Citations de Valérie Cohen (147)
Un enchevêtrement d'innombrables souvenirs épars. Certains restent gravés en nous à notre insu et nous embarquent dans d'étranges voyages intérieurs. D'autres infusent longtemps, et puis se font la malle, disparaissent à jamais. Dans les deux cas, il reste l'absence. On en fait quoi , de l'absence ?
Les objets nous ressemblent, ils ont plusieurs vies en une. Nous sommes tous recyclés ou en voie de l'être. Franchement, quel intérêt de savoir d'où ils proviennent et quel est leur passé ? Si votre tonton sort d'un grenier ou d'une poubelle, quelle différence? Peu importe hier, seul aujourd'hui compte.
Après son divorce , elle avait connu des hommes , aimé leur corps ou leur esprit , mais jamais les deux à la fois .
Tu m'as appris à rêver , mais c'est douloureux les rêves qui ne prennent jamais vie .Marre d'attendre et d'espérer qu'un jour , peut - être , le goût de l'absence me déserte .
"La vie est injuste, soupire celle-ci avec un sourire taquin.
- Ah bon, pourquoi ?
- Une ville chargée d'histoire est bourrée de charme. Mais pour un femme de notre âge, la langue française n'est pas aussi tendre : elle a de la bouteille ou, pire, elle est ravagé.
- Pas totalement faux", concède Gisèle d'un air pincé.
Pourtant, elle en est consciente, c'est dangereux, un passé. On peut l'envoyer balader, le disséquer, lui claquer la porte au nez, le diluer dans l'alcool ou simplement le tenir à distance. Tentatives hasardeuses. Il chancelle, mais ne s'évanouit jamais. Au pire, il vampirise nos nuits. Au mieux, il éclaire nos jours. Une fois inscrits dans la mémoire, les souvenirs se contorsionnent, traversent notre conscience et s'immiscent, sans y être invités, dans nos rêves, nos silences et nos conversations.
Pourquoi les arbres généalogiques ne comportent-ils pas une case pour les amis de toujours, les amours défuntes et les amants, les personnes qu'on aurait adoré avoir dans sa lignée, les maîtres à penser, les sauveurs ? Les rencontres providentielles. Les complices choisis, peu importe qu'ils soient du premier ou du quinzième degré. Aucune place dans un tronc familial pour les choix du coeur. Les cadeaux de l'existence. Les oubliés de l'arbre.
La vie n'a pas plus de valeur parce que l'on souffre.
Ne te perds pas dans demain. Reviens. Seul aujourd'hui compte, n'est-ce pas?
Afficher son décolleté à un certain âge, c'est pire qu'un maraîcher qui mettrait en rayon des fruits avariés.
« Nos errances ont du sens, croyez-moi. Elles nous font avancer. Et la sagesse est d’avancer sur le chemin. Y a pas pire folie que la marche arrière… Ou peut-être de refuser une bouteille de Youri ! »
« C’est quoi votre problème ? Vous n’êtes plus une crevette et Karen n’est pas un numéro de séduction sur pattes. Combien de temps allez-vous mettre des sparadraps sur le passé, Emma ? Il serait pas temps de désinfecter un peu les plaies, là ? Regardez-vous : on dirait qu’il y a un revenant dans cette pièce mais les seuls fantômes qui existent, c’est vous qui les créer ! «
Julie s’était rassise, les joues plus rosées qu’à l’ordinaire, mise à nu par quelques tirades bien senties. La pudeur pour seul paravent, l’humour et la dérision pour seuls fards.
Les mots comme les hommes, manquent parfois de courage.
Sa mère lui répétait souvent que la vie était une succession de noeuds, que le grand jeu des humains était de les défaire, un à un. Pour ensuite s'en confectionner d'autres, avec la même ardeur mise pour les désentortiller.
En gommant mon plaisir, j'ai oublié la femme en moi. Je l'ai niée, je suis devenue anonyme. Presque invisible.
Et puis, il y a l'Homme. Ses étreintes, son odeur, sa salive, sa langue chaude, sa peau, le goût de son sexe. Celui qui rend un corps joli et fait oublier le temps qui passe. Celui qui prend, s'offre avec talent, ou sait juste recevoir. Celui qui butine, dévore, pénètre, engloutit sa partenaire dans une vague de plaisir et la fait renaître à chaque fois. Celui qui baise ou fait l'amour, fait durer le plaisir ou s'éclipse avant d'en avoir donné. L'homme du désir, le mâle? Celui des adjectifs crus et des caresses libertines. Celui dont il est si difficile de parler. A son sujet, les mots deviennent mièvres ou teintés de laideur, jamais à la bonne température.
Blandine n'était arrivée que depuis quelques heures, mais déjà, par sa seule présence, elle avait anesthésié ses angoisses et son hyperactivité mentale. Cette femme devrait être brevetée Xanax naturel !
Alors qu'il étiquette un nouvel échantillon, le généticien tente de donner un visage à ces milliers de femmes et d'hommes condensés en une pipette transparente. Tant de gens et de vies entremêlées. Des êtres prêts à léguer quelques millilitres de salive pour en avoir plus sur leurs aïeux. Des inconnus disposés à ouvrir leur portefeuille ou à poser sur Facebook pour faire parler leur profil génétique.
« Ces femmes sont comme ce paysage. Immuables et changeantes ; éphémères et pourtant éternelles », se dit-elle avant de serrer sa grand-mère fort contre elle.