On aurait pu titrer aussi "Chronique d’un massacre annoncé" puisque d’entrée de jeu, nous faisons connaissance avec la famille Clutter dont on sait que 4 de ses membres finiront avec une balle dans le corps.
Ceci n’est pas une fiction, mais tiré d’un fait divers bien réel qui a eu lieu en novembre 1959, à Holcomb, Kansas.
Sans mobile apparent, les quatre membres de la famille du fermier Clutter se font tuer. Truman Capote, tombant sur un article traitant de ce crime a décidé de relater cette histoire avec la plus grande précision.
Ce roman est ce qu’on appelle un « True Crime » car ceci est une reconstruction des faits, avant, pendant, après, ainsi que les conséquences qu’eurent ces meurtres sauvages sur les habitants de la petite ville de Holcomb.
Pensez-vous bien, on avait assassiné un homme qui était respecté, une famille qui allait à l’église tous les dimanches et qui, comme tous les habitants de la petite ville, ne fermaient jamais ses portes à clés.
La question que tout le monde se pose, c’est « Pourquoi eux ? » car il n’y a pas de mobile apparent vu que très peu d’argent volé car monsieur Clutter n’utilisait que des chèques pour payer.
L’auteur utilise tous les codes de la fiction mais dans le but de nous décrire un fait réel. La seule partie qui pourrait être fastidieuse à lire pour certains, c’est celle consacrée au procès. Pour moi, pas de soucis.
Sinon, ça se lit tout seul, la boule au fond de la gorge parce qu’on sait qu’on ne doit pas s’attacher aux membres de la famille Clutter, membres qu’on apprécie (surtout Nancy), malgré l’extrême bigoterie du père (ne boit pas, ne fume pas,…). Clutter est un homme de bien, intègre et honnête, mais on ne trinquera jamais avec une bière, nous deux.
La première partie, fort importante, comporte la reconstitution minutieuse de tous les protagonistes à cette affaire, et pas à la n’importe nawak : Capote les a mis en scène grâce aux témoignages qu’il avait recueillis sur eux, additionnés des documents qu’il avait consulté. C’est un portrait d’une certaine Amérique des années 50 qu’il nous offre au travers de tout ces gens.
La seconde partie se compose de l’enquête, qui piétine, des rumeurs, qui enflent comme des ballons de baudruche, des pérégrinations de nos assassins et puis de leur traque.
Le lecteur passera beaucoup de temps avec nos meurtriers, apprenant des choses sur leur passé, leur enfance, leurs parents et verront avec horreur comment de marginaux ils sont devenus des criminels de sang-froid.
La psychologie des personnages est bien décrite, fouillée, profonde. Sans leur trouver des excuses (ils n’en n’ont pas), on « comprend » comment tout ce qu’ils ont vécu a fait d’eux des meurtriers putatifs. Les deux hommes sont sensiblement différent et si Dick est une grande gueule, Perry est plus prudent.
La psychologie de la petite communauté est aussi bien travaillée. Comment cette population sans histoires va basculer ensuite dans la paranoïa pure et simple… Comment ces gens ont-ils géré cette tragédie et les conséquences que cela a eu sur leur comportement.
Ce roman m’a happé. De lent, dans les premières pages, quasi bucolique dans cette description de la vie à la campagne, on se laisserait bien aller à baguenauder si l’auteur ne nous envoyait pas de temps des piqûres de rappel en nous disant que cette famille va mourir.
Du modus operandi des auteurs, vous n’en saurez rien au début, il vous faudra attendre les aveux pour comprendre ce qu’il s’est passé et comment le tout à basculé dans le sang alors que cela aurait pu être empêché.
Ce roman magistral a valu à l’auteur une immense gloire, mais lui a collé une dépression sévère, touché qu’il avait été de sa rencontre avec Perry Smith, l’un des deux assassins. Celui qui, pour moi, avait la psychologie la plus profonde, celui pour qui j’avais ressenti de l’affection, malgré les crimes. Et la pendaison ne résout pas tout…
Un roman qui m’a glacé d’effroi devant tant de sang-froid (ou sang-chaud) pour un quadruple crime qui aurait pu ne jamais avoir lieu.
À quoi ça tient, la vie, parfois… juste à un fil ténu que n’importe qui peut vous sectionner gratuitement.
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