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Critiques de Stephen Greenblatt (98)
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Will le Magnifique

"Si doux est l'amour que nous avons imploré, plus doux est l'amour qui s'offre de lui-même." (Roméo et Juliette)



William Shakespeare s'est marié à 18 ans, avec Anne Hathaway( elle a 26 ans) en 1582. Il était inhabituel qu'un homme se marie avec une femme plus âgée, à l'époque. Et Anne n'est pas une riche héritière!



Ce poète, ce Barde immortel sait nous parler d'amour, mais a-t-il été heureux en mariage? --"Parlez bas si vous parlez d'amour." (Beaucoup de bruit pour rien)"



Will savait mettre en scène l'impatience du désir:

" Où, quand, comment/ Se firent la rencontre, la cour et les serments

Je vais te le dire en chemin/ mais je te prie

De consentir que ce jour même, nous marie " Roméo au frère Laurence.



Pour quelles raisons, le couple voulait que le mariage fut célébré sans retard?

Anne n'était plus" pucelle", leur fille Susanna naquit 6 mois après le mariage...



Et dans la scène du balcon, ce fut la scène d'amour la plus passionnée entre 2 êtres ( relisez cette splendide partie :) se termine par un... baiser.

"Shakespeare était loin d'être le seul à trouver difficile de dépeindre, voire d'imaginer, une intimité conjugale pleinement accomplie."



"L'amour ne regarde pas avec les yeux mais avec l'âme." (Le Songe d'une nuit d'été)



Mais, si Will nous charme avec un Roméo impatient de convoler, il donnera vie aussi à une kyrielle d'époux malheureux ou traînant des pieds... contraints d épouser la femme qu'ils ont séduite.":

Armado, hâbleur et bravache, qui a séduit une paysanne. "Peines d'amour perdues." Ou Othello, malheureux car consumé par la jalousie... Sans parler de "La mégère apprivoisée"...



Will vécut à Londres, alors qu'Anne et ses enfants étaient à Stratford. de plus, Anne ne savait pas...lire!

"Doutez que les étoiles ne soient de flamme, Doutez que le soleil n'accomplisse son tour, Doutez que la vérité soit menteuse infâme, Mais ne doutez jamais de mon amour." (Hamlet)



"Shakespeare in Love?" mais de qui ?

Viola / Gwyneth Paltrow de "La nuit des rois" :)

L'auteur nous conte l'histoire de Will le magnifique, celle de Londres et des comédiens de l'époque et de.. l'influence de Marlowe sur Shakespeare!
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Quattrocento

Phénomène littéraire outre-Atlantique, ce mystérieux Quattrocento m'intriguait depuis quelque temps. Merci à Babelio et aux éditions Flammarion d'avoir satisfait ma curiosité.



En l'absence de mention sur la couverture, dans quelle catégorie classer ce livre ? Le titre et l'auteur américain évoquent le Da Vinci Code, l'illustration Le cercle de la Croix, et le sujet littéraire Le nom de la rose. J'en frétille d'avance !

En y regardant de plus près, la quatrième de couverture et le premier chapitre annoncent une biographie : celle de Poggio Bracciolini, un Florentin humaniste et bibliophile. Jusque là, ça va, j'adore les biographies.

Or bien vite, la biographie cède le pas à un essai historico-philosophique brassant les époques et d'innombrables citations. Renseignements pris, l'ouvrage original intitulé "The Swerve (la déviation) : How the world became modern" a reçu le prix Pulitzer dans la catégorie "non-fiction". Je peux dire adieu au roman historique palpitant tant attendu...



En 1417, le Pogge a perdu sa charge de secrétaire auprès du pape déchu Jean XXIII et parcours l'Europe à la recherche de manuscrits antiques. Ses pérégrinations l'amènent dans un monastère allemand, où il déniche une copie du poème de Lucrèce écrit au premier siècle avant Jésus Christ : De rerum natura (De la nature des choses). En affirmant, dans la lignée d'Epicure, que la matière est faite d'atomes, de vide et rien d'autre, Lucrèce oppose la mort physique à l'immortalité de l'âme et substitue la quête du plaisir à la crainte de Dieu. Une vision du monde si différente des dogmes médiévaux qu'elle va bouleverser l'ordre établi et ouvrir la voie à la Renaissance.



Les quarante pages de notes à la fin de Quattrocento prouvent le sérieux des recherches de Stephen Greenblatt, professeur de littérature anglaise et spécialiste de Shakespeare. Néanmoins, je trouve que la manière dont il fait étalage de son savoir, sous forme de fréquentes digressions dans la biographie du Pogge, avec des sauts dans le temps allant de l'Antiquité au XXe siècle, manque de structure et de fluidité – la traduction n'aidant guère en cela. Il décrit par exemple le travail des moines copistes du Moyen Âge, ce qu'est un scriptorium, un papyrus, un parchemin ou un palimpseste, la découverte d'Herculanum sous la lave du Vésuve, la philosophie d'Epicure, les dangereuses théories de Giordano Bruno et de Galilée... Si de telles connaissances paraissent sensationnelles au lectorat américain, elles ne sont que des rappels pour un Européen doté d'un honnête bagage culturel. Le chapitre que j'ai préféré est l'analyse du De natura (page 201 et suivantes), bien que la forme du commentaire demeure scolaire. Quant à la vie du Pogge, bien platement évoquée, elle m'a laissée de marbre.



Bref, j'ai lu Quattrocento avec un intérêt poli mais sans plaisir. Quel dommage pour un ouvrage qui place l'épicurisme au cœur de son propos...
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Quattrocento

C’est au fin fond d’un monastère, sans doute l’abbaye de Fulda, réputée comme celle de Saint Gall pour abriter de nombreux manuscrits, que dormait le « De rerum natura » de Lucrèce attendant que le chasseur de livres florentin Gian Francesco Poggio Bracciolini, dit en français Le Pogge, qui a compris immédiatement toute son importance, le sorte de l’oubli en 1417.

