Tessa Dare

— Sans parler du problème du vieillissement.

— Le problème du vieillissement ?

Il avait trente-quatre ans. D'après ses estimations, il restait encore à son pénis au moins trois décennies de bons et loyaux services.

— Je crois savoir que cet endroit regorge de demoiselles bonnes à marier.

Elle désigna une pension au-dessus de laquelle était suspendue une enseigne indiquant : Queen's Ruby.

Griff contempla les volets verts et les jardinières remplies de géraniums. Plutôt se baigner dans une eau infestée de requins.

Il se retourna et partit dans la direction opposée.

Thorne avait entendu dire que la consanguinité chez les nobles était responsable d'imbécillité et de mauvaise dentition. Cette famille semblait avoir contracté une logorrhée verbale, et ne racontait que des sornettes.

— Avec les années, je ressemble de plus en plus à un marmouset, renchérit débonnairement la tante en question.

— Absolument, ma chère tante, lui dit Harry, pince-sans-rire. Je m'en plaignais justement l'autre jour, si je dois passer mon temps à grimper vous chercher dans les arbres…

— Tss. Je voulais dire que je suis petite, fringante et tout simplement adorable.

Il cligna les yeux et, aussitôt, elle se sentit mal à l'aise. C'était stupéfiant, ce qu'un simple mouvement de paupières pouvait faire.

— Oh, non ! s'exclama-t-elle, horrifiée.

Colin releva la tête tandis qu'elle feuilletait les pages.

— Oh, mon Dieu ! Je n'ai pas pu être aussi bête.

— Ne vous limitez pas. Vous pouvez être tout ce que vous voulez

Et elle s'attendait sérieusement qu'il la rejoigne ? Lui et toutes ses précieuses extrémités terriblement-sensibles-aux-températures-extrêmes ?

Je peux être bestial, comme vous vous plaisez à me le dire. Fort comme un bœuf, têtu comme une mule…

— Mais plus beau que l'un et l'autre réunis, Dieu merci.

Peu importe si ces nobles sont séduisants ou non. L'essentiel est qu'ils soient nantis. La beauté se ternit. Pas l'or.

Durant les bals, elle avait été cette amazone aux taches de rousseur assise dans son coin, qui aurait rêvé de se fondre dans le papier peint si seulement la couleur de ses cheveux le lui avait permis.

– Avez-vous du mal à respirer ? s’enquit-il. La tête qui tourne ? Vous sentez-vous faible ?
– Un peu, répondit-elle sans mentir.
Qui aurait pu le lui reprocher ? Elle était tombée à l’eau. Et elle était tombée amoureuse. La tête la première, dans un cas comme dans l’autre, sans avertissement.

– ... Si vous aspiriez à des discussions courtoises, vous auriez dû poster vos lettres à un membre du clergé du Hertfodshire. Si vous ne vouliez pas d'un officier écossais, il ne fallait pas rêver de moi.
Quelle diatribe !
– Sotte que je suis, j'ai vu grand.
Il lui adressa un sourire en coin.
– Et vos rêves ont été exaucés.

– Tu as raison. Nous ne serons donc pas amis. Restons-en à "adversaires de toujours à la rancune affectueuse".
Rafe secoua la tête. Quelle que soit la mission spéciale mystérieuse qu’on avait affectée à son frère, c’était un diplomate dans l’âme. Qui d’autre que lui aurait cherché une telle périphrase là où un simple mot suffisait ?
– Si tu veux, dit-il, Ou nous pourrions simplement dire "frères", pour gagner du temps.
– Très bien. Va pour frères.

L’amour a cela d’étrange qu’il s’insinue en vous. Et tant mieux du reste : si les hommes le voyaient arriver, ils prendraient leurs jambes à leur cou.

– Elle vous aimait, vous savez.
Aimait. Etonnant comme cet imparfait avait le pouvoir de transformer un phrase miraculeuse en broyeuse de cœur.

Mais cette maison m’appartient. J’ai attendu trop longtemps d’avoir un endroit à moi pour me sauver à la première… enfin, à la troisième ou quatrième anicroche.

Incroyable. Tu descends à quai deux heures, et tu trouves le moyen d'échanger un marin expérimenté contre une gouvernante.

Elle était si menue, si délicate. Sa chevelure dorée était comme un trésor qui étincelait au soleil. Il savait qu’il ne devait pas la toucher, sous aucun prétexte. Mais, oh… comme il avait faim de ces lèvres douces et roses !

La petite voix familière retentit dans sa tête.

Pas touche, mon gars. Elle n’est pas pour les types comme toi. Lâche-la tout de suite.

Mais, avant qu’il ait eu le temps de la reposer sur ses pieds, elle prit soudain son visage entre ses mains… et l’embrassa sur la bouche.

Écoutez, mes motivations n’ont rien à voir avec la gentillesse, la générosité ou la charité chrétienne. Elles sont purement égoïstes. Seul l’argent m’intéresse. Vous feriez bien de garder ça en tête.

Il allait devoir jouer serré. Cette fille était la candeur même. À l’évidence, elle avait mené une vie protégée. Face à lui, elle se troublait, rougissait. Elle ne voulait pas finir vieille fille, cela sautait aux yeux. Elle devait attendre le Prince Charmant depuis des années.