esclavage de jadis transposé dans un cadre futuriste.

Roman sur le racisme, L’Incivilité des fantômes était aussi, et surtout, un roman sur l’importance de la mémoire et de la quête du souvenir à travers l’enquête d’Aster autour du suicide de sa mère, Lune.

Quoi de plus naturel que de retrouver Rivers Solomon impliquée dans l’aventure transgénérationnel autour de l’oeuvre de Drexciya ?

Les Abysses raconte en moins de deux cent pages l’histoire de Yetu, Historienne du peuple des Wajinrus, descendants-sirènes des enfants d’esclaves jetées à la mer car trop encombrantes et improductives.

Par le truchement d’une intervention fantastique de l’océan (ou d’un Dieu caché en son sein), les bébés voués à une mort certaine s’extirpent du ventre des mères-martyres pour devenir des êtres amphibies recueillis par des baleines jusqu’à la prise de conscience de l’une d’entre elle, Zoti, sur la nécessité de rassembler ce nouveau peuple et de lui offrir une mémoire de ce terrible passé.

Race hermaphrodite/intersexuée, les Wajinrus éprouvent différemment l’individualité et le rapport aux autres. Dans cet univers radicalement autre, Yetu, dernière Historienne en date, se charge de recueillir en elle toutes les souvenances des Wajinrus passés. Réceptacle de la souffrance de tout un peuple, Yetu restitue son savoir lors de la cérémonie du Don de Mémoire où tous les Wajinrus se réunissent pour revivre leur naissance et leur histoire tourmentée. Mais Yetu n’en peut plus, Yetu a mal, Yetu est seule, Yetu veut vivre…et elle décide de quitter la cérémonie en cours de route en abandonnant aux autres Wajinrus son fardeau mémoriel.



Qu’est-ce que la mémoire ?

Les Abysses, contrairement à ce que laisse penser son nombre de pages congru, est un roman dense et extrêmement riche.

Son noyau central, c’est ce peuple des Wajinrus et son rapport à la Mémoire, aux souvenirs (appelés souvenances) et à l’Histoire en général.

Rivers Solomon témoigne de l’holocauste noir pour réfléchir sur son apport aux jeunes générations et à tout un peuple.

Le travail de mémoire n’est pas traité ici de façon manichéenne et unidimensionnel, il est multiple, ambiguë, contradictoire, éreintant, libérateur et poignant.

Qu’est-ce que la mémoire ? Voilà la question posée par Les Abysses.

Au lieu d’asséner une réponse lisse et toutes faites, Rivers Solomon montre le beau et le laid, la douleur et la colère, la solitude et le partage.

Pour Yetu, la mémoire est un fardeau, une malédiction, la source d’une souffrance sans fin que d’être le réceptacle de l’Histoire de tout un peuple traumatisé et martyrisé. Que faire de ce poids ? Comment gérer toute cette souffrance quand, à quatorze ans, vous en recevez toute la violence sur les épaules d’un seul coup ?

Rivers Solomon réfléchit sur l’impact de l’Histoire sur les jeunes générations qui la découvrent, sur la solitude et l’horreur que cela peut entraîner si ce passé devient une ancre que l’on ne partage pas, qui nous entraîne vers le fond.

Définir la mémoire prend du temps à Yetu, et bien des peines.

Que devient un peuple qui ne vit que dans le passé ? Et, au contraire, à quoi peut aspirer un peuple qui oublie d’où il vient ?

Le choc des idées offre au roman une force de réflexion protéiforme impressionnante où le lecteur comprend que le besoin de se souvenir n’est pas une chose aussi évidente qu’on ne le pense.

Par l’intensité de sa réflexion et sa transposition à un peuple imaginaire (mais hautement métaphorique), Rivers Solomon dépasse le simple cadre de la cause Noire et parle de tous les peuples qui ont du, un jour, affronter l’horreur du génocide. Du juif à l’arménien en passant par le tutsi et l’amérindien.

Les Abysses parle d’abord de ça, de vivre avec son passé, de le partager et d’en faire une chose constructive et non destructrice.

Une chose qui fera grandir et non mourir.



Un seul Monde

À côté de ce travail sur la mémoire, Rivers Solomon présente une espèce radicalement différente, les Wajinrus, et pourtant si proche des « deux-jambes » dont ils sont issus. Dans Les Abysses, comme dans L’Incivilité des Fantômes, c’est un personnage au genre non défini qui nous accompagne et qui découvre que le monde extérieur peut violemment le rejeter pour ce qu’il est. En rencontrant Suka, Yetu éprouve une chose unique et précieuse : l’acceptation.

« Je voulais dire, vous êtes comme nous » lui dira Suka surprise par la possibilité du langage chez cet étrange poisson qui s’est échoué sur la côte.

Rivers Solomon glisse son lecteur dans un corps différent mais qui ne constitue pourtant pas un obstacle à l’amour ou à l’humanité.

Dans Les Abysses, c’est le fait de communier à l’échelle de l’humanité entière qui ouvre la bonté des uns et des autres, c’est le fait de briser les barrières pour faire cause commune et comprendre que l’autre, malgré ses différences physiques ou culturelles, nous ressemble.

Une tolérance qui permet d’exister et de souffrir moins. De vivre même.

C’est le côté organique et sensible des sentiments qui traversent le roman qui rend Les Abysses si intense. Yetu n’est pas seulement une Historienne pour les Wajinrus, c’est le symbole d’un passage de flambeau, d’une nouvelle ère de réconciliation et d’ouverture. Le symbole que tout peut changer.

Entre les lignes, le lecteur verra également un couplet écologiste dans Les Abysses, sur ces « deux-jambes » infâmes qui viennent voler les ressources des Wajinrus en les décimant, ces « deux-jambes » qui n’arrivent pas à coexister avec la Nature mais veulent la posséder, la dominer.

Mais surtout, entre les lignes, c’est une histoire d’amour pudique et sincère au-delà des apparences que suivra le lecteur. La rencontre de deux personnes accablées par le poids de la perte, du passé et de la responsabilité. Deux personnes qui ne savent plus si se souvenir est une malédiction ou un fardeau et si la vengeance amènera autre chose qu’un vide nouveau.



