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Citations de Stéphane Vanderhaeghe (21)


Pour le moment tous étaient coincés ici, sous ce pont, dans ce camp de fortune au pied des tours, dans le roulement des pneus au-dessus d'eux, les klaxons, l'odeur d'essence et les vapeurs d'échappement, l'urine de chat et les rats. Ce qui était toujours mieux que le sifflement des bombes dans leurs ciels étrangers, la peur d'une descente en pleine nuit, le crépitement des kalaches et des uzis au coin des rues taillées dans la poussière. Ce qui était toujours mieux que les regards obliques qu'on vous dardait et l'humiliation inculquée à jets de pierres au motif d'être qui vous étiez, les menaces et les faits. Ici, on retrouvait le sourire, on gardait l'espoir et un sens de l'humour. Ainsi qu'une furieuse envie de baiser qui on voulait, parce qu'on restait jeune malgré tout.
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Elle préfère crever à petit feu dans la rue que de gagner sa vie en passant sous tout le monde et s'avilir à assécher les gonades de types en mal d'amour parce que si les mecs ils ont besoin de contact et de chaleur et d'affection, et elle alors ? tu crois qu'elle en a pas besoin elle ? et t'as vu sa gueule qui c'est qui voudrait lui bouffer le minou même contre un peu de fric, hormis Dédé mon cochon, et encore, Dédé il a mis les voiles sans même lui dire adios, la rognure, non Mel elle a plus grand chose à elle, mais ce qu'elle a elle le garde et dans ce qu'elle a, y a l'intégrité de son vieux corps fourbu-flapi-fragile, ce corps qui pue et qui suinte de partout mais qui lui appartient et qui lui appartient d'offrir à qui elle veut quand elle veut, ce corps moche et abîmé que maintenant plus personne ne convoite et c'est tant mieux parce qu'on le lui a volé, ce corps, on le lui a volé une paire de fois, pourquoi tu crois qu'elle crèche ici dans son local à poubelles, tu lui feras plus jamais mettre les pieds dans ces putains de foyers ou de centres ou tout ce que tu veux, plutôt crever t'entends - t'entends ?
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L'art non seulement ne sert à rien - et c'est précisément en ça qu'il est nécessaire, nécessaire et intrinsèquement politique : dans le renversement et l'enrayement qu'il opère des logiques productivistes - , mais l'art en outre ne sert rien ni personne, pas même l'artiste qui lui sacrifie tout. Et ça, qui peut l'accepter. Qui pour se satisfaire d'une telle absence radicale et incompromise, de mobile et de motif. Personne. Alors il fallait tuer l'art à la source et on a tué l'art à la source, condamnant l'artiste à survivre en milieu hostile, à jamais privé d'armes.
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Une route en ligne droite perdue, comme la rainure de cette double page, au milieu de champs qui se déploient de part et d'autre dans des camaïeux d'ocres sèches et de bruns tourbes. Les champs viennent pour la plupart d'être labourés et j'imagine de nets tracés vus du ciel, un quadrillage prêt à recevoir au-delà des marges glauques une écriture régulière et soignée, impeccablement rythmée de sillon en sillon.
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Il n'existe plus déjà lorsque la porte de l'immeuble claque derrière lui. Il ne reviendra pas en arrière, on ne l'arrêtera plus. Sa décision, si c'en est une, si ce n'est pas autre chose, est irrévocable, mûrie de longue date - pensée, anticipée, répétée.
Par lui ou par d'autres.
(incipit)
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Plusieurs témoignages, forcément anonymes, ainsi concordent et permettront de mettre la main sur "Carlotta", visage flouté, en compagnie de l'homme qui passera les vingt-huit minutes séparant ses deux apparitions sur les images prises dans la rue de la Monnaie. Là encore, il avait l'air "normal", vous savez Carlotta voit de tout et les repère à cent lieux les détraqués, lui, non, ce n'était qu'un pauvre type qui ne s'était pas soulagé depuis un bail, ce qui pour sûr était zarb il était plutôt beau gosse pas le genre a priori à lutter pour se dégotter une paire de jambe à écarter vous voyez ce que je veux dire quoi, bulle de chewing-gum qui éclate, peut-être qu'il sortait de prison ? Propre sur lui et tout, mais vous savez Carlotta voit de tout maintenant, du clodo qui passe et tente sa chance au tétraplégique, les pires sont les friqués, eux te demandent tout et n'importe quoi sous prétexte que ça s'achète et que le client est roi toussa-toussa, bulle de chewing-gum qui éclate, mais Carlotta s'en tape quoi, le leur suce, leur fric, s'il en ont trop, c'est vrai quoi c'est son boulot et à eux il leur en coûte toujours un peu plus qu'aux autres, Carlotta appelle ça distribution solidaire des richesses, ce qu'elle pompe aux uns elle ne le pompe pas aux autres, vous voyez ?