Alors âgé de 40 ans, cet érudit passionné par l’Antiquité, était renommé pour la belle lisibilité de son écriture et la rapidité exceptionnelle de ses copies.

En cette année 1417 Le Pogge perd sa charge de secrétaire du pape Jean XXIII déposé lors du concile de Constance :

« Soixante dix chefs d’accusation lui furent officiellement notifiés. Craignant leurs effets sur l’opinion publique, le concile décida de supprimer les seize chefs d ‘accusation les plus scandaleux, qui ne furent jamais révélés, ne retenant que la simonie, la sodomie, le viol, l’inceste, la torture et le meurtre. » p 189 Que devaient être les autres !!!!!



« Le Pogge, secrétaire apostolique cynique au service d’un pape notoirement corrompu, était considéré par ses amis comme un héros de la culture, un guérisseur qui réparait et ramenait à la vie le corps démembré et mutilé de l’Antiquité.

C’est ainsi qu’en janvier 1417 nous le retrouvons dans une bibliothèque monastique, probablement à Fulda. Là, il prit sur une étagère un long poème dont l’auteur devait être mentionné par Quintilien ou dans la chronique de saint Jérôme : T.LUCRETI CARI DE RERUM NATURA. » p 200



Il faut souligner qu’il ne tardera pas à retrouver sa place de secrétaire à la Curie et cela pour de nombreuses années car il sait manoeuvrer pour y rester malgré ses écrits parfois aussi subversifs pour la papauté que ceux de Lucrèce.



Comment ce livre connu depuis l’antiquité et sorti de l’ombre au XVe siècle va-t-il être à l’origine de la Renaissance c’est ce que nous démontre l’auteur de « Quattrocento ».



Tout en nous retraçant l’histoire du « De rerum natura » de Lucrèce dont il souligne l’importance et l’influence à Rome auprès d’écrivains comme Cicéron et Virgile, il nous fait remonter jusqu’à l'époque de sa redécouverte et au-delà.

Il nous offre au passage un portrait inoubliable de la curie romaine et de la corruption des papes tout en n’épargnant pas non plus les savants humanistes, dont Le Pogge, qui se disputa en 1452 avec un autre secrétaire du pape l’humaniste Georges de Trébizonde sur la question de savoir qui méritait le plus d’éloges pour diverses traductions de textes antiques :

« Le Pogge traita tout haut son rival de menteur et Georges répondit en lui assenant un coup de poing. Puis le Pogge, soixante douze ans, saisit d’une main la joue et la bouche de Georges, cinquante sept ans, tout en essayant , de l’autre main de lui arracher un oeil… Le Pogge profita de ses relations pour faire renvoyer Trébizonde de la curie. Le premier termina ses jours couvert d’honneurs, le second mourut dans l’anonymat, pauvre et amer. » p 164



Un livre sur les livres et sur un livre en particulier qui m’a passionnée. Il est semblable à un jeu de piste et donne envie de découvrir et savoir. Une chasse aux trésors dont je ressors éblouie par l’érudition de son contenu, jamais pesante et même bien vivante.

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Quattrocento

Intéressante découverte que ce livre dont la lecture m'avait été conseillée par un ami. Cela me permet de découvrir deux personnages, "Lucrèce" auteur antique de l'oeuvre "De la nature" et le "Pogge", érudit humaniste, qui au 15ème siècle redécouvre le document dans un monastère allemand.

Cette lecture nous entraîne à l'époque où les papyrus étaient les supports aux textes, puis les parchemins qui recevaient le travail patient et méticuleux des moines copistes, les papiers aussi et les premiers travaux d'imprimerie inventés par Gutenberg.

Le livre évoque un long et patient voyage dans le temps et dans l'espace et aussi un combat entre religion et humanisme, inquisition et épicurisme, atomisme et foi religieuse, athéisme aussi, condamnations, bûchers... Le Pogge a-t-il mesuré toute la portée de sa découverte? à une époque où la chasse était faite à l'hérétique et où le manuscrit de Lucrèce mettait à jour des idées dangereuses et condamnables pour et par l'Eglise?

Le texte ne va pas laisser indifférent les intellectuels, écrivains, philosophes ou scientifiques qui prendront connaissances des idées de Lucrèce, grâce à la découverte du Pogge et à la mise en circulation du document. Il sera lu et annoté par Montaigne, traduit par Molière, il influencera Machiavel... mais aussi Jefferson... et bien d'autres...

J'ai apprécié cette lecture, trouvant seulement un peu pénible le grand nombre de notes à découvrir en fin d'ouvrage, et aussi, parce que je ne suis pas une scientifique, toutes les références relatives à la physique et à l'atome...
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Will le Magnifique



L’Angleterre de la fin du XVIème siècle est une société procédurière. Beaucoup de documents ont survécu. Concernant Shakespeare, nous avons conservé sa licence de mariage, les certificats de baptême, des documents fiscaux, des factures, la liste de comédiens, des actes notariés (dont son testament). Ses contemporains font de multiples allusions le concernant. Pour autant, des pans entiers de sa vie nous sont méconnus. Aucun brouillon, aucune lettre, pas de journal intime, pas de bibliothèque personnelle ne nous sont parvenus. Nous ne savons pas par exemple quelle est sa vie durant les dix années qui ont précédé son installation à Londres ou encore pourquoi il choisit ensuite de vivre à Londres en laissant sa famille à Stratford. Par contre, il fut célèbre de son vivant, mena une vie très active et acquit une fortune lui permettant de prendre sa retraite à 50 ans à Stratford. Quant à ses œuvres, à l’exception de ses poèmes, elles furent collectées par John Heminges et Henry Condell, qui en 1623 publièrent ce que l’on appelle le Premier Folio. Grâce à eux, des 36 pièces rassemblées, 18 n’avaient jamais été imprimées auparavant (dont Macbeth et La Tempête). Les pièces sont classées par genres (comédies, pièces historiques et tragédies) mais sans date ni ordre dans lequel Shakespeare les a rédigées.