Avec Les Abysses, Rivers Solomon confirme.

Elle confirme son talent exceptionnel et sa sensibilité, son intelligence et son sens de la nuance. Roman fantastique dans tous les sens du terme, Les Abysses remue et renverse, comme un ouragan en plein océan, comme une façon de se souvenir et de mûrir sans mourir.
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Les Abysses

Yetu est une Wajinru, un peuple de sirènes. Loin des représentations glamours ou diaboliques que le monde occidental a forgé dans nos esprits, ces créatures-là descendent des bébés portés par des femmes destinées à l'esclavage qui ont été jetées par-dessus bord lors des traversées vers le Nouveau Monde. Les Wajinrus sont donc quelque part dans la mer au milieu de nulle part, ni ici ni ailleurs et n'ont pas de souvenirs dans leur majorité, à l'exception de Yetu qui a reçu le Don de Mémoire, qui la fait d'ailleurs atrocement souffrir.



J'aimais beaucoup ces idées présentées sur la quatrième de couverture et dans les toutes premières pages du récit. Les critiques positives dans l'ensemble avaient attisé mon enthousiasme, mais malheureusement cette lecture n'a pas du tout été à la hauteur des attentes que j'avais.



Si effectivement il y a beaucoup de bonnes idées sur le fond comme le rapport des individus à la mémoire, le lien entre corps et mémoire, l'aspect matriarcal de cette "tribu", la métaphore de la gestation de l'être humain dans le ventre de sa mère (l'eau des profondeurs de la mer) et bien d'autres encore, la construction du récit et l'écriture m'ont profondément ennuyée.



Cette écriture qui se veut imiter une certaine forme d'oralité proche des conteurs africains traditionnels donnent une dimension presque incantatoire au récit qui n'aide pas toujours à suivre le propos de l'auteur. Les dialogues ont quelque chose de très nébuleux comme des vagues souvenirs d'un rêve au réveil. Sur le papier, ces idées sont certes originales mais je n'ai pas trouvé cela agréable à lire. A mon goût il y a de quoi s'y perdre en tant que lecteur et on reste trop en surface des choses sans accéder réellement à la psyché profonde des personnages ni au fond des problèmes évoqués pour leur préférer des descriptions rapides de situations très générales qui ne font pas avancer le récit et n'emportent pas le lecteur. A aucun moment je n'ai été pas interpellée par les propos ou la mise en scène des enjeux abordés dans le récit.



Bref, ce fut une déception et c'est frustrant.
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Les Abysses

Je ne serais jamais allé naturellement vers ce type de roman. C’est à la suite de chroniques élogieuses glanées dans les magazines et sur mes blogs préférés que je me suis intéressé à son cas. Moi qui aime bien sortir de ma zone de confort de temps en temps, j’ai été gâté !



N’étant pas un adepte du genre SF, je suis rentré à tâtons dans ce texte. Mais très rapidement, j’ai été comme hypnotisé. Mon esprit est parti pour ce voyage dans les profondeurs, à la rencontre de ces créatures mystérieuses, à la fois si proches et si différentes de nous. Pris dans le piège, je l’ai presque lu d’une traite tant j’étais pris par l’atmosphère.



Cette aventure marine, aussi fantastique soit-elle, est chargée de métaphores et délivre plusieurs messages implicites. Il aborde de manière figurée l’appartenance à un groupe, l’acceptation de la diversité et les ravages écologiques, le tout en moins de 200 pages. La puissance du propos repose sur cette concentration d’émotions et de sensations.



En jouant sur les antagonismes entre les deux races (les Wajinrus, peuple des abysses et les deux-jambes, peuple de la terre), le livre se pose des questions quant à notre rapport au passé : Est-ce que l’on doit se servir de notre Histoire ? Est-ce que c’est notre passé qui nous construit ? Ou alors, est-ce que pour être soi-même, il faut se détacher de nos ancêtres ? L’auteure nous fait réfléchir sur la valeur de notre passé et l’impact qu’il a sur notre personne.



Je n’étais clairement pas un lecteur cible de ce type de conte mais la magie a fonctionné. Je suis tombé sous le charme de la plume poétique de Rivers Salomon. Elle m’a immergé dans son monde parallèle, loin des préoccupations quotidiennes et j’ai pris beaucoup de plaisir !
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Les Abysses

Une fois de plus, les critiques étaient unanimes, bourrées d’étoiles, j’avais donc très envie de découvrir ce roman fantastique qui parlait de mémoire, le tout sous couvert de métaphores et d’un univers peuplé de Wajinrus, un peuple de créatures sous-marine que l’on pourrait voir comme des sirènes (mais pas du port d’Alexandrie).



L’univers fantastique ne m’est pas imperméable, que du contraire, j’adore cet univers qui permet de nous parler de problèmes de notre monde sous couvert d’un univers qui n’est pas le nôtre, peuplé de magie…



Confortablement installée dans le canapé, un plaid sur les jambes, un chat reposant dessus, on peut dire que toutes les conditions étaient réunies pour que je passe un bon moment lecture.



Vous voulez savoir ? Je vous le donne en mille : je suis passée à côté de cette lecture d’une manière phénoménale, à tel point que je devais me promener dans les bois pendant que les personnages étaient sous l’océan. C’est vous dire mon décalage…



Le problème est survenu dès le départ, dès les premiers mots, les premières lignes et là, franchement, ça sentait déjà mauvais la future lecture foirée. Jamais je n’ai réussi à entrer dans cet univers, à me fondre dans les métaphores, à nager avec les Wajinrus, à ressentir leurs peurs, leur histoire, leurs codes…



Pour finir, j’ai sauté des paragraphes, puis des pages, et des pages et j’ai mis le cap sur la fin. Dommage pour moi, j’aurais mieux aimé apprécier le roman que de passer royalement à côté, mais c’est la vie.

