Tiziano Scarpa

Je suis un métal incandescent plongé dans l'eau, ma solitude est devenue d'acier. Ils m'ont trempée en m'immergeant dans les bavardages, dans le groupe, dans la vie commune ininterrompue. Je suis l'invincible, la solitaire.
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- Tu joueras ma musique encore longtemps derrière les frises métalliques, mais si quelqu'un te demande en mariage, tu refuseras. Sinon, je ne te laisserai plus jamais te produire en public.
- Que me proposez-vous en échange ?
- En échange, tu auras la musique. Je te donnerai les morceaux les plus enivrants, tu ébranleras les âmes jusque dans leurs tréfonds, là où notre personne se dissout dans quelque chose qui coïncide avec les frissons du cosmos.
- Vous vous exprimez en poète, mais le sens de vos paroles sont durs.
- Quel est le sens de mes paroles ?
- Une vie de prisonnière.
- Je rendrai ton nom célèbre.
- Mon nom ne compte pas.
- Il comptera, si tu joues ce que j'écrirai pour toi.
- Mon nom n'est pas moi. Je ne peux pas troquer mon bonheur contre le bonheur de mon nom. Il n'y a rien dans mon nom.

"Je suis mon mal et mon remède"

Ce n'est pas moi qui donne le tempo, car mon temps ne m'appartient pas.

_"On trouve de grandes consolations dans la routine. Les habitudes servent à bercer les esprits qui n'ont pas d'autre giron où se réchauffer. Le monde présente toujours le même visage, il n'est pas trop douloureux, ne rajoute pas de tourments imprévus, ne manie pas l'aiguillon de désirs inexplicables."

On ne joue vraiment qu'en public, la musique n'existe pas sans une foule d'oreilles pour la soutenir.

Mais personne ne peut entendre la musique secrète qui s'élève dans notre âme. Personne ne peut empêcher qu'elle résonne en nous. Personne ne peut nous la voler.

En ce monde, chacun s'éprend du songe qu'il nourrit.

Che cosa dovrei fare? Che cosa è giusto? Tacere che esiste un'altra possibilità per non rendere più evidente la miseria che ci circonda?

Les mots déclenchent tous des attentes.

Vivre par la musique une heure, en jouant corps et âme, traversées par une rafale, immergées dans l’orchestre en action dont nous sommes des éléments, prises à la fois dans l’exécution et l’écoute de ce déferlement et de ces silences. Vivre en une heure tout ce qui peut arriver à un être humain.

Je me demande ce qui vaut mieux : savoir, mais trop tard, qu’il existe une autre façon de vivre, ou l’ignorer. Nous avons troublé leur paix. Ces deux petits vieux avaient traversé l’existence à l’abri de la promesse qu’apporte la musique, ils mourront plus tristes qu’ils ne l’étaient avant de nous entendre.

Tu l'effleures, la caresses, lui donne des chiquenaudes, la pinces, la palpes. Tu mets les mains sur Venise.

Les bêtes hurlaient de terreur. Il est faux de dire qu'elles ignorent qu'elles vont mourir. Nous humains le leur signifions avant de les tuer, par notre façon de les tuer. Nous voulons qu'elles le sachent, qu'elles partagent notre sort. Nous leur donnons la mort en même temps que la conscience de la mort. On ne saurait rien concevoir de plus cruel. Nous ne supportons pas que des êtres meurent dans l'innocence. Nous n'arrivons pas à porter seuls le poids de la connaissance de notre mort.