Stephen Greenblatt, spécialiste américain de Shakespeare, nous fait part dans cet essai du résultat de son travail. Il replace l’auteur dans le contexte, nous apprend quelle était la vie en Angleterre à cette époque troublée par de successifs changements officiels de religion d’Etat et par des épidémies de peste. Il explique notamment très bien quelle était la place des comédiens et comment fonctionnait une compagnie théâtrale qui devait chaque jour attirer entre 1500 et 2000 personnes dans un environnement concurrentiel. Shakespeare devait notamment compter sur l’importance de Marlowe. Greenblatt étudie l’œuvre de Shakespeare pour proposer ce qu’a pu être la vie de l’auteur. Il identifie les sources que Shakespeare a volontiers empruntées. Ce travail gigantesque ouvre de nouvelles perspectives à la lecture des œuvres de Shakespeare et interpelle sur l’érudition nécessaire pour en comprendre le sens. L’ouvrage comporte une riche bibliographie.



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Quattrocento

Toujours s’est posée la question : comment est-on passé du Moyen-Age à la Renaissance?

Et si ce passage était lié aux livres ? et plus spécialement à un livre ?

Si l’on fait un retour en arrière vers cette époque il faut se rappeler que l’imprimerie n’est pas encore inventée et que les manuscrits tiennent le haut du pavé. L’art de la copie est difficile, entaché d’erreur, seuls sont copiés les manuscrits qui se vendront bien.

A l’aube du XV ème siècle un homme parcours les routes, les monastères à la recherche de manuscrits anciens, de ceux qui donnent accès aux textes de l’antiquité. Il s’appelle Poggio Bracciolini mais nous le connaitrons plus tard comme Le Pogge.



Qui est-il ? C’est un bibliophile acharné, c’est un laïc qui a mis ses nombreux talents au service des Papes de son temps, et pas un Pape, non il en servira cinq !!

Cet homme qui se fraye un chemin dans l'ambiance délétère de la Rome de la Renaissance, est intelligent, un rien dépravé, tout à fait corrompu, facétieux et grivois, amateur de femmes et de bons mots.

Mais par dessus tout c’est un humaniste qui guette, cherche, déterre les manuscrits latins que les moines copient au fond des monastères sans parfois comprendre ou lire le texte lui même, grâce à lui « surgissait de nouveaux fantômes du passé romain. »



Participant au Concile de Constance en Allemagne, la chance va lui sourire, il va copier un manuscrit le « De rerum natura » de Titus Lucretius Carus que nous connaissons sous le nom de Lucrèce.

Le Pogge « se doutait-il que le livre qu’il remettait en circulation, participerait le moment venu au démantèlement de tous son monde ?

Ce livre va montrer « la façon dont le monde a dévié de sa course pour prendre une nouvelle direction. » il va insuffler de nouvelles façons de penser, il va faire l’effet d’une bombe dans un univers limité et contrôlé par l’Eglise.

Il est question d’atomes, d’infini sans Dieu. La religion y est assimilée à la superstition, l’amour et le plaisir sont liés, le bonheur de vivre en est le centre.

Un livre pour soigner l’angoisse de l’homme, pour magnifier la liberté, pour enseigner une sagesse tragique.

« Un poème alliant un brillant génie philosophique et scientifique à une force poétique peu commune. Une alliance aussi rare à l’époque qu’aujourd’hui. »

Le poème de Lucrèce dont Flaubert plus tard dira « Les Dieux n’étaient plus et le Christ n’étant pas encore, il y a eu de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l’homme seul a été. »



Il va influencer les arts, Boticelli lui doit sa Vénus, Giodarno Bruno y trouvera les thèses qui l’enverront au bûcher, Machiavel lui doit sa réflexion sur le pouvoir. Copernic et Galilée y trouveront de quoi nourrir leur science, Shakespeare le mettra dans ses pièces de théâtre comme Molière, Montaigne en fera son livre de chevet au point de citer Lucrèce plus de cent fois tout au long des ses Essais.



Montaigne laissa des commentaires manuscrits sur son exemplaire que l’on a retrouvé en 1989 « Puisque les mouvements des atomes sont tellement variés, était-il écrit, il n'est pas inconcevable que les atomes se soient un jour assemblés d'une façon, ou que dans l'avenir ils s'assemblent encore de la même façon, donnant naissance à un autre Montaigne ».

Plus près de nous Thomas Jefferson reconnaissait l’action de ce livre en cas de difficulté « Je suis obligé de recourir finalement à mon baume habituel ».

Stephen Greenblatt trace le parcours des livres antiques, les moments où on a pu les considérer comme perdus, ce qui les a sauvés, les manoeuvres de l’Eglise pour mettre Lucrèce sous le boisseau, la résurgence et le poids des textes sur l’évolution de la pensée, des sciences et des arts.

Son tableau de la papauté en ce temps là est tout à fait réussi « Le Pape était une crapule mais une crapule cultivée qui appréciait la compagnie des érudits » et ....sans concession.

Ce livre a obtenu le Prix Pulitzer et c’est bien mérité, un livre prestigieux, passionnant qui se lit comme une enquête policière qui porterait en sous-titre « à la recherche d’un manuscrit »

Stephen Greenblatt est érudit au point de pouvoir disparaitre derrière l’érudition, son livre fait revivre cette période avec fougue, il nous pose les clés de l'antiquité sur un beau coussin de velours.


Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Quattrocento

Les amoureux de livres, des bibliothèques, apprécieront les pérégrinations d'un écrivain, érudit du XVe siècle dénommé communément le Pogge (illustre inconnu de moi avant la lecture de cet ouvrage), écrivain ayant des qualités exceptionnels en calligraphie, pouvant recopier des documents à grande vitesse, qui désirait ardemment retrouver un manuscrit du poète Lucrèce "De la nature des choses" , un grand classique pour les latinistes et de ceux et celles ayant une érudition pour les auteurs classiques (ce qui n'est pas mon cas). Parmi les questions philosophiques traitées dans ce livre: êtes vous épicurien ou pas ?, l'âme est-elle mortelle ? De grands philosophes et auteurs sont abordés tels Epicure, Lucrèce (qui est l'objet principal du livre), Democrite, Bacon, Montaigne, Giordano Bruno, Thomas More et l'utopie. Il y a de quoi rafraîchir ou approfondir sa culture. Un essai qui demande une lecture attentive et mène à de multiples questionnements existentialistes.
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Quattrocento

Traduit de l'anglais ( Etats-Unis) par Cécile Arnaud

Un livre peut changer le monde. Il ne s'agit pas ici d'un livre se rattachant à quelque religion. C'est un poème un long poème, presque un chant écrit. Un livre qui a pour vocation d'apprendre aux hommes : le bonheur de vivre. C'est cette histoire vraie, celle du voyage d'un livre, mais au-delà du livre, c'est l'incroyable voyage de son contenu que Stephen Greenblatt nous permet de découvrir. Celui de sa redécouverte, après plus de mille ans, par Poggio Bracciolini dit Le Pogge au cours de l'hiver 1417. Livre qu'il fit recopié et qui permit que soit propagé à travers le monde la lumière que cet ouvrage contenait. Lumière qui nous est parvenue et qui ne s'éteindra jamais.

Cela faisait déjà un siècle que Pétrarque avait retrouvé des chefs-d'oeuvre oubliés, depuis, la fièvre des livres avaient saisi les érudits, qui devinrent lecteurs, bibliothécaires, copistes, producteurs et conservateurs de livres. Maîtres calligraphes, traducteurs, pétris de grammaire, de rhétorique. L'étude des humanités était amorcée.

Un livre donc en cet hiver 1417.

Un livre écrit autour de l'an 50 avant JC.

Un poème dont la survie relèverait du miracle, mais parler de miracle pour évoquer ces vers serait faire preuve de peu de respect, voir d'idiotie à l'égard de son auteur.

De rerum natura. de la nature des choses.

7 415 vers qui composent six livres. « un poème alliant un brillant génie philosophique et scientifique à une force poétique peu commune » . D'une force et d'un pouvoir incroyable. «  Les poèmes du sublime Lucrèce ne périront que le jour où le monde entier sera détruit ». Voilà la prophétie d'Ovide.

Il est l' oeuvre d'un poète philosophe latin. Lucrèce. Titus Lucretius Carus. Ce livre vous fera découvrir cette histoire bouleversante qui ensemença à travers le monde l'idée prodigieuse qu'il est dans la nature des choses de vivre le bonheur d'être ce que l'on est : libre et vivant. .

Lucrèce, disciple d'Épicure, nous a permis de connaître la pensée de son maître, il l'a développé, et porté à la connaissance des hommes en les nourrissant du miel le plus doux afin que nous puissions nous élever vers notre humanité.

Il n'existe pas d'enfer, pas de paradis, et si des dieux existent ils ont bien d'autres choses à faire que de soucier de nos vies de fourmis. Nous ne sommes pas d'essence divine, nous sommes fait de matière. Âme, esprit, corps nous sommes des poussières d'étoiles. Nous sommes faits de la semence des choses. La mort n'existe pas. Les atomes qui nous composent s'unissent, se meuvent, se dispersent, voyagent, se décomposent, se recomposent. La mort n'existe pas, la matière demeure. le temps et l'espace sont infinis. Nous ne sommes pas le centre de l'univers. le monde n'a pas été crée pour nous. Nous sommes par hasard en vie dans ce monde. D'autres mondes existent. D'autres planètes, d'autres galaxies. Toutes les religions sont des illusions, toutes sont cruelles.

La déviation aléatoire et incessante de la matière est l'origine du libre arbitre.

« Pas de place pour le fanatisme religieux, pas besoin d'abnégation, rien qui justifierai des rêves de pouvoir absolu. Ou de sécurité parfaite, ou qui légitime les guerres de conquête ou la glorification de soi, aucune possibilité de triompher de la nature »

Les écrits de Lutèce ont affronté le temps, les guerres, les cataclysmes, les flammes des fanatiques, la haine des imbéciles, des ignorants, des serviteurs des enfers et de la peur, des affameurs de l'intelligence.

Un livre dormait depuis mille ans et puis un autre jour est venu.

A travers ce livre de Stephen Greenblatt vous traverserez des siècles, vous apprendrez ce que fut Alexandrie, sa bibliothèque, son Muséum, le Sérapéum, sous le règne des Ptolomées, vous apprendrez ce qui causa sa perte, vous comprendrez pourquoi une civilisation peut tomber dans l'oubli, de Cicéron, à Montaigne, de Zenodotte à Sérapis, d'Hypathie à Giordano Bruno, de Thomas Jefferson à Newton… Galilée, Descartes, Harriot, Copernic, de Rome à Florence, de Londres à la Virginie, de Pompéei à Alexandrie...Quel prodigieux voyage.

. Et puis vous croiserez les monstres de l'histoire, les tortionnaires, les brûleurs de chair et de livres, vous apprendrez ce que fut l'officine des mensonges, …

Vous revivrez les temps effroyables « où la vie humaine gisait sur la terre écrasée sous le poids de la religion ».

Et puis comme moi, après la lecture de ce livre passionnant, vous n'aurez qu 'une envie chevillée à l'esprit, à l'âme et au corps : lire Lucrèce et partager son enseignement.



Astrid Shriqui Garain

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Tyrans - Shakespeare raconte le XXIe siècle

La dimension politique du théâtre shakespearien est bien connue. Cet aspect a été remis en lumière ces dernières années à la suite du succès de la série Game of Thrones, dont l'intrigue est en partie inspirée par la rivalité entre les York et les Lancaster qui constitue le coeur de la première tétralogie de Shakespeare : Henry VI 1, 2 et 3, et Richard III.