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Soif de sang

🩸Chronique 🩸



« Généralement, quand on détruit l’ordre des choses, la nature aime bien rétablir l’équilibre. »



L’ordre. Quel ordre? Et établit par qui? Parce que l’ordre des choses c’est autant une illusion qu’un mensonge outrageant. L’affront que l’on fait à certain.e.s afin qu’iels se plient à leurs ordres, c’est une dinguerie. Prenez par exemple, une femme, noire, queer, et mettez-là, dans la dynamique du patriarcat. Imaginez-le juste un instant. Vous savez que cela va créer forcément du désordre. Parce que l’ordre des choses était faussé dès le départ. Mais si, d’un coup, vous lanciez tout cela, dans un imaginaire afrofuturiste, empreint de réalité magique, de forces obscures et d’ambiance gothique, peut-être que la nature pourrait bien donner quelques armes, à cette jeune femme, qui inverserait leurs ordres établis sur le sang et la poussière. Et si d’un coup, c’était elle, qui avait Soif de sang? En huit nouvelles, nous pouvons saisir l’amplitude extraordinaire que Rivers Solomon a dans les tripes, la force de frappe de ces coups de pieds rageurs quand elle est face à l’immonde, la morsure déchirante quand elle s’acharne sur le sensible. Bien sûr que l’amer surgit, que le poisseux ressort, que les fantômes renaissent. Car la douleur, il faut aller la chercher profond, la ramener illico presto dans la lumière, qu’importe les conséquences. Il faut y mettre ordre. Ordre mental, physique, politique. Faut bien tout ramener et en faire étalage. Et faut s’imaginer un monde meilleur ou la nature serait équilibre. Seule la science-fiction est capable de cela, et pourtant…



« La colère est une énergie. »



Ce qu’on oublie de dire, c’est qu’elle est bonne. La colère est une bonne énergie. Une très forte énergie qui surpasse même le corps ou la personne, mais elle apporte avec elle, bien souvent, une envie irrépressible de changement. Parler des ravages de l’esclavagisme, du racisme, du sexisme, forcément quand tu les subis dans ta chair, dans ton sang, dans ton environnement, ça implique de la colère dans tes paroles. Mais en parler, c’est résister. Résister pour faire entendre, voir, comprendre, dénoncer, enrayer, éradiquer ces pratiques haineuses. En cela, Rivers Solomon résiste. Il paraît que les dieux apprécient ceux qui résistent (p23), moi aussi, chère Rivers, j’apprécie cette force qu’il y a dans ta plume pour lutter contre ces fléaux. J’aime à te voir écrire ainsi. Ca m’a chamboulée de l’intérieur. La colère est contagieuse, mais aussi fédératrice. Je voulais les dents en tessons, le flux, la viande hachée, les pamplemousses. Qu’est-ce que la fureur peut viscéralement faire naître? Telle est la question qui nous pétrifie en ces pages. Je veux explorer ça, l’expérimenter. Avec ces nouvelles, j’ai pu me projeter dans une souffrance qui ne dit pas son nom, mais qui touche aussi bien le corps que l’esprit, et il ne faudra plus faire genre, qu’on ne savait pas, puisque les lieux sont hantés et parlent d’eux-mêmes…



« La plupart des douleurs ont une cause. Les inflammations ont une cause. Le corps ne convulse pas, ne change pas de forme sans raison. »



Sans doute, que remonter le long de sa douleur jusqu’à en trouver la cause, prend du temps, de l’énergie, une certaine déraison. Car en allant droit vers la souffrance, il faut encore l’affronter de plein fouet, mettre des mots sur des actes silenciés, se confronter à l’autre. Mais le courage et la détermination de Rivers Solomon pour dire, aussi intimement, aussi frontalement, l’horreur, c’était percutant. Une déflagration. Imaginez jusqu’à devenir autre, assoiffée de sang, vampire, il faut avoir traversé quelques enfers, en dedans, pour en comprendre l’urgence et la nécessité. Je suis absolument fascinée par la fureur et le talent de cette auteurice, et il va me falloir très vite découvrir ces romans! Parfois, il faut célébrer ce genre de rencontres épidermiques qui viennent te chercher dans le creux de la nuit, lui laisser de la place dans tes rêves, même si elle vient tout bouffer de leurs limites: vous en construirez de nouvelles, ensemble! Merci pour le rassasiement!



Je tiens à remercier très chaleureusement Babelio ainsi que les éditions Aux forges de vulcain de leur confiance et l’envoi de ce livre.
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Les Abysses

Un petit roman de science fiction très original, qui évoque la traite des Noires, notamment du fait historique terrible des négriers qui jetaient par dessus bord les esclaves noires enceintes.



En dehors du mythe fondé sur ce fait historique, j'ai bien aimé tout l'aspect sur l'héritage, le besoin de mémoire, le tiraillement entre se souvenir et souffrir, se souvenir mais se retrouvé coincé et écrasé par le poids de son appartenance, de son héritage au détriment d'une personnalité individuelle propre... J'ai apprécié ces différents points du vue autour de la mémoire, mais aussi du poids de l'héritage, qui doit être sûrement plus difficile à porter encore pour quelques peuples déracinés, oubliés.



Les Abysses portent bien son nom pour l'ambiance abyssale du roman, dans les ténèbres des océans, pour les créatures mythiques des sirènes et l'horreur réelle sur laquelle repose cette fiction.
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L'incivilité des fantômes

