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EAN : 9782072985140
368 pages
Gallimard (11/05/2023)
3.87/5   67 notes
Résumé :
Mai 1967, la Guadeloupe est sous pression. Une manifestation dégénère en une émeute sévèrement réprimée par la préfecture. Dans les jours qui suivent, les rumeurs évoquent des dizaines de morts, et de nombreux Guadeloupéens sont arrêtés et enfermés en métropole, avant d'être jugés pour sédition. Lucille, la compagne du journaliste Luc Blanchard, en fait partie. Pour l'innocenter, Blanchard se lance dans une enquête qui le mène jusqu'aux plus hautes instances du gouv... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (20) Voir plus Ajouter une critique
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Avec cet excellent opus, Thomas Cantaloube clôt sa trilogie consacrée aux arcanes peu ragoûtants de la Vème République époque gaulliste. Après les soubresauts de la guerre d'Algérie ( Requiem pour une République ), puis les débuts du Françafrique et la guerre du Cameroun ( Frakas ), l'auteur explore les dessous sombres de l'après-colonisation en mettant en lumière un épisode guadeloupéen peu connu en métropole.

Après une énième agression raciste, la Guadeloupe explose, de mouvements de grèves en émeutes violemment réprimées. le 26 mai 1967 à Pointe-à-Pitre, les forces de l'ordre ouvrent le feu. Il y a des morts mais il ne faut surtout pas le dire. Tabou absolu. Ce n'est qu'en 2016 qu'une commission indépendante présidé par l'historien Benjamin Stora parle de « massacre ordonné sciemment sur le terrain et approuvé par le gouvernement sous la présidence du général De Gaulle ». le non archivage des événements rend difficile d'établir un bilan fiable. Sans doute près d'une centaine de morts, contre les 7 officiels.

Le fond du roman est passionnant, la forme est tout aussi réussi. Jamais le poids du sujet et de la documentation n'écrasent le romanesque. Thomas Cantaloube a une nouvelle fois trouvé l'équilibre parfait entre Histoire et fiction.

On adore retrouver l'attachant trio fictif Luc Blanchard ( ex-policier, ici journaliste pigiste à France-Antilles ), Antoine Lucchesi ( ex-truand corso-marseillais reconverti en skipper pour riches propriétaires de voiliers ) et l'inénarrable Sirius Volkstrom ( ex-collabo officiant désormais dans l'anticastrisme pour la CIA ) cotoyer de vrais personnages comme le jeune Jacques Chirac, alors secrétaire d'Etat à l'emploi ou Jacques Foccart, le grand manitou du Françafrique.

Le lecteur est complètement immergé dans une intrigue fluide et virevoltante, en empathie pour la quête de justice de Luc dont la compagne fait partie des 19 Guadeloupéens appelés à comparaître devant la Cour de sureté de l'Etat à Paris, accusés d'avoir organisé les émeutes. On suit dans l'urgence son enquête acharnée jusqu'à la capitale et l'arrière-boutiques des ministères pour remonter le fil de ses constatations initiales.

Les genres "polar historique" et "thriller politique" sont idéaux pour pousser à la réflexion, ici en questionnant la pérennité des méthodes brutales pour réprimer des mouvements sociaux, et plus largement la continuité entre ordre colonial et violences policières. On est sidéré devant le portrait d'une Guadeloupe des années 60, qui par bien des aspects n'est pas considéré comme un département français mais plutôt comme une colonie non décolonisée, rongée par le racisme et les inégalités sociales.

«  Ce n'est pas un affrontement entre flics et grévistes qui dégénère, c'est quelque chose qui remonte des tréfonds de notre histoire. Les gens sur la place de la Victoire ont complètement oublié les demandes d'augmentation. Ils se battent maintenant contre l'injustice, contre ce qu'ont subi leurs parents, leurs grands-parents et toutes les générations avant. Les policiers en face, eux, tout ce qu'ils voient, ce sont des Noirs qu'il faut remettre à leur place ! »

On est glacé de découvrir le parcours du préfet Pierre Bolotte ( dans le roman Delbotte ) : d'abord le corps préfectoral sous Vichy, puis l'Indochine et l'Algérie où il systématise des formes militaro-policières de répression, avant d'atterrir en Guadeloupe ... et de devenir en 1969 le premier préfet du tout jeune département de Seine-Saint-Denis où il expérimente la BAC ( brigade anti-criminalité ).