L'idée d'éclairer le présent - les manifestations historiques, politiques ou diplomatiques - à l'aune des pièces de Shakespeare n'est pas nouvelle, et Stephen Greenblatt marche ici sur les traces de Jan Kott. Son ouvrage "Shakespeare, notre contemporain", qui inspira à Peter Brook nombre de ses mises en scène, fut ainsi rédigé en 1965.



Quelque 50 ans après Jan Kott, Stephen Greenblatt propose donc avec cette étude un prolongement singulier à l'ouvrage qu'il avait déjà consacré à Shakespeare, en 2014.



Il s'agit ici d'un travail plus bref, 180 pages, et plus synthétique. Le sous-titre annonce la thèse de façon explicite : "Shakespeare raconte le XXIè siècle".



La structure est d'une belle efficacité intellectuelle.



-Un premier chapitre est consacré au contexte historique et politique, il éclaire assez bien la période durant laquelle le dramaturge élisabéthain a écrit ses pièces. Cette contextualisation est indispensable pour qui prétend analyser sérieusement les pièces historiques, qui réécrivent l'histoire récente de l'Angleterre à la fin du Moyen-Age mais sont aussi parcourues d'allusions à la période renaissante, au règne de la reine Elisabeth.

-Trois chapitres sont ensuite consacrés à l'analyse et à l'interprétation de la première trilogie, la mise en scène de la Guerre des Deux Roses, la rivalité violente entre les York et les Lancaster, puis entre les York eux-mêmes.

-Viennent ensuite deux chapitres qui approfondissent l'étude des mécanismes de la tyrannie, de sa mise en place. Ils s'intéressent au personnage de Richard comme au rôle de ses complices.

-Les deux chapitres suivants élargissent le propos et étudient les parallèles entre Richard III et Macbeth, pièce écrite près de 15 ans après la première trilogie. Cette partie se penche sur la question de la folie et du pouvoir.

Les deux derniers chapitres se penchent sur la réflexion politique telle que Shakespeare la développe dans les pièces romaines : Jules César et Coriolan. Tout naturellement, elle conduit le critique à interroger le rôle du peuple dans le consentement à la tyrannie.



C'est un beau travail que Stephen Greenblatt offre ici au lecteur, précis, souvent pertinent, toujours abordable même pour le non spécialiste.



Preuve s'il était besoin du génie intemporel de Shakespeare.
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Tyrans - Shakespeare raconte le XXIe siècle

Ce livre, le troisième que je lis de cet auteur américain, s'est révélé assez différent de ce à quoi je m'attendais. J'imaginais que Stephen Greenblatt partirait des dictateurs ou populistes du XXe et début du XXIe siècle pour leur trouver des équivalents dans les pièces de Shakespeare mais il fait plutôt l'inverse et partant de quelques pièces dites "historiques" du dramaturge anglais ainsi que de MacBeth et du Conte d'hiver, il laisse le lecteur faire lui-même le lien avec quelques dirigeants politiques des dernières décennies, et tout particulièrement l'actuel président américain Donald Trump. Parfois d'autres personnages sont évoqués comme Staline ou Pol Pot mais c'est bien le populiste à la mèche orange qui est clairement visé, et Greenblatt ne s'en cache pas dans son avant-propos.



Pourtant aucun propos ou aucune décision de Trump n'est ici rapportée et mise en correspondance avec les paroles ou les actes des Henry, Richard ou autres MacBeth. Et c'est à mon avis une faiblesse du livre qui fonctionne sur la suggestion plus que sur la démonstration. L'ouvrage se rélève être finalement davantage une analyse, certes brillante, du thème du pouvoir et du peuple dans l'oeuvre de Shakespeare qu'une mise en perspective des comportements tyranniques de certains dirigeants contemporains, décédés ou encore en exercice.



Aussi ce livre plaira certainement aux amateurs de Shakespeare friands de critique littéraire (dont je suis) mais laissera sur leur faim ceux qui espéraient que les faits et gestes de nos tyrans adeptes de twitter et des "fake news" y soient davantage scrutés et dénoncés avec la lucidité et la virtuosité du dramaturge de Stratford-upon-Avon.
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Tyrans - Shakespeare raconte le XXIe siècle

Replonger dans Shakespeare est un vrai bonheur. Se faire expliquer sa pensée par l'un des meilleurs spécialistes est encore mieux. Je ne connaissais pas Stephen Greenblatt, en revanche il me semblait bien connaître le théâtre de William Shakespeare, surtout les oeuvres historiques et les tragédies mais j'étais loin, très loin, même si la portée politique transpirait dans ses pièces, d'en faire un parallèle avec notre temps.

L'élection de l'actuel président des Etats Unis est le déclencheur, comme le dit lui même l'auteur, du livre sur ce sujet, notamment le visage des tyrans à notre époque. Greenblatt ne cite jamais le nom du président élu, même s'il écrit que citer des noms ne gêne, absolument plus, ces personnages dans l'exercice de leur tyrannie, bien au contraire,faire le plus de bruit, pour paraphraser Richard III, les conforte dans leur position à utiliser les moyens modernes mis à leur disposition dont, notamment, twitter. N'étant adhérent d'aucun réseau social je suis bien aise de me sentir libre et de considérer que lesdits réseaux sociaux sont un moyen pour occuper les insomniaques tant la nuit que le jour, selon la latitude.

Pour ma part je pense que citer ces chefs d'états ou de gouvernements et autres rois ne serviraient pas à grand chose étant donné que nous disposons suffisamment de moyens modernes, en plus de twitter, pour, tous, être au courant de ce qui se passe chez nos voisins proches ou lointains. Greenblatt ne parle t'il pas d'un journaliste abattu dans une ambassade?