Rivers Solomon est un auteur montant sur la scène de l’imaginaire car doté d’une voix singulière et d’une patte d’ores et déjà clairement identifiable. D’œuvre en œuvre, il interroge les mécanismes du racisme et son ancrage dans la société tout en accordant une grande importance à l’histoire des noirs aux États-Unis, mettant impitoyablement en lumière les traces indélébiles laissées par l’esclavage et la ségrégation. De lui, j’ai déjà eu l’occasion de découvrir « Les abysses », un roman consacré à une espèce de sirènes nées d’esclaves enceintes jetées par dessus bord par les navires négriers et qui m’avait laissée un sentiment très mitigé, ainsi que « Sorrowland », un texte mettant en scène une jeune femme fuyant une secte avec ses deux enfants et qui m’avait bien plus enthousiasmée. Il fallait donc un troisième ouvrage pour trancher, et « L’incivilité des fantômes » fait incontestablement pencher la balance du bon côté. Premier roman de l’auteur, le récit appartient au registre de la science-fiction puisqu’il se situe dans un futur dans lequel la Terre, devenue inhabitable, a été désertée de ses habitants. Embarqués dans un vaisseau-monde, ces derniers errent depuis dans l’espace en quête d’une nouvelle planète et ont instauré à bord une nouvelle hiérarchie sociale particulièrement stricte. Les individus y sont divisés en castes qui dépendent du niveau dans lequel ils sont nés (les ponts sont désignés par une lettre, le A correspondant au plus élevé d’entre eux) : la classe dominante a ainsi élu résidence dans les ponts supérieurs où il fait bon vivre puisqu’ils sont dotés des plus belles infrastructures, tandis que, au fur à mesure que l’alphabet se poursuit, les conditions de vie dans les ponts inférieurs se font de plus en plus misérables. Aster, elle, habite sur le pont Q et est forcée de travailler à la récolte dans les champs artificiels du vaisseau. Sa couleur de peau et celle de ses sœurs d’infortune n’est évidemment pas pour rien à la place qu’elle occupe dans cette société profondément raciste et violente. L’un de ses rares plaisir réside dans ses interactions avec le Chirurgien, l’une des personnes les plus influentes du vaisseau et qui a accepté de lui apprendre la médecine. Déjà peu reluisant, le quotidien de la jeune femme est cela dit en passe d’empirer alors qu’un autre homme puissant qui l’a visiblement dans le collimateur semble décidé à lui faire définitivement courber l’échine.



Le roman frappe par la violence à la fois réelle et symbolique qu’il met en scène. La couleur de peau de l’héroïne et de son entourage, tout comme les conditions de vie cruelles qu’on leur impose, incitent immédiatement le lecteur à établir un parallèle avec l’esclavage dont on retrouve ici les principaux mécanismes. Les personnages y sont privés de leur liberté puisqu’ils n’ont pas le droit de quitter le pont qui est le leur sans le laisser-passer adéquat ; ils se voient imposer un travail qu’ils n’ont pas choisi et auquel ils ne peuvent se soustraire ; ils doivent endurer la brutalité de gardes tout puissants ; et surtout leur vie est considérée comme négligeable en raison de la « sous-race » à laquelle ils appartiendraient. La contrainte physique y est évidemment couramment exercée, ce qui donne lieu à des scènes difficiles, mais le pire reste sans doute la violence tellement abjecte qu’elle ne peut être mentionnée directement. Aucune scène de viol n’est ainsi décrite dans le roman, et pourtant l’héroïne y fait de nombreuses allusions à demi-mots. Allusions qui nous permettent de comprendre qu’elle a déjà vécu ce traumatisme dans sa chair dès l’enfance, et que c’est également le cas de toutes les femmes qui vivent à ses côtés. Cette dépossession du corps occupe une place centrale dans le roman puisqu’il cause des dégâts irrémédiables chez certains personnages, obligés de vivre et de se construire avec le souvenir du traumatisme, mais aussi avec la conscience aiguë qu’il peut leur être de nouveau imposé à n’importe quel moment. C’est le cas évidemment d’Aster qui possède un caractère atypique, en partie forgé par les épreuves endurées depuis le plus jeune âge, et dont le métier de médecin nous permet de rentrer dans l’intimité des habitants du vaisseau. L’auteur nous donne ainsi à voir des victimes des conditions de vie déplorables qui règnent dans les ponts inférieurs, mais aussi des femmes devant affronter une grossesse non consentie, ou encore d’autres qui voient leur santé ravagée par le travail qu’on leur impose (les résidentes du pont Y sont en effet exposées aux radiations émises par le « petit soleil » qui alimente le vaisseau en énergie). Chaque consultation effectuée par l’héroïne se révèle ainsi fascinante car elle permet chaque fois de mettre en lumière un aspect différent de la vie sur le vaisseau, tout en donnant une voix et un visage et toutes celles et ceux considérés comme de la main d’œuvre servile par la classe dominante.



Le racisme, son fonctionnement et les drames qu’il entraîne, figure donc cette fois encore au cœur de la réflexion de l’auteur, mais il serait erroné de croire que le roman se limite à cela. Ce dernier repose en effet également sur une intrigue solide et bien rythmée qui nous réserve un bon nombre de surprises. En parallèle du quotidien d’Aster et de sa lutte pour se défaire de la surveillance de son puissant ennemi, on suit en effet la quête qu’elle livre pour déchiffrer les journaux intimes laissés par sa mère qu’elle n’a jamais connu, cette dernière s’étant officiellement suicidée le jour de sa naissance. Ces journaux constituent en effet la clé pour comprendre les raisons pour lesquels le vaisseau connaît des pannes de courant intermittentes venant dégrader encore plus les conditions de vie des ponts inférieurs, et pourraient même expliquer l’origine de la curieuse maladie qui s’est emparée du souverain du vaisseau. On suit avec le plus grand intérêt chacun des fils narratifs tissés par l’auteur, éprouvant autant de plaisir à voir l’héroïne décoder les messages laissés par sa mère qu’à assister à ses consultations ou à ses échanges avec le Chirurgiens, ou encore à tenter de protéger les personnes qui lui sont chères de la violence des gardes et du pouvoir. L’intérêt que l’on porte à l’histoire vient aussi directement de la personnalité d’Aster, une héroïne peu ordinaire qui paraît souffrir de ce qui s’apparenterait aujourd’hui à des troubles autistiques, la jeune femme peinant à saisir le sens non littéral des échanges qu’elle peut avoir avec les autres et manifestant certains tocs dont elle a besoin pour fonctionner.