Hâte de découvrir vers quels horizons va se tourner l'auteur maintenant que sa trilogie est terminée.
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A Pointe-à-Pitre, rue Débouchage, on peut voir la grande fresque murale en hommage aux victimes de mai 1967 commémorant les massacres commis cette année-là en Guadeloupe. Sous la République française, des gendarmes ont tué au moins 8 personnes qui manifestaient à la suite de l'agression raciste commise par Vladimir Snarsky, militant de l'UNR, propriétaire d'un magasin à Basse-Terre, qui lâcha son berger allemand sur un vieux cordonnier handicapé en disant: « Dis bonjour au nègre ! »
Grèves, émeutes, l'île s'embrasa, le préfet de l'île fit déployer deux escadrons de gendarmerie. Les historiens estiment aujourd'hui qu'il y eut en fait 87 victimes. Il était temps qu'un romancier se penche sur ces évènements tragiques occultés par l'Etat français et il n'y a rien de tel qu'un roman noir pour aller renifler du côté des poubelles bien nauséabondes de l'Histoire.

Thomas Cantaloube s'est déjà attaqué à la guerre d'Algérie (Requiem pour une République) et à la Françafarique (Frakas). On retrouve dans Mai 67 certains personnages des romans précédemment cités. Même si le roman peut se lire indépendamment, il serait dommage de se priver du plaisir de lire les deux premiers opus, des Série Noire comme on les aime, qui explorent les dessous de cartes, s'intéressent aux barbouzes, aux clivages politiques, aux petites magouilles de la CIA. Et il y a surtout la Guadeloupe, traitée comme un département de seconde catégorie, malgré le prix payé par la population sous l'administration de Vichy, malgré le sang versé par les «  dissidents » partis clandestinement à leur risque et péril pour rejoindre la France libre, et qui en 1967 est en train de se vider via le Bumidom et son exil forcé. En plus d'un bon roman noir aux multiples intrigues, Mai 67 est une piqure de rappel sur un épisode peu glorieux de la République.
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Le roman de Thomas Cantaloube commence par un prologue qui se déroule en mars 67, à Basse-Terre, en Guadeloupe. Un vieil homme fatigué s'installe à la place où habituellement il exerce en toute légalité son métier de cordonnier. Mais pour le faire partir, un commerçant le traite de « sale nègre » et lâche son chien sur lui. Des badauds se groupent, tentent de protéger le vieil homme. Certains jettent des pierres sur la vitrine du commerçant qui continue à insulter tout le monde, y compris les policiers qui s'en sont mêlés. Les troubles vont durer 48 heures et puis tout va se calmer. Mais la colère ne s'atténue pas…
***
On retrouve dans Mai 67 les plusieurs des personnages principaux de Requiem pour une République (les débuts de la Ve République et la guerre d'Algérie), ainsi que de Frakas (les peu glorieux débuts de la Françafrique au Cameroun), les deux précédents romans de Thomas Cantaloube avec lesquels celui-ci forme une trilogie. Luc Blanchard, ancien flic devenu journaliste, et sa compagne guadeloupéenne, Lucille, vivent maintenant dans l'île et ils ont une petite fille. Sirius Volkstrom, alias Pierre l'Herbier, mercenaire, émarge à la CIA pour entraîner des Cubains anticastristes. Antoine Lucchesi, ancien trafiquant de drogue, semble sorti des affaires louches. Il convoie plusieurs fois par an de luxueux bateaux dans différents ports pour de riches propriétaires. Il n'a pas revu Luc, mais ils avaient sympathisé, et comme il se rend à la Guadeloupe, ce sera une bonne occasion de se rencontrer.
***
Une fois encore, Thomas Cantaloube, appuie où ça fait mal… Il va s'attarder ici sur les émeutes bien oubliées ou occultées qui ont eu lieu en Guadeloupe, en mai 1967, et sur la sanglante répression menée par la police. Si officiellement on parle de huit morts, on sait aujourd'hui qu'il y en a eu beaucoup plus. On ne peut que faire le parallèle avec le 17 octobre 1961 relaté dans Requiem… Thomas Cantaloube mêle très habilement, je trouve, une réalité historique et les interventions de personnages de fiction. La position de journaliste pigiste de Luc l'oblige à une certaine lecture des événements, alors que les accusations portées contre Lucille, qui se retrouve emprisonnée en Métropole, le place au coeur du problème. Les interventions de Volkstrom nous ramènent tout près d'un pouvoir décidément aveugle et prêt à tout pour étouffer les scandales. J'ai un faible pour la scène où Chirac « se la joue » ! La dénonciation du racisme, souvent évident mais parfois aussi insidieux, se révèle particulièrement efficace. Je me demande bien où Thomas Canteloup va nous emmener la prochaine fois, mais je le suivrai sans hésiter !
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Thomas Cantaloube par ses présentations romancées d'événements historiques peu connus jette un autre regard sur la cinquième République, époque gaulliste. Après le traitement de la guerre d'Algérie, entre FLN et OAS et la répression du métro Charonne le 08 février 1962 ordonnée par le préfet de police Maurice Papon dans Requiem pour une République, et les magouilles de la Françafrique version Jacques Foccart dans Frakas, Cantaloube continue d'explorer les arrière-cours du gaullisme et de ses services parallèles en conviant ses personnages favoris en Guadeloupe en 1967.
Revoilà le journaliste Luc Blanchard, installé à Pointe à Pitre en famille avec sa femme Lucile et sa fille, le truand à l'ancienne Antoine Lucchesi, en disponibilité pour cause de convoyage de voilier sur l'Atlantique, et le mercenaire manchot Sirius Volkstrom, qui pour le moment fait dans l'anti-castrisme pour le compte de la CIA.