Cette tyrannie dont il est question, existante à toute époque car s'il y a chef petit ou grand, il y a possibilité de domination de l'un, des uns, par l'autre. Certains s'en sont servis contre leur propre peuple, d'autre moins. S'il est cependant une chose que l'on ne remettait pas en question c'est leur pouvoir.

Sur les rois cités (Richard II et III, Henri VI), seul Richard III se voit dépeint pire qu'il n'était en réalité mais ce roi n'est pas, uniquement, qu'un assassin malfaisant sur le passage duquel "les chiens aboient" ni un souverain prêt à échanger son royaume "contre un cheval", il était le dernier Plantagenêt sur lequel un auteur pouvait, allégrement, "taper", la reine Elizabeth étant une Tudor. En revanche il aurait été, fortement déplacé de faire état de la prétendue bâtardise du roi Henri VIII, père d'Elizabeth.

La formidable biographie que Murray Kendall a consacré à Richard III remet les pendules à l'heure.

Pour ce qui me concerne j'ai beaucoup appris avec ce livre, j'en suis d'autant plus reconnaissant à S. Greenblat qu'à Shakespeare pour les bons moments passés à le lire ou à vivre ses pièces.



Je remercie Masse Critique de Babelio de m'avoir choisi pour recevoir ce livre et aux éditions Saint-Simon de me l'avoir fait parvenir.


Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Quattrocento

La version anglaise de cet essai est disponible sous le titre “The Swerve: How the World Became Modern”.



(lu en anglais) Un livre assez curieux avec pour objectif de démontrer combien la redécouverte d'une copie du de rerum natura (De la nature) de Lucrèce en 1417 par Poggio Bracciolini (Le Pogge), alors calligraphe à Rome dans l'abbaye de Fulda près de Cassel en Allemagne, se révèlera d'une grande importance pour l'histoire et la Renaissance.



Un livre curieux car le moyen-âge y est dépeint comme une période très sombre, peuplée de moine copistes ignares. Je croyais au contraire que si cette période fut tourmentée, elle n'en fut pas moins une période de création d'arts qui porta malgré tout les fondements de la renaissance par bien des aspects (la redécouverte de ce livre a dû y contribuer mais pas seulement).



Par ailleurs, si je comprends que l'auteur ait voulu remettre cette découverte dans son contexte pour en démontrer l'importance, mon impression est que le livre aurait put être bien plus concis et tout aussi intéressant.



Au moins ce livre donne envie de lire ou relire de rerum natura de Lucrèce et de se procurer des manuels d'histoire sur cette période ; à ceux qui en cherchent, la collection Histoire de France chez Belin est très bien.
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Will le Magnifique

Un jeune intermittent du spectacle, ambitieux et fauché, qui monte à la capitale pour chercher gloire et fortune, le scénario n'est pas original.

"Je m'voyais déjà, en haut de l'affiche, je m'voyais déjà adulé et riche...", on connait la chanson. Et bien c'est justement ce qui est arrivé à notre héros, et tout ça sans passer à la télé, sans un seul tweet, pas même une photo dans Closer au bras d'une blonde décolorée.

Monsieur Greenblatt, universitaire américain qui peut s'enorgueillir de prestigieux diplômes et du prix Pulitzer, nous fais palpiter comme dans un thriller avec le récit des épisodes de la vie du célèbre dramaturge élisabethain, qu'il appelle familièrement "Will". Une habitude des States, où même les stars vous disent: "appelez-moi Bob" (Redford) ou "Tom" (Cruise).

Là où ça se complique, c'est qu'on ne sait quasiment rien de la vie privée de celui que j'appellerai notre ami Will. On suppute, on conjecture, on imagine, on suppose, on s'accroche au moindre détail ayant traversé les siècles, à des témoignages sujets à caution. Car notre ami Will, vivant en des temps troublés où la moindre opinion personnelle pouvait vous coûter la vie, a pris soin de faire disparaitre toute trace compromettante. Cette prudence lui a évité une mort violente, celle de Christopher Marlowe par exemple.

Mais que nous importent les détails de sa vie domestique? Le profond mystère qui entoure une grande partie de sa vie rend son oeuvre d'autant plus exceptionnelle, unique, brillante, fulgurante, surnaturelle!

Qu'un homme d'origine modeste, provincial, sans appui, sans instruction autre que l'école élémentaire, sans grande expérience, ait pu produire de si grands chefs d'oeuvre, engendrer des personnages devenus des archétypes, tels que ce fou d'Hamlet, l'odieux Iago, les époux criminels de Macbeth, la douce Juliette, cela semble inimaginable.

A tel point qu'une rumeur prétend que ce Shakespeare n'a jamais existé. Ou qu'il n'a rien écrit. Qu'il n'est qu'une légende qui dure depuis des siècles.



A cause de cela, le travail de M. Greenblatt est nécessaire. Il fait descendre le personnage de son piédestal et lui redonne vie en nous décrivant minutieusement le contexte historique, sa violence ordinaire, la dureté de la vie quotidienne, les épidémies de peste, les persécutions religieuses, les exécutions publiques, les complots de cour, les meurtres et le fanatisme.

La Renaissance n'est pas le siècles des Lumières, et si les souverains favorisent les artistes, peintres, musiciens, auteurs, c'est que leur talent va servir la gloire de leur règne. La caste au pouvoir ne les considère que comme des valets ou des saltimbanques, jamais comme des égaux.

Le génie de Shakespeare fut aussi de mettre dans ses pièces toute la cruauté, le cynisme et la mégalomanie des Rois, aussi bien que leur faiblesse et leur déchéance, sans jamais être condamné par les puissants pour ce qu'il dénonçait.

To be or not to be? Faire carrière dans le show-biz au XVIè siècle, une question de vie ou de mort!

