Citations de Tiziano Scarpa (54)
Que se passerait-il si le monde était envahi par les sons nés dans l'âme des femmes ?
« Où es-tu en train d'aller ? Jette ton petit plan. Pourquoi veux-tu savoir à tout prix où tu te trouves en ce moment ? [...] 'Se perdre' est le seul endroit où il vaille vraiment la peine d'aller. »
Si nous réussissions à jouer exactement ce que nous pensons, si notre esprit avait une voix installée à la source de nos sons pensés, nous pourrions détruire la terre de ses fondements et édifier de nouvelles montagnes et de nouvelles étoiles. p. 68
Signora Madre, je vous invoque mais vous ne répondez pas. Vous êtes seulement dans ma tête, je regarde mes pensées qui sortent de la pointe de la plume, je les jette hors de ma tête sans jamais réussir à me libérer de Vous. p.20
Il buio è solo un'apparenza, il vero sottofondo è la luce.
J'ai été élevée dans la musique, dès le premier jour on m'a exposée aux choeurs, aux archets, aux cordes, aux vents, aux caisses d'harmonie, mon corps s'est formé autour de cette fibre musicale, de cette colonne vertébrale sonore.
Pourquoi n'y a-t-il pas de compositrices ? Pourquoi les femmes n'écrivent-elles pas de musique ? Pourquoi se contentent-elles de la laisser résonner dans leur âme et les tourmenter, corroder leurs pensées ? Pourquoi ne s'en libèrent-elles pas en la déployant à l'extérieur ? Que se passerait-il si le monde était envahi par les sons nés dans l'âme des femmes ?
Regardez ces pages, noires de musique et de mots: elles ressemblent à mes journées. Ce n'est pas moi qui donne le tempo, car mon temps ne m'appartient pas. Depuis ma naissance, je dois faire ce qu'on me dit et caser ce qui me tient à coeur dans les marges, dans les trous qui restent tant bien que mal.
aujourd’hui sur mon violon, j’ai essayé d’imiter les cris des oiseaux"
Il a écrit quatre poèmes, un par saison, qu’il a fait imprimer et distribuer à l’église avant le concert pour orienter l’écoute du public, le pousser à imaginer par la musique, comme dans un rêve éveillé. C’est un petit malin, un imposteur. Il contamine la pureté de la musique par ses subterfuges de gamin.
« Il semble que des ingénieurs facétieux aient fait sauter la voûte en maçonnerie et de pavés qui recouvre ces courants d'eaux malpropres dans toutes les autres villes du monde, pour forcer les habitants à naviguer sur leurs égouts. »
« Ferme les yeux et lis avec tes doigts la physionomie des statues, les bas-reliefs, les moulures rainurées, les alphabets sculptés sur les plaques à hauteur d'homme. Venise est une main courante ininterrompue en Braille. »
Ces dizaines d' oreilles dans les bancs de l' église nous accompagnaient de leur silence, étaient membres de l'orchestre. Les esprits absorbés dans l' écoute musicale sont les principaux instruments de l' exécution. On ne joue vraiment qu' en public, la musique n' existe pas sans une foule d' oreilles pour la soutenir.
Je respire mécaniquement, je me lève du lit mécaniquement, je joue mécaniquement, je prie mécaniquement, peut-être que je ne fais aucune de ces choses, je ne le sais pas.
Je suis restée troublée à la pensée de savoir comment les hommes qui viennent nous écouter à l'église doivent nous imaginer. Pour me sentir à l'intérieur de moi, pour avoir une idée concrète de mon corps, j'en suis réduite à imaginer que les autres m'imaginent. Je réussis à prendre possession de moi seulement si je pense que quelqu'un d'autre pende à moi. p. 55
Ou bien don Giulio nous voit comme instruments de sa prière. Nous sommes seulement les violons et les voix qui élèvent vers Dieu la supplique de don Giulo. Sont-ils privilégiés, les musiciens, face au Seigneur?
L' Ospitale est un ventre de mort, nous, les filles, nous vivons auprès de femmes stériles, celles qui ont choisi de tenir dans leur ventre la peur de mourir, de la conserver tout entière. Nous, nous ne sommes pas encore nées.
p. 46
Signora Madre, avant cette nuit je ne savais même pas que les mères existaient. J'ai vécu les premières années de ma vie sans votre pensée, sans votre fantôme.
Signora Madre, vous m'apparaissez toujours plus souvent pendant que nous sommes assises à la table du réfectoire, je vois votre silhouette dans la soupe, je me lève et cours vomir dans les toilettes.
Nous sommes toutes vêtues pareillement.
L'uniforme devrait nous rendre indifférenciées, et au contraire il obtient;l'effet inverse, il fait ressortir encore plus les différences entre un visage et l'autre.