L’étrangeté du personnage contribue à la rendre particulièrement attachante, et ce d’autant plus que cette différence engendre souvent des comportements inattendus, sources d’humour, d’admiration ou d’effroi (c’est selon) pour le lecteur. La jeune femme éprouve en effet des difficultés à se monter docile ou polie et, quand bien même elle connaît les conséquences de ses actes, elle éprouve ainsi régulièrement le besoin de réaffirmer son droit à se déplacer ou à disposer de son corps comme elle le souhaite. Ces petits moments de révoltes font naître un sentiment d’exultation puissant chez le lecteur, ce qui permet de mesurer le degré d’intensité de l’immersion que nous offre ici River Solomon. Les autres personnages sont tous aussi ambivalents et, bien que plus ou moins présents en fonction de l’évolution de l’intrigue, ils possèdent tous une humanité et une profondeur qui les rend touchants. Cette complexité qui est la leur se manifeste notamment par le biais de chapitres au cours desquels ils deviennent brièvement eux-mêmes narrateurs et narratrices (quand le reste du récit est relaté à la troisième personne). Parmi eux, on peut mentionner Gisèle, l’amie d’enfance d’Aster, complètement détruite par les viols et les violences répétées et ayant adopté un comportement destructeur imprévisible, ou encore le Chirurgien, personnage dans un premier temps difficile à cerner car impossible à ranger dans les quelques cases étroites établies par le régime en place. Ce personnage en particulier, tout comme celui d’Aster, permet à l’auteur d’aborder la question de la différence et du décalage que peuvent ressentir certains individus par rapport à la place qu’on leur a attribué dans la société. Là encore le lecteur fait aisément le parallèle avec des sujets d’actualité tels que les ravages de l’homophobie ou de la transphobie. La position de l’auteur en ce qui concerne les genres est d’ailleurs assez singulière dans le roman puisqu’il présente comme une coutume propre à certains ponts de genrer tous les individus qui naissent au féminin, sauf s’ils éprouvent ensuite le besoin de changer. On a ainsi souvent l’impression que les ponts inférieurs ne sont peuplés que de femmes qui se retrouvent par conséquent totalement désinvisibilisées par le procédé.



Rivers Solomon signe avec « L’incivilité des fantôme » un premier roman coup-de-poing consacré à un vaisseau-monde errant dans l’espace et à une jeune femme tentant tant bien que mal se survivre au sein d’une société raciste et d’une violence inouïe. L’ouvrage séduit aussi bien par la qualité de l’aventure mise en scène que par celle de la réflexion menée par l’auteur concernant les mécanismes du racisme et ses effets destructeurs sur le très long terme. Le roman est de plus porté par une héroïne inoubliable au profil original, ainsi que par une galerie de personnages complexes et touchants. A lire absolument.
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Sorrowland

Troisième roman traduit de Rivers Solomon après les remarqués « L’incivilité des fantômes » et « Les abysses », « Sorrowland » reprend une partie des thématiques déjà évoquées dans les précédentes œuvres de l’auteur mais avec un cadre très différent. Pas de vaisseau spatial ni de cité sous-marine, donc, mais une petite communauté américaine vivant en autarcie et dont les membres appartiennent à la même secte : le Domaine béni de Caïn. Fondée sous l’impulsion d’un groupe nationaliste noir, celle-ci prône la séparation avec la civilisation des blancs et la nécessité de se reconnecter avec la nature et des savoirs-faire concrets dans le but de maximiser les chances des noirs de survivre. La religion y occupe une place omniprésente, aussi le soin de la communauté est-il placé entre les mains du révérend Sherman qui commande à l’ensemble des habitants du domaine. Parmi eux figure Vern, une jeune femme qu’on a justement marié au révérend mais qui, depuis toujours, refuse de se soumettre et de se plier aux règles de la communauté malgré les nombreux rappels à l’ordre. N’y tenant plus, Vern, enceinte et presque à terme, va finalement se décider à fuir le domaine pour trouver refuge dans la forêt environnante. Elle y mettra au monde deux petits, des jumeaux, qu’elle va tout faire pour garder en vie tout en tâchant de les maintenir à l’écart de l’influence grandissante de la secte qui l’a vu naître. Si « Les abysses » m’avait laissée un sentiment mitigé, « Sorrowland », lui, m’a totalement conquise. L’auteur nous plonge dès les premières pages au cœur de l’action, avec cette jeune femme fuyant un prédateur invisible tout en mettant au monde ses petits, et cette angoisse qui nous étreint dès les premières pages ne nous quittera plus jusqu’à la conclusion de l’histoire. La tension est permanente, ravivée en permanence par l’attitude constamment sur le qui-vive de l’héroïne ou par des scènes brutales qui font voler en éclat le sentiment de sécurité éprouvé brièvement par les personnages. Difficile par conséquent de lâcher le livre une fois entamé, celui-ci ne souffrant que de peu de temps morts qui sont finalement bienvenus tant certains passages s’avèrent émotionnellement chargés.



L’auteur va rajouter à son récit un soupçon de fantastique et de SF qui va donner un peu de sel à l’intrigue. Vern subit en effet de profondes transformations physiques au fur et à mesure de son périple. Transformations qui lui causent des douleurs insupportables mais décuplent sa force et sa capacité à se régénérer. La nécessité vitale pour la jeune femme de comprendre ce phénomène constitue, au-delà de la simple survie, le vrai fil conducteur du récit puisque c’est cela qui va l’obliger à renouer avec son passé. L’histoire du Domaine béni de Caïn est en effet trouble, de même que certains usages rythmant le quotidien des habitants et avec lesquels Vern a toujours été en opposition. L’auteur laisse fuiter ses révélations au compte-goutte, et celles-ci vont souvent de paire avec la survenue de scènes d’action spectaculaires que ne renierait pas un blockbuster. Mais là où le roman est le plus intéressant, c’est en ce qui concerne les thématiques qu’il choisit de mettre en avant. L’auteur aborde ici un grand nombre de sujets, certains plus frontalement que d’autres qui, bien que traversant tout le roman, ne sont évoqués qu’en sous-texte. C’est le cas par exemple de la violence de la colonisation envers les populations autochtones aux États-Unis, un sujet qui n’est abordé que marginalement mais qui imprègne pourtant le récit à travers l’image qu’on se fait de ce pays qui n’est jamais vraiment nommé mais qu’on identifie pourtant immédiatement. Le racisme, et le sort infligé aux millions d’Africains réduits en esclavage en Amérique, est évidemment omniprésent, comme c’était déjà le cas dans les deux précédents romans de l’auteur, puisque la métamorphose de l’héroïne s’accompagne de visions sanglantes liées au sort réservé aux populations noires aux États-Unis, et ce à différentes époques. Certaines scènes sont par conséquent difficiles à lire par la violence qui s’en dégage, qu’elle soit physique ou morale. D’autres, en revanche, sont pleines de tendresse et permettent un relâchement bienvenus sans qu’on ne puisse pour autant taxer l’auteur de la moindre mièvrerie. J’ai pour ma part été assez sensible aux références littéraires (Ursula Le Guin, par exemple, dont on retrouve ici de jolis extraits) de même qu’à la subtilité avec laquelle l’auteur tente de déconstruire certaines de nos représentations. C’est le cas, entre autre, avec le genre, puisque le sexe des jumeaux (jumelles ?) est volontairement passé sous silence, ce qui permet de se représenter les personnages sans qu’aucun stéréotype ne vienne interférer.