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Will le Magnifique

Il nous avait enchanté avec Quattrocento. Il revient avec une étonnante biographie de Shakespeare. Il existe peu de documents sur Shakespeare. Certains historiens ont même mis en doute son existence. Et, pourtant, Greenblatt relève le défi : découvrir le vrai Shakespeare. Comment ? En le traquant dans ses pièces de théâtre et ses sonnets. Car, il y a dans son œuvre des indices cachés sur sa vie et ses idées.

Si Shakespeare peut décrire avec autant de réalité et de poésie à la vie à la campagne, c'est qu'il est originaire du village de Strafford . Les troupes locales, le passage des comédiens ambulants lui font découvrir le théâtre. Son père, un notable, voit sa fortune décliner. Retrouver son identité, restaurer sa position de gentleman sont des thèmes fréquents que l'on retrouve en particulier dans Le Marchand de Venise mais aussi dans Le roi Lear ou La tempête.

L'Angleterre d'Elisabeth 1ère est une Angleterre dangereuse. Les conflits religieux sont intenses. Les persécutions menacent catholiques ou protestants suivant la religion adoptée par le souverain. Shakespeare n'échappe pas aux interrogations religieuses. Son père est à la fois catholique et protestant. Will, quant à lui, ne deviendra ni catholique ni protestant. Prudence ou conviction profonde ? On peut s'interroger.

A 18 ans, il épouse Anne Hathaway, 26 ans. Mariage contraint : elle est enceinte. Son mariage fut-il une réussite ? On peut en douter. Le poète de l'amour en particulier dans son célèbre Roméo et Juliette est aussi celui qui décrit des relations familiales tendues dans Othello ou Le roi Lear. Il ne décrit pas de couple heureux. «  Courtiser, épouser, se repentir « dit-il dans Beaucoup de bruit pour rien.

Il quitte Strafford très vite après son mariage. Il s'installe à Londres où il vit seul. Femme et enfants sont restés à Strafford. Il découvre une ville sale, toujours menacée par les incendies et les épidémies de peste. Echafauds, gibets attirent les badauds qui ricanent devant ces spectacles barbares. Shakespeare débute une brillante carrière, dépasse les dramaturges contemporains comme Marlowe, dirige les Comédiens du Roi, installe sa troupe au nouveau théâtre du Globe. Ses comédies et tragédies attirent noblesse et public populaire. Il renouvelle le genre théâtral. Les genres tragiques, comiques, historiques s'entremêlent. Le quotidien envahit la scène. Il ne cherche pas à expliquer les motifs de l'action des ses personnages. Comme dans la vie, elles sont souvent inconnues. Le dramaturge ne sait pas tout .

A 36 ans, célèbre, riche même s'il mène seul à Londres une vie frugale et discrète, il se retire à Strafford . Pourquoi ? Ses dernières œuvres abordent le thème de la renonciation. Peut être Shakespeare le mystérieux désirait-il tout simplement finir sa vie en simple gentleman auprès de sa fille préférée Suzanna.

La biographie de Greenblatt nous révèle Shakespeare. Mais, c'est aussi une plongée dans l'Angleterre élisabéthaine. Une Angleterre troublée où raffinement et cruauté se côtoient, où noblesse et peuple se mêlent dans des quartiers plus ou moins sordides. C'est surtout dans le monde du théâtre que nous entraîne Greenblatt. Ces théâtres à ciel ouvert permettent au petit peuple d'arpenter la cour alors que les riches sont assis dans des galeries et même sur la scène. Allers et venues, bavardages, interpellations peuvent gêner les comédiens. Mais, les théâtres couverts comme le Globe vont bientôt imposer un autre type de spectacle. Greenblatt excelle à restituer l'atmosphère du théâtre ( écriture et représentations) derrière laquelle se tient le vrai Shakespeare.

Oui, C'est bien Will Le magnifique que nous découvrons dans un livre...magnifique.
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Will le Magnifique

Ce livre est un vrai tour de force. Non seulement il est une mine d'informations sur la vie du grand Will et sur le contexte historique dans lequel sa vie s'est déroulée et où il a écrit ses pièces, mais il est une invitation irrésistible à les (re)lire, il éclaire de nombreux passages d'un jour nouveau et se laisse lire comme un roman.

C'est d'autant plus remarquable que précisément la vie de Shakespeare est relativement peu documentée et a donc donné aux hypothèses les plus diverses. Au sortir de ce livre, on n'a plus beaucoup de doutes sur l'authenticité de l'attribution des tragédies, comédies et autres histoires connues sous le nom de William Shakespeare.

Et on a des aperçus sérieux sur leurs implications sociales, religieuses, politiques, sexuelles, et autres.

Étant donné la rareté des sources, certaines affirmations développées relèvent plus de l'hypothèse que de la certitude, mais cela est toujours clairement indiqué. Bref, ce livre est un must pour tous ceux qui s'intéressent à Shakespeare. Et comment s'intéresser à la littérature sans s'intéresser à Shakespeare?
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Will le Magnifique

Habituellement, après une lecture, j'éprouve le besoin de m'exprimer, que ce soit pour louer ou pour râler, même si de nombreuses critiques sont déjà publiées. Dans le cas du portrait dressé par Stephen Greenblatt sur Will le magnifique, le grand Shakespeare, je trouve que l'essentiel est dit dans l'excellente chronique de marieclaude64, qui résume le livre avec justesse et précision.

J'ajouterai juste quelques prises de conscience inspirées par l'auteur de cet essai :

- "Dans ses œuvres, Shakespeare fait toujours preuve de scepticisme à l'égard des justifications doctrinaires qui expliquent les actions des êtres humains, qu'elles soient d'ordre psychologique ou théologique".

- Le théâtre, à la fin du 16e siècle, en Angleterre en particulier, concerne toutes les couches de la société ; il est aussi apprécié des classes populaires que des intellectuels ou des aristocrates qui se comportent en mécènes et entretiennent les troupes de comédiens.