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Stéphane Vanderhaeghe
"Le sacrifice du roi" de Livie Hoemmel
Un roman qui je le crois peut vous intéresser
Pourquoi ? Une écriture hors des sentiers battus, et pour cause, l'écrivaine est un génie à part entière dans un autre domaine, mais un être supérieur intellectuellement. Je ne savais pas à quoi m'attendre, ce fut une révélation.
Judith Polgàr a été la première femme à défier les hommes pour le titre de champion du monde.
Je crois que vous allez être sensible, elle a sa patte.
Amicalement,
Astride
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Bref, on en était là aujourd'hui - incapable désormais de faire la part des choses, de distinguer les extrêmes, ni le chaos de la loi, ni le réel de la fable. La sécurité de la liberté (...) Alors on fermait sa gueule.
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Le lectans, dọnc, ne perde pas évisiọn que le textuel qu’il a sous les yeux a fait une munitieuse décompositiọn l’object ÷ c’est dọnc en sørte ce ..journal.. le dénégatif même que nous proposọns à la lectance aujourd’hui – les multiples lacunes-siennes, les béances, les blanches poches que nous avọns introductées dans les pages de suite témoignent d’un reste irréductile ε cọntrastent førtement avec l’orduratiọn visuelle de l’object øriginel telle que surmentionnée ε endurée pår son ..auteur.. Pour des ergonoraisọns, nous avọns pris cependans la décésure de ne pas détraver la lectance, en soi déjà périlleuse, pår des notes l’ajouxte. S’ils ne sọnt pas explicitement saignés, il nous a néanmoins fallu décéder certains choix – omissiọns pårfois, décritures à d’autres endroits – lørsque nous cọnfrọntiọns à des mots ou passages illectibles, soit pår le piætre étact dans quel se trouvait l’homanuscrit, soit à cause d’une écriture nọn-rechiffrable – ce ..journal.., déprécisiọn sans doute infructile tant elle påraĭct avide, mais l’avidence filtrée pår la distance hystørique parfois nous échårpe, fut édicté à la main, dans une graphie étrangære de plusieurs cycles vieillie -, soit encøre pår plusieurs procédés au cours de quoi l’homme avait ressemble-t-il attenté d’amender, encoder ou dissimuler sa cọnflictiọn certains élémens, ainsi qu’il s’en explique à plusieurs déprises.
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Un peu comme dans ces films où le héros piégé clame son innocence, prétend n’être que le jouet d’une intrigue ourdie depuis la marge, qui le dépasse mais en tous points l’accuse. Les conventions du genre font que je finirai bien par être blanchi – ce que je me dis.
Il y a toutefois dans tous ces « événements », avérés ou non, ceux d’hier et les autres, ce que jusqu’ici j’ai vu, fait cru, tu au gré de mes saillies, et dans le reste aussi, quelque chose qui d’emblée résiste au récit que j’en pourrais faire ; quelque chose qui plongerait presque la langue dans l’embarras (et quelque chose me dit que l’énigme tout entière se joue à mi-chemin de ce « presque » et du conditionnel), ferait trembler l’armature qui la guinde si elle n’apprivoisait la violence qu’elle invite et assourdit en son sein.
Je me rassure en me disant que tout ça n’a pas de sens.
Je me raisonne en me disant que je préfère encore le silence, l’injustice du non-dit au non-lieu.
L’imagination fait le reste, qui se nourrit de tout, même d’un rien.
