Tristan Bernard

L'humanité qui devrait avoir six mille ans d'expérience, retombe en enfance à chaque génération,

Ils échangèrent quelques phrases rapides et qui se répondaient mal. (p.28)

Oui, tout est concept, mais cela n'est vrai qu'une fois vécu.
Oui, il n'y a rien à connaître pour être, mais cependant il faut passer par un cheminement dans lequel un individu cherche, doute, comprend, apprend et tous les verbes qui vont avec cette recherche pour qu'un jour il se rende compte enfin que tout cela n'est peut-être pas très important, puis... plus du tout.
Mais c'est le résultat d'un vécu sans lequel aucune prise de conscience n'aurait été possible.

Sur la scène du théâtre Michel qui est bien le cadre élégant et restreint qui convient à ces comédies délicates, "un perdreau de l'année" a trouvé une interprétation de choix.
Mr Gabriel Signoret, qui sait, en d'autres occasions, prendre les aspects les plus divers avec un talent de composition inégalable, joue ici, si l'on peut dire, sans masque.
Il est, au naturel, le quadragénaire embarrassé de sa propre séduction et il parvient, à force d'intelligence et de finesse, plus encore que par son physique, à rendre le personnage vraisemblable ...
(extrait de "La Petite Illustration" n° 165 paru le 19 juin 1926)

L'humour provient d'un excès de sérieux.

La société ne pense qu'au devoir des éduqués et on s'occupe bien peu de celui des éducateurs.

Ce qu'il y a de terrible dans la démocratie, ce n'est pas qu'elle dorme, c'est qu'elle prétende ne pas dormir.

Etre bête offre cet avantage, et aussi ce danger, que soi-même on ne s'en aperçoit pas.

L'échec légendaire de Zola au bachot a réconforté beaucoup de candidats - qui n'étaient pas Zola.

Le grand soucis des hommes d'affaires français n'est pas de gagner de l'argent, mais d'empêcher les autres d'en gagner.

_ Aime-t-il vraiment le peuple ?
A quoi je fus obligé de répondre: "Il l'aime au moins autant que vous l'aimez... Je préfère son altruisme douteux à votre égoïsme certain."

Que de gens ont raté leur affaire, parce qu'ils ne se sont pas contentés d'être malins, et qu'ils ont voulu faire les malins !

La scène représente un petit intérieur très modeste dans une petite maison de banlieue.
Au lever de rideau, Séraphine est en train de mettre le couvert.
Séraphine.- chantant en mettant le couvert.
- Ah ! nom d'un chien, nom d'un chien, nom d'un chien !
J'attraperai jamais la barrière, ah ! nom d'un chien ! nom d'un chien !
Qu'est-c' qu'on dira du pèr' Julien !
Elle dit encore deux fois ce refrain. Entre Hélène......

Soubigou. - Je vais vous sembler tout à fait saugrenu...Vous ne me connaissez que depuis une heure, où plutôt il y a une heure que je vous ai adressé la parole pour la première fois, car je ne compte pas les quelques mots insignifiants qu'on a pu se dire le jour de l'accident. Je ne les compte pas, mais je me les rappelle bien...
Enfin, je suis un étranger pour vous, mais vous, bien que je ne sache rien de votre vie, que j'ignore même votre nom, vous n'êtes pas du tout une étrangère pour moi !
Il y a douze jours - cela ne semble pas énorme - mais il y a douze jours que je vis avec vous toutes les minutes de ma vie...Vous me direz que cela n'est pas long, tout de même ; eh bien, ça me paraît plus long que toutes les années de ma vie qui ont précédé le jour où je vous ai rencontrée pour la première fois.
J'ajoute encore - cela a trait à la proposition que je veux vous faire - j'ajoute que je suis libre d'agir à ma guise dans l'existence. Mon père est mort, ma maman m'aime beaucoup ; quant aux autres membres de ma famille, ce sont des snobs, dont je me...dont je me moque complètement....
Alors, si je vous demande ce que j'ai à vous demander et que vous acceptiez, ce sera définitif, et, je tiens à vous le demander pour vous montrer combien le sentiment que j'ai pour vous est sérieux.
Si j'ai voulu vous embrasser tout à l'heure, ce n'est pas seulement parce que ça m'aurait fait plaisir, mais c'est aussi parce que je vous aime bien, et parce que je voudrais faire de vous... hé bien, oui !...Ma femme !

« Le paresseux est plus loyal que les autres hommes, il ne fait pas semblant de travailler. »
de Tristan Bernard
Cité par Roland Dorgelès dans Portraits sans retouches

Je me souviendrai toujours de l’heure où le brigadier du magasin d’habillement me délivra ces instruments de torture. J’essayai ce jour-là une quinzaine de pantalons. J’avais les jambes courtes et les hanches larges. Tous les pantalons qui ne m’étranglaient pas le derrière étaient beaucoup trop longs de jambes. Pour n’être pas blessé par les bottes, j’en choisis de très vastes, de sorte que, lorsque je marchais, mon talon quittait la semelle à chaque pas et montait le long des contreforts. Mais ce mouvement ne faisait qu’augmenter sur le pavé des rues la résonance flatteuse des éperons.

L'homme est un éternel enfant qui pendant la partie médiane de sa vie a la puérilité de jouer à l'adulte.

L'idée qu'elle était malheureuse, ou seulement inquiète, lui était intolérable.Il se disait parfois qu'il aurait dû être plus dur pour elle, pour son bien. Mais il ne pouvait pas.Dès qu'elle souffrait il ne voyait pas plus loin que le bout de sa souffrance.Il n'aurait jamais l'énergie de la prendre violemment aux épaules, pour la détourner d'une route dangereuse. Tout ce qu'il pourrait faire, c'était de l'y suivre, et d'écarter d'elle les ronces du chemin.

Comment disparaître sans mourir ?

On n'va pas s'coucher tout d'suite sur son dîner.