- la profusion de l'œuvre, la variété du répertoire sous le signe de l'extravagance, n'empêchent pas Shakespeare de mener une vie plutôt prudente et rangée, même si sa biographie est sujette à bien des suppositions, compte tenu de la grande discrétion entretenue sur son intimité.
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Quattrocento

En 1417, un ancien secrétaire d'un pape déchu, Le Pogge, découvre, lors d'un périple à travers l'Europe, un manuscrit de Lucrèce qui avait disparu de la circulation. Grâce à cette re-découverte et à sa diffusion, le monde bascule du Moyen-Age dans la Renaissance...



Comme beaucoup de lecteurs, je me suis laissée avoir par la couverture "davincicodesque" et le titre qui augurait d'un palpitant polar à base de vieux livres maléfiques. Et puis je partais en vacances en Toscane et je me disais que je resterais ainsi dans la thématique. Je me suis donc trompée, comme beaucoup d'autres mais pour autant, je n'ai pas du tout été déçue par ce qui s'est révélé un essai sur la littérature, la philosophie, la Renaissance et l'histoire de ce Quattrocento tourmenté. Je n'ai pas honte de le dire, j'ai appris plein de choses (l'Histoire n'était pas mon fort à l'école) et ce livre, un peu érudit sur les bords, a fait passer tout ça sans indigestion. Quelques jours près l'avoir refermé, j'ai salué le Pogge (enfin, son portrait) dans la Galerie des Offices et vraiment, pour une fois, je suis contente d'avoir fait cette erreur d'avoir acheté un livre d'après sa couverture !
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Will le Magnifique

Shakespeare est toujours là quelque part autour de moi, parfois plus près, parfois plus loin. Il s'était éloigné, puis revenu avec quelques relectures récentes. Et grâce à ce livre, il revient de plain pied, dans mon quotidien, ma vie, ma nécessité.

Dans Will le magnifique, Stephen Greenblatt entreprend de croiser les circonstances, les événements, les possibilités du lieu et du moment, à Stratford et Londres entre 1580 et 1616, et les poussées créatrices de Shakespeare. Ni lettre, ni témoignage de ce que fut sa vie prviée pour comprendre ce qui amena Shakespeare de Stratford à Londres pour devenir le plus grand écrivain de théâtre de tous les temps. Alors Greenblatt reprend les événements de l'époque : la Réforme, le règne d'Elisabeth, les grands procès ; il retrouve les connexions possibles avec Shakespeare et ses proches, et pose ainsi les fondations de son oeuvre. La vie amoureuse de Shakespeare est inconnue, si ce n'est son mariage avec Anne, qu'il délaisse rapidement pour aller à Londres. Les engagements religieux, plutôt catholiques de sa famille s'inscrivent aussi en toile de fond - partie très intéressante. Greenblatt formule des hypothèses, comprises comme telles, il conjecture, imagine, reconstruit. Ce livre est passionnant pour ce qu'il construit autour de l'oeuvre de Shakespeare. Certaines conclusions sont hasardeuses peut-être. Soit. Le livre propose aussi une autre lecture des oeuvres, une lecture plus personnelle, intime, mais où le lecteur peut encore tout imaginer.

Me voilà donc pressé de (re)lire les Sonnets, Venus et Adonis, La nuit des rois, Le marchand de Venise, Henry IV, Othello, Romeo et Juliette, Macbeth, King Lear, Le conte d'hiver, La tempête.
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Quattrocento

La Renaissance...Mot magique à mes oreilles pour une période de l'histoire tellement riche, tellement porteuse de grands noms, de chef d’œuvres, d'élan intellectuel et culturel concentrés dans un laps de temps et un territoire somme toute si ténus...Partant du concept que la Renaissance serait née d'un livre perdu, dont on ne connaîtrait que quelques fragments épars, recopiés par des moines, retrouvé par un humaniste complètement passionné par les manuscrits anciens. Ainsi commence l'histoire de Poggio Bracciolini, dit Le Pogge, qui eut le bonheur de découvrir une copie du "De Rerum Natura" de Lucrèce, poète et philosophe latin ayant vécu au premier siècle avant notre ère, livre que le monde intellectuel croyait perdu à jamais.



J'adore les histoires de quête d'un manuscrit perdu, qu'elles soient vraies ou fictives. Alors quand en plus cela se passe pendant la Renaissance, une période que je trouve fascinante, je fonce tête baissée...et je me régale!!!
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Quattrocento

Ah qu'il est bon de lire Quattrocento de Greenblatt dans la foulée de la formule de Dieu (*) de Dos Santos ! Ici, pas d'artifices inutiles qui pourraient égarer le lecteur. Le sauvetage des trésors de l'antiquité par un petit groupe d'intellectuels du 14éme siècle se marie bien avec un style classique.



Que cela fait du bien ce rappel indispensable d'Epicure et de Lucrèce : L'homme n'est pas le centre de l'univers ! Il en est encore moins la finalité !

Le soleil n'a jamais tourné, ne tourne pas et ne tournera jamais autour de la terre nonobstant les autodafés, l'Inquisition et les obscurantismes religieux (toujours d'actualité).



Profiter de la vie, rechercher le bonheur simple dans les bienfaits de la nature et préserver sa liberté d'une avidité mal contenue. Ne faut-il pas le répéter encore et encore. Et puis mourir "nonchalamment" car nul regret de ces choses ne pèsera sur toi.



Merci le Pogge et ses amis(?) d'avoir ramené à la lumière le de rerum natura et Lucrèce cachés dans le coin sombre d'une bibliothèque.



Dans leur lignée j'aimerais donner un éclairage sur certains livres et auteurs qui méritent et semblent relativement oubliés :

Le producteur de bonheur. Vladimir Minac. (*)

Les Folies-Belgères. Jean-Pierre Verheggen (*)

La Rumeur. Hugo Claus

L'or. Blaise Cendrars (*)

Le Bouclage. Vladimir Volkoff

Dis-lui que je l'attends. Takuji Ichikawa (*)



(*) cf critiques précédentes

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