La relation entre Vern et ses jumeaux étant au cœur de l’intrigue, la question de la maternité apparaît également comme centrale et est abordée avec beaucoup de sensibilité. L’amour que porte l’héroïne à ses enfants et sa conscience aiguë que leur survie repose, dans un premier temps, sur ses seules épaules sont communicatifs. On passe ainsi une grande partie du roman avec au creux du ventre un sentiment d’urgence, le même que celui ressenti par Vern lorsqu’elle se voit contrainte de laisser momentanément ses petits. L’auteur livre d’ailleurs une réflexion intéressante sur la construction du rapport entre parent et enfant, les valeurs qu’on veut leur transmettre, le poids de l’éducation qu’on leur donne… Vern est en effet une mère atypique qui, parce que totalement seule et avec pour seule représentation un modèle qu’elle ne veut pas reproduire, se sent libre d’élever ses enfants de la manière qui lui semble la plus appropriée, sans aucune pression sociale d’aucune sorte. La relation qu’elle tisse avec ses enfants est par conséquent un peu déstabilisante mais surtout très touchante dans la mesure où, au-delà de toutes considérations d’ordre éducatif, l’auteur parvient à décrire avec justesse et délicatesse la profondeur du lien qui peut unir un parent et ses petits. Les autres relations que l’héroïne tisse avec les personnages sont également très intenses, y compris avec ses adversaires. L’auteur fait d’ailleurs le choix de mettre presque exclusivement en scène des femmes, principalement noires, ce qui lui permet évidemment d’aborder de façon plus intimiste l’ensemble des thématiques dont j’ai déjà fait mention. Toutes font l’objet d’un traitement soigné et parviennent, à un moment ou un autre du récit, à nous toucher, que ce soit par leur force, leur bienveillance, ou la tristesse de leur sort.



Rivers Solomon signe avec « Sorrowland » un très bon roman qui, à travers la lutte d’une femme pour sa liberté et celle de ses enfants, met en lumière des aspects sombres de l’histoire des États-Unis. L’auteur alterne avec succès entre scènes d’action spectaculaires et moments intimes bouleversants, une combinaison qui rend difficile pour le lecteur de se résigner à reposer l’ouvrage une fois celui-ci entamé. Une très belle découverte, donc, que je vous recommande chaudement.
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Sorrowland

Voilà quelques mois que j’ai lu ce livre maintenant et il m’est toujours impossible d’en dire tout le bien que j’en pense tellement il est foisonnant et intense.

Aujourd’hui encore je suis incapable de vous résumer l’histoire.

Alors pour faire simple…

Pour fuir la secte où elle a été élevée, Vern une jeune fille noire albinos, trouve refuge dans la forêt. Oui mais voilà, Vern est enceinte de sept mois, et seule dans les bois, elle donne naissance à des jumeaux Hurlant et Farouche, qu’elle aimerait élever à l’abri de l’influence du monde extérieur. Mais Vern est pourchassée par un monstre pour avoir échappé au Domaine de Caïn, le complexe religieux isolé qui la tenait captive depuis sa plus tendre enfance.

Cachée en pleine nature, elle fait la rencontre de Gogo qui va lui venir en aide. Et entre l’Afro-Américaine et l’Amérindienne une belle complicité va naître. Oui mais voilà ! Vern observe les changements étranges en son sein. Elle développe des pouvoirs extra-sensoriels. Pour comprendre la métamorphose de son corps, Vern doit enquêter car la jeune femme veut alors découvrir la vérité sur sa propre nature et sur cette communauté sectaire afin de protéger ses fils. Elle veut tout connaître, des expérimentations médicales, des violences, des tortures, de la déshumanisation qui se pratique au sein de l’institution qui était censé la protéger !

Ce qui est dingue aussi ici c’est les diverses formes narratives que Rivers Solomon a pratiquées pour nous raconter son histoire. A la fois roman initiatique et récit d’apprentissage, ce texte de pure science-fiction est mené comme un thriller mais c’est aussi un récit fantastique et horrifique. Et c’est ce mélange des genres qui donne toute sa puissance à cette histoire.

De plus Sorrowland est peut-être avant tout un roman engagé, comme l’étaient les deux précédents titres de notre auteur-e.

Comme dans « L’incivilité des fantômes » son premier roman, il est question ici de révolte, d’esclavage, de racisme, de ségrégation. Et comme dans « Les abysses » on parle des fantômes du passé, d’histoires traumatiques.

Ainsi, au cours de la reconquête de ses propres ténèbres, Vern va apprendre que les monstres ne sont pas seulement des individus, mais des histoires, des systèmes et des nations entières.

Ici, il est questions de différences, de diversité, de minorité, d’altérité, de question de genre, de parentalité, de révolte, de colonisation, d’indépendance, de peuple premier, d’asservissements. Il y est aussi question de des faux-prophètes, du pouvoir des religions, de manipulations et de fanatisme. Quand l’extrémisme empêche les individus de se réaliser. On parle de liberté sexuelle, d’homosexualité féminine et d’homophobie.

Sorrowland condamne toutes les oppressions, exige le respect de chacun dans leurs droits à la différence et dénonce cette société binaire qui encourage le patriarcat et écrase les minorités qu’elles soient identitaires, sexuelles, culturelles ou dans leur singularité.

Je vous le disais Sorrowland est un roman foisonnant, riche, intense, tout comme l’est la plume vif et incisive et pourtant poétique de Rivers Solomon.

Au début du roman Sorrowland est l’histoire d’une jeune femme en colère et à la fin c’est toujours une jeune femme en colère mais elle a trouvé l’amour.