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Pelisse sur le dos, elle arrive sous une pluie battante qui noie sur son visage les quelques traces d’émotion qu’on pourrait y trouver en d’autres circonstances. Quelque chose – un mauvais rêve ? un souvenir ? une info à la radio peut-être ? la météo ? – semble la préoccuper. Elle s’engouffre dans les allées qu’elle dévale les unes après les autres, son pas aussi décidé que jamais, mais la petite moue à coup sûr caractéristique figée sur ses lèvres témoigne d’une certaine distance aujourd’hui. Elle est là sans être là, on dirait, à l’instar de ces figurants qu’on emploie pour combler à l’arrière-plan les lacunes dans une histoire qui n’est pas la leur : s’ils s’efforcent de jouer leur rôle, puisqu’on le leur demande, ils aspirent néanmoins à d’autres récits écrits sans ambages à leur intention ; des récits non empruntés, peuplés de personnages sur mesure, comme taillés pour eux, qui leur ressemblent et qu’ils comprendraient. Dirigée par la rumeur, Léona mettra toutefois autant de cœur à l’ouvrage que s’il s’agissait de sa propre histoire – c’est une pro, qui en douterait ? Tandis qu’elle avance d’un pas précis dans les allées du cimetière, un chat réfugié quelque part à l’abri d’une stèle ou d’une autre, effrayé probablement par la résolution de ses mouvements et l’eau qui gicle à l’occasion sous l’air comprimé de ses semelles, soudain prend la fuite.
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Mél. tend le bras, attrape le gobelet posé à ses pieds près du bout de carton, jauge l’intérieur. Elle n’est pas dupe, sait très bien que sa petite entreprise est d’avance condamnée, tôt ou tard il lui faudra déposer le bilan et ressortir à d’autres combines, car lui donner une pièce c’est admettre qu’elle existe c’est pointer la faillite des politiques publiques ou ce qu’il en reste derrière les simulacres, et pointer cette faillite, c’est aller à contre-courant des dogmes en vigueur et les temps ont bien changé, ne fait plus la manche qui veut, faut un permis une autorisation des papiers faut se déclarer, tous ces arrêtés, CQFD. Ceux qu’il faut déloger. Mél. lève les yeux vers la caméra suspendue au lampadaire là-bas à l’angle de la rue. Dédé lui a dit qu’elle était H.S. celle-là. Ce qui ne l’empêche pas de rester sur ses gardes. Qu’est-ce qu’il en sait Dédé, d’abord ? D’après lui, d’après Dédé qui le tient de Deni, pas mal de ces foutues caméras sont factices, tout le monde le sait qui les a vues bourgeonner les unes après les autres, sécurité-oblige, et elles doivent leur efficacité au fait que tout le monde ignore lesquelles fonctionnent vraiment, lesquelles font semblant. Comment le père Deni il sait tout ça lui, Mél. n’en a fichtre aucune idée.
C’est pas le jackpot encore mais il y a là dans le gobelet de quoi aller se prendre un kawa quelque part et casser la croûte. Mél. vide la ferraille dans le creux de sa main, l’empoche ; le gobelet, lui, prend la direction de la poche gauche de son blazer. Qui le comprime, il en a vu d’autres. Elle glisse le bout de carton dans son cabas rayé, empoigne ses sacs où elle conserve ce qu’elle a de plus précieux, des babioles, des souvenirs, pas grand-chose en réalité, quelques vêtements, le contenu de ses sacs ayant surtout une valeur sentimentale plus que marchande, mais c’est sa façon à elle de ne pas perdre pied. Elle se relève, s’essuie le nez sur le haut de sa manche droite, tourne la tête, regarde à gauche puis à droite puis à gauche avant de traverser la rue comme on le lui a appris il y a bien longtemps, mais c’était dans une autre vie, ça, une vie qu’elle n’est plus sûre d’avoir vécue du reste, se demande parfois si c’était bien la sienne et si c’était bien la sienne comment cette vie l’a laissée choir et s’écraser comme la merde dorée de Médor sur le trottoir là-bas mais non, Mél., t’engage pas sur ce terrain tu vas encore attraper des boutons ma vieille, et sans réfléchir elle transfère le cabas dans l’autre main pour libérer celle-ci et la diriger maintenant vers son entrejambes qu’elle râpe et ratisse du bout des ongles, pourvu que Dédé ne lui ait pas refilé un truc, merde, ce serait bien sa veine, elle avance, traîne ses sacs, tranche dans sa grasse épaisseur la foule hypnotique des passants qui s’écartent sur le trottoir, des fois qu’elle soit contagieuse, et dévient de la trajectoire les menant droit à peu importe.
À pas prudents, Mél. se dirige vers Oumar, planté aux avants-postes du Market +. Il la voit venir, pincement de lèvres désabusé, hochement de tête, allez allez, par ici ma belle.
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L’être est un verbe déclinable à souhait qui copule à tous les modes, à tous les temps, à tous les airs ; c’est à s’y perdre, et on s’y perd, on ne sait plus qui est qui, qui fait quoi dans l’affection et les bruits usés qui parviennent déformés.
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Mais demain pour l’heure est encore une fiction, comme hier au demeurant, pour moi qui suis désormais condamné à ce présent capricieux dicté par l’écriture. Demain ou le jour d’après ne sera jamais rien d’autre qu’une entrée vide dans ce journal, une ultime page vierge pour un temps différée et provisoirement biffée par des mots impuissants, un futur grammatical sans contenu. Pour le reste, on verra demain – précisément
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Ils sont trois ou quatre, peut-être plus. À becqueter, déchiqueter – à broyer ces restes propitiatoires d’un reste éviscéré de, bientôt incrustés dans l’asphalte.
Ce spectacle n’a rien d’exceptionnel en soi. Ils s’en donnent à cœur joie, chacun leur tour dans leur patience docile de communiants. L’un d’eux, c’est l’image que j’en garde, relève la tête et me voit. Foncer sur lui, droit, sur eux. Je crois –
Il est posé légèrement en travers de la route au milieu de ses congénères. Deux yeux noirs cinglants qui sur une tête à ressort s’effacent derrière la dague, sur moi pointée, autour de laquelle s’entortille un lambeau sanguinolent.
J’y lis une interrogation. Une invite. Un soupçon.
Dans ce silence un oracle.
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On devine leur présence comme une ombre sur des pas, une rumeur qui enfle mais n’éclate jamais, sourde et pesante, anodine peut-être, mais peut-être pas. Demain, les rats. Ils rampent en traînant le ventre, grattent et rongent, déchirent-dévorent, remuent dans les entrailles de la terre, remontent les canalisations, fouissent dans les immondices d’une civilisation qui est aussi un peu la leur. Il se murmure ici-là que Dieu créa le rat à l’image de l’homme – vorace, lubrique, sournois et fourbe, pleutre mais néanmoins prédateur, nuisible et inutile. L’homme et le rat, ça pourrait être une fable entre deux frères ennemis quoique semblables, l’histoire d’une tentative d’extermination de l’un par l’autre, sans cesse reprise car sans cesse avortée, or jamais l’homme ne se débarrassera du rat, jamais le rat ne viendra à bout de l’homme, tuer l’un revient à tuer l’autre alors voici comment l’un et l’autre se neutralisent, en se regardant mutuellement courir dans des petits labyrinthes sans issue, actionner les manèges de roues inépuisables, se cogner contre des murs et baiser, et baiser frénétiquement. Le rat observe et reproduit fidèlement le comportement humain. Il s’adapte, traverse les siècles, déplace son empire souterrain. Le rat n’hésite devant rien pour asseoir son hégémonie. Il court derrière le pouvoir, le profit, ses appétences sont sans fin, il a les dents longues, longues, toujours plus longues, qu’il lui faut sans cesse limer pour les maintenir à une taille raisonnable, c’est-à-dire qu’il doit tout faire pour dissimuler sa véritable voracité, il doit mordre-manger-ronger, c’est plus fort que lui, pour ne pas qu’on le soupçonne de vouloir mordre-manger-ronger, or tout le monde sait, personne n’est dupe, qu’en aiguisant ainsi ses quatre incisives, c’est son propre appétit qu’il entretient et qu’il décuple. Insatiable est le rat. Il a néanmoins appris à se méfier avec les siècles. À force de voir crever ses congénères, il a su discerner le poison, reculer devant les pièges qu’on lui tend, se faire discret et plonger dans le noir et la puanteur des égouts en attendant son heure. Et attendre, il sait faire tandis que son armée sous terre grandit – une armée aux rangs anarchiques attisant sa propre violence dans l’odeur de pisse, sa soif de revanche et de possession.
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Il n’existe déjà plus lorsque la porte de l’immeuble claque derrière lui. Il ne reviendra pas en arrière, on ne l’arrêtera plus. Sa décision, si c’en est une, si ce n’est pas autre chose, est irrévocable, mûrie de longue date – pensée, anticipée, répétée.
Par lui ou par d’autres.
Cet homme n’a pas de nom, et donc pas d’histoire, nul contexte dans l’immédiat susceptible de l’humaniser un peu, de prêter à son geste la moindre consistance. C’est un anonyme qui s’avance dans la rue, dont les motivations pour l’heure demeurent inconnues, son pas guidé par on ne sait quelle force, quelle part de folie, de conviction, de renoncement, de compulsion, de colère ou de haine, de détresse. On ignore tout de lui et seules resteront les tentatives de reconstruction après-coup, les hypothèses, un remords ou deux, si on avait su, l’indignation, l’hébétude, que renforce le visionnage des images vidéo. Agit-il pour son compte ou est-il simplement programmé, missionné par une force impérieuse à laquelle il ne peut se soustraire ; ou s’il le peut, ce serait paradoxalement dans une servile obéissance, dans l’accomplissement de son funeste dessein. Que reste-t-il encore de lui à ce stade. De l’homme qu’un jour il a dû être. Et que se dit-il, à quoi pense-t-il, alors qu’il fait ses premiers pas dans la rue sous le regard, bientôt, des caméras de surveillance.
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La réalité, la vérité n’a que faire de la vraisemblance, c’est là même, si vous voyez ce que je veux dire, sa propre définition. Car le jour où la vérité s’encombrera du vraisemblable, on pourra alors dire, comme disait l’autre pour justifier ses foutus mensonges, que la vie est songe.
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Une pluie fine et continue orchestre une mélodie monotone en marbre majeur, étouffant au loin les quelques rythmiques au tempo libre et flottant des pieds qu’on traîne dans le gravier. Elle est fidèle à son poste, comme chaque jour à la même heure, arborant à présent un fichu plastique sur son couvre-chef – une cagoule noire, qu’on prend pour le vestige d’un passé incertain, lui recouvre entièrement le visage ; seule une paire de lunettes aux verres étoilés par la pluie (à moins qu’il ne s’agisse d’un accident, qui sait ?) est posée en équilibre sur le bout de son nez. De sorte qu’au fond il pourrait très bien s’agir de quelqu’un d’autre – Rosa, si c’est bien elle, a toujours su se fondre dans la masse ; se faire oublier, elle qui n’oublie pas, voilà sans doute ce qu’elle sait faire de mieux dorénavant. Se dit-on. Malgré les apparences – ses baskets, ses baskets ! -, elle tire toutes les ficelles de l’incognitude.
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– Gendarmerie nationale, vous permettez ? ça ne prendra que quelques minutes. Merci bien – madame… ? Très bien, comme ça se prononce, j’imagine ? (Notez adjudant : ) S-P-O-G-? pardon, S-P-O-E-G-, c’est ça ? E dans l’O, d’accord, G-L-E-R, parfait !… Charmant, chez vous, dites-moi, madame Spœgler. Ça fait longtemps que vous habitez dans le quartier ? Ah, je vois. Bien, laissez-moi me présenter : je suis nouveau dans le coin, je viens d’être nommé, mutation, et on m’a dépêché pour prendre en charge cette affaire du cimetière, comme on l’appelle déjà à ce qu’il paraît, et nous enquêtons dans votre quartier ; vous en avez peut-être entendu parler. La presse, à ce qu’on m’a dit, s’en est fait l’écho ces derniers temps et l’affaire, que je découvre moi-même, un truc assez sordide pour ce que j’en comprends, c’est-à-dire à ce stade pas grand-chose, je vous l’accorde, serait sur toutes les lèvres… Non ? Vraiment ? Bon, sinon, je, euh…, oui, voulais vous demander : n’avez-vous rien remarqué d’étrange ces derniers temps dans le quartier ou aux abords du cimetière ?
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