La décolonisation a suivi son cours mais les habitants des départements d'outre mer continuent de subir un traitement de seconde zone. Les békés contrôlent l'économie, avec la bénédiction du préfet UNR, pendant que les populations antillaises ont du mal à suivre le coût de la vie, voire sont fortement incitées à rejoindre la métropole pour y occuper des emplois non qualifiés en s'entassant dans les HLM de banlieue.

C'est dans ce contexte tendu qu'éclate le 26 mai 1967 une manifestation initiée autour de revendications d'augmentations salariales. Rapidement les esprits s'échauffent, suite à des remarques racistes, et la préfecture ne fait pas dans le détail en envoyant CRS et forces de police. Des détonations sont entendues, des manifestants sont atteints par des tirs, à l'origine douteuse. le pouvoir réprime tout cela, arrête quelques leaders d'un mouvement autonomiste et les transfère vers Paris pour qu'ils soient jugés par la Cour de sûreté de l'État. Parmi les Antillais accusés d'avoir tenté une insurrection, Lucile la compagne de Luc Blanchard.

En croisant les points de vue de chacun de ses trois héros, Cantaloube expose une époque où les morts locaux, et les circonstances de leur décès, ne pèsent pas lourd face à la grande politique. Il faudra une commission d'enquête d'information et de recherche historique présidée par Benjamin Stora pour conclure en 2016 que les dérapages policiers étaient voulus. Il aura fallu deux ans pour l'apprendre, les archives et le bilan officiel des événements ayant disparu.

