Dans cette suite à "Requiem pour une République", Thomas Cantaloube continue d’explorer la face obscure des débuts de la Cinquième République.
Ainsi, après les dessous de l’innomée guerre d’Algérie, il dévoile ceux d’une autre guerre encore plus méconnue, celle du Cameroun.
Nous sommes au début des années 1960. Le Cameroun vient d’obtenir son indépendance, mais cela ne satisfait pas l’ensemble de ses citoyens, qui considèrent à raison que le président nommé à la tête de la nouvelle démocratie n’est qu’un pantin du gouvernement français. Par ailleurs, comme beaucoup des dirigeants issus des indépendances, contrôlant l’armée, la police, les caisses de l’Etat, il commence à goûter à ses prérogatives. L’Union des populations du Cameroun (UPC), parti politique fondé en 1948 pour obtenir l’indépendance puis interdit et réprimé en 1955, est entré en clandestinité, et continue la lutte. Cette insurrection est combattue par les militaires camerounais formés et conseillés par l’armée française.
C’est dans ce contexte que nous retrouvons les trois héros avec lesquels nous avons fait connaissance dans Requiem pour une République.
Luc Blanchard, trop humaniste pour rester flic après avoir vécu l’horreur de la répression des manifestants algériens d’octobre 1961, s’est reconverti dans le journalisme. Enquêtant sur La Main rouge, organe officieux chargé des basses œuvres de l’Etat français, il en vient à se pencher sur l’assassinat, survenu deux ans auparavant à Genève, de Felix Moumié, leader de l’UPC. Mais ses recherches piétinent, les responsables politiques qu’il parvient à interroger l’enfument… il décide de partir au Cameroun.
Antoine Carrega, truand corse à qui sa fiabilité et sa débrouillardise ont permis de conserver une certaine indépendance vis-à-vis du Milieu, est devenu Antoine Lucchesi. Installé avec sa belle à Marseille où ils ont monté un bistrot, il assume en complément le transport de cargaisons illégales pour le compte des parrains marseillais qui lui font par ailleurs suffisamment confiance pour lui avoir confié le livre des comptes qui maintient la paix entre les différents clans de la mafia. Aussi, quand il réalise que son cuisinier Alphonse, parti dans son Cameroun natal où l’un de ses proches se meurt, a emporté par inadvertance le fameux livre, dissimulé dans une valise, Antoine doit à son tour s’envoler pour l’Afrique.
Je ne détaillerai pas les circonstances dans lesquelles Luc et Antoine se retrouvent, ni comment ils finissent par tomber sur l’obscur mercenaire Sirius Volkstrom, devenu instructeur dans l’armée camerounaise, et qui constituait le dernier membre du trio suivi dans le précédent roman. Il faut bien avouer que ces retrouvailles sont un peu cousues de fil blanc, mais passons… L’efficacité de l’intrigue, menée tambour battant, fait tourner les pages sans efforts, et le contexte est suffisamment passionnant pour faire oublier certaines grossièretés scénaristiques.
Un contexte par ailleurs atterrant, qui met en évidence le sentiment de supériorité et la cupidité qui président aux relations entre la France et son ex-colonie, où tous les moyens sont bons pour maintenir des restes de grandeur impériale, et continuer à profit des ressources locales sous le fallacieux prétexte d’un accompagnement à l’autonomisation. Sur place, la posture de l’occupant français, teintée de paternalisme et de mépris pour des Camerounais qu’on ne considère que comme des subalternes, voire des sauvages, n’a pas évolué.
Quant à la guerre, innomée, menée contre les résistants de l’UPC, elle n’est pas sans en rappeler une autre, qui lui est contemporaine : utilisation du napalm, éradication de villages entiers (soupçonnés d’avoir servi de refuge aux maquisards), tortures, fosses communes…
Glaçant, mais très instructif.
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