Citations de Tonino Benacquista (1242)
Méfie-toi de la sagesse des autres. Rien n'a de sens. Tout se contredit, même les vérités premières. Personne ne peut savoir où tu vas puisque tu ne le sais pas toi-même. Les chemins tortueux que tu vas prendre vont paraître obscurs, ils le sont, mais veille à ce que personne ne t'en détourne.
Je vivais à Budapest quand mon oncle m'a appelé à son chevet. Je ne me doutais pas qu'il voulait mourir dans mes bras. En le voyant se redresser sur son lit et tendre la main vers moi, j'ai compris que je n'avais pas fait le voyage pour rien. L'infirmière nous a laissés seuls, au plus mauvais moment, mais elle avait le métier pour elle. Ca fait bizarre de sentir qu'on est une famille à soi tout seul. J'avais beau être assis là, sur ces draps bleus, mon coeur et mes pensées restaient en apesanteur, quelque part entre Buda et Pest, entre une chambre meublée et une salle de classe. Pourtant, je l'avais toujours bien aimé, le bonhomme, ce pour quoi je me retrouvais là, une main pétrie dans la sienne, à l'heure où on aimerait tant qu'elle vous guide en douceur, quelque part par là-bas.
Il m'avait toujours parlé comme à un adulte, et il n'y a pas de désir de gosse plus fort que celui-là.
(La volière)
Que faire, sinon féliciter Elena et Cesare d'avoir eu une jeunesse ? À tant regretter le passé, à tant craindre le futur, comment pourraient-ils nous faire aimer le présent ?
p. 44
Un homme à lui seul ne peut racheter l’indifférence de tous !
- Je ne parle pas aux cons, ça les instruit.
Les cons, ça ose tout, c’est même à cela qu’on les reconnaît.
La Toussaint est tombée un jeudi et nous sommes tous au bureau, comme si personne n'avait de mort à visiter.
Regardez le travail d'un Jack l'éventreur. Ensuite, avec l'avènement de la technologie, on a inventé le pistolet. Peindre au pistolet apportait quelque chose de nouveau et de terriblement dangereux. Pas étonnant que ça ait plu autant aux Américains.
Et puis quelle immodestie que de se prévaloir de l'ire de Dieu à la première avanie ! Ah si les mortels cessaient un instant de se sentir épiés par le jugement suprême, peut-être atteindraient-ils le moment venu un état de transcendance afin de conjurer eux-mêmes les coups du sort ! Puisque Dieu était si souvent absent, pourquoi ne pas se prendre pour Lui, une heure durant, avant de redevenir un vulnérable humain ?
Vaut mieux entendre ça qu'être manchot.
… ce Grégoire [« diététicien le plus couru de la capitale »], qui redoutait tant de se lier à une femme, non parce qu'elle se prostituait, mais parce qu'elle était grosse, résumait à lui seul une époque décadente où les interdits et les tabous n'étaient plus dictés par la morale mais par les impératifs du profit et la hantise d'un ridicule médiatique.
Pourquoi fallait-il, tant d'année après, qu'il trouve la force de s'enfermer jusqu'à huit heures d'affilée face à une machine à écrire pourrie ? Pour pousser le principe même de la confession à son point le plus cynique ? Pour revivre ses faits d'armes et immortaliser ses titres de gloire ? C'était comme éprouver la nostalgie du péché. Il trempait sa plume dans toute la noirceur de son âme et cette encre-là ne sécherait jamais.
On avait entendu des silences si fervents, si riches ; toute banalité d'usage les aurait ruinés dans l'instant.
— Le vin exalte ce que nous mangeons, c’est une fête. Un ou deux verres de bon vin à table, je n’en demande pas plus à l’existence. C’est notre corps et beaucoup de notre âme.
(Folio, p. 268)
Selon un code de loi babylonien datant du 18e siècle avant J-C, il est dit que, si une femme tente de se défaire de son foetus, elle sera empalée et privée de sépulture.
Si c'est un homme qui le lui fait perdre en la frappant, il n'aura qu'une amende.
(p. 3)
« Il se foutait bien de savoir si les mots qu’il frappait seraient lus un jour, si ses phrases lui survivraient. » (p. 132)
[thérapie de groupe]
" Il n'y a que comme ça [en bâfrant] que je calme la peur... J'ai essayé de boire, vous savez... C'est pas très glorieux, mais c'est plus "propre", plus littéraire... Les gens qui boivent peuvent se raconter des histoires... Pas nous. "
(p. 45)
Comment délivrer à cet inconnu un message inavouable : en vivant sans aimer, il avait peu à peu perdu confiance en l'humain. Puis en lui-même. (p 86)
Un deuxième enfant...Nous sommes en train de parler d'une vraie vie ! Une décision cruciale, des semaines d'espoir, des mois de gestation, des préparatifs incroyables, un investissement moral et psychologique, il faut tout ça pour créer quelqu'un.
Ce quelqu'un a, en moyenne, pour soixante-quinze ans d'espérance de vie. Et cette vie ne sera sans doute qu'une suite de petites étapes rituelles, bonnes et mauvaises. Pas de mystère lourd à porter, pas d'amour fiévreux et désespéré, pas d'héroïsme universel, pas de péripétie rocambolesque, rien que de la vie, tissée jour après jour.
CA, c'est de la création de personnage. Un seul cri de cet enfant sera plus chargé de réel que toute cette bimbeloterie sans queue ni tête sortie de mon imagination.
Page 112 : Al Capone disait toujours : "On obtient plus de choses en étant poli et armé qu'en étant juste poli". Cette simple phrase explique pour moi la persistance d'un phénomène comme la mafia à travers les siècles.