Citations de Tristan Bernard (111)
Il voulait plaire aux gens pour lui même, intégralement et ne réfléchissait pas que son âme véritable était difficile à connaitre et à saisir. N'en changeait-il pas constamment ? Ne choisissait-il pas à l'usage de chaque interlocuteur une face spéciale de lui même qu'il croyait devoir plaire ? Il ne mentait pas mais il avait de sincérités sur mesure ( P163)
Pour un homme intelligent, vous n'êtes pas si bête que ça .
Si un incendie éclatait au musée du Louvre et si vous ne pouviez sauver qu’un seul tableau, lequel emporteriez-vous? Celui qui est le plus près de la sortie.
Je ne retomberai jamais en enfance, j'y suis toujours resté.
Deux heures et demie… Aujourd’hui, à quatre heures précises, ma situation pécuniaire va changer du tout au tout. Mon passif ne diminuera pas, évidemment… Un passif ne diminue jamais… Mais mon actif va s’augmenter de vingt-cinq louis qui ne devront rien à personne… C’est-à-dire qu’ils ne paieront rien à personne… Ça revient au même. Je posséderai en tout cinq cent vingt-huit francs… Je me sens de très bonne humeur… C’est curieux comme l’argent aide à supporter la pauvreté… Ces vingt-cinq louis me sont absolument tombés du ciel… Je ne suis pas de ceux qui s’imaginent qu’ils n’ont qu’à ouvrir la bouche pour que les alouettes y tombent toutes rôties… Non, mais tout de même j’ouvre la bouche de temps en temps… Le ciel peut m’aider d’ailleurs un peu, car je m’aide autant que je puis. Qu’il vente, qu’il pleuve, qu’il grêle, je joue dix heures par jour à la manille… C’est ainsi que j’assure médiocrement ma subsistance, et celle de ma bonne amie… Curieuse histoire que celle de ces vingt-cinq louis… Mais voici quelqu’un…
La scène est à Paris, de nos jours, dans le cabinet de travail de Brisset.
Mobilier très riche.
Fabregant, au bout d'un assez grand bureau placé sur la gauche, dicte des lettres à une dactylographe assise à l'autre bout.
Fabregant.- Allons ! La douzième lettre à l'électeur...douzième lettre...nous gâtons le métier...Et le patron ne m'en aura aucune reconnaissance !
Lucienne.- Il avait l'air préoccupé, le patron....
(lever de rideau de la pièce extraite du n°293 de "La Petite Illustration" parue le 5 mars 1932)
L'homme le plus sincère, quand il annonce une nouvelle, n'hésite pas à inventer des sources, afin de donner à ses informations une apparence de plus forte authenticité.
Il ne s'agit pas seulement de faire ce qu'on doit, il faut faire plus qu'on ne doit: ne pas se borner à exécuter le minimum de ce qu'on a à faire, car ce minimum risquerait de s'abaisser de jour en jour.
- J'aime bien voir les têtes des gens. Est-ce que ce n'est pas pour ça que l'on voyage?
p.59/60
C'est un monstre, mais ce n'est pas un mauvais garçon.
Sans les bavards et surtout sans les bavardes qu'est-ce que deviendrait la police ?
Tout le monde veut s'mettre à faire de la police.
Elle portait par dessus son corset un petit cache corset très blanc ornés de minces rubans de satins bleu. Firmin n'était pas un novice mais il ne possédait sur les dessous de la toilette des dames de notions bien précises.
J'écris parce que je n'ai personne à qui parler.
Je ne retomberai jamais en enfance, j'y suis toujours resté.
La rencontre de sa bien-aimée lui gâta toute sa journée.
Il voulait bien être heureux, mais suivant le programme qu’il s’était arrêté d’avance. Il ne faisait d’ailleurs aucun effort personnel pour que ce programme se réalisât. Il se soumettait au Destin et le priait de s’y conformer. Il attendait de la Providence, à des moments précis, des cadeaux déterminés. Malheureusement, la Providence, pleine de bonne volonté, mais brouillonne, n’exécutait pas fidèlement ses ordres et lui envoyait comme des tuiles des bonheurs qu’il n’avait pas demandés.
Il se figura qu’au moment de la rencontre de Berthe, il parlait tout haut et devait avoir l’air bête. Il fût affolé pendant deux heures, conçut et abandonna les projets les plus téméraires. Il entra dans un bureau de poste, écrivit une lettre qui commençait ainsi : « J’ai dû vous paraître étrange tout-à-l’heure. C’est que je pensais à vous… » Puis il chiffonna cette lettre, la jeta à terre, sortit du bureau de poste, y revint après un bout de réflexion, chercha dans les papiers qui gisaient à terre la lettre qu’il avait chiffonnée et la déchira en cinquante petits morceaux qu’il jeta dans une bouche d’égout. Ce papier, sans nom et sans signature, ne contenait absolument rien de compromettant.
Vers six heures, son malaise se dissipa peu à peu. Il revint chez lui par des rues que le dimanche faisait presque désertes. des dîneurs s’installaient aux terrasses des marchands de vins. On criait au loin le résultat des courses. Au quatrième étage d’une maison neuve, une jeune femme blonde, en peignoir clair, attendait quelqu’un. Berthe Voraud, plus tard, blonde aussi, aussi en peignoir, l’attendrait à sa fenêtre. Il se sentit comme soulevé d’ivresse et d’impatience. Puis il se dit encore : « Pourvu que je n’aie pas été ridicule tout-à-l-heure ! ».
Il faut mettre de l'argent de côté pour en avoir devant soi.
L’argent, qui gonfle ma poche, n’a aucune valeur. Il ne vaut que par son pouvoir d’achat. Or, rien de ce qu’il peut me procurer ne m’intéresse.
… Non, je ne veux pas me dire que cet argent ne me sert à rien. C’est une impression qui m’est trop pénible.
J’avais fait parfois ce rêve d’être un philanthrope, un petit manteau bleu, d’aller dans les faubourgs, de donner un billet de mille à un pauvre diable qu’on allait saisir. Mais maintenant, le bonheur des autres ne me dit plus rien…
Peut-être parce que je n’ai plus en moi de bonheur possible, parce que je n’imagine plus de bonheur.
Il faudrait tout de même gagner beaucoup d’argent, en accumuler, pour le plaisir de voir grossir le tas. Seulement je puis perdre mon petit magot. Et ces billets auxquels je ne tiens pas, il me les faut tout de même. La vie m’est odieuse, mais je ne veux pas la quitter. Je ne me croyais pas capable de tuer quelqu’un. L’événement m’a prouvé le contraire. Mais je suis sûr que, moi, je ne pourrais jamais me tuer.
Je n’agirais pas comme ces criminels imbéciles, ces ingénus qui ne connaissent rien du monde. On les prend pour des malins tant qu’ils sont invisibles. Dès qu’ils ont quelques sous sur eux, ils ne savent plus ce qu’ils font. Ils vont s’amuser, comme des enfants.
C'était désormais pour lui une bonne chercheuse de vérité, qui n'avait pas à sa disposition des moyens d'investigations bizarres ou merveilleux, mais qui se servait admirablement de ses ressources humaines.