Bref si vous n’avez jamais lu Rivers Solomon, il est grand temps de la découvrir, si vous avez lu ses autres romans, celui-ci vous paraitra indispensable. Surtout qu’à mon avis c’est le plus abordable des trois malgré tous les thèmes de société abordés.

Ce qui est sûr voire certain c’est que Sorrowland me restera longtemps en mémoire. Ce qui est plus que certain c’est que sa jeune héroïne est de celles qui vous marquent à l’instar de Turtle dans My absolute Darling, de Betty dans le roman éponyme et aussi de Harley McKenna de Mon territoire ou encore de Duchess dont j’espère vous parler bientôt.

Donc attention coup de cœur et coup de point !

Sorrowland est véritablement de la trempe de ces romans qui vous marquent durablement !
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Les Abysses

"Les abysses", c'est un roman fantastique qui n'est pas très long à lire (220 pages), avec de bonnes choses mais qui fut pour moi une lecture en demi-teinte.

Tout d'abord ce que j'ai aimé, le sujet en lui-même et les thèmes abordés, en l'occurrence une histoire de sirènes, descendantes des esclaves enceintes jetées par-dessus bord de navires négriers lors des traversées des océans.

Très bon sujet, bien abordé et de manière originale.

Le thème de la mémoire et du passage de savoir qui m'a beaucoup plu également.

J'ai malheureusement eu plus de mal avec les personnages, notamment "Yetu" que je n'ai pas trouvé attachante, plutôt même égocentrique et agaçante.

Puis ce quelque chose qui m'a rendu la lecture parfois confuse, une désorientation dans la temporalité du récit, et ce malgré une plume agréable.

Je sais que c'est un livre qui a trouvé son public, et que si vous cherchez une histoire de sirène originale vous devez tenter cette lecture, en espérant que vous adhérerez plus que moi a la forme et aux personnages.
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L'incivilité des fantômes

Rivers Solomon se définit comme transgenre et utilise le pronom them/ils pour se désigner, ce qui sera donc utiliser dans cette critique

À l’exercice du premier roman, Rivers Solomon se lance dans une aventure spatiale où ils croise de façon savoureuse Twelve Years a Slave et Le Transperceneige. Auteur noir et transgenre, Solomon jette son dévolu sur une science-fiction humaniste et engagée qui utilise le prisme d’une science-fiction pauci-technologique pour parler de ségrégation, d’esclavage, d’intolérance et de genres.

Particulièrement remarqué lors de sa sortie aux États-Unis, L’incivilité des fantômes intègre l’excellent catalogue des éditions Aux Forge de Vulcain.

Un premier roman qui risque de faire parler de lui en cette rentrée littéraire 2019.



Le Transpercétoiles

Sur le Matilda, immense vaisseau spatial divisé en ponts (de A à Z), une partie de l’humanité a embarqué pour survivre à un cataclysme que l’on devine à travers les légendes et les mythes entretenus par les humains vivants à son bord.

À la recherche de la Terre Promise, la population du Matilda s’est divisée en deux : dans les ponts supérieurs, les haut-pontiens sont des riches blancs vivant dans un confort et un luxe que sont loin de connaître les habitants des ponts inférieurs. Les bas-pontiens, des hommes et femmes noirs, vivent comme des esclaves, entretiennent les champs des ponts agricoles, respectent un couvre-feu sévère imposé par la Souveraineté et endurent les sévices et viols réguliers des hommes de la Garde.

Parmi ces malheureux, Aster, une personne transgenre dont l’identité sexuelle n’est pas fixé, hysterectomisée et mis au ban de la société à la fois pour sa couleur de peau et pour l’inadéquation entre ses organes sexuels et ses caractères sexuels secondaires. Obsédée par le passé (et notamment par le suicide de sa mère, Lune), Aster est également une personne qui ne comprend pas le second degré et qui se calque sur des rituels et des habitudes particulièrement rigides. Autiste de haut niveau (probablement Asperger même si rien n’est dit clairement à ce sujet) mais également médecin des ponts inférieurs, elle entretient des relations particulièrement complexes avec les autres personnages du récit : Théo, chirurgien métisse et homosexuel des ponts supérieurs à la fois révéré et détesté, Giselle, compagnon de chambrée psychotique et amie-ennemie d’Aster et enfin Mélusine, nourrice et mère du substitution pour Aster.

Avec ces quatre personnages, le lecteur endosse donc le fardeau du dominé face à des blancs cisgenres esclavagistes et ultra-religieux.

Car au fil du temps s’est créé une religion bâtarde sur le Matilda où la notion de péché a, bien évidemment, été défini par des blancs puritains à l’encontre d’une population noire maintenue dans le froid, l’ignorance et le désespoir.

Malgré tout, Aster tente à la fois de reconstituer les pièces de son passé (et de découvrir le secret entourant la mort de sa mère et les mystérieuses coupures de courant qui paralysent le vaisseau) mais également de veiller sur les siens, régulièrement passés à tabac, violés et méprisés.



Définir son identité

Chose particulièrement difficile mais brillamment négociée par Solomon, l’abord de la transsexualité et, plus généralement, du transgenre ne vient jamais étouffer l’histoire elle-même en parvenant à fondre les personnages dans la masse au lieu d’en faire des exceptions lourdement soulignées.

À aucun moment Theo ou Aster ne sont vus comme en dehors de la norme, ils sont juste des habitants naturels d’une population de dominés qui sévit les brimades et les règles religieuses/sociales d’une caste de dominants dénués de pitié et d’humanité.

Le message sur la tolérance, subtil et particulièrement poignant, accompagne ici une démarche de libération d’un carcan de genre qui fausse les relations entre les passagers du vaisseau, encore davantage que leur simple statut social. L’amour entre Aster et Théo, surtout intellectuel de prime abord, renvoie parfois au fabuleux roman de Francis Berthelot, Rivage des Intouchables, et offre une nouvelle fois un plaidoyer pour le droit à la différence.