Le roman est parfaitement réussi dans l'évocation de ce qu'était la situation des DOM à la fin des années soixante, résumée par l'ancien député USDR Claude Estier par « les événements du 26 mai démontrent la supercherie de la légende selon laquelle le général De Gaulle serait le dernier décolonisateur de la République française alors qu'en fait le colonialisme subsiste aux Antilles ».
Mais il pêche un peu au niveau de l'intrigue policière, par manque de dynamisme. La priorité de l'auteur est clairement de montrer des pratiques et une époque, les enchaînements de chapitres suivent ce cheminement, et débordent même du sujet en se concluant avec un autre mois de mai, un an plus tard, avec les négociations entre le pouvoir (représenté par le tout jeune Chirac) et les syndicats.
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Guadeloupe, mai 1967. En lançant son chien sur un pauvre mendiant guadeloupéen, un commerçant blanc met le feu aux poudres et la manifestation spontanée qui suit sera le prélude à une vraie révolte alimentée par une situation économique désastreuse pour les travailleurs.
Mais au-delà des revendications salariales, c'est un profond sentiment d'injustice qui motive les manifestants. Réprimée à balles réelles, l'émeute coute la vie à plusieurs opposants et provoque l'arrestation de dizaines de guadeloupéens dont certains sont emprisonnés en métropole comme Lucille, la compagne noire de l'ex-flic devenu journaliste Luc Blanchard.
De Basse-Terre à Paris, il n'aura de cesse de dénoncer les dérives du gouvernement français.
Archétype du roman noir à la française, cet ouvrage, basé sur des faits bien réels, évoque une sombre page de l'histoire de nos départements d'outre-mer et stigmatise les relents colonialistes de l'époque.
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critiques presse (3)
Bibliobs
11 juillet 2023
Saisissant.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Culturebox
19 juin 2023
"Mai 67" de Thomas Cantaloube, dans la Série Noire de Gallimard, s'inspire des manifestations sévèrement réprimées de mai 67, à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe. Une histoire méconnue des Antilles françaises.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Telerama
15 mai 2023
Qui se souvient du soulèvement, réprimé dans le sang, du département d’outre-mer, en 1967 ? Pour le dernier volume de sa trilogie, le romancier s’est replongé dans un épisode sombre et méconnu de la Ve République.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
 Pourquoi les Blancs possèdent-ils encore la plupart des terres? Pourquoi les préfets, les fonctionnaires, les gendarmes, sont-ils toujours envoyés de la métropole? Pourquoi a-t-il fallu des années avant que nous puissions bénéficier des mêmes avantages , des mêmes droits sociaux que les Bretons ou les Alsaciens? Pourquoi le coût de la vie est-il de 30% supérieur à celui de Paris? Pourquoi lance-on encore des chiens contre un malheureux cordonnier guadeloupéen comme cela se faisait contre les esclaves?
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On l’avait affecté à la couverture de l’actualité internationale et il voyageait à travers la planète et écrivait ce qu’il voulait, sans censure ni autocensure. Ses patrons, comme le gouvernement, jamais très loin dans cet entrelacs incestueux entre presse et pouvoirs publics, acceptaient plus facilement que l’on pointe la paille dans l’œil du voisin étranger que la poutre dans la cornée tricolore.
(p. 349)
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Ce n'est pas un affrontement entre flics et grévistes qui dégénère, c'est quelque chose qui remonte des tréfonds de notre histoire. Les gens sur la place de la Victoire ont complètement oublié les demandes d'augmentation. Ils se battent maintenant contre l'injustice, contre ce qu'ont subi leurs parents, leurs grands-parents et toutes les générations avant. Les policiers en face, eux, tout ce qu'ils voient, ce sont des Noirs qu'il faut remettre à leur place ! 
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e médecin souleva partiellement le premier drap pour dévoiler un visage salement amoché. Une balle l’avait, lui aussi, perforé de part en part, entrant par le front et ressortant juste au-dessus de la nuque.
— Je ne vais pas vous demander de l’examiner à votre tour, mais je vous assure que la blessure qui a causé sa mort est identique à celle du bonhomme que vous avez amené.
— Même tireur ? hasarda Luc qui, choqué par cette découverte, retrouvait des bribes de son instinct d’enquêteur.
— Ce n’est pas à moi de me prononcer, s’exonéra le médecin. Mais je penche pour le même type d’arme et plus ou moins la même position en hauteur.
— Vous êtes en train de m’annoncer que les tirs qui ont atteint ces malheureux ne proviennent pas du sol, c’est-à-dire pas des CRS ni des gendarmes mobiles, et pas avec des armes chargées de balles ordinaires, mais d’un point de vue surélevé avec un fusil de précision ?"
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Les logeurs guadeloupéens de Luc, qui étaient devenus des amis, lui avaient offert une cravate neuve en prévision de l'ouverture du procès. Pour eux, l'inculpation de Lucille et des autres accusés ne représentait pas une humiliation, mais au contraire l'occasion d'exposer un gouvernement qui ne mettait pas ses paroles en pratique, qui proclamait l'égalité de tous ces citoyens, mais qui en traitait certains comme des passagers de troisième classe dans le train de la République. P283
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Vidéo de Thomas Cantaloube
Entretien avec Thomas Cantaloube à l'occasion de la parution de “Frakas” dans la collection Série Noire. Découvrez les 5 mots choisis par l'auteur pour évoquer ce livre.
Découvrez le livre : http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Serie-Noire/Frakas Feuilletez les premières pages : https://bit.ly/306X9hx Retrouvez toutes les critiques de “Frakas” sur Babelio.fr : https://www.babelio.com/livres/Cantaloube-Frakas/1305131
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