Pour combler cette incertitude, Aster s’investit dans une autre quête identitaire, celle de son propre passé. Confrontée aux mythes d’un vaisseau dont les habitants ont quasiment tout oublié du passé et où la technologie n’a ouvert la porte qu’à une régression morale écœurante, Aster décode les journaux de sa mère et reconstruit patiemment une assise historique à sa propre histoire personnelle. Régulièrement entrecoupée par des allégories et des contes, le récit nous parle finalement de la constance de l’esclavage et de la domination. Peu importe le lieu ou le temps.



Libérer son peuple

Éminemment politique (notamment à l’heure où Donald Trump qualifie la communauté noire américaine d’infection), L’incivilité des fantômes convoque de façon franche et assumée les spectres de l’esclavage et des plantations négrières avec ses contremaîtres, ses coups de fouet et ses brimades journalières. Si notre héroïne ne veut pas volontairement faire la révolution et renverser un système horriblement totalitaire, le lecteur se rend vite compte qu’une telle ségrégation ne peut que conduire au désastre et devra forcément se terminer dans le sang.

En retrouvant les pièces d’un passé pour le moins brumeux, Aster va réveiller la voix des fantômes et donner corps aux malheurs de ses ancêtres, comme le fait précisément Rivers Solomon dans ce roman science-fictif et allégorique. C’est par la connaissance et l’apprentissage que les choses évoluent…et par la révolte, forcément.

Pour renforcer l’humanité de son histoire, Solomon permet à Melusine, Théo et Giselle de prendre la parole au cours de trois chapitres.

La première nous parle de perte et de son évolution émotionnelle pour survivre face au mépris des autres, le second de la difficulté à exister dans un monde où l’on ne tolère pas l’homosexualité, la dernière des ravages psychologiques causés par des sévices perpétuels.

Pourtant, parmi les opprimés des bas-ponts, tous ne sont pas solidaires et, finalement, ce qui facilite d’autant plus la domination des blancs des ponts supérieurs, c’est assurément le temps passé par les opprimés à se disputer entre eux. L’union fait la force, comme toujours. Peu importe le genre ou la couleur, seule l’humanité compte au bout du voyage.



Magnifique premier roman, L’incivilité des fantômes use de la science-fiction de la meilleure des façons en condamnant intolérance, racisme et ségrégation. Rivers Solomon double son voyage spatial d’un voyage humain tout en peuplant son histoire de personnages particulièrement poignants pris au piège de leur peau et de leur vaisseau-prison.
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Sorrowland

Une forêt quelque part dans le Sud des États-Unis, une personne albino court seule et accouche d’un enfant noir, Hurlant, puis d’un autre aussi blanc qu’elle, Farouche. Le tout au milieu de loups et poursuivie par un démon. Dès les premières pages de Sorrowland, Rivers Solomon donne le ton : fantastique, horrifique, gothique, mais également bourré d’action, de scènes drôlissimes, de poésie et parfois de féerie. Avec son troisième roman, Rivers Solomon nous raconte l’histoire de Vern, analphabète ayant vécu toute sa vie sous l’emprise d’un culte séparatiste, ayant subi de multiples manipulations, tortures et horreurs comme tous les autres occupants du Domaine de Caïn et qui, mariée trop jeune a préféré s’enfuir à 15 ans pour y vivre dans les bois avec ses petits.

Au fil des mois, son corps changeant ne lui permet plus de rester loin de la civilisation et le démon veut la ramener au Domaine. Dans leur fuite, Vern et ses enfants vont comprendre peu à peu ce qui se cachait derrière l’apparente rigueur religieuse du domaine. Et du fantastique gothique, le roman bascule dans une science-fiction à la X-Files. En effet, avec Sorrowland, Rivers Solomon écrit une fois de plus un livre oscillant entre les genres, mais qui touche son lectorat droit au cœur et le prend aux tripes. Même s’il est relativement court (moins de 300 pages), vous ne le lirez pas d’une traite tellement ce texte est riche de sensations, d’informations et de sentiments.

Comme dans L’Incivilité des fantômes, Rivers Solomon à travers ses personnages interroge le genre, l’orientation sexuelle et la religion. Comme dans Les Abysses, le texte explore l’histoire des Noirs aux États-Unis, le racisme à leur encontre et certaines de leurs légendes (comme les docteurs de la nuit). Mais ce livre aborde également les différents mouvements de lutte qu’ils ont menés ainsi que la lutte des Premières Nations pour préserver leurs terres, et conserver leurs langues et leurs héritages. Le tout dans un monde très proche du nôtre, mais où certaines divergences se sont produites au cours du 20e siècle même si elles ne sont jamais clairement signalées. Pour autant, ce roman n’est pas un pensum militant. C’est avant tout un roman où la fuite et la quête de Vern laissent peu à peu place à de l’action et à un final dignes de Neon Genesis Evangelion. À la frontière entre Le Tour d’écrou d’Henry James, Charlie de Stephen King et Ring Shout de P. Djèlí Clark, Sorrowland vous marquera longtemps. Et avec ce troisième roman, Rivers Solomon confirme que son talent va crescendo.
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Sorrowland

J'ai découvert ce livre lors d'un de mes passages en bibliothèque, la quatrième de couverture narrant une jeune femme s'échappant d'une secte cela m'a tout de suite donné l'envie de lire celui-ci.



Malheureusement j'ai très vite déchanté car je n'ai pas du tout cru en ce que je lisais en effet Vern s'échappe en étant enceinte et de plus elle est poursuivie par une mystérieuse créature mais elle parvient à accoucher seule de jumeaux sans jamais se faire repérer, à se nourrir, nourrir ses enfants et tout cela durant un bout de temps.



Même si elle possède de superbes connaissances de la forêt dû au fait qu'elle est était des années dans une sectes et qu'elle connait donc pas coeur la forêt, les plantes etc de celle-ci.



Je me doute bien du côté fantastique du récit mais dés le début ici le côté crédibilité m'a perdu, encore plus quand Vern se rend par la suite en ville,qu'elle arrive à s'en sortir comme si de rien ne s'était passé.



Elle s’intègre tout de même formidablement bien pour quelqu’un ayant vécu à la marge de la société durant un bout de temps.



Même si le récit est bourré de thème plus qu'intéressant le racisme, le féminisme, l'homosexualité etc, je n'ai pas réussi à rentré dans cette histoire du début